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Date : 20000720


Dossier : A-99-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 20 JUILLET 2000


CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE EVANS

         LE JUGE SHARLOW


ENTRE :


ITT INDUSTRIES OF CANADA LTD.


appelante


et


SA MAJESTÉ LA REINE


intimée




JUGEMENT


     L'appel est rejeté avec dépens.




« Gilles Létourneau »

J.C.A.


Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.




Date : 20000720


Dossier : A-99-99

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE EVANS

         LE JUGE SHARLOW


ENTRE :


ITT INDUSTRIES OF CANADA LTD.


appelante



- et -





SA MAJESTÉ LA REINE


intimée






Audience tenue à Toronto (Ontario), le jeudi 29 juin 2000.


Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le jeudi 20 juillet 2000.





MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

Y A SOUSCRIT :

MOTIFS CONCORDANTS PAR :





LE JUGE SHARLOW

LE JUGE EVANS

LE JUGE LÉTOURNEAU



Date : 20000720


Dossier : A-99-99

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE EVANS

         LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

ITT INDUSTRIES OF CANADA LTD.

appelante


et


SA MAJESTÉ LA REINE

intimée




MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SHARLOW

[1]      Dans le présent appel, la question à trancher est de savoir si le permis d'exploitation d'une ferme forestière émis par la Colombie-Britannique et vendu par l'appelante en 1980 constituait un « avoir forestier » au sens de l'alinéa 13(21)d.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, ch. 63), mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 26, paragraphe 6(7). Si le permis d'exploitation d'une ferme forestière constitue un avoir forestier, le gain que l'appelante a tiré de sa vente est exclu de la définition de « gain en capital » et sera imposé comme un revenu.

[2]      Un permis d'exploitation d'une ferme forestière est une convention dans laquelle la province de la Colombie-Britannique octroie certains droits de coupe de bois dans une région donnée, sous réserve d'un certain nombre de conditions, comme celles relatives aux pratiques de foresterie acceptables. Le permis d'exploitation d'une ferme forestière que l'appelante a vendu en 1980 était appelé [traduction] « PEFF 6 » . Étant donné qu'il a été émis en remplacement d'un autre permis d'exploitation d'une ferme forestière qui était désigné de manière identique, je ferai référence au permis en l'espèce comme étant le « PEFF 6 de remplacement » .

[3]      Le PEFF 6 de remplacement a en fait remplacé un permis de gestion forestière que l'appelante avait acquis d'une autre partie en 1961. Ce permis avait été délivré en 1950, sous le régime de la Forest Act en vigueur à cette époque (la Forest Act, R.S.B.C. 1936, ch. 102, modifiée en 1948). Le permis de gestion forestière était une convention entre la province de la Colombie-Britannique et le titulaire, et une de ces modalités prévoyait :

     [traduction]
     Sous réserve du respect par le titulaire des dispositions de la Forest Act et des règlements y afférents, des modalités de la présente convention et des plans d'aménagement de la gestion, le permis est à perpétuité. La présente convention est assujettie à tous les égards à la Forest Act.

[4]      En raison des modifications apportées à la Forest Act en 1958, les permis de gestion forestière sont devenus des permis d'exploitation d'une ferme forestière. Le permis de gestion forestière de l'appelante a reçu la désignation « PEFF 6 » .

[5]      Les modifications apportées en 1958 à la Forest Act prévoyaient aussi qu'un permis d'exploitation d'une ferme forestière délivré après le 19 mars 1958 l'était pour une période de 21 ans et comprenait une clause de renouvellement qui donnait le droit au titulaire d'obtenir un nouveau permis à l'expiration de la période. Cette modification n'a pas eu d'incidence sur le PEFF 6, étant donné qu'il avait été accordé avant le 19 mars 1958.

[6]      En 1978, la Forest Act a été abrogée et remplacée par une nouvelle loi du même nom. La nouvelle Forest Act prévoyait l'expiration des permis d'exploitation d'une ferme forestière qui avaient été accordés à perpétuité. Ces modifications entraînaient l'expiration du PEFF 6 le 31 décembre 1979, mais donnaient à l'appelante le droit d'obtenir, sur demande, un permis d'exploitation d'une ferme forestière de remplacement pour le même secteur et pour une période de 25 ans.

[7]      L'appelante a présenté cette demande le ou vers le 28 mai 1979 et la province lui a délivré le permis de remplacement le 1er janvier 1980. Plus tard cette année-là, l'appelante a vendu ce permis, soit le PEFF 6 de remplacement, et c'est cette vente qui a entraîné le gain qui fait l'objet du présent appel.

[8]      Le PEFF 6 et le PEFF 6 de remplacement étaient des permis de coupe de bois. Aux fins de l'impôt sur le revenu, ils faisaient partie de la catégorie des biens appelés « concessions forestières » et étaient donc, par définition, des biens en immobilisation.

[9]      De façon générale, un gain résultant de la disposition d'un bien en immobilisation est imposé à un taux moindre qu'un gain résultant de la disposition d'autres genres de biens. Pour certains droits de coupe de bois, cela a changé en 1975 quand le législateur a modifié la Loi de l'impôt sur le revenu pour créer une nouvelle catégorie de droits de coupe de bois, l' « avoir forestier » .

[10]      Au même moment, la définition de « gain en capital » a été modifiée pour exclure les gains provenant de la disposition d'un avoir forestier. En raison de cette modification, un gain provenant de la disposition d'un avoir forestier est imposé au taux qui s'applique au revenu ordinaire.

[11]      La définition d' « avoir forestier » est rédigée de la façon suivante :

"timber resource property" of a taxpayer means

(i) a right or licence to cut or remove timber from a limit or area in Canada (in this paragraph referred to as an "original right") if

     (A)      that original right was acquired by the taxpayer (other than in the manner referred to in subparagraph (ii)) after May 6, 1974, and
     (B)      at the time of the acquisition of the original right
         (I)      the taxpayer may reasonably be regarded as having acquired, directly or indirectly, the right to extend or renew that original right or to acquire another such right or licence in substitution therefor, or


         (II)      in the ordinary course of events, the taxpayer may reasonably expect to be able to extend or renew that original right or to acquire another such right or licence in substitution therefor, or


(ii)      any right or licence owned by the taxpayer to cut or remove timber from a limit or area in Canada if that right or licence may reasonably be regarded

     (A)      as an extension or renewal of or as one of a series of extensions or renewals of an original right of the taxpayer, or


     (B)      as having been acquired in substitution for or as one of a series of substitutions for an original right of the taxpayer or any renewal or extension thereof.

« avoir forestier » d'un contribuable désigne

(i) un droit ou un permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada (appelé, au présent alinéa, « droit initial » ) si
     (A)      le contribuable a acquis ce droit initial (mais non de la manière visée au sous-alinéa (ii)) après le 6 mai 1974, et si,
     (A)      à la date de l'acquisition du droit initial,

         (I)      le contribuable peut raisonnablement être considéré comme ayant acquis, directement ou indirectement, le droit à la prolongation ou au renouvellement de ce droit initial ou le droit d'acquérir un autre droit ou permis de ce genre pour le remplacer, ou
         (II)      dans le cours ordinaire des choses, le contribuable peut raisonnablement s'attendre de pouvoir obtenir la prolongation ou le renouvellement de ce droit initial ou de pouvoir acquérir un autre droit ou permis de ce genre pour le remplacer, ou
(ii)      tout droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada qui appartient au contribuable si ce droit ou ce permis peut raisonnablement être considéré
     (A)      comme une prolongation ou un renouvellement d'un droit initial ou comme l'une de plusieurs prolongations ou renouvellements d'un tel droit du contribuable, ou
     (B)      comme ayant été acquis en remplacement d'un droit initial ou en remplacement d'un renouvellement ou prolongation de celui-ci ou lors d'un ou de plusieurs remplacements d'un tel droit du contribuable ou renouvellement ou d'une telle prolongation.

[12]      En produisant ses déclarations de revenus pour l'année 1980, l'appelante était d'avis qu'elle avait le droit de considérer le gain découlant de la vente du PEFF 6 de remplacement comme un gain en capital parce que le droit dont elle avait disposé n'entrait pas dans la définition d' « avoir forestier » . La Couronne n'était pas de cet avis et a émis une nouvelle cotisation au motif que le gain devait être inclus au titre des revenus de l'appelante. Cette nouvelle cotisation fait l'objet d'un appel à la Section de première instance.

[13]      La Couronne a demandé qu'il soit statué sur un point de droit en vertu de la Règle 220(1), soit savoir si le PEFF 6 de remplacement constituait un « avoir forestier » . Le juge des requêtes a conclu que oui. Je suis d'accord.

Le PEFF 6 de remplacement est un droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada, et il est donc compris dans le début de la définition d' « avoir forestier » de l'alinéa 13(21)d.1). Mais pour constituer un avoir forestier, il doit aussi être compris dans l'un ou l'autre des sous-alinéas (i) ou (ii) : La Reine c. Kettle River Sawmills Ltd., 94 D.T.C. 6086 (autorisation de pourvoi refusée, [1994] 2 R.C.S., vii). Personne ne conteste le fait que le PEFF 6 de remplacement n'est pas visé par le sous-alinéa (i). La question est donc de savoir s'il est visé par le sous-alinéa (ii).

[14]      La position de la Couronne est que tout renouvellement, toute prolongation ou tout remplacement d'un droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada est automatiquement un « avoir forestier » au sens du sous-alinéa (ii), si le renouvellement, la prolongation ou le remplacement s'est produit après le 6 mai 1974. La Couronne soutient que cela s'applique même si le droit renouvellé, prolongé ou remplacé a été octroyé avant le 6 mai 1974, et que ce droit ait comporté ou non un droit ou une attente raisonnable de renouvellement, de prolongation ou de remplacement, comme prévu à la division (i)(B).

[15]      D'après la Couronne, la définition d' « avoir forestier » doit être interprétée comme si les mots « droit initial » , partout où ils apparaissent, étaient remplacés par les mots « droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada » . Si cela était fait, le sous-alinéa (ii) de la définition serait rédigé de la façon suivante :

     [traduction]
     « avoir forestier » d'un contribuable désigne
     [...]
     (ii)      tout droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada qui appartient au contribuable si ce droit ou ce permis peut raisonnablement être considéré
                     (A)          comme une prolongation ou un renouvellement d'un droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada ou comme l'une de plusieurs prolongations ou renouvellements d'un tel droit ou permis du contribuable, ou
                     (B)          comme ayant été acquis en remplacement d'un droit ou permis de couper du bois sur une concession ou un territoire au Canada ou en remplacement d'un renouvellement ou prolongation de celui-ci ou lors d'un ou de plusieurs remplacements d'un tel droit ou permis du contribuable ou renouvellement ou d'une telle prolongation.

[16]      L'appelante propose une autre interprétation possible qu'elle fonde sur une remarque incidente formulée par le juge Hugessen dans l'arrêt Kettle River, où il dit que, pour déterminer si un droit de coupe de bois est un « droit initial » au sens du sous-alinéa (ii), il ne faudrait pas tenir compte de la limite de temps prévue au sous-alinéa (i) ( « acquis après le 6 mai 1974 » ) mais il faudrait plutôt respecter les conditions imposées par la division (i)(B).

[17]      D'après le contribuable, la définition d' « avoir forestier » devrait être interprétée comme si elle prévoyait :

[traduction]

     « avoir forestier » d'un contribuable désigne
         (i)      un droit ou un permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada [...] si
             (A)      le contribuable a acquis ce droit (mais non de la manière visée au sous-alinéa (ii)) après le 6 mai 1974, et si,
             (A)      à la date de l'acquisition de ce droit,

                  (I)      le contribuable peut raisonnablement être considéré comme ayant acquis, directement ou indirectement, le droit à la prolongation ou au renouvellement de ce droit ou le droit d'acquérir un autre droit ou permis de ce genre pour le remplacer, ou
             (II)      dans le cours ordinaire des choses, le contribuable peut raisonnablement s'attendre de pouvoir obtenir la prolongation ou le renouvellement de ce droit ou de pouvoir acquérir un autre droit ou permis de ce genre pour le remplacer, ou
         (ii)      tout droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada qui appartient au contribuable si ce droit ou ce permis peut raisonnablement être considéré
                     (A)      comme une prolongation ou un renouvellement d'un droit prévu au sous-alinéa (i) ou comme l'une de plusieurs prolongations ou renouvellements d'un tel droit du contribuable, ou
                     (B)      comme ayant été acquis en remplacement d'un droit prévu au sous-alinéa (i) ou en remplacement d'un renouvellement ou prolongation de celui-ci ou lors d'un ou de plusieurs remplacements d'un tel droit du contribuable ou renouvellement ou d'une telle prolongation.

[18]      L'appelante soutient que même si les propos du juge Hugessen ne constituent qu'une remarque incidente ne faisant pas partie intégrante du raisonnement ayant mené au résultat, la Cour ne devrait pas y déroger, et ce en raison de l'importance de la prévisibilité et de la constance dans les affaires relatives à l'impôt. Les contribuables qui devaient choisir d'accepter ou de refuser un renouvellement, une prolongation ou un remplacement d'un droit de coupe de bois ont très bien pu se fonder sur l'arrêt Kettle River pour prendre leur décision. L'arrêt Kettle River a été rendu il y a quelques années et depuis, le législateur n'a pas modifié ou clarifié la définition d' « avoir forestier » .

[19]      À mon avis, dans la présente affaire, la Cour doit examiner si l'interprétation que l'on peut tirer de la remarque incidente faite dans l'arrêt Kettle River est correcte, et doit la confirmer seulement si elle l'est. Ni le passage du temps depuis que l'arrêt Kettle River a été rendu, ni l'inaction du législateur pendant cette période ne relèvent la Cour de ce devoir ou l'oblige à adopter une remarque incidente qu'elle considère incorrecte.

[20]      Le PEFF 6 de remplacement a été acquis en remplacement du PEFF 6. D'après l'interprétation découlant de l'arrêt Kettle River, le PEFF 6 de remplacement ne serait pas visé par le sous-alinéa (ii) car il a été acquis en remplacement d'un droit qui ne comportait pas, au moment de l'acquisition, un droit ou une attente raisonnable de renouvellement, de prolongation ou de remplacement, comme prévu à la division (i)(B).

[21]      Dans l'arrêt Kettle River, on a dit que la définition d' « avoir forestier » ne constituait pas un modèle de clarté. J'en conviens. En présence d'une telle ambiguïté, il est opportun d'analyser les deux interprétations possibles au regard de l'objet de la loi. Le seul document qui dévoile cet objet est l'avis de voies et moyens du 6 mai 1974 qui a précédé l'adoption des dispositions relatives à l'avoir forestier, qui est rédigé en partie comme suit :

     Que, lorsque un contribuable acquiert après le 6 mai 1974 un bien qui est une concession forestière ou un droit ou permis de coupe de bois dans une concession forestière au Canada, à condition que la totalité ou une partie du coût puisse raisonnablement être considérée comme la contrepartie de l'espoir de fournir, renouveler, acquérir ou demander une concession ou un droit ou permis de coupe de bois dans une concession forestière au Canada, [...] le produit de la disposition [de ce bien] [...] soit inclus dans le revenu [...].

[22]      On proposait que le nouveau régime de l'avoir forestier s'applique aux droits de coupe de bois qui comportaient, au moment de leur acquisition, un droit ou une attente de renouvellement, de prolongation ou de remplacement. Il est évident qu'aux fins de l'impôt, l'intention était que toute contrepartie payée pour un droit ou une attente de renouvellement, de prolongation ou de remplacement d'un droit de coupe de bois serait considérée comme faisant partie du coût du droit, mais que tout gain provenant de la disposition de ce droit serait imposé comme un revenu.

[23]      Toutefois, cet extrait ne précise pas s'il y avait ou non une intention d'appliquer le nouveau régime au renouvellement, à la prolongation ou au remplacement d'un droit de coupe de bois qui ne comportait pas, au moment de son acquisition, un droit ou une attente de renouvellement, de prolongation ou de remplacement. Par conséquent, l'extrait cité n'apporte aucune aide quant au choix à faire entre les deux interprétations proposées.

[24]      Ni l'une ni l'autre des parties ne dit que le résultat de l'interprétation soumise par l'autre partie est absurde ou incompatible avec une politique d'imposition prévue expressément ou implicitement par une autre disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le législateur peut vraisemblablement avoir eu l'intention d'arriver au resultat qu'entraîne l'une ou l'autre des interprétations. Il ne s'agit pas non plus d'un cas où une disposition ambiguë doit être interprétée en faveur du contribuable. On a convenu, lors de la présentation des observations, que chacune des interprétations pourrait favoriser certains contribuables à l'exclusion des autres. Dans ces circonstances, je n'ai d'autre choix que de conclure que l'interprétation de la Couronne, qui est la plus simple, traduit probablement mieux l'intention du législateur que l'interprétation beaucoup plus compliquée proposée par l'appelante.

[25]      Pour ses motifs, je conclus que le PEFF de remplacement est un avoir forestier au sens de l'alinéa 13(21)d.1). Je rejetterais l'appel avec dépens.


Karen R. Sharlow

J.C.A.

« Je souscris aux présents motifs

                     John M. Evans, J.C.A. »



Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.



Date : 20000720


Dossier : A-99-99


CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

             LE JUGE EVANS

             LE JUGE SHARLOW


ENTRE :


ITT INDUSTRIES OF CANADA LTD.


appelante


- et -




SA MAJESTÉ LA REINE


intimée




MOTIFS DU JUGEMENT



LE JUGE LÉTOURNEAU


[1]      J'ai eu le bénéfice de lire les motifs du jugement de ma collègue, Madame le juge Sharlow, et j'y souscris. Je veux simplement ajouter quelques remarques à l'égard de l'interprétation proposée par l'appelante.

[2]      L'alinéa 13(21)d.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, et modifications (la Loi), a été édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, par. 6(7), et prévoit :

         13 (21)
         d.1) « avoir forestier » d'un contribuable désigne
             (i)      un droit ou un permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada (appelé, au présent alinéa, « droit initial » ) si
                 (A)      le contribuable a acquis ce droit initial (mais non de la manière visée au sous-alinéa (ii)) après le 6 mai 1974, et si,
                 (A)      à la date de l'acquisition du droit initial,

                                          (I)      le contribuable peut raisonnablement être considéré comme ayant acquis, directement ou indirectement, le droit à la prolongation ou au renouvellement de ce droit initial ou le droit d'acquérir un autre droit ou permis de ce genre pour le remplacer, ou
                                          (II)      dans le cours ordinaire des choses, le contribuable peut raisonnablement s'attendre de pouvoir obtenir la prolongation ou le renouvellement de ce droit initial ou de pouvoir acquérir un autre droit ou permis de ce genre pour le remplacer, ou
                 (ii)      tout droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada qui appartient au contribuable si ce droit ou ce permis peut raisonnablement être considéré
                     (A)      comme une prolongation ou un renouvellement d'un droit initial ou comme l'une de plusieurs prolongations ou renouvellements d'un tel droit du contribuable, ou
                     (B)      comme ayant été acquis en remplacement d'un droit initial ou en remplacement d'un renouvellement ou prolongation de celui-ci ou lors d'un ou de plusieurs remplacements d'un tel droit du contribuable ou renouvellement ou d'une telle prolongation.

[3]      Il m'apparaît évident que la division A et les subdivisions B(I) et B(II) ne servent pas à définir ou à mieux définir l'expression « droit initial » , qui se trouve au sous-alinéa (i), comme le soutient l'appelante. Ces dispositions établissent plutôt sous quelles conditions un droit initial sera un « avoir forestier » . Elles font en fait partie de la définition d' « avoir forestier » qui, selon moi, constitue la seule expression définie à l'alinéa 13(21)d.1). Les mots « droit initial » ont été utilisés au sous-alinéa (i) pour des raisons purement pratiques, afin d'éviter de répéter dans ce paragraphe la longue expression « un droit ou un permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada » . Cela ressort clairement du fait qu'il est expressément mentionné que ce droit est « appelé, au présent alinéa, "droit initial" » . Cette expression ne définit pas ce droit mais constitue plutôt une désignation plus succinte de ce droit qui est, il convient de répéter, un droit ou un permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada.

[4]      L'alinéa 13(21) d.1), réécrit dans une forme abrégée, a le libellé suivant :

         « avoir forestier » désigne

         (i)      un « droit initial » si

        

                 (A)          [...] et

        

                 (B)              [...]
                             (I)          [...] ou

        

                             (II)          [...] ou

                                                    

         (ii)      tout droit si

        

                 (A)          [...] ou

        

                 (B)              [...]

Cette forme abrégée démontre que les conditions du sous-alinéa (i) font partie de la définition d'avoir forestier et non de droit initial.

[5]      À mon avis, cela suffit pour statuer sur le présent appel, qui est fondé sur une interprétation et une appréciation erronées de l'expression « droit initial » .

[6]      Je conviens aussi avec l'intimée que la définition d' « avoir forestier » , à l'alinéa 13(21)d.1), vise deux situations différentes. Premièrement, le sous-alinéa 13(21)d.1)(i) vise un droit initial de coupe de bois acquis après le 6 mai 1974 aux conditions qui y sont mentionnées. Deuxièmement, le sous-alinéa 13(21)d.1)(ii) contient ses propres conditions, distinctes et particulières, et n'est pas limité, comme dans la première situation, aux droits acquis après le 6 mai 1974. Il s'appliquerait aussi aux droits acquis avant cette date si ces droits étaient éventuellement prolongés, renouvelés ou remplacés dans les conditions prévues au sous-alinéa (ii). Comme l'a indiqué le juge des requêtes, c'était précisément le cas dans l'arrêt Kettle River Sawmills Ltd. et autre c. La Reine, 94 D.T.C. 6086 (C.A.F.), dans lequel un droit octroyé avant le 6 mai 1974 avait été renouvelé après cette date et avait été considéré comme une acquisition au sens du sous-alinéa (ii), ce qui démontre que ce dernier a un objet distinct et vise des droits auxquels le sous-alinéa (i) ne s'applique pas. Le fait que les deux situations soient différentes et mutuellement exclusives ressort aussi de la mention explicite, au sous-alinéa (i), que le droit initial ne doit pas avoir été acquis de la manière visée au sous-alinéa (ii).

[7]      À mon avis, il serait contraire aux principes d'interprétation d'introduire, comme le voudrait l'appelante, les conditions du sous-alinéa (i) dans le sous-alinéa (ii) et de les ajouter ou de les substituer à celles qui y sont prévues. L'interprétation de l'alinéa 13(21)d.1) faite par le juge des requêtes respecte le sens de la définition qui y est donnée. Non seulement est-elle raisonnable, mais contrairement à l'interprétation proposée par l'appelante, elle ne dénature pas le texte. Je suis convaincu que le juge des requêtes, dans sa décision bien motivée, est arrivée à la bonne conclusion quant à l'interprétation de cet alinéa.

[8]      Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.



« Gilles Létourneau »

J.C.A.


Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :          A-99-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          ITT INDUSTRIES OF CANADA

         - et -

         SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      Le 29 juin 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE SHARLOW

Y A SOUSCRIT :      LE JUGE EVANS
MOTIFS CONCORDANTS PAR :      LE JUGE LÉTOURNEAU
EN DATE DU :      20 juillet 2000

ONT COMPARU :

M. Colin Campbell          POUR L'APPELANTE
M. Brian R. Carr          POUR L'APPELANTE
M. David E. Spiro          POUR L'INIMÉE

M. J.S. Gill


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davies, Ward & Beck          POUR L'APPELANTE

Toronto (Ontario)

Fraser Milner          POUR L'APPELANTE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg          POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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