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Date : 20000612


Dossier : A-692-99


OTTAWA (Ontario), le lundi 12 juin 2000.



CORAM :      LE JUGE STONE, J.C.A.

         LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.

         LE JUGE EVANS, J.C.A.




ENTRE :

     AB HASSLE et ASTRA PHARMA INC.,

     appelantes

     (demanderesses),

     - et -

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     GENPHARM INC. et TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

     intimés

     (défendeurs).





     JUGEMENT

     L'appel est accueilli, le jugement de la Section de première instance portant la date du 25 octobre 1999 est annulé et il est ordonné que l'intimé ne pourra se fonder sur aucun des éléments d'antériorité énumérés ou autrement identifiés dans l'affidavit de James Steven Rowe assermenté le 9 septembre 1999 pour faire valoir en l'instance que les brevets `693 et `891 sont invalides pour cause d'évidence.


     A.J. Stone

                                 J.C.A.


Traduction certifiée conforme


Daniel Dupras, LL.B.





Date : 20000612


Dossier : A-692-99


CORAM :      LE JUGE STONE, J.C.A.

         LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.

         LE JUGE EVANS, J.C.A.




ENTRE :

     AB HASSLE et ASTRA PHARMA INC.,

     appelantes

     (demanderesses),

     - et -

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     GENPHARM INC. et TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

     intimés

     (défendeurs).


Audience tenue à Toronto (Ontario), le mardi 16 mai 2000.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 12 juin 2000.



MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      LE JUGE STONE, J.C.A.

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.

     LE JUGE EVANS, J.C.A.






Date : 20000612


Dossier : A-692-99


CORAM :      LE JUGE STONE, J.C.A.

         LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.

         LE JUGE EVANS, J.C.A.




ENTRE :

     AB HASSLE et ASTRA PHARMA INC.,

     appelantes

     (demanderesses),

     - et -

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     GENPHARM INC. et TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

     intimés

     (défendeurs).




     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE STONE, J.C.A.


[1]          Il s'agit de l'appel d'une ordonnance de la Section de première instance rendue le 25 octobre 1999 rejetant la requête présentée par les appelantes en vue d'obtenir une ordonnance d'interdiction en vertu de l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), pris le 12 mars 1993 (C.P. 1993-502) et modifié le 12 mars 1998 (C.P. 1998-366) (le Règlement) en vertu de la Loi modifiant la Loi sur les brevets, 1992, L.C. 1993, ch. 2, pour que l'intimée Genpharm Inc. (l'intimée), en répondant à la demande des appelantes, soit astreinte à se limiter aux éléments d'antériorité tels qu'ils sont énumérés dans son énoncé détaillé fait en vertu de l'alinéa 5(3)a) du Règlement et produit à l'appui de son allégation portant que le brevet canadien n 1,292,693 (le brevet `693) et le brevet canadien n 1,302,891 (le brevet `891) sont invalides pour cause d'antériorité et/ou d'évidence.

[2]          La question soulevée par le présent appel implique l'interprétation de certaines dispositions du Règlement. Ces dispositions deviennent pertinentes dès lors qu'une personne demande au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer un avis de conformité (AC) en vertu de l'article C.08.004 du Règlements sur les aliments et drogues, C.R.C. 1978, ch. 870. L'AC permet à la personne qui le détient d'utiliser, de fabriquer, de construire ou de vendre au Canada une drogue qui contient un médicament. Le Règlement établit la procédure que doit suivre le titulaire d'un brevet qui fait face à une demande d'AC déposée par une autre personne pour empêcher que le ministre ne délivre un tel AC à cette personne.

[3]          L'objectif sous-jacent de la loi de 1993 a été décrit avec justesse par le juge Mahoney, J.C.A., dans l'arrêt Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1993), 51 C.P.R. (3d) 329, aux pages 331 et 332 :

Elles ont eu pour effet d'introduire un nouveau régime qui protège les droits de monopole d'exploitation du breveté d'un médicament, sous réserve de quelques exceptions concernant la préparation du dossier d'information qu'oblige à fournir le règlement et l'emmagasinage d'articles en prévision de l'expiration d'un brevet. Un médicament ne peut être commercialisé au Canada sans que le ministre intimé ne délivre un avis de conformité. Si la personne qui demande un avis de conformité désire invoquer le fait qu'un avis de conformité a déjà été délivré à quelqu'un d'autre, la question de savoir si la fabrication ou la commercialisation d'un médicament en vertu du deuxième avis de conformité porterait atteinte aux droits du titulaire du premier avis de conformité doit désormais être réglée avant que le deuxième avis ne soit délivré.

Dispositions pertinentes du Règlement

[4]          Il est utile à ce stade-ci de faire référence de façon plus détaillée aux dispositions du Règlement qui sont pertinentes. En l'instance, les appelantes sont la « première personne » alors que l'intimée est la « seconde personne » et ces termes sont définis à l'article 2 du Règlement par référence aux personnes visées aux paragraphes 4(1) et 5(1) respectivement. Les articles 4, 5, 6 et 7 du Règlement qui s'appliquent en l'instance sont ainsi conçus :

     4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7).

     (2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants :

     a) la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue;
     b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;
     c) une déclaration portant, à l'égard de chaque brevet, que la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste;
     d) la date d'expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets;
     e) l'adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d'allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d'une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s'il s'agissait de la personne elle-même.

     (3) Sous réserve du paragraphe (4), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité.

     (4) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité et dans les 30 jours suivant la délivrance d'un brevet qui est fondée sur une demande de brevet dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets, ou toute modification apportée à une liste de brevets, qui contient les renseignements visés au paragraphe (2).

     (5) Lorsque la première personne soumet, conformément au paragraphe (4), une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets, elle doit indiquer la demande d'avis de conformité à laquelle se rapporte la liste ou la modification, en précisant notamment la date de dépôt de la demande.

     (6) La personne qui soumet une liste de brevets doit la tenir à jour mais ne peut ajouter de brevets à une liste que si elle le fait en conformité avec le paragraphe (4).

     4. (1) A person who files or has filed a submission for, or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list certified in accordance with subsection (7) in respect of the drug.

     (2) A patent list submitted in respect of a drug must

     (a) indicate the dosage form, strength and route of administration of the drug;
     (b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register;
     (c) contain a statement that, in respect of each patent, the person applying for a notice of compliance is the owner, has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list;
     (d) set out the date on which the term limited for the duration of each patent will expire pursuant to section 44 or 45 of the Patent Act; and
     (e) set out the address in Canada for service on the person of any notice of an allegation referred to in paragraph 5(3)(b) or (c), or the name and address in Canada of another person on whom service may be made, with the same effect as if service had been made on the person.

     (3) Subject to subsection (4), a person who submits a patent list must do so at the time the person files a submission for a notice of compliance.

     (4) A first person may, after the date of filing of a submission for a notice of compliance and within 30 days after the issuance of a patent that was issued on the basis of an application that has a filing date that precedes the date of filing of the submission, submit a patent list, or an amendment to an existing patent list, that includes the information referred to in subsection (2).

     (5) When a first person submits a patent list or an amendment to an existing patent list in accordance with subsection (4), the first person must identify the submission to which the patent list or the amendment relates, including the date on which the submission was filed.

     (6) A person who submits a patent list must keep the list up to date but may not add a patent to an existing patent list except in accordance with subsection (4).

     (7) La personne qui soumet une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets aux termes des paragraphes (1) ou (4) doit remettre une attestation portant que :

     a) les renseignements fournis sont exacts;
     b) les brevets mentionnés dans la liste ou dans la modification sont admissibles à l'inscription au registre et sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité.

     5. (1) Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et souhaite en faire la comparaison, ou faire renvoi, à une autre drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue :

     a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;
     b) soit une allégation portant que, selon le cas :
         (i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse,
         (ii) le brevet est expiré,
         (iii) le brevet n'est pas valide,
         (iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

     (2) Lorsque, après le dépôt par la seconde personne d'une demande d'avis de conformité mais avant la délivrance de cet avis, une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets est soumise à l'égard d'un brevet aux termes du paragraphe 4(4), la seconde personne doit modifier la demande pour y inclure, à l'égard de ce brevet, la déclaration ou l'allégation exigée par le paragraphe (1).

     (3) Lorsqu'une personne fait une allégation visée à l'alinéa (1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :

     a) fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde;
     b) si l'allégation est faite aux termes de l'un des sous-alinéas (1)b)(i) à (iii), signifier un avis de l'allégation à la première personne;
     c) si l'allégation est faite aux termes du sous-alinéa (1)b)(iv) :
         (i) signifier à la première personne un avis de l'allégation relative à la demande déposée selon le paragraphe (1), au moment où elle dépose la demande ou par la suite,
         (ii) insérer dans l'avis d'allégation une description de la forme posologique, de la concentration et de la voie d'administration de la drogue visée par la demande;
     d) signifier au ministre une preuve de la signification effectuée conformément aux alinéas b) ou c).

     6. (1) La première personne peut, dans les 45 jours après avoir reçu signification d'un avis d'allégation aux termes des alinéas 5(3)b) ou c), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par l'allégation.

     (2) Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l'égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu'aucune des allégations n'est fondée.

     (3) La première personne signifie au ministre, dans la période de 45 jours visée au paragraphe (1), la preuve que la demande visée à ce paragraphe a été faite.


     (4) Lorsque la première personne n'est pas le propriétaire de chaque brevet visé dans la demande mentionnée au paragraphe (1), le propriétaire de chaque brevet est une partie à la demande.

     (5) Lors de l'instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter la demande si, selon le cas :

     a) il estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l'inscription au registre ou ne sont pas pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue pour laquelle la seconde personne a déposé une demande d'avis de conformité;
     b) il conclut qu'elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement un abus de procédure.

     (6) Aux fins de la demande visée au paragraphe (1), lorsque la seconde personne a fait une allégation aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(iv) à l'égard d'un brevet et que ce brevet a été accordé pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes, la drogue que la seconde personne projette de produire est, en l'absence d'une preuve contraire, réputée préparée ou produite selon ces modes ou procédés.

     (7) Sur requête de la première personne, le tribunal peut, au cours de l'instance :

     a) ordonner à la seconde personne de produire les extraits pertinents de la demande d'avis de conformité qu'elle a déposée et lui enjoindre de produire sans délai tout changement apporté à ces extraits au cours de l'instance;
     b) enjoindre au ministre de vérifier que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité.

     (8) Tout document produit aux termes du paragraphe (7) est considéré comme confidentiel.

     (9) Le tribunal peut, au cours de l'instance relative à la demande visée au paragraphe (1), rendre toute ordonnance relative aux dépens, notamment sur une base avocat-client, conformément à ses règles.

     (10) Lorsque le tribunal rend une ordonnance relative aux dépens, il peut tenir compte notamment des facteurs suivants :

     a) la diligence des parties à poursuivre la demande;
     b) l'inscription, sur la liste de brevets qui fait l'objet d'une attestation, de tout brevet qui n'aurait pas dû y être inclus aux termes de l'article 4;
     c) le fait que la première personne n'a pas tenu à jour la liste de brevets conformément au paragraphe 4(6).

     7. (1) Le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive des dates suivantes :

     a) ...
     b) la date à laquelle la seconde personne se conforme à l'article 5;
     c) sous réserve du paragraphe (3), la date d'expiration de tout brevet inscrit au registre qui ne fait pas l'objet d'une allégation;
     d) sous réserve du paragraphe (3), la date qui suit de 45 jours la date de réception de la preuve de signification de l'avis d'allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c) à l'égard de tout brevet inscrit au registre;
     e) sous réserve des paragraphes (2), (3) et (4), la date qui suit de 24 mois la date de réception de la preuve de présentation de la demande visée au paragraphe 6(1);
     f) la date d'expiration de tout brevet faisant l'objet d'une ordonnance rendue aux termes du paragraphe 6(1).

     (2) L'alinéa (1)e) ne s'applique pas si, à l'égard de chaque brevet visé par une demande au tribunal aux termes du paragraphe 6(1) :

     a) soit le brevet est expiré;
     b) soit le tribunal a déclaré que le brevet n'est pas valide ou qu'aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites.

     (3) Les alinéas (1)c), d) et e) ne s'appliquent pas à l'égard d'un brevet si le propriétaire de celui-ci a consenti à ce que la seconde personne utilise, fabrique, construise ou vende la drogue au Canada.

     (4) L'alinéa (1)e) cesse de s'appliquer à l'égard de la demande visée au paragraphe 6(1) si celle-ci est retirée ou fait l'objet d'un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi.

     (5) Lorsque le tribunal n'a pas encore rendu d'ordonnance aux termes du paragraphe 6(1) à l'égard d'une demande, il peut :

     a) abréger le délai visé à l'alinéa (1)e) avec le consentement de la première personne et de la seconde personne, ou s'il conclut que la première personne n'a pas, au cours de l'instance relative à la demande, collaboré de façon raisonnable au règlement expéditif de celle-ci;
     b) proroger le délai visé à l'alinéa (1)e) avec le consentement de la première personne et de la seconde personne, ou s'il conclut que la seconde personne n'a pas, au cours de l'instance relative à la demande, collaboré de façon raisonnable au règlement expéditif de celle-ci.

     (7) A person who submits a patent list or an amendment to an existing patent list under subsection (1) or (4) must certify that

     (a) the information submitted is accurate; and
     (b) the patents set out on the patent list or in the amendment are eligible for inclusion on the register and are relevant to the dosage form, strength and route of administration of the drug in respect of which the submission for a notice of compliance has been filed.

     5. (1) Where a person files or has filed a submission for a notice of compliance in respect of a drug and wishes to compare that drug with, or make reference to, another drug that has been marketed in Canada pursuant to a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the person shall, in the submission, with respect to each patent on the register in respect of the other drug,

     (a) state that the person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or
     (b) allege that
         (i) the statement made by the first person pursuant to paragraph 4(2)(c) is false,
         (ii) the patent has expired,
         (iii) the patent is not valid, or
         (iv) no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed.


     (2) Where, after a second person files a submission for a notice of compliance, but before the notice of compliance is issued, a patent list or an amendment to a patent list is submitted in respect of a patent pursuant to subsection 4(4), the second person shall amend the submission to include, in respect of that patent, the statement or allegation that is required by subsection (1).

     (3) Where a person makes an allegation pursuant to paragraph (1)(b) or subsection (2) the person shall

     (a) provide a detailed statement of the legal and factual basis for the allegation;
     (b) if the allegation is made under any of subparagraphs (1)(b)(i) to (iii), serve a notice of the allegation on the first person;
     (c) if the allegation is made under subparagraph (1)(b)(iv),
         (i) serve on the first person a notice of the allegation relating to the submission filed under subsection (1) at the time that the person files the submission or at any time thereafter, and
         (ii) include in the notice of allegation a description of the dosage form, strength and route of administration of the drug in respect of which the submission has been filed; and
     (d) serve proof of service of the information referred to in paragraph (b) or (c) on the Minister.

     6. (1) A first person may, within 45 days after being served with a notice of an allegation pursuant to paragraph 5(3)(b) or (c), apply to a court for an order prohibiting the Minister from issuing a notice of compliance until after the expiration of a patent that is the subject of the allegation.

     (2) The court shall make an order pursuant to subsection (1) in respect of a patent that is the subject of one or more allegations if it finds that none of those allegations is justified.

     (3) The first person shall, within the 45 days referred to in subsection (1), serve the Minister with proof that an application referred to in that subsection has been made.

     (4) Where the first person is not the owner of each patent that is the subject of an application referred to in subsection (1), the owner of each such patent shall be made a party to the application.

     (5) In a proceeding in respect of an application under subsection (1), the court may, on the motion of a second person, dismiss the application

     (a) if the court is satisfied that the patents at issue are not eligible for inclusion on the register or are irrelevant to the dosage form, strength and route of administration of the drug for which the second person has filed a submission for a notice of compliance; or
     (b) on the ground that the application is redundant, scandalous, frivolous or vexatious or is otherwise an abuse of process.

     (6) For the purposes of an application referred to in subsection (1), where a second person has made an allegation under subparagraph 5(1)(b)(iv) in respect of a patent and where that patent was granted for the medicine itself when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed or by their obvious chemical equivalents, it shall be considered that the drug proposed to be produced by the second person is, in the absence of proof to the contrary, prepared or produced by those methods or processes.

     (7) On the motion of a first person, the court may, at any time during a proceeding,

     (a) order a second person to produce any portion of the submission for a notice of compliance filed by the second person relevant to the disposition of the issues in the proceeding and may order that any change made to the portion during the proceeding be produced by the second person as it is made; and
     (b) order the Minister to verify that any portion produced corresponds fully to the information in the submission.

     (8) A document produced under subsection (7) shall be treated confidentially.

     (9) In a proceeding in respect of an application under subsection (1), a court may make any order in respect of costs, including on a solicitor-and-client basis, in accordance with the rules of the court.


     (10) In addition to any other matter that the court may take into account in making an order as to costs, it may consider the following factors:

     (a) the diligence with which the parties have pursued the application;
     (b) the inclusion on the certified patent list of a patent that should not have been included under section 4; and
     (c) the failure of the first person to keep the patent list up to date in accordance with subsection 4(6).

     7. (1) The Minister shall not issue a notice of compliance to a second person before the latest of

     (a) ...
     (b) the day on which the second person complies with section 5,
     (c) subject to subsection (3), the expiration of any patent on the register that is not the subject of an allegation,
     (d) subject to subsection (3), the expiration of 45 days after the receipt of proof of service of a notice of any allegation pursuant to paragraph 5(3)(b) or (c) in respect of any patent on the register,
     (e) subject to subsections (2), (3) and (4), the expiration of 24 months after the receipt of proof of the making of any application under subsection 6(1), and
     (f) the expiration of any patent that is the subject of an order pursuant to subsection 6(1).

     (2) Paragraph (1)(e) does not apply if at any time, in respect of each patent that is the subject of an application pursuant to subsection 6(1),

     (a) the patent has expired; or
     (b) the court has declared that the patent is not valid or that no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed.

     (3) Paragraphs (1)(c), (d) and (e) do not apply in respect of a patent if the owner of the patent has consented to the making, constructing, using or selling of the drug in Canada by the second person.

     (4) Paragraph (1)(e) ceases to apply in respect of an application under subsection 6(1) if the application is withdrawn or discontinued by the first person or is dismissed by the court hearing the application.

     (5) If the court has not yet made an order under subsection 6(1) in respect of an application, the court may

     (a) shorten the time limit referred to in paragraph (1)(e) on consent of the first and second persons or if the court finds that the first person has failed, at any time during the proceeding, to reasonably cooperate in expediting the application; or
     (b) extend the time limit referred to in paragraph (1)(e) on consent of the first and second persons or, if the court finds that the second person has failed, at any time during the proceeding, to reasonably cooperate in expediting the application.

[5]          L'article 8 du Règlement rend la première personne responsable envers la deuxième personne de toute perte subie dans les circonstances décrites à cet article qui est ainsi libellé :

     8. (1) Si la demande présentée aux termes du paragraphe 6(1) est retirée ou fait l'objet d'un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi, ou si l'ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité, rendue aux termes de ce paragraphe, est annulée lors d'un appel, la première personne est responsable envers la seconde personne de toute perte subie au cours de la période :

     a) débutant à la date, attestée par le ministre, à laquelle un avis de conformité aurait été délivré en l'absence du présent règlement, sauf si le tribunal estime d'après la preuve qu'une autre date est plus appropriée;
     b) se terminant à la date du retrait, du désistement ou du rejet de la demande ou de l'annulation de l'ordonnance.

     (2) La seconde personne peut, par voie d'action contre la première personne, demander au tribunal de rendre une ordonnance enjoignant à cette dernière de lui verser une indemnité pour la perte visée au paragraphe (1).

     (3) Le tribunal peut rendre une ordonnance aux termes du présent article sans tenir compte du fait que la première personne a institué ou non une action pour contrefaçon du brevet visé par la demande.

     (4) Le tribunal peut rendre l'ordonnance qu'il juge indiquée pour accorder réparation par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits à l'égard de la perte visée au paragraphe (1).

     (5) Pour déterminer le montant de l'indemnité à accorder, le tribunal tient compte des facteurs qu'il juge pertinents à cette fin, y compris, le cas échéant, la conduite de la première personne ou de la seconde personne qui a contribué à retarder le règlement de la demande visée au paragraphe 6(1).

     8. (1) If an application made under subsection 6(1) is withdrawn or discontinued by the first person or is dismissed by the court hearing the application or if an order preventing the Minister from issuing a notice of compliance, made pursuant to that subsection, is reversed on appeal, the first person is liable to the second person for any loss suffered during the period

     (a) beginning on the date, as certified by the Minister, on which a notice of compliance would have been issued in the absence of these Regulations, unless the court is satisfied on the evidence that another date is more appropriate; and
     (b) ending on the date of the withdrawal, the discontinuance, the dismissal or the reversal.

     (2) A second person may, by action against a first person, apply to the court for an order requiring the first person to compensate the second person for the loss referred to in subsection (1).


     (3) The court may make an order under this section without regard to whether the first person has commenced an action for the infringement of a patent that is the subject matter of the application.

     (4) The court may make such order for relief by way of damages or profits as the circumstances require in respect of any loss referred to in subsection (1).

     (5) In assessing the amount of compensation the court shall take into account all matters that it considers relevant to the assessment of the amount, including any conduct of the first or second person which contributed to delay the disposition of the application under subsection 6(1).

Énoncé des faits

[6]          Les faits du présent litige peuvent se résumer comme suit.

[7]          Par lettre en date du 26 mars 1999 portant la mention « Avis d'allégation et énoncé détaillé en vertu de l'alinéa 5(3)a) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) » , l'intimée à écrit à l'appelante Astra Pharma Inc ce qui suit :

[TRADUCTION]
Objet : Présentation de drogue nouvelle pour les capsules de Omeprazole, 10mg et 20mg
La présente constitue l'Avis d'allégation et l'énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels se fonde Genpharm Inc. (Genpharm) en ce qui a trait aux allégations contenues dans les déclarations de Genpharm au sujet de la liste de brevets (Formulaire V) que nous avons déposées en rapport avec la drogue précitée, tel que requis par le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).
L'allégation
Les brevets suivants sont listés par vous au sujet de la drogue magnésium de l'oméprazole :
             N de brevet          Date d'expiration
             ...              ...
             1292693              03 déc. 2008
             1302891              09 juin 2009
             ...              ...
Le droit et les faits sur lesquels l'allégation se fonde
...
5)      Brevet canadien no 1,292,693
     Le brevet canadien no 1,292,693 (brevet `693) concerne et revendique des préparations pharmaceutiques renfermant de l'oméprazole. Les revendications figurant dans le brevet `693 exigent que le noyau renferme le principe actif. Le brevet spécifie également qu'un sous-enrobage inerte soit appliqué sur le noyau et qu'un enrobage gastrorésistant et entérosoluble soit appliqué sur le noyau sous-enrobé. Les gélules de Genpharm renferment de nombreuses pastilles, qui comportent chacune un noyau. Le composé actif présent dans les gélules de Genpharm est pulvérisé sur les noyaux inertes des pastilles. Une couche protectrice est ensuite ajoutée aux noyaux enrobés. Enfin, une couche gastrorésistante et entérosoluble est ajoutée sur la couche protectrice. Les gélules de Genpharm ne possèdent donc pas un noyau tel que spécifié dans les revendications du brevet `693. Le noyau est plutôt inerte et joue simplement le rôle de véhicule sur lequel sont appliquées des couches. Il n'y aurait donc pas contrefaçon du brevet du fait de l'utilisation, de la fabrication, de la construction ou de la vente par Genpharm du médicament pour lequel une demande d'avis de conformité a été déposée.

     De plus, toutes les revendications du brevet `693 ont été anticipées ou sont évidentes eu égard à l'état antérieur de la technique, eu égard notamment aux antériorités qui sont mentionnées et décrites ci-dessous.
         (1)      BE 124 495 par Aktiebolget Hassle, publié le 11 novembre 1984 (brevet `495);
         (2)      A. Pilbrant and C. Cederberg, Scand. J. of Gastroenterology, vol. 20, supplement 108, pp. 113-120 (1985) ("Pilbrant");
         (3)      G. Rackur et al, Biochemical and Biophysical Research Communications, vol. 108, no. 1, pp. 477-484 (1985) ("Rackur");
         (4)      "The Production of Pharmaceuticals", vol. 1, K. Tsuda and H. Nogami (eds.) (1971) ("Tsuda");
         (5)      Brochure "Hydroxypropyl Methylcellulose TC-5", de Shin-Etsu Chemical Co. (1975) (traduction anglaise) ("Shin-Etsu");
         (6)      "Up-to-Date Pharmaceutical Technology Series No. 1: Coating of Drugs", K. Kakemi (ed.), Jiji Printing Co. Ltd. (1969) (traduction anglaise) ("Kakemi");
         (7)      Brochure FMC Aqueric® (1986);
         (8)      DE 32 33 764 par Scherer GmbH, publié le 15 mars 1984 (résumé anglais) (brevet `764);
         (9)      G.B. 1,499,078 à Green Cross, délivré le 25 janvier 1978 (brevet `078);
         (10)      U.S. Patent no 4,150,111 à A. Warren et W.H. Davis, délivré le 17 avril 1979 (brevet `111);
         (11)      U.S. Patent no 4,255,431 à Junggren et al., délivré le 10 mars 1981 (brevet `431).
     Le brevet `495 divulgue des formulations avec des sels alcalins d'oméprazole, où il y a présence des cations lithium, sodium, potassium, magnésium, calcium, titane et ammonium quaternaire. Le brevet `495 spécifie que les sels alcalins de l'oméprazole possèdent une meilleure stabilité lors de l'entreposage et que l'on préfère tout spécialement les sels de magnésium et de calcium pour la préparation des comprimés. Les formulations du brevet `495 sont employées pour la prévention et le traitement des maladies gastro-intestinales chez les mammifères, notamment chez l'homme, par inhibition de la sécrétion de l'acide gastrique.
     Le brevet `495 fait état du problème de l'administration de l'oméprazole. Étant donné que ce dernier peut se dégrader dans des milieux acides ou neutres, le brevet `495 recommande un enrobage gastrorésistant et entérosoluble pour les granulés et les comprimés afin d'empêcher la dégradation de l'oméprazole dans l'estomac.
     L'exemple 12 du brevet `495 concerne un comprimé avec enrobage gastrorésistant et entérosoluble, contenant le sel de magnésium de l'oméprazole. Dans cet exemple, le sel de magnésium est mélangé avec du lactose et granulé avec la méthylcellulose. Après séchage, le granulé est mélangé avec la polyvinylpyrrolidone et le stéarate de magnésium. Le granulé est ensuite transformé sous pression en un comprimé, ce dernier étant soumis à une pulvérisation à l'aide d'une solution d'acétate-phtalate de cellulose et d'alcool cétylique dans un mélange d'isopropanol/chlorure de méthylène.
     Le brevet `495 divulgue une préparation pharmaceutique, où le sel d'oméprazole est présent dans le noyau. Un sous-enrobage est appliqué sur le noyau, et un enrobage gastrorésistant et entérosoluble est appliqué ultérieurement. De plus, le brevet `495 spécifie que ses formulations peuvent être utilisées pour traiter les maladies gastro-intestinales.
     Toutes les revendications du brevet `693, pour lesquelles il n'y a pas antériorité dans le brevet `495, deviennent de ce fait évidentes, qu'elles soient seules ou combinées à des techniques antérieures. Par exemple, Pilbrant note que l'oméprazole est labile avec les acides et l'associe aux substances tampons pour le pH, comme le bicarbonate de sodium. Pilbrant recommande d'administrer l'oméprazole sous forme de comprimé (avec enrobage gastrorésistant et entérosoluble), à libération prolongée. Par conséquent, une personne normalement compétente en la matière réaliserait que l'oméprazole pourrait être stabilisée non seulement par la formulation du composé sous sa forme basique, comme l'indique le brevet `495, mais également en ajoutant un composé réactif alcalin, comme le bicarbonate de sodium.
     Pour ce qui est du problème associé à l'utilisation de l'oméprazole, une personne normalement compétente en la matière admettrait que l'addition d'une couche intermédiaire entre une couche gastrorésistante et entérosoluble et un noyau actif réduirait la probabilité que l'oméprazole réagisse avec les groupes acides présents dans la couche gastrorésistante et entérosoluble. Le brevet `495 fait état du revêtement des principes actifs avec la polyvinylpyrrolidone avant l'application de la couche gastrorésistante et entérosoluble. Les divulgations par Tsuda, Shin-Etsu, FMC et Kakemi montrent que la technique pour séparer, à l'aide d'un polymère comme le HPMC, une couche gastrorésistante et entérosoluble, d'un noyau labile avec les acides ou d'un noyau contenant des alcalins, est bien connue dans le domaine.
     Pour ces raisons au moins, les revendications du brevet `693 ne sont pas valides car il y a antériorité et (ou) évidence.
6)      Brevet canadien no 1,302,891
     Le brevet canadien no 1,302,891 (brevet `891) décrit une préparation pharmaceutique identique à celle divulguée dans le brevet `693. Les revendications du brevet `891 exigent que le noyau renferme le principe actif. Les revendications spécifient qu'un sous-enrobage soit appliqué sur le noyau et qu'une couche gastrorésistante et entérosoluble soit appliquée sur le noyau portant le sous-enrobage. Pour les mêmes raisons que celles invoquées dans le cadre du brevet `693, il n'y aurait pas contrefaçon de médicament par suite de la fabrication, de la préparation, de l'utilisation ou de la vente par Genpharm du médicament pour lequel a été déposée une demande d'avis de conformité.
     Enfin, pour les mêmes raisons que celles énoncées dans le cadre du brevet `693, le brevet n'est pas valide.
...

[8]          Comme il appert de cette lettre, l'intimée a allégué, conformément à l'alinéa 5(1)b) du Règlement que l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente de la drogue par elle ne contreviendrait pas aux brevets `693 et `891 et, de plus, que ces deux brevets ne sont pas valides pour cause d'antériorité ou d'évidence. L'alinéa 5(3)a) du Règlement exige de l'intimée qu'elle établisse dans son énoncé détaillé « le droit et les faits sur lesquels l'allégation [faite en vertu de l'alinéa 5(1)b)] se fonde » . La lettre du 26 mars 1999 de l'intimée a pour but de satisfaire à cette obligation. Les appelantes devaient alors décider, à l'intérieur du délai de 45 jours imposé par le paragraphe 6(1) du Règlement, si elles contesteraient la délivrance de l'AC ou si elles s'abstiendraient de produire une objection.

[9]          Le 10 mai 1999, les appelantes ont déposé un Avis de demande à la Section de première instance en vertu de l'article 6 du Règlement afin qu'il soit interdit au ministre de délivrer l'AC à l'intimée. Une telle demande est soumise aux règles de pratique et de procédure qui gouvernent les demandes de la Partie 5 des Règles de la Cour fédérale (1998). À Toronto, le 7 juin 1999, le protonotaire a rendu de consentement une ordonnance établissant un calendrier pour l'achèvement des étapes préliminaires dans l'instance relative à la demande visée à l'article 6. Le calendrier exige des appelantes qu'elles déposent leurs éléments de preuve sur la question de la non-contrefaçon et de l'intimée qu'elle dépose ses éléments de preuve relativement à ses allégations concernant l'invalidité et la non-contrefaçon et, enfin, qu'elle dépose ses éléments de preuve au sujet de l'invalidité.

[10]          Les appelantes ont déposé leurs éléments de preuve sur la non-contrefaçon le 20 juillet 1999. Le 14 septembre 1999, l'intimée a fourni aux appelantes deux affidavits dont celui de M. G.S. Rowe assermenté le 9 septembre 1999. Parmi les questions examinées dans l'affidavit de M. Rowe, on retrouve la question de l'invalidité des brevets `693 et `891 pour cause d'évidence. Au sujet de cette question, M. Rowe a joint à son affidavit une liste de 28 références d'antériorité dont la vaste majorité ne figuraient pas dans la lettre du 26 mars 1999 de l'intimée. D'autres éléments semblables sont identifiés dans l'affidavit même de Rowe dont ceux liés au brevet Abbott (1956) lequel s'intitule [TRADUCTION] « Améliorations de l'enrobage gastrorésistant et entérosoluble » . Le long affidavit de M. Rowe ne fait aucune mention du brevet EP 124 495, lequel est l'élément d'antériorité énuméré en premier dans la lettre du 26 mars 1999 de l'intimée qui comprend son énoncé détaillé et est souvent invoqué dans cet énoncé. Plutôt, au paragraphe 46 de son affidavit, M. Rowe exprime l'opinion que les formulations revendiquées par les appelantes [TRADUCTION] « sont comprises dans le brevet Abbott (1956) lequel pouvait être trouvé au moyen d'une recherche de brevet ... » et, au paragraphe 105, il émet l'opinion qu'aucun des brevets `693 et `891 [TRADUCTION] « ne dévoile quoi que ce soit au sujet du processus de formulation d'une drogue qui aurait été nouveau ou non évident pour moi » avant leurs dates de priorité.

[11]          La requête des appelantes porte la date du 13 octobre 1999. Son objectif avoué est de limiter l'intimée, dans l'instance relative à la demande visée à l'article 6, à ce qui se rapporte aux éléments d'antériorité énumérés à son énoncé détaillé pour établir le droit et les faits sur lesquels l'allégation d'invalidité faite en vertu de l'alinéa 5(2)a) du Règlement se fonde et ainsi empêcher l'intimée d'utiliser aucun nouvel élément d'antériorité qui est énuméré ou autrement identifié dans l'affidavit du 9 septembre 1999 de M. Rowe.

Le jugement frappé d'appel

[12]          En rejetant la requête, le juge des requêtes a indiqué que l'antériorité et l'évidence en droit des brevets sont des questions de fait et que la preuve de l'évidence doit « reposer sur l'examen de l'effet cumulatif de l'état antérieur de la technique, tel qu'il est révélé par plusieurs sources, dont les brevets antérieurs et les publications techniques et scientifiques » . Elle a alors conclu :

[11] En l'espèce, bien que l'on invoque à la fois l'antériorité et l'évidence, l'affidavit de M. Rowe semble être axé principalement sur l'évidence. Compte tenu de la nature de l'allégation d'évidence, il est probable que les différents experts dans un domaine particulier pourraient aborder la question factuelle de l'évidence de différentes manières ou en se reportant à différents documents. Par conséquent, l'argument de l'avocat de Genpharm suivant lequel les documents cités par M. Rowe constituent des éléments de preuve sur l'état de la technique à l'époque en cause qui appuient uniquement l'allégation factuelle d'évidence n'est pas dépourvu de fondement. Je suis consciente du fait que Genpharm avait l'obligation d'articuler tous les faits qu'elle avait l'intention d'invoquer dans la présente instance, mais il me semblerait excessivement restrictif, à une étape préliminaire comme celle-ci, d'empêcher Genpharm d'invoquer les 25 documents cités par M. Rowe pour étayer son opinion.
[12] La présente requête a nécessairement été débattue sans que la Cour ait eu l'avantage de se faire expliquer en détail l'analyse de M. Rowe. Il m'est impossible, à la simple lecture de l'affidavit de M. Rowe, de savoir si Genpharm articule de nouveaux faits au soutien de son allégation ou si elle complète simplement sa preuve. Il s'agit là d'une question qu'il est préférable de laisser au juge qui entendra la demande d'interdiction d'Astra le soin de trancher.

Les questions en litige

[13]          La principale question en litige est de déterminer si le juge des requêtes a erré en rendant l'ordonnance du 25 octobre 1999 qui ouvre la possibilité, en autant que le juge qui entendra le procès en décide ainsi, que l'intimée puisse invoquer les documents d'antériorité qui sont énumérés dans l'affidavit de Rowe en plus de ceux figurant dans l'énoncé détaillé du 26 mars 1999. Les appelantes prétendent que le juge des requêtes n'a pas pris en compte ce qui dit le Règlement; c'est-à-dire qu'un énoncé détaillé fourni par une seconde personne en vertu de l'alinéa 5(3)a) définit les questions et les faits qu'une partie peut soulever lors de l'instance relative à la demande visée à l'article 6 introduite par une première personne et qu'une partie ne peut apporter des éléments de preuve dans le cadre de cette instance qu'à l'appui du bien-fondé des faits spécifiques allégués dans l'énoncé détaillé de la seconde personne. De plus, les appelantes prétendent que le juge des requêtes a erré en laissant au juge qui entendra le procès le soin de déterminer la question de savoir si l'affidavit de Rowe ajoute de nouveaux faits qui fondent l'allégation d'invalidité ou s'il ne fait que présenter des éléments de preuve supplémentaires.

Les prétentions des parties

[14]          Les appelantes prétendent que l'intimée est tenu en vertu de l'alinéa 5(3)a) du Règlement d'indiquer dans son énoncé détaillé des allégations de l'alinéa 5(1)b) tous les faits qu'elle entend soulever à l'appui de ses allégations de façon à permettre aux appelantes de décider si elles doivent ou non demander une ordonnance d'interdiction en vertu de l'article 6. Aucun fait qui ne figure pas dans l'énoncé détaillé incluant les documents auxquels il fait référence ne peut être soulevé par l'intimée dans les procédures subséquentes en interdiction. Une fois que l'instance est introduite, l'intimée a la possibilité de produire des éléments de preuve à l'appui de son énoncé détaillé, mais ne peut pas se fonder sur des faits qui ne sont pas allégués dans cet énoncé. Par conséquent, les faits qui établissent l'invalidité des brevets `693 et `891 pour cause d'évidence doivent ressortir de l'examen de cet énoncé. Bien que l'intimée ne puisse pas s'appuyer sur des faits nouveaux, elle peut, à son choix, faire une allégation supplémentaire et nouvelle en vertu de l'alinéa 5(1)a) ou bien engager une action en vue de faire déclarer le brevet en question invalide pour cause d'évidence.

[15]          L'intimée émet des réserves à l'encontre de l'idée de traiter l'énoncé détaillé comme un acte de procédure. Elle maintient que l'énoncé détaillé n'est normalement pas préparé par un avocat ni avec son assistance et que, par conséquent, une seconde personne doit bénéficier d'une certaine latitude pour ajouter aux faits sur lesquels se fonde son allégation de sorte que le tribunal qui entend une demande fondée sur l'article 6 sera plus en mesure de déterminer si l'allégation est justifiée. L'utilisation du terme « notamment » dans l'énoncé détaillé lui-même indique que les faits soulevés ne se veulent pas exhaustifs et que des faits additionnels peuvent être allégués dans une instance relative à la demande visée à l'article 6. De toute façon, les nouveaux documents d'antériorité énumérés, ou autrement identifiés, dans l'affidavit de Rowe ne constituent pas des faits nouveaux mais de simples éléments de preuve à l'appui des faits décrits dans l'énoncé détaillé. Enfin, l'ordonnance du protonotaire du 7 juin 1999 a eu pour effet de protéger les appelantes en leur permettant de produire des éléments de preuve pour les allégations d'invalidité après que l'intimée l'eut fait.

Analyse

[16]          Il me semble qu'un élément clef de la solution du présent appel peut se trouver dans la détermination du rôle de l'énoncé détaillé dans le régime établi par le Règlement. Tel qu'indiqué, cet énoncé doit être produit avant qu'une instance relative à la demande d'une ordonnance d'interdiction visée à l'article 6 puisse être envisagée par le titulaire du brevet concerné. Il a pour but d'aviser le titulaire du brevet que, suivant l'opinion d'une seconde personne, un brevet listé par la première personne en vertu de l'article 4 des Règlements ne sera pas contrefait ou encore qu'il est invalide. Cela est conforme à l'opinion exprimée par le juge Marceau dans l'arrêt Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 76 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.), à la page 11 :

Le Règlement vise essentiellement à prévoir un mécanisme par lequel les brevets sont inscrits et protégés contre une éventuelle contrefaçon à la demande du titulaire du brevet. Le Règlement garantit donc qu'aucun avis de conformité n'est délivré sans que les titulaires de brevets aient eu l'occasion de défendre leurs brevets. Cette possibilité n'est pas diminuée par le fait que l'avis d'allégation est donné en premier lieu si, comme c'est le cas en l'espèce, il renferme suffisamment de renseignements pour permettre au titulaire du brevet de décider s'il y a lieu de demander une ordonnance d'interdiction, auquel cas la Cour peut immédiatement en examiner le bien-fondé.

[17]          La présente Cour a en effet reconnu que l'énoncé détaillé doit être tel que le titulaire du brevet est pleinement informé des motifs pour lesquels un AC ne donnerait pas lieu à la contrefaçon d'un brevet listé car, autrement, le titulaire du brevet se serait pas en mesure de décider s'il doit introduire une instance relative à la demande visée à l'article 6. Le juge Mahoney a d'ailleurs indiqué dans l'arrêt Bayer AG, précité, aux pages 337 et 338 :

Il y a une autre question qui mérite un commentaire. L'alinéa 5(3)a) du Règlement oblige la personne qui demande la délivrance d'un avis de conformité à fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde. Il semble que le législateur ait voulu que le breveté soit parfaitement au courant des motifs sur lesquels le requérant se fonde pour prétendre que la délivrance d'un avis de conformité ne donnera pas lieu à la contrefaçon du brevet avant que le breveté ne décide de présenter ou non une demande au tribunal pour obtenir une décision. Une telle divulgation permettrait de cerner le débat très tôt.

[18]          Du point de vue du titulaire du brevet, l'opportunité d'introduire une instance relative à la demande visée à l'article 6 présente des avantages et des désavantages. Le principal avantage est qu'en vertu de l'alinéa 7(1)e), le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social ne peut délivrer un AC jusqu'à 24 mois après réception de la preuve qu'une demande d'interdiction a été présentée en vertu de l'article 6 du Règlement. Comme l'a indiqué le juge Mahoney dans l'arrêt Bayer AG, précité, à la page 337, l'effet « [est équivalent à] une injonction interlocutoire » pouvant atteindre une durée maintenant réduite à 24 mois. Cet avantage, bien que significatif, n'existe qu'à court terme. Le principal désavantage est que si l'instance relative à la demande visée à l'article 6 est retirée, fait l'objet d'un désistement ou est rejetée, le titulaire du brevet doit compenser la seconde personne de toute perte subie au cours de la période décrite au paragraphe 8(1) du Règlement. Le titulaire du brevet aurait moins de raisons que précédemment de tarder à introduire une instance relative à la demande visée à l'article 6. D'autre part, le fait qu'une compensation doit être payée à une seconde personne si une instance relative à la demande visée à l'article 6 est rejetée ne garantit pas que la seconde personne agira promptement dans cette procédure.

[19]          L'énoncé détaillé n'est pas un acte de procédure comme tel mais représente une étape essentielle dans le processus conduisant à la délivrance d'un AC. En agissant de la sorte, la seconde personne avise le titulaire du brevet des motifs pour lesquels elle considère que l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente de la drogue ne contreviendra pas aux droits de la seconde personne afférents au brevet pour la période non expirée du brevet. En théorie, cette procédure devrait permettre au titulaire du brevet de décider en toute confiance à l'intérieur d'une période de 45 jours s'il doit contester la délivrance d'un AC. Il faut noter que, sous réserve des exigences du commerce, la seconde personne n'a aucune obligation de faire ses allégations ou de fournir son énoncé détaillé dans un délai déterminé. La seconde personne peut prendre le temps qui lui semble nécessaire en vertu du régime établi par le Règlement.

[20]          Bien que l'énoncé détaillé ne soit pas déposé dans l'instance relative à la demande visée à l'article 6, son influence est néanmoins prédominante dans cette procédure. En effet, c'est par rapport au contenu de cet énoncé que le titulaire du brevet doit décider s'il introduit une telle instance et évaluer ses chances de succès. Pour ce faire, l'allégation et l'énoncé détaillé sont une aide importante pour définir les questions et les faits qu'il faut établir dans une instance relative à la demande visée à l'article 6 car pour obtenir l'interdiction, le titulaire du brevet doit démontrer que, contrairement à ce qui est indiqué dans l'énoncé détaillé, le droit attaché à son brevet sera enfreint si un AC est délivré pour la drogue avant l'expiration du brevet inscrit sur la liste.

[21]          À mon avis, tout ce qui précède donne à penser que la seconde personne doit satisfaire aux exigences de l'alinéa 5(3)a), c'est-à-dire établir dans l'énoncé détaillé « le droit et les faits sur lesquels elle fonde » les allégations de l'alinéa 5(1)b) et le faire d'une manière suffisamment complète pour permettre au titulaire du brevet d'évaluer ses recours en réponse à l'allégation. Voir Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé natioanle et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.), par le juge Strayer, J.C.A. à la page 216. Un examen de l'énoncé détaillé en question est ainsi requis afin de déterminer s'il est satisfait à cette exigence à l'égard de l'allégation voulant que les brevets `693 et `891 ne sont pas valides pour cause d'évidence.

[22]          Suivant mon interprétation de l'énoncé détaillé du 26 mars 1999, les faits qui fondent l'allégation d'invalidité sont établis par les éléments d'antériorité qui y sont allégués, en particulier le brevet `495. Cela est encore plus évident dans la partie de la lettre qui suit l'énumération des éléments d'antériorité invoqués par l'intimée. Nous y trouvons une explication détaillée des faits qui fondent l'allégation d'invalidité, c'est-à-dire que le brevet `495 « divulgue des formulations » , ou « fait état du problème de l'administration de l'oméprazole » , ou « concerne un comprimé avec enrobage gastrorésistant et entérosoluble » , ou « divulgue une préparation pharmaceutique » , ou « fait état du revêtement des principes actifs » . Il restait à prouver ces affirmations de fait dans l'instance relative à la demande visée à l'article 6 mais il s'agissait alors de produire la preuve pertinente.

[23]          L'intimée prétend que la liste des antériorités de l'énoncé détaillé ne se veut pas exhaustive, d'où la présence du mot « notamment » , de telle sorte que subsistait la possibilité d'ajouter à cette liste dans le cadre de l'instance relative à la demande visée à l'article 6. Je suis toutefois d'opinion que l'alinéa 5(3)a) n'envisage pas cette possibilité. L'intention serait plutôt que tous les faits sur lesquels on se fonde devraient figurer dans l'énoncé et non pas être révélés pièce à pièce au moment où on en sent le besoin dans le cadre d'une instance relative à la demande visée à l'article 6. La présente Cour a déjà prévenu des personnes dans la position de l'intimée qu'elles assument le risque qu'une allégation en particulier puisse ne pas être conforme au Règlement et que les lacunes ne puissent pas être comblées par le tibunal dans le cadre d'une instance relative à la demande visée à l'article 6. Dans l'arrêt Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 60 C.P.R. (3d) 129 (C.A.F.), le juge Strayer, J.C.A., en faisant référence à l'arrêt de la présente Cour Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 207, a indiqué, aux pages 133 et 134:

L'ordonnance dont il est fait appel a été rendue avant que la Cour n'ait eu l'occasion de clarifier certaines des questions que soulève le Règlement. Précisons que dans l'affaire Pharmacia Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [rapporté depuis à 58 C.P.R. (3d) 207], la Cour a déclaré que :
     Il nous semble que même si l'avis d'allégation joue un rôle important dans l'issue finale d'un litige de cette nature, ce n'est pas un document au moyen duquel la demande de contrôle judiciaire peut être introduite conformément à l'article 6 du règlement. Ce document a été présenté en guise de preuve par les appelantes; il a pour point de départ la demande déposée auprès du ministre. Parce que ce n'est pas un document qui a été déposé auprès de la Cour, mais auprès du ministre, à notre sens l'avis d'allégation échappe à la compétence de la Cour dans une procédure de contrôle judiciaire. Cela étant, la Cour, selon nous, n'a pas la compétence nécessaire pour radier l'avis d'allégation.
Cela veut dire, à l'évidence, que la Cour n'a pas la compétence nécessaire pour rendre des ordonnances touchant le dépôt des avis d'allégation ou pour exiger que ces avis soient améliorés à tel ou tel égard. Le principe est que, selon les dispositions mêmes du Règlement, l'avis d'allégation précède le dépôt d'une demande de prohibition devant la Cour. L'avis d'allégation appartient au substrat d'une telle procédure, ce qu'on pourrait peut-être considérer comme une partie constitutive de la « cause d'action » . Une cour de justice ne peut pas ordonner la création d'une cause d'action, ou ordonner que celle-ci soit créée dans tel ou tel délai ou de telle ou telle manière. La Cour ne peut en connaître qu'une fois que celle-ci existe, ou à partir du moment où l'on prétend qu'elle existe. Ceux qui omettraient de déposer un avis d'allégation, ou qui déposeraient un avis incomplet, en supporteront les conséquences lorsque, dans le cadre d'une demande de prohibition déposée devant la Cour, quelqu'un invoque les lacunes de ces allégations.

[24]          À mon avis ce raisonnement s'applique également aux lacunes qui se trouvent dans un énoncé détaillé d'une seconde personne. La présente Cour a conclu dans l'arrêt Hoffmann-LaRoche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 70 C.P.R. (3d) 1, qu'une seconde personne ne pouvait pas, dans le cadre d'une instance relative à la demande visée à l'article 6, ajouter aux faits allégués dans son énoncé détaillé. J'ai déclaré à la page 6 de cette décision :

...il est incontestable qu'une deuxième personne dans la position de l'appelante par incidence devait, aux termes de l'alinéa 5(3)a ) du Règlement, « fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde » (non souligné dans l'original). Je ne suis donc pas convaincu que le juge des requêtes a eu tort de refuser de permettre la production d'éléments de preuve nouveaux alors qu'il était évident que l'objet de cette production était simplement de combler une lacune de la part de l'appelante par incidence elle-même, qui ne s'est pas conformée aux exigences prescrites en omettant, dans son énoncé détaillé, d'indiquer tous les faits qu'elle avait l'intention d'invoquer...

[25]          De plus, l'intimée prétend que la liste des antériorités jointe à l'affidavit de M. Rowe et les autres éléments d'antériorité auxquels il est autrement fait référence dans cet affidavit ne constituent pas des faits nouveaux mais des éléments de preuve quant aux faits sur lesquels elle se fonde dans l'énoncé détaillé. Je peux difficilement voir ces nouveaux éléments de la sorte. Il m'apparaît que les éléments d'antériorité de l'affidavit de Rowe soumis à l'appui de l'allégation d'invalidité pour cause d'évidence n'établissent pas les faits mentionnés dans l'énoncé détaillé mais plutôt des faits nouveaux. En effet, l'avocat a candidement convenu durant les plaidoiries que, en soumettant sa preuve d'évidence, M. Rowe a préféré s'appuyer sur le brevet Abbott (1956) que sur le brevet `495 énuméré dans l'énoncé détaillé, même si l'avocat a maintenu que M. Rowe avait eu raison de le faire et que, de toute façon, les nouvelles références ne représentent pas des faits nouveaux mais des éléments de preuve à l'appui des faits sur lesquels l'intimée fonde ses allégations.

[26]          Enfin, l'intimée a essayé de tirer argument de l'ordonnance rendue de consentement par le protonotaire le 6 avril 1999, celle-ci représentant une approche raisonnable du litige visé à l'article 6 en ce sens que les appelantes ont ainsi l'avantage de connaître la preuve de l'intimée sur la question de l'invalidité avant de déposer leur propre preuve sur cette question. Même si la séquence dans le dépôt de la preuve établie par cette ordonnance donne cette avantage, je ne vois pas en quoi cela peut concerner la question à l'étude. À mon avis, l'avantage inhérent pour les appelantes qui se dégage de l'ordonnance de consentement ne répond pas à la question de savoir d'abord, si l'intimée peut invoquer les faits nouveaux. Si l'intimée ne pouvait ajouter aux faits sur lesquels elle fonde ses allégations, l'ordre dans lequel il est ordonné de divulguer les faits nouveaux n'aurait pas d'importance. La question demeurerait de savoir si, considérant le régime établi par le Règlement et la jurisprudence, il est approprié de soulever des faits nouveaux et de se fonder sur ceux-ci dans une instance relative à la demande visée à l'article 6 en plus de ceux sur lesquels se fonde l'énoncé détaillé de l'alinéa 5(3)a) déposé à l'appui de l'allégation de l'alinéa 5(1)b).

[27]          J'ajouterais quelques commentaires additionnels. Il faut se rappeler que l'instance relative à la demande visée à l'article 6 doit habituellement être terminée en 24 mois et que l'attribution de dommages attend le titulaire de brevet qui n'a pas gain de cause à la fin de la procédure. Si la seconde personne demeure toujours libre de compléter son énoncé détaillé dans une instance relative à la demande visée à l'article 6, l'instance elle-même est ainsi retardée, ce qui ne peut se faire qu'au détriment de la première personne. La prorogation du délai de 24 mois prévu à l'alinéa 7(1)e) (qui était précédemment de 30 mois) semble possible dans des cas particuliers en vertu de l'alinéa 7(5)b). La présente Cour a toutefois reconnu qu'une instance relative à la demande visée à l'article 6 devrait, en vertu des Règles de la Cour, être traitée de manière aussi expéditive que possible afin que les droits des deux parties soient tranchés avec célérité. Ainsi, dans l'arrêt Bayer AG, précité, le juge Mahoney, J.C.A., a indiqué à la page 337:

     La Cour est de toute évidence tenue de statuer avec célérité sur la demande dont elle est saisie. Compte tenu du fait que, selon l'économie du Règlement, c'est le breveté qui est à la fois chargé de la conduite de l'instance et qui a intérêt à ce que son déroulement soit retardé, les dérogations au calendrier imposé par les règles de la partie V.1 devraient être exceptionnelles.

La possibilité qu'a la Cour d'ordonner le paiement de dommages pour lesquels un titulaire de brevet défaillant est rendu responsable en vertu de l'article 8 du Règlement suggère toutefois que le titulaire de brevet n'est dorénavant plus seul à avoir un intérêt à retarder le déroulement d'une instance relative à la demande visée à l'article 6. De plus, le laps de temps relativement court prévu à l'alinéa 7(1)e) du Règlement et les termes du paragraphe 7(5) ont été à bon droit perçus comme une indication supplémentaire qu'une instance relative à la demande visée à l'article 6 devrait rapidement faire l'objet d'un jugement définitif du tribunal. C'est ce qu'a tenu à préciser le juge Strayer, J.C.A., dans l'arrêt Pharmacia Inc., à la page 215 :

Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) indique aussi l'intention que ce type particulier de demande de contrôle judiciaire soit tranché de façon expéditive. Le paragraphe 7(1) du Règlement prévoit qu'un avis de conformité ne doit pas être délivré avant l'expiration de trente mois suivant le dépôt de la demande d'interdiction, à moins que la Cour n'ait rejeté la demande dans l'intervalle. Le paragraphe 7(5) autorise la Cour à abréger ou à proroger ce délai de trente mois lorsqu'elle n'a pas encore rendu une décision relativement à la demande, et qu'elle constate qu'une partie à la demande « n'a pas collaboré de façon raisonnable au traitement expéditif de celle-ci » . Ainsi, par exemple, lorsque la partie requérante retarde indûment la tenue de l'audience sur le bien-fondé de la demande, la partie intimée peut présenter une requête pour demander à la Cour d'abréger le délai de délibrance d'un avis de conformité.

Il faut également souligner que non seulement le titulaire du brevet qui perd sa cause dans l'instance relative à la demande visée à l'article 6 sera tenu par une ordonnance de la Cour de compenser la seconde personne mais il peut également être tenu d'acquitter les dépens en vertu du paragraphe 6(9) du Règlement ce qui inclut les dépens « sur une base avocat-client » . En effet, tel que prévu au paragraphe 6(10), la Cour peut tenir compte au moment de rendre une ordonnance sur les dépens de « la diligence des parties à poursuivre la demande » . Ceci suggère à nouveau qu'une instance relative à la demande visée à l'article 6 doit se dérouler avec diligence et ne pas être indûment retardée par une partie.

[28]          Si l'analyse qui précède s'avère correcte, une seconde personne serait bien avisée de recourir à l'assistance d'un conseiller juridique avant de soumettre et faire signifier l'allégation et l'énoncé détaillé plutôt que d'attendre que le titulaire du brevet introduise une instance relative à la demande visée à l'article 6.

[29]          Pour les motifs qui précèdent, je suis d'avis de faire droit à l'appel avec dépens, d'annuler l'ordonnance de la Section de première instance et d'ordonner que l'intimée ne se fondera sur aucun des éléments d'antériorité énumérés ou autrement identifiés dans l'affidavit de Rowe pour faire valoir que les brevets `693 et `891 sont invalides pour cause d'évidence.


     A.J. Stone

     J.C.A.


Je souscris aux présents motifs.

Le juge Marshall Rothstein, J.C.A.

Je souscris aux présents motifs.

Le juge John M. Evans, J.C.A.



Traduction certifiée conforme


Daniel Dupras, LL.B.





COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                  A-692-99

APPEL D'UN JUGEMENT DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA, RENDU LE 25 OCTOBRE 1999, DOSSIER : T-809-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ab Hassle et Astra Pharma Inc. c. Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et al.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le mardi 16 mai 2000
MOTIFS DU JUGEMENT :      Le juge Stone, J.C.A.
Y ONT SOUSCRIT :          Le juge Rothstein, J.C.A.

                     Le juge Evans, J.C.A.

EN DATE DU :              12 juin 2000

ONT COMPARU :

Sheldon Hamilton

Gunars Gaikis              POUR LES APPELANTES

Roger Hughes

Kamleh Nicola              POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)              POUR LES APPELANTES

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)              POUR LES INTIMÉS
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