Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20010105


Dossier : A-665-00


OTTAWA (ONTARIO), LE 5 JANVIER 2001

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE EVANS

         MME LE JUGE SHARLOW

Entre :

     KOZAK GEZA et autres

     appellants

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     intimé



     Dossier : A-666-00

Entre :

     SANDOR SMAJDA ET AUTRES

     appellants

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     intimé



     ORDONNANCE

     Les appels sont infirmés et la question est renvoyée à la juge des requêtes pour qu'elle examine la possibilité de certifier une question aux termes du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration. Les appelants ont droit à des frais de 1 500 $, payables immédiatement.

                                 B.L. Strayer

                            

                                     Juge



Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.




Date : 20010105


Dossier : A-665-00

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE EVANS

         MME LE JUGE SHARLOW

Entre :

     KOZAK GEZA et autres

     appellants

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     intimé

     Dossier : A-666-00

Entre :

     SANDOR SMAJDA ET AUTRES

     appellants

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     intimé


Affaire traitée par écrit sans comparution des parties

ORDONNANCE rendue à Ottawa (Ontario), le 5 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :      LE JUGE SHARLOW

SOUSCRIVENT À CES MOTIFS :      LE JUGE STRAYER

     LE JUGE EVANS





Date : 20010105


Dossier : A-665-00


CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE EVANS

         MME LE JUGE SHARLOW

Entre :

     KOZAK GEZA et autres

     appellants

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     intimé



     Dossier : A-666-00

Entre :

     SANDOR SMAJDA ET AUTRES

     appellants

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     intimé



                            


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE SHARLOW



[1]      Les appellants sont des demandeurs du statut de réfugié dont les revendications ont été refusées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ils ont déposé des demandes d'autorisation et de contrôle judiciaire, et ont ensuite demandé à ce que ces demandes de contrôle judiciaire soient converties en actions en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7. Ces requêtes ont été refusées le 16 octobre 2000. (Les décisions sont maintenant répertoriées sous Kozak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), [2000] A.C.F. N 1680 (N de dossier IMM-488-99) et Sandor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), [2000] A.C.F. N 1668 (N de dossier IMM-491-99)). Les appelants contestent la décision de la juge des requêtes.

[2]      L'avocat des appelants a demandé à la juge des requêtes de certifier une question en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, de sorte que sa décision sur les requêtes puisse être portée en appel. Le paragraphe 83(1) est rédigé dans les termes suivants :

83(1) Le jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale rendu sur une demande de contrôle judiciaire relative à une décision ou ordonnance rendue, une mesure prise ou toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d'application -- règlements ou règles -- ne peut être porté en appel devant la Cour d'appel fédérale que si la Section de première instance certifie dans son jugement que l'affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.

83. (1) A judgment of the Federal Court -- Trial Division on an application for judicial review with respect to any decision or order made, or any matter arising, under this Act or the rules or regulations thereunder may be appealed to the Federal Court of Appeal only if the Federal Court -- Trial Division has at the time of rendering judgment certified that a serious question of general importance is involved and has stated that question.

[3]      L'avocat de la Couronne a fait valoir que la juge des requêtes n'avait pas compétence pour certifier une question, et elle a souscrit à cet avis. Elle dit ceci (au paragraphe 13 de ses motifs dans la décision IMM-488-99 et au paragraphe 12 de ses motifs dans la décision IMM-491-99) :

     Il me semble que le paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, précitée, portant sur la certification d'une question aux fins d'appel, s'applique à une décision rendue en application de la Loi sur l'immigration, précitée. L'avis de requête en l'espèce est présenté sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale, précitée. Une décision sur le présent avis de requête n'est pas un « jugement » qui entraînerait l'application du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, précitée.

[4]      Les avis d'appel ont été déposés le 25 octobre 2000, sans être étayés d'une question certifiée. L'avocat de la Couronne a écrit à la Cour le 1er novembre 2000 pour faire valoir, en s'appuyant sur l'arrêt Grandison c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2000] A.C.F. N 1377 (QL) (C.A.F.), que la Cour n'a pas compétence pour entendre les appels en l'absence d'une question certifiée. Dans une ordonnance datée du 10 novembre 2000, la Cour a exigé que les appelants expliquent au moyen d'observations écrites la raison pour laquelle les appels ne devraient pas être rejetés pour absence de compétence. Les deux parties ont maintenant soumis leurs observations écrites.

[5]      En général, la décision d'un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale peut faire l'objet d'un appel en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale :


27. (1) Il peut être interjeté appel, devant la Cour d'appel fédérale, des décisions suivantes de la Section de première instance_:

a) jugement définitif;

b) jugement sur une question de droit rendu avant l'instruction;

c) jugement interlocutoire;

d) jugement sur un renvoi d'un office fédéral ou du procureur général du Canada.

27. (1) An appeal lies to the Federal Court of Appeal from any

(a) final judgment,

(b) judgment on a question of law determined before trial,

(c) interlocutory judgment, or

(d) determination on a reference made by a federal board, commission or other tribunal or the Attorney General of Canada,

of the Trial Division.

[6]      Toutefois, ce droit d'appel est limité par le paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, reproduit ci-dessus. Le paragraphe 84(2) de la Loi sur l'immigration, rédigé dans les termes suivants, dissipe tout doute quant à savoir si le paragraphe 83(1) avait pour but de servir de limite :

84(2) Les dispositions des articles 82.1 à 83 de la présente loi l'emportent sur les dispositions incompatibles de la Loi sur la Cour fédérale.

84(2) In the event of an inconsistency between any of the provisions of sections 82.1 to 83 of this Act and any provision of the Federal Court Act, the provisions of this Act prevail to the extent of the inconsistency.



[7]      Il s'ensuit que la Cour fédérale n'a pas compétence pour entendre un appel qui tombe sous le coup du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, à moins que l'appel soit appuyé par une question certifiée par un juge de la Section de première instance.

[8]      On fait valoir pour le compte des appelants que le paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration contrevient à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cet argument a été examiné et rejeté dans l'arrêt Huynh c. Canada, [1996] 2 C.F. 976, (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 199, (1995), 197 N.R. 62, (1995), 134 D.L.R. (4th) 612 (C.A.F.), dont l'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada a été refusée le 24 octobre 1996 (Dossier 25397), qui a été suivi dans l'arrêt Grandison (précité). Je ne vois aucune raison de parvenir à une conclusion différente en l'espèce. Les autres arguments constitutionnels présentés au nom des appelants doivent être rejetés pour la même raison.


[9]      La question est donc de savoir si une décision prise dans le cadre d'une requête fondée sur le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur la Cour fédérale en vue de convertir une demande de contrôle judiciaire en action tombe sous le coup du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration parce que la demande de contrôle judiciaire conteste une décision prise en vertu de la Loi sur l'immigration.


[10]      La présente Cour a examiné à plusieurs reprises la question de savoir si le paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration s'applique aux décisions concernant différentes demandes dans lesquelles on invoque la compétence de la Section de première instance en vertu de la Loi sur la Cour fédérale ou des Règles de la Cour fédérale (1998) ou des règles antérieures. La première de ces décisions se trouve dans une ordonnance rendue le 23 janvier 1995 dans l'arrêt Hong c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (N de dossier A-176-94). Dans cette affaire, un juge de la Section de première instance avait rejeté une requête demandant la prorogation du délai fixé pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire concernant une décision d'un agent des visas prise en vertu de l'article 9 de la Loi sur l'immigration. La compétence pour proroger le délai fixé pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire est conféré par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale. Le requérant a interjeté appel, mais l'appel a été infirmé au motif que la décision qui en faisait l'objet tombait sous le coup du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration (un « jugement [...] rendu sur une demande de contrôle judiciaire relative à une décision [...] rendue [...] dans le cadre de [la Loi sur l'immigration] » .

[11]      De même, dans l'arrêt Ge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 234 N.R. 87 (C.A.F.), la présente Cour a statué que la décision de refuser de surseoir à une mesure d'expulsion en attendant l'issue d'une demande de contrôle judiciaire est accessoire au contrôle judiciaire et par conséquent ne peut faire l'objet d'un appel sans une question certifiée. La compétence de la Section de première instance d'accorder un sursis dans ces circonstances lui est conférée par l'article 18.2 par la Loi sur la Cour fédérale.

[12]      Le même raisonnement a été appliqué dans l'arrêt Balaga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 198 N.R. 315, (1995), 33 Imm. L.R. (2d) 74 (C.A.F.). Une demande de contrôle judiciaire avait été présentée à la Section de première instance concernant une décision du ministre indiquant qu'il n'y avait pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour que le requérant puisse demander le droit d'établissement de l'intérieur du Canada. Un organisme portant le nom de Défense des enfants-international-Canada a sollicité l'autorisation d'intervenir dans la demande de contrôle judiciaire, en invoquant l'une des Règles qui ont précédé la Règle 109. La demande a été rejetée, et un appel de cette décision a été interjeté, mais infirmé au motif qu'il n'y avait pas de question certifiée. De même, dans l'arrêt Su c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. N 1717 (QL) (C.A.F.), un appel interjeté à l'encontre d'une décision de ne pas adjuger les dépens en vertu de la Règle 1618 a été infirmé parce qu'il n'y avait pas de question certifiée.

[13]      Finalement, dans l'arrêt Grandison (précité), la présente Cour a statué qu'une question certifiée devait obligatoirement appuyer un appel interjeté contre un jugement interlocutoire par lequel certains documents avaient été retirés du dossier du requérant et les dépens adjugés. Le juge Strayer dit ceci (au paragraphe 5) :

     Non seulement cette théorie - portant qu'il n'est pas possible d'interjeter appel d'une ordonnance interlocutoire dans une telle procédure si aucune question n'a été certifiée - est clairement étayée par la jurisprudence, mais encore elle semble plus compatible avec le but visé par le paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration. Le but évident des articles 82.1 à 84 de la Loi sur l'immigration actuellement en vigueur consiste à réduire le nombre des demandes de contrôle judiciaire et des appels frivoles à l'encontre de décisions rendues dans des causes semblables. Le paragraphe 83(1) vise, de façon générale, à conférer un caractère définitif à la décision de la Section de première instance, tout en permettant la formation d'un appel sur des questions importantes qui transcendent une cause en particulier. Il est clair que le législateur avait l'intention de permettre à la Cour de trancher, à l'exclusion de toutes autres, les questions qui doivent être réglées pour guider la Section de première instance dans les cas où des divergences auraient autrement subsisté entre les juges de première instance sur une « question grave de portée générale » . Il est clair que cette intention signifie implicitement qu'aucun appel ne peut être interjeté relativement à des questions propres à une instance en particulier, comme les questions de nature procédurale. Il faut donc interpréter la limite établie par le paragraphe 83(1) relativement aux appels d'un « jugement » comme applicable, implicitement, à toutes les ordonnances accessoires à un tel jugement.

[14]      À mon avis, le même raisonnement s'applique à la décision de la juge des requêtes en l'espèce. Je conclus que ces appels doivent être infirmés parce qu'il n'y avait pas de question certifiée.

[15]      Cependant, ceci ne règle pas définitivement l'affaire. La juge des requêtes, ayant conclu à tort que le paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration ne s'appliquait pas, ne s'est pas demandée si les requêtes dont elle était saisie soulevaient une question grave de portée générale. En toute équité pour les appelants, cette question sera renvoyée à la juge des requêtes pour qu'elle examine s'il y a lieu de certifier une question en vertu du paragraphe 83(1). Si une question est certifiée, les appelants auront la liberté d'intenter de nouveaux appels.

[16]      Les appelants demandent que les dépens soient évalués sur la base des frais entre procureur et client. Je note que l'avocat de la Couronne a eu une attitude incohérente dans cette affaire, en faisant valoir devant la juge des requêtes qu'elle n'avait pas compétence pour certifier une question, et en soutenant devant la présente Cour que le paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration s'appliquait à sa décision et qu'il fallait une question certifiée pour que sa décision puisse faire l'objet d'un appel. N'eut été de cette incohérence, la juge des requêtes aurait très bien pu examiner l'opportunité de certifier une question en première instance. Au lieu de cela, les appelants ont été contraints de consacrer du temps et des efforts pour défendre ces appels. J'estime qu'il est approprié d'accorder les dépens aux appelants en vertu de la Règle 22 des Règles de la cour fédérale en matière d'immigration, 1993, pour un montant que je fixe à 1 500 $.

                                 Karen R. Sharlow

                            

                                     Juge

« Je souscris à ces motifs,

     B.L. Strayer, juge »

« Je souscris à ces motifs,

     J.M Evans, juge »


Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL. L., trad. a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIERS :                  A-665-00 et A-666-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :     

                     KOZAK GEZA et autres

                         et

                     M.C.I.

                     SANDOR SMAJDA ET AUTRES

                         et

                     M.C.I.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR          LE JUGE SHARLOW

SOUSCRIVENT À CES MOTIFS :          LE JUGE STRAYER

                             LE JUGE EVANS


DATE :                          LE 5 JANVIER 2001


OBSERVATIONS ÉCRITES DÉPOSÉES PAR :     
Rocco Galati                          POUR LES APPELANTS
James Brender                      POUR L'INTIMÉ


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Galati, Rodrigues et Associés

Toronto (Ontario)                      POUR LES APPELANTS

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada              POUR L'INTIMÉ

Ottawa (Ontario)

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