Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20181101


Dossier : A-74-18

Référence : 2018 CAF 200

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LASKIN

 

ENTRE :

 

 

AKANDA INNOVATION INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 3 octobre 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20181101


Dossier : A-74-18

Référence : 2018 CAF 200

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LASKIN

 

ENTRE :

 

 

AKANDA INNOVATION INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]  La Cour est saisie de l’appel de l’ordonnance rendue par la Cour canadienne de l’impôt le 19 février 2018 (2018 CCI 35) par laquelle elle rejetait la requête d’Akanda Innovation Inc. (Akanda) en prolongation du délai applicable à une demande d’annulation des deux jugements rendus le 10 mars 2017. Par ces deux jugements, la Cour de l’impôt a rejeté les appels d’Akanda relativement à ses années d’imposition 2007, 2008, 2009 et 2010. Dans sa requête, Akanda a également demandé que ces jugements soient annulés (ce qui ne pourrait être pris en considération que si la prolongation du délai de présentation de la demande était accordée).

[2]  Pour les motifs exposés ci-après, j’accueillerais le présent appel.

I.  Contexte

[3]  Akanda a fait l’objet d’une nouvelle cotisation, ses déductions pour dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental de plus de 6 millions de dollars et les crédits d’impôt à l’investissement connexes de plus de 1,5 million de dollars lui ayant été refusés collectivement pour ses années d’imposition 2007, 2008, 2009 et 2010.

[4]  Akanda a déposé des avis d’opposition à ces nouvelles cotisations et par la suite des avis d’appel à la Cour de l’impôt. L’avis d’appel concernant les années d’imposition 2007, 2008 et 2009 a été déposé le 18 novembre 2015. L’avis d’appel pour 2010 a été déposé à la suite d’une ordonnance de la Cour de l’impôt datée du 18 mars 2016 qui accordait à Akanda une prolongation du délai pour déposer cet avis d’appel.

[5]  Bien que les parties se soient initialement entendues sur certaines dates pour déposer et signifier des listes de documents et effectuer les interrogatoires préalables, Akanda n’a pas déposé sa liste de documents à la date convenue et, par conséquent, les interrogatoires préalables n’ont pas été menés. Akanda a demandé et obtenu deux prolongations de délai pour ce faire. La dernière demande de prolongation du délai a été présentée le 12 janvier 2017. Le 6 janvier 2017, juste avant cette demande, le cabinet Barrett Law (qui représentait Akanda) a indiqué par voie de lettre à la Cour canadienne de l’impôt qu’il cessait d’occuper pour Akanda.

[6]  Dans une lettre datée du 10 janvier 2017, la Cour canadienne de l’impôt a avisé Akanda que [traduction] « [l]e paragraphe 30(2) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) dispose que la partie à une instance qui n’est pas une personne physique se fait représenter par un avocat, sauf avec l’autorisation de la Cour et sous réserve des conditions que celle-ci fixe ».

[7]  Le 19 janvier 2017, la Cour de l’impôt a rendu une ordonnance accueillant la demande d’Akanda visant à prolonger le délai pour produire et signifier sa liste de documents jusqu’au 31 mai 2017 et à reporter la date des interrogatoires préalables au 29 septembre 2017. La Couronne a consenti. Cette ordonnance prévoyait également ce qui suit :

[traduction]

2.  L’appelante indique à la Cour, au plus tard le 10 février 2017, si elle a retenu les services d’un nouvel avocat ou si une personne a l’intention de présenter une requête pour demander l’autorisation de représenter l’appelante;

3.  Si l’appelante informe la Cour qu’une personne a l’intention de présenter une requête pour demander l’autorisation de représenter l’appelante, cette requête doit être déposée au plus tard le 24 février 2017;

4.  Si l’appelante ne dépose pas la communication mentionnée au plus tard le 10 février 2017, ou si elle informe la Cour qu’une requête sera déposée et que la requête n’est pas déposée au plus tard le 24 février 2017, une audience de justification aura lieu le 7 mars 2017, à 9 h 30, ou à la première date postérieure à laquelle les parties pourront être entendues, au Centre judiciaire fédéral, 180, rue Queen Ouest, 6e étage, Toronto, Ontario. L’appelante aura alors l’occasion de faire valoir les raisons pour lesquelles cet appel ne devrait pas être rejeté pour cause de retard;

5.  Si le représentant de l’appelante ne se présente pas au moment et à l’endroit prévus pour l’audience de justification, l’intimée pourra présenter une demande pour faire rejeter l’appel pour défaut de comparution.

[8]  Akanda n’a pas informé la Cour de l’impôt comme le prévoit le paragraphe 2 de cette ordonnance et n’a pas comparu à l’audience de justification comme le prévoit le paragraphe 4 de cette ordonnance. Par conséquent, le 10 mars 2017, la Cour de l’impôt a rejeté collectivement les appels d’Akanda à l’égard de ses années d’imposition 2007, 2008, 2009 et 2010 par le truchement de deux ordonnances.

[9]  À la suite de ces ordonnances, Akanda a retenu les services d’un nouvel avocat. Le 25 juillet 2017, elle a déposé une requête demandant la prolongation du délai pour présenter une demande d’annulation des jugements par défaut ainsi que l’annulation des jugements par défaut.

II.  La décision de la Cour de l'impôt

[10]  L’ordonnance qui fait l’objet du présent appel est la suivante :

Vu la requête de l’appelante présentée en vertu de l’article 12 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) afin que la Cour prolonge le délai pour demander à la Cour d’infirmer le jugement rendu en vertu du paragraphe 140(2) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale);

Et vu les observations écrites des parties;

La requête est rejetée conformément aux motifs de l’ordonnance ci-joints.

[11]  L’ordonnance portait uniquement sur la demande de prolongation du délai. La Cour de l’impôt, dans les motifs dont est assortie cette ordonnance, analyse les critères suivants :

  1. Akanda a-t-elle l’intention constante de poursuivre l’appel?
  2. l’appel est-il fondé?
  3. le retard entraîne-t-il un préjudice pour la Couronne?
  4. y a-t-il une explication raisonnable du retard?

[12]  La Cour de l’impôt estimait que les deux premiers critères favorisaient Akanda. Toutefois, elle a conclu que le retard causait un préjudice à la Couronne et qu’il n’avait pas d’explication raisonnable. Les motifs de ces constatations se trouvent au paragraphe 8 :

c.  Le fait que le retard ne cause aucun préjudice à l’intimée. Cette exigence pose des problèmes à l’appelante. L’intimée affirme que l’appelante ne semble pas avoir satisfait aux exigences en matière de communication. Il ne fait aucun doute que si la Cour accueillait la requête, l’intimée subirait un préjudice disproportionné en raison du défaut de l’appelante de s’acquitter de l’obligation fondamentale d’une partie à un litige, à savoir les obligations en matière de communication. L’appelante a l’obligation fondamentale de poursuivre l’appel en temps opportun — cela ne se produit pas.

d.  Le fait qu’il y ait une explication raisonnable pour justifier le retard. Je ne crois pas que cette exigence ait été remplie. L’appelante allègue que son manque de conformité avec les procédures de la Cour canadienne de l’impôt était imputable au message électronique reçu de son avocat indiquant que la Cour était convaincue de son intention de poursuivre l’appel. En raison de cette croyance erronée, l’appelante pensait que l’étape suivante consistait à déposer une liste de documents. En conséquence, personne n’a comparu à l’audience sur l’état de l’instance. Ce n’est tout simplement pas le cas, et le message électronique n’étaye pas cette thèse. L’appelante recevait la correspondance de la Cour canadienne de l’impôt au moins à compter de la date à laquelle son avocat avait cessé d’occuper; elle a notamment reçu l’ordonnance du 19 janvier 2017 lui enjoignant de trouver un nouvel avocat et d’informer la Cour du nom du nouvel avocat au plus tard le 10 février 2017. Le message électronique de l’avocat de l'appelante envoyé le 12 janvier 2017 n’indique pas ce que l’appelante affirme qu’il indique, puisque le message ne mentionne nullement que la question de l’état de l’instance avait été résolue, comme l’appelante l’allègue. Ce que le message électronique indique est que le juge peut prendre jusqu’à deux semaines pour rendre sa décision et que, pour le moment, l’appelante devrait agir comme si la Cour avait accueilli la demande. Bien entendu, il n’est aucunement garanti que la question a été résolue : il est seulement indiqué d’agir comme si la Cour avait accueilli la demande, jusqu’à preuve du contraire. Le message électronique suggère aussi que l’appelante trouve un nouvel avocat, conseil que l’appelante n’a suivi qu’après l’audience sur l’état de l'instance en mars.

III.  Norme de contrôle

[13]  Comme il s’agit d’un appel d’une décision discrétionnaire de la Cour de l’impôt, la norme de contrôle est celle énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331). Par conséquent, la norme de contrôle applicable à toute question de fait ou à toute question mixte de fait et de droit (en l’absence d’une question de droit qu’il est possible d’isoler) est celle de l’erreur manifeste et dominante, et pour toute question de droit, c’est celle de la décision correcte.

IV.  Analyse

[14]  Le paragraphe 140(2) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a, dispose ainsi :

(2) Pourvu que la demande soit faite dans les trente jours qui suivent le prononcé du jugement ou de l’ordonnance, la Cour peut infirmer ou modifier, aux conditions qui sont appropriées, un jugement ou une ordonnance obtenu contre une partie qui n’a pas comparu à l’audience, à l’audience sur l’état de l’instance ou à la conférence préparatoire à l’audience.

(2) The Court may set aside or vary, on such terms as are just, a judgment or order obtained against a party who failed to attend a hearing, a status hearing or a pre-hearing conference on the application of the party if the application is made within thirty days after the pronouncement of the judgment or order.

[15]  Akanda n’a pas demandé l’annulation des jugements par défaut rendus le 10 mars 2017 dans les 30 jours suivant le prononcé. Par conséquent, dans la requête qu’elle a présentée le 25 juillet 2017, elle a sollicité d’abord la prolongation du délai dans lequel elle pouvait demander l’annulation de ces jugements, puis l’annulation des jugements. Même si elle n’a pas indiqué que la seconde était conditionnelle à l’octroi de la première, c’est nécessairement le cas puisque, sans la prolongation du délai, la requête en annulation des jugements ne pouvait être présentée.

[16]  En l’espèce, puisque la Cour de l’impôt (dont l’ordonnance est l’objet de l’appel devant notre Cour) a rejeté seulement la demande de prolongation du délai (sans laquelle l’annulation des jugements par défaut ne pouvait être sollicitée), la seule question en litige en l’espèce concerne la demande de prolongation du délai.

[17]  Dans l’arrêt Tomas c. La Reine, 2007 CAF 86, (Tomas), la Cour affirme ce qui suit :

10  Même s’il est vrai que le juge des requêtes a commis une erreur lorsqu’il a déclaré qu’il n’avait aucun pouvoir discrétionnaire pour accueillir la requête de l’appelant puisqu’elle avait été présentée plus de trente (30) jours après le prononcé du jugement, il n’en demeure pas moins qu[’]aucune demande n’a été présentée à la Cour canadienne de l’impôt pour une prorogation du délai.

11  Le mémoire des faits et du droit de l’appelant dans le présent appel n’aborde pas non plus cette question. Ce mémoire ne contient aucun exposé des facteurs généralement examinés dans de telles demandes, par exemple l’intention constante de poursuivre l’appel, le fait que l’appel ait un bien‑fondé, le fait qu’aucun préjudice ne soit causé à l’autre partie en raison du retard et le fait qu’une explication raisonnable justifie le retard : voir Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399; Rosen c. Canada, [2000] A.C.F. No. 415 (QL); Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, [2007] A.C.F. No 37, 2007 CAF 41, au paragraphe 32.

[18]  L’une des sources vers laquelle se tourne notre Cour lorsqu’il s’agit de déterminer les facteurs pertinents pour la prolongation de délai est l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, (Hogervorst). Après avoir énoncé les quatre facteurs décrits plus haut, signale ce qui suit :

33  Ce critère ne va pas à l’encontre de la déclaration formulée par la Cour il y a plus de vingt (20) ans dans [. . .] l’arrêt Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. 263 selon laquelle l’aspect fondamental à prendre en considération dans une demande de prorogation de délai consiste à s’assurer que justice est faite entre les parties. Le critère à quatre volets susmentionné sert d’appui à l’application de cet aspect fondamental. Il s’ensuit qu’une prorogation de délai peut être accordée même si l’un des volets du critère n’est pas respecté : voir Grewal c. Canada, précité, aux pages 278 et 279.

[19]  La Cour a également confirmé plus récemment qu’un demandeur n’a pas à satisfaire à tous les facteurs, dans l’arrêt Procureur général du Canada c. Larkman, 2012 CAF 204. Au paragraphe 62, la Cour fait remarquer que « [l]a considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l'intérêt de la justice ».

[20]  Les motifs de la Cour de l’impôt dans la présente affaire ne permettent pas de déterminer avec certitude si elle s’est penchée surtout sur la demande de prorogation du délai ou sur la demande d’annulation des jugements par défaut. Au paragraphe 5, elle dit ce qui suit :

[5]  Comme il a été mentionné, la seule question dont la Cour est saisie est celle de savoir s’il y a lieu que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire inhérent en vertu du paragraphe 140(2) et qu’elle infirme le jugement prononcé contre l’appelante pour le défaut de comparaître à l’audience sur l’état de l'instance le 7 mars 2017.

[21]  Aucune des affaires susmentionnées, qui énoncent les facteurs à prendre en considération dans une demande de prolongation de délai, n’est mentionnée dans les motifs du juge en chef dans la présente affaire, bien qu’il renvoie à sa décision antérieure Izumi c. La Reine, 2014 CCI 108 (Izumi), où il cite l’arrêt Tomas. Les quatre facteurs qu’il a pris en considération sont les mêmes que ceux qui ont été recensés dans les affaires susmentionnées, mais les faits qui sont examinés relativement à ces quatre facteurs ne sont pas ceux qui sont pertinents dans la demande de prolongation de délai ici en cause.  C’est ce qui ressort tout particulièrement de la discussion sur les faits relatifs au retard et au préjudice causé à la Couronne.

[22]  Dans la présente demande de prolongation du délai, le retard pertinent est le laps de temps qui a précédé la présentation de la demande. Les jugements par défaut ont été rendus le 10 mars 2017 et, par conséquent, le délai de 30 jours au cours duquel une demande d’annulation de ces jugements peut être présentée en vertu du paragraphe 140(2) des Règles a pris fin le 9 avril 2017. C’est le laps de temps entre cette date et la date à laquelle la requête a été présentée (le 25 juillet 2017) qui est pertinent dans l’examen de l’explication raisonnable du retard. En ce qui concerne la demande, tout retard antérieur dans la poursuite de l’appel n’est pas pertinent. Ce qui importe, c’est uniquement le retard de présentation de la demande.

[23]  Ce retard du 9 avril 2017 au 25 juillet 2017 est, dans la présente requête en prolongation de délai, celui qui compte pour la détermination du préjudice subi par la Couronne. Akanda avait le droit de présenter cette requête dans les 30 jours suivant les jugements par défaut. Par conséquent, la question est de savoir quel préjudice a subi la Couronne parce que la demande a été présentée le 25 juillet 2017 plutôt que le 9 avril 2017.

[24]  Dans son analyse portant sur l’existence ou l’absence d’une explication raisonnable quant au retard et le préjudice qui en résulte pour la Couronne, la Cour de l’impôt s’est intéressée au retard dans la poursuite de l’appel dans l’ensemble. Elle n’a pas analysé le préjudice subi par la Couronne par suite de la présentation de la demande le 25 juillet 2017 au lieu du 9 avril 2017.

[25]  Elle n’examine pas non plus les intérêts primordiaux de la justice ou le fait qu’il n’est pas nécessaire qu’Akanda satisfasse aux quatre facteurs. Au paragraphe 7 de ses motifs, le juge en chef affirme ce qui suit :

[7]  J’ai fait observer, dans Izumi c. La Reine, 2014 CCI 108, que le cadre analytique correct ne consiste pas à appliquer une série de critères rigides, mais plutôt [à] utiliser une approche plus contextuelle.

[26]  Le juge en chef fait les commentaires suivants au paragraphe 16 de l’arrêt Izumi :

16  L’intimée a-t-elle subi un préjudice en raison du retard? Dans la décision GMC, la juge Woods mentionnait que, comme dans le cas d’autres questions de procédure, la Cour ne devrait pas appliquer une série de critères de façon rigide pour établir s’il y a lieu d’annuler un jugement, mais plutôt utiliser une approche contextuelle, à la lumière des faits de l’affaire. Selon la juge Woods, la « considération primordiale » doit être celle des effets relatifs sur les personnes qui seront touchées par la décision.

[27]  Les commentaires dans la décision Izumi (en faveur d’une approche contextuelle plutôt qu’un ensemble rigide de facteurs) ont été formulés relativement à une requête en annulation d’un jugement par défaut, et non à une requête en prolongation du délai de présentation d’une demande.

[28]  À mon avis, la Cour de l’'impôt a commis des erreurs de droit en ne déterminant pas la période pertinente pour le retard, en ne tenant pas compte des faits pertinents relativement à cette demande de prolongation du délai pour demander l’annulation des jugements par défaut et en ne tenant pas compte des arrêts Hogervorst et Larkman, selon lesquelles il n’est pas nécessaire de satisfaire aux quatre facteurs pour qu’Akanda ait gain de cause. Par conséquent, la décision de la Cour de l’impôt concernant la demande de prolongation du délai ne peut être maintenue. L’alinéa 52c) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, prévoit que notre Cour peut rendre la décision que la Cour de l’impôt aurait dû rendre. Étant donné que tous les faits pertinents relatifs à cette demande sont consignés au dossier, afin de ne pas prolonger cette affaire, je suis d’avis que la demande de prolongation de délai devrait être examinée au fond et que notre Cour devrait la trancher.

[29]  Comme il est mentionné plus haut, les quatre facteurs à prendre en considération dans une demande de prolongation du délai sont les suivants :

  1. Akanda avait-elle l’intention constante de poursuivre la demande d’annulation des jugements par défaut?

  2. la demande d’annulation des jugements par défaut est-elle fondée?

  3. le retard du 9 avril 2017 au 25 juillet 2017 cause-t-il un préjudice à la Couronne?

  4. y avait-il une explication raisonnable du retard?

A.  Intention constante

[30]  Akanda avait une intention constante de poursuivre la demande car elle a retenu les services d’un nouvel avocat dès qu’elle a eu connaissance des jugements par défaut, et la requête a été déposée dans un délai relativement court (trois mois et demi) après l’expiration du délai autorisé par le paragraphe 140(2) des Règles.

B.  Examen au fond de la demande

[31]  Les principes qui doivent être pris en compte à l’égard de la demande d’annulation d’un jugement par défaut rejetant l’appel d’un contribuable devant la Cour de l’impôt peuvent être tirés de la décision de la juge Woods (tel était alors son titre) dans l’affaire GMC Distribution Ltd. c. La Reine, 2009 CCI 287et des affaires auxquelles elle fait référence :

  La demande doit être présentée le plus tôt possible après que le contribuable a pris connaissance du jugement.

  Le simple retard ne fera pas obstacle à la demande, à moins que la Couronne ne subisse un préjudice irréparable ou que le retard soit délibéré.

  Le contribuable devra expliquer les circonstances qui ont donné lieu au jugement par défaut et qui en justifieraient l’annulation.

  Le contribuable devra démontrer que l’appel rejeté mérite d’être examiné au fond, particulièrement si le retard à présenter la demande d’annulation du jugement par défaut était long.

  La Cour doit examiner l’effet relatif, sur le contribuable et la Couronne, de l’annulation du jugement par défaut et de la non-annulation.

  Les facteurs ne doivent pas être appliqués de façon rigide.

[32]  À mon avis, comme dans le cas d’une demande de prolongation de délai, la question centrale est de savoir si l’intérêt de la justice est mieux servi par l’annulation du jugement par défaut ou par le rejet de la demande.

[33]  Dans la présente affaire, il convient de noter que les jugements par défaut ont été rendus avant l’expiration de la période pendant laquelle Akanda devait signifier et déposer sa liste de documents (à la suite de l’ordonnance de la Cour de l’impôt datée du 19 janvier 2017).

[34]  Quant à l’appel fiscal interjeté par Akanda, le juge en chef a conclu qu’il était fondé, et la Couronne ne le conteste pas. De plus, rien n’indique que la Couronne subirait un préjudice en raison du retard de la demande d’annulation des jugements par défaut, et encore moins un préjudice irréparable. De plus, rien n’indique que le retard ait été délibéré.

[35]  Comme il est mentionné plus haut, l’approche à adopter dans une demande d’annulation d’un jugement par défaut ne consiste pas à appliquer simplement des facteurs rigides. Par conséquent, la demande d’Akanda visant à faire annuler les jugements par défaut est suffisamment fondée pour satisfaire à ce facteur.

C.  Préjudice à la Couronne

[36]  Dans les observations écrites que la Couronne a présentées à la Cour de l’impôt au sujet de la requête d’Akanda, elle n’a indiqué aucun préjudice quelconque que lui aurait causé le retard du 9 avril 2017 au 25 juillet 2017. Les trois brefs paragraphes qui traitent de cette question ne contiennent que des déclarations générales sur le préjudice pouvant découler de retards dans la poursuite d’un appel et du défaut d’Akanda, en l’espèce, de produire sa liste de documents (qui, par suite de l’ordonnance rendue avec le consentement de la Couronne, ne devait être produite qu’après la date des jugements par défaut). La Cour de l’impôt n’a pas non plus indiqué de préjudice particulier qui serait subi par la Couronne en raison de ce retard.

[37]  Par conséquent, rien ne permet de conclure que la Couronne subirait un préjudice découlant du retard du 9 avril 2017 au 25 juillet 2017.

D.  Explication raisonnable du retard

[38]  Akanda ne fournit pas d’explication raisonnable pour ce retard du 9 avril 2017 au 25 juillet 2017.

E.  Intérêts de la justice

[39]  Il n’est pas nécessaire qu’Akanda satisfasse aux quatre critères pour obtenir la prolongation de délai sollicitée. Étant donné que les conclusions relatives à trois des quatre facteurs favorisent Akanda et que les sommes en cause sont importantes, l’intérêt de la justice appuie une conclusion selon laquelle la demande de prolongation du délai devrait être accordée en l’espèce.

V.  Conclusion

[40]  Par conséquent, à mon avis, la Cour de l’impôt a commis une erreur en rejetant la demande de prolongation du délai, et il devrait être fait droit à l’appel. Comme l’ordonnance ne traite que de la demande de prolongation du délai, la deuxième partie de la requête d’Akanda, dans laquelle elle demande une ordonnance annulant les jugements par défaut, demeure en suspens et devra être tranchée par la Cour de l’impôt.

[41]  Je ferais donc droit à l’appel et annulerais l’ordonnance de la Cour de l’impôt. En rendant l’ordonnance que la Cour de l’impôt aurait dû rendre, j’accueillerais la demande de prolongation du délai accordé à Akanda pour présenter en vertu du paragraphe 140(2) une demande d’annulation des deux jugements par défaut rendus le 10 mars 2017. À l’audience, les parties ont convenu que, quelle que soit la décision rendue relativement au présent appel, Akanda paierait 5 000 $ en dépens à la Couronne et, par conséquent, je condamnerais également Akanda à de tels dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

J.B. Laskin, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DATANT

DU 19 FÉVRIER 2018, RÉFÉRENCE : 2018 CCI 35, Nºs DE DOSSIER 2015-5215(IT)G ET 2016-217(IT)G

DOSSIER :

A-74-18

 

INTITULÉ :

AKANDA INNOVATION INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 octobre 2018

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LASKIN

DATE :

Le 1er novembre 2018

COMPARUTIONS

David Chodikoff

Jane Loyer

POUR L’APPELANTE

Samantha Hurst

Christian Cheong

POUR L’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Miller Thomson LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANTE

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’intimée

 

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