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Date : 20181109


Dossier : 18-A-40

Référence : 2018 CAF 204

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Laskin

ENTRE :

JOAN FRAME, PETER CHRISTOPHER VAN NAME, PRISCILLA MEECHES, NOELINE VILLEBRUN, ROSE SICCAMA, GUNARGIE O’SULLIVAN, COLLEEN RIJOTT, MARK HANDLEY, SARAH RAIN, VIOLET CHRISTINE DAVID, MELANIE MORRISSEAU, JOSEPHINE DENIS

demandeurs

et

JESSICA RIDDLE, WENDY LEE WHITE, CATRIONA CHARLIE et SA MAJESTÉ LA REINE

intimées

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2018.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20181109


Dossier : 18-A-40

Référence : 2018 CAF 204

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Laskin

ENTRE :

JOAN FRAME, PETER CHRISTOPHER VAN NAME, PRISCILLA MEECHES, NOELINE VILLEBRUN, ROSE SICCAMA, GUNARGIE O’SULLIVAN, COLLEEN RIJOTT, MARK HANDLEY, SARAH RAIN, VIOLET CHRISTINE DAVID, MELANIE MORRISSEAU, JOSEPHINE DENIS

demandeurs

et

JESSICA RIDDLE, WENDY LEE WHITE, CATRIONA CHARLIE et SA MAJESTÉ LA REINE

intimées

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LASKIN

[1]  La présente requête découle du règlement du recours collectif lié à la rafle des années 1960 (Sixties Scoop) un litige visant à obtenir réparation pour la pratique des autorités canadiennes de protection de l’enfance qui, pendant de nombreuses années, ont pris en charge des enfants autochtones et les ont placés dans des familles qui ne l’étaient pas et ne pouvaient leur enseigner leur culture ou leur langue traditionnelles.

[2]  La requête nécessite une mise en contexte.

[3]  Au total, 23 recours collectifs proposés ont été intentés relativement à la rafle des années 1960. Le premier a été intenté en Ontario en 2009, et d’autres ont suivi dans quatre autres provinces. La première instance en Cour fédérale a débuté en 2016, suivie de deux autres en 2017. On dit que le groupe proposé est composé d’environ 22 000 personnes.

[4]  En février 2017, le ministre fédéral des Affaires autochtones et du Nord a annoncé que le gouvernement fédéral souhaitait régler le litige concernant la rafle des années 1960. À la suite de cette annonce, d’autres recours collectifs proposés ont été intentés dans deux provinces et devant la Cour fédérale.

[5]  En novembre 2017, après de longues négociations et un processus de règlement des différends supervisé par la Cour fédérale, les avocats dans la première instance en Ontario et dans la première instance en Cour fédérale ont conclu une entente de règlement final visant tous les recours en cours. L’entente de règlement était conditionnelle à l’approbation par la Cour supérieure de justice de l’Ontario et la Cour fédérale. Elle prévoyait, entre autres, l’établissement et le financement initial par le fédéral d’une fondation chargée de poursuivre les efforts de changement et de réconciliation ainsi qu’un régime d’indemnisation par voie de demande. Tout membre des groupes avait le droit de s’exclure du règlement. Aux termes de l’entente, les avocats ayant représenté les membres des recours collectifs recevraient des honoraires de 75 millions de dollars. Elle précisait un échéancier pour le règlement, qui se terminait à la date de la décision ultime dans tout appel relatif aux ordonnances d’approbation.

[6]  Les membres du groupe ont été avisés de la tenue d’audiences en vue de l’approbation du règlement en janvier 2018. Ils ont eu l’occasion de s’opposer aux modalités de l’entente, aux honoraires d’avocats proposés, ou aux deux. L’audience en Cour fédérale a eu lieu devant le juge Shore, pendant deux jours, en mai 2018. Quelque 373 objections ont été reçues et déposées à la Cour. Des opposants ont également présenté leurs observations de vive voix. Parmi les opposants, on compte quatre des 12 demandeurs à la présente requête. De nombreux opposants ont exprimé des préoccupations au sujet des honoraires des avocats.

[7]  À la fin de l’audience, le juge Shore a annoncé qu’il approuvait le règlement. L’ordonnance officielle d’approbation a été rendue quelques jours plus tard, suivie ultérieurement de longs motifs. L’ordonnance indiquait que l’entente de règlement était juste, raisonnable et dans l’intérêt du groupe. Les honoraires des avocats y étaient fixés à 37,5 millions de dollars en Cour fédérale, soit 12,5 millions de dollars à chacun des trois cabinets. L’ordonnance précisait qu’elle serait nulle et non avenue si l’entente de règlement n’était pas approuvée par la Cour de l’Ontario essentiellement selon les mêmes modalités.

[8]  L’audience d’approbation du règlement a eu lieu devant le juge Belobaba de la Cour de l’Ontario plus tard en mai 2018. Il a rendu ses motifs en juin. Il a affirmé qu’il approuverait le règlement, à l’exception des honoraires d’avocat, qu’il jugeait excessifs et déraisonnables. Il a indiqué que les avocats dans l’instance ontarienne avaient accepté de dissocier cette stipulation des autres stipulations de l’entente et a demandé aux avocats dans l’instance devant la Cour fédérale d’en faire autant.

[9]  Après d'autres négociations, une entente a été conclue afin de prévoir des honoraires distincts pour les deux groupes d’avocats, d’au plus 37,5 millions de dollars pour chaque groupe, à la condition que chaque juridiction approuve les honoraires à verser aux avocats ayant plaidé devant elle. L’entente de règlement a été modifiée en conséquence. Le juge Belobaba a approuvé l’entente modifiée en juillet 2018. Son ordonnance n’a pas fait l’objet d’un appel.

[10]  Entre-temps, le juge Phelan avait été nommé juge responsable de la gestion de l’instance devant la Cour fédérale. Les avocats représentant le groupe devant la Cour fédérale ont informé le juge de la modification et lui ont fourni une ébauche d’ordonnance d’approbation, qui était essentiellement identique à celle rendue par le juge Shore, sauf pour ce qui est de la modification. Le juge Phelan a rendu l’ordonnance le 2 août 2018. Comme celle du juge Shore, elle approuvait le versement d’honoraires de 37,5 millions de dollars ‑ soit 12,5 millions de dollars à chacun des trois cabinets ‑ aux avocats ayant représenté le groupe devant la Cour fédérale.

[11]  Le 8 août 2018, le juge Phelan a demandé, par voie de directive, des observations sur ce qu’il a décrit comme [traduction] « la présente requête relative au paiement d’honoraires ». Il a notamment demandé [traduction] : « [...] à la lumière de la décision du juge Shore approuvant les honoraires, la Cour a-t-elle compétence pour réexaminer la question et, plus précisément, la question a-t-elle acquis l’autorité de la chose jugée ou est-elle assujettie à une préclusion? ». En réponse, les avocats ayant représenté le groupe ont fait valoir que le juge Shore et le juge Phelan avaient approuvé les honoraires et qu’aucune autre requête à cet égard ne devait être tranchée.

[12]  Le 10 septembre 2018, après une conférence préparatoire et la présentation d’autres observations, le juge Phelan a rendu des motifs, concluant que, [traduction] « conformément aux principes de la préclusion pour chose jugée, la Cour n’a pas compétence pour réexaminer, et encore moins renverser, la décision du juge Shore ». Selon le juge Phelan, [traduction] « avec le recul, il aurait peut-être été préférable d’intituler l’ordonnance du 2 août “Première ordonnance modifiée du juge Shore du 11 mai 2018” ». Il a ordonné que les ordonnances du juge Shore de mai et de juin 2018 (annexée à ses motifs et reproduisant l’ordonnance de mai 2018) et sa propre ordonnance du 2 août 2018 [traduction] « demeureront pleinement en vigueur et [que] les honoraires des avocats du recours collectif fédéral seront payés en conséquence ».

[13]  Les demandeurs souhaitent donc interjeter appel des ordonnances rendues par le juge Phelan le 2 août et le 10 septembre 2018, en application du paragraphe 334.31(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, suivant lequel un membre peut demander l’autorisation d’exercer le droit d’appel d’un représentant demandeur. La requête est formulée ainsi :

(2) Si le représentant demandeur n’a pas interjeté appel ou s’en est désisté, un membre du groupe peut demander l’autorisation d’exercer le droit d’appel du représentant demandeur dans les trente jours suivant :

(2) If a representative plaintiff or applicant does not appeal an order, or does appeal and later files a notice of discontinuance of the appeal, any member of the class for which the representative plaintiff or applicant had been appointed may apply for leave to exercise the right of appeal of that representative within 30 days after

a) l’expiration du délai d’appel ouvert au représentant demandeur, si celui-ci n’a pas interjeté appel;

(a) the expiry of the appeal period available to the representative, if the representative does not appeal; or

b) le dépôt de l’avis de désistement, si le représentant demandeur s’est désisté de l’appel.

(b) the day on which the notice of discontinuance is filed, if the representative appeals and later files a notice of discontinuance of the appeal.

[14]  Dans leur avis de requête, les demandeurs, qui affirment être tous membres du groupe, font valoir les motifs suivants :

  • ils n’ont pas été avisés de la modification de l’entente de règlement;

  • les dossiers qui s’y rapportaient avaient été scellés à tort, sans requête en confidentialité ni ordonnance à cet égard, ce qui les avait empêchés d’en prendre connaissance;

  • c’est par un article de journal qu’ils ont été informés de la modification et de son approbation;

  • l’approbation nécessitait un nouvel avis et une nouvelle audience sur l’équité;

  • l’ordonnance rendue par le juge Phelan le 2 août 2018 rendait nulle et non avenue l’ordonnance d’approbation du juge Shore;

  • le juge Phelan n’était pas compétent pour rendre l’ordonnance du 10 septembre 2018;

  • certains des demandeurs ont écrit au juge Phelan pour demander l’autorisation de participer à la conférence préparatoire qui a mené à son ordonnance du 10 septembre 2018, ce qui leur a été refusé;

  • ce refus a été prononcé malgré leur intérêt direct dans la question du paiement des honoraires, puisque, si les honoraires étaient réduits, le montant de la réduction pourrait être redistribué aux membres du groupe;

  • le juge Phelan a commis une erreur en rétablissant l’ordonnance du juge Shore sans que les garanties procédurales soient respectées;

  • les avocats ayant représenté le groupe devant la Cour fédérale ont enfreint les règles d’équité procédurale en modifiant l’entente de règlement afin de retirer au juge Belobaba la compétence à l’égard de leurs honoraires;

  • le juge Phelan n’était pas functus officio parce que l’objet de la décision du juge Shore était très différent de celui de la décision rendue par le juge Phelan dans son ordonnance du 2 août 2018;

  • vu la modification de l’entente de règlement et la stipulation relative à l’approbation distincte des honoraires, il est impossible de savoir si les honoraires payables aux avocats représentant le groupe devant la Cour fédérale sont justes et raisonnables;

  • les avocats représentant le groupe devant la Cour fédérale ont agi dans le but de maximiser leurs honoraires et ont déconsidéré l’administration de la justice.

[15]  Les éléments de preuve déposés par les demandeurs à l’appui de leur requête ne comprennent que les ordonnances du juge Phelan rendues le 2 août et le 10 septembre 2018 et l’affidavit d’une adjointe juridique, qui n’est appuyé que de cinq documents. Aucun des demandeurs n’a souscrit d’affidavit.

[16]  Malgré l’absence de preuve, le mémoire des demandeurs et leur réplique sont tous deux présentés comme un exposé détaillé des faits pertinents, y compris ceux qui selon eux étayent les affirmations susmentionnées. Ils développent leurs prétentions contre les avocats représentant le groupe, affirmant, entre autres, qu’ils [traduction] « ont trompé » le juge Belobaba, ont agi sans instructions, ont enfreint les règles du tribunal, ont contourné les garanties procédurales et ont cherché délibérément à commettre une injustice.

[17]  Les demandeurs s’appuient également sur le critère appliqué par la Cour pour statuer sur les requêtes en autorisation d’appel présentées en vertu de l’article 352 des Règles. Ce critère exige que le requérant soulève un motif défendable de faire éventuellement droit à l’appel (voir par exemple Kurniewicz v. Canada (Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration), 6 N.R. 225, au par. 9, [1974] F.C.J. No. 922 (C.A.F.))

[18]  Les intimées ont déposé un important dossier de preuve appuyé par affidavit. Elles invoquent elles aussi le critère de l’autorisation d’interjeter appel applicable à l’article 352 des Règles. Elles soutiennent également, entre autres, que la requête a été présentée hors délai, que les demandeurs n’ont pas qualité pour agir et qu’on ne peut appeler d’une ordonnance d’approbation d’un règlement sur consentement. Elles soulignent également que rien ne prouve que, si l’autorisation était accordée, les demandeurs représenteraient de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe.

[19]  Depuis le dépôt des documents relatifs à la requête, les avocats représentant la demanderesse Colleen Rijotte (dont le nom de famille est apparemment mal orthographié dans l’intitulé) ont déposé une requête pour cesser d’exercer en raison d’une rupture de la relation avec la cliente et ont indiqué qu’ils ne participaient plus à la requête. Les avocats de la demanderesse Priscilla Meeches ont informé la Cour qu’on leur a demandé de ne pas participer à la requête parce que leur cliente ne souhaite pas retarder le règlement.

[20]  Il semble que ce soit la première requête présentée en vertu du paragraphe 334.31(2) des Règles. Très peu de requêtes ont été présentées en vertu des dispositions similaires des lois sur les recours collectifs d’autres ressorts canadiens; voir Class Proceedings Act, S.A. 2003, c. C‑16.5, par. 36(3); Class Proceedings Act, R.S.B.C. 1996, c. 50, par. 36(2); Loi sur les recours collectifs, L.M. 2002, c. 14, par. 36(5); Class Actions Act, S.N.L. 2001, c. C‑18.1, par. 36(4); Loi sur les recours collectifs, L.R.N.-B. 2011, c. 125, par. 38(4); Class Proceedings Act, S.N.S. 2007, c. 28, par. 39(4); Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, c. 6, par. 30(5); Code de procédure civile, R.L.R.Q., c. C‑25.01, art. 602; Loi sur les recours collectifs, L.S. 2001, c. C‑12,01, par. 39(4).

[21]  Bien que le libellé de la disposition ontarienne diffère quelque peu de celui du paragraphe 334.31(2) des Règles, les pourvois de la Cour d’appel de l’Ontario dans les affaires Dabbs v. Sun Life Assurance Co. of Canada (1998), 41 O.R. (3d) 97, 165 D.L.R. (4e) 482 (C.A.) et Labourers’ Pension Fund of Central and Eastern Canada v. Sino-Forest Corporation, 2013 ONCA 456, autorisation d’appel refusée, [2013] C.S.C.R. no 395 (QL) sont utiles lorsqu’il s’agit d’exercer le pouvoir discrétionnaire conféré par la disposition des Règles.

[22]  Dans Dabbs, un membre a sollicité l’autorisation d’agir à titre de représentant des demandeurs afin d’appeler d’un jugement certifiant un recours collectif et approuvant son règlement. En refusant l’autorisation, la Cour a déclaré (au paragraphe 103) que [traduction] « l’autorisation est accordée en vertu [de la disposition de l’Ontario] si c’est dans l’intérêt des membres et, en particulier, si le membre du groupe qui le demande peut représenter de façon équitable et appropriée les intérêts du groupe ». Elle a souligné qu’il n’y avait [traduction] « rien dans le dossier ne démontre que [le membre du groupe] représenterait de façon appropriée les intérêts du groupe en interjetant un appel visant à annuler l’entente de règlement ». Elle a ajouté que les tribunaux de trois ressorts avaient approuvé l’entente et que le membre était le seul, au sein d’un groupe formé de quelque 400 000 personnes, à vouloir l’annuler. [traduction] « Les souhaits d’un membre », a-t-il déclaré, « ne devraient pas régir les intérêts du groupe. » S’il était insatisfait du règlement, il pouvait se retirer et ester pour son propre compte.

[23]  Dans la même veine, dans l’arrêt Sino-Forest, la Cour a rejeté la requête en autorisation de représenter des membres éventuels d’un groupe dans l’appel d’un règlement approuvé au motif qu’il n’y avait aucune raison de modifier l’ordonnance d’approbation (par. 14 et 15).

[24]  À mon avis, des considérations semblables devraient régir l’exercice du pouvoir prévu au paragraphe 334.31(2) des Règles. Pour obtenir l’autorisation d’exercer le droit d’appel à titre de représentant demandeur, le membre doit démontrer qu’il représentera de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe en appel et que l’appel en soi est dans l’intérêt des membres. S’attacher à l’intérêt des membres cadre tout à fait avec le rôle de supervision que jouent les tribunaux dans les recours collectifs, particulièrement en ce qui concerne les règlements (voir Bancroft-Snell v. Visa Canada Corp., 2016 ONCA 896, au paragraphe 40, 133 O.R. (3e) 241).

[25]  Selon les parties, la requête présentée en vertu du paragraphe 334.31(2) des Règles est assimilée à la requête en autorisation d’appel. Ce n’est pas tout à fait exact. Comme l’indiquent clairement les Règles, il s’agit plutôt d’une requête en « autorisation d’exercer le droit d’appel » du représentant demandeur. Le prononcé de l’ordonnance dépend donc de la question de savoir si le représentant demandeur (ou le demandeur) a un droit d’appel (voir Comité des règles, Le recours collectif en Cour fédérale du Canada : Document de travail (Ottawa : Cour fédérale du Canada, 2000), p. 91-92).

[26]  Les intimées soutiennent qu’un représentant demandeur n’a pas le droit d’interjeter appel d’une ordonnance approuvant le règlement d’un recours collectif. Selon elles, il s’agit d’une ordonnance sur consentement, et une partie n’a pas le droit d’interjeter appel d’une ordonnance à laquelle elle a consenti.

[27]  Certes, dans d’autres ressorts canadiens, il faut obtenir l’autorisation du tribunal pour interjeter appel d’une ordonnance sur consentement (voir, par exemple, Alberta Rules of Court, Alta. Reg. 124/2010, al. 14.5(1)d); Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, c. C.43, al. 133(a); Ruffudeen-Coutts v. Coutts, 2012 ONCA 65, aux par. 59 à 66, 348 D.L.R. (4e) 64)). Il n’est pas acquis que c’est le cas pour une ordonnance de la Cour fédérale, vu le paragraphe 27(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, qui prévoit l’appel de plein droit devant notre Cour de jugements définitifs et interlocutoires de la Cour fédérale (sans préciser qui a qualité pour interjeter appel).

[28]  De toute façon, il n’est pas du tout certain qu’une ordonnance approuvant le règlement d’un recours collectif est une ordonnance sur consentement. L’ordonnance sur consentement résulte de l’accord des parties, et non de la décision d’un juge sur ce qui est bien-fondé ou juste et raisonnable dans les circonstances. Il semble donc erroné d’assimiler l’ordonnance d’approbation du règlement, qui exige qu’un juge décide si le règlement est juste et raisonnable et dans l’intérêt des membres du groupe, à une ordonnance sur consentement (Bodnar v. The Cash Store Inc., 2011 BCCA 384, par. 37 et 38, 23 B.C.L.R. (5e) 93). Caractériser ainsi l’ordonnance risque d’empêcher un membre de demander l’autorisation d’appeler d’une ordonnance d’approbation, et ce même lorsqu’un appel pourrait être dans l’intérêt du groupe.

[29]  Toutefois, je n’ai pas à trancher cette question. Je n’ai pas non plus besoin de me demander si la requête a été présentée hors délai, comme l’affirment les intimées. La requête échoue pour une autre raison fondamentale, à savoir que les demandeurs n’ont pas fourni suffisamment de preuves pour justifier que l’autorisation leur soit accordée.

[30]  Il est fondamental que, sauf très rares exceptions, la requête soit appuyée par des preuves. L’article 363 des Règles exige qu’« [u]ne partie présente sa preuve par affidavit, relatant tous les faits sur lesquels elle fonde sa requête qui ne figurent pas au dossier de la Cour ». Ce n’est pas un simple détail (voir Kurniewicz aux par. 9 et 10).

[31]  En l’espèce, la preuve déposée par les demandeurs est tout à fait inadéquate. Premièrement, comme les demandeurs cherchent à prendre la place des représentants demandeurs, la Cour s’attendrait à voir des éléments de preuve du genre de ceux qui accompagnent habituellement la requête en autorisation et expliquant notamment l’intérêt des demandeurs, leur conception de la position qu’ils cherchent à faire valoir, leur rôle dans l’instance et leur aptitude à donner des instructions à un avocat (voir Horseman c. Canada, 2016 CAF 238, qui confirme 2015 CF 1149 et cite Sullivan v. Golden Intercapital (GIC) Investments Corp., 2014 ABQB 212 aux par. 54 à 57). Autrement, pour reprendre l’arrêt Sullivan, les demandeurs [traduction] « ne sont rien d’autre que des vecteurs sous le contrôle de l’avocat plaidant » et rien ne nous permet d’exercer le pouvoir qui nous habilite à accorder ou refuser l’autorisation d’une manière qui tient compte de la première série de facteurs mentionnés dans l’arrêt Dabbs.

[32]  Or, en l’espèce, à l’instar des circonstances de l’affaire Dabbs, [traduction] « il n’y a rien dans le dossier qui indique que [le membre] représenterait adéquatement les intérêts du groupe en interjetant un appel visant à annuler l’entente de règlement ». En effet, rien ne permet d’établir que les demandeurs appartiennent même au groupe (bien qu’on le concède à l’égard de l’un d’eux). À défaut de preuve concernant la faculté pour les demandeurs de représenter adéquatement les intérêts du groupe dans l’appel, leur requête doit être rejetée.

[33]  Les demandeurs n’ont pas non plus démontré que l’appel des ordonnances du juge Phelan serait dans l’intérêt des membres du groupe, pour les motifs qu’ils invoquent. Ils n’ont présenté pratiquement aucune preuve appuyant leurs diverses prétentions à propos des avocats ayant procédé au recours collectif et des faits ayant précédé les ordonnances du juge Phelan. Certes, les demandeurs n’ont pas nécessairement besoin de prouver leurs prétentions pour obtenir l’autorisation. Or, il ne suffit pas de faire des affirmations au sujet de leurs connaissances ou d’attaquer la conduite des avocats sans les étayer d’aucune preuve.

[34]  Pour ces motifs, la requête est rejetée.

[35]  Les intimées demandent à la Cour, compte tenu du mémoire des demandeurs, qui contient des affirmations graves et non étayées d’inconduite au sujet des avocats ayant procédé au recours collectif et des représentants demandeurs, de condamner les avocats des demandeurs aux dépens, en leur nom personnel. Les demandeurs n’ont pas répondu à cette demande dans leur mémoire en réplique.

[36]  Le paragraphe 404(2) des Règles interdit de condamner un avocat aux dépens à moins qu’il n’ait eu la possibilité de se faire entendre. Afin d’assurer le respect de l’article 404 des Règles, je donne aux avocats des demandeurs jusqu’au 19 novembre 2018 pour déposer des observations en réponse à cette demande. Les intimées auront alors jusqu’au 26 novembre 2018 pour déposer de brèves observations en réplique. Les observations des premiers et des seconds devraient aborder l’applicabilité de l’article 334.39 des Règles. La question des dépens relatifs à la requête sera tranchée après la réception et l’étude de ces observations.

« J.B. Laskin »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

18-A-40

INTITULÉ :

JOAN FRAME, PETER CHRISTOPHER VAN NAME, PRISCILLA MEECHES, NOELINE VILLEBRUN, ROSE SICCAMA, GUNARGIE O’SULLIVAN, COLLEEN RIJOTT, MARK HANDLEY, SARAH RAIN, VIOLET CHRISTINE DAVID, MELANIE MORRISSEAU, JOSEPHINE DENIS c. JESSICA RIDDLE, WENDY LEE WHITE, CATRIONA CHARLIE et SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LASKIN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 novembre 2018

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Jai Singh Sheikhupura

 

Pour les demandeurs

 

Celeste Poltak

Kirk Baert

Garth Myers

David A. Klein

Douglas Lennox

Angela Bespflug

E.F. Anthony Merchant, c.r.

Evatt Merchant, c.r.

 

POUR LES INTIMÉES JESSICA RIDDLE, WENDY LEE WHITE ET CATRIONA CHARLIE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Watson Goepel LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

DD West LLP

Winnipeg (Manitoba)

Aboriginal Law Group

Saskatoon, Saskatchewan

 

Pour les demandeurs

 

Koskie Minsky LLP

Toronto (Ontario)

Klein Lawyers LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour les INTIMÉES Jessica Riddle, Wendy Lee White et Catriona Charlie

 

Merchant Law Group LLP

Regina (Saskatchewan)

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE SA MAJESTÉ LA REINE

 

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