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Date : 20181108


Dossier : A-151-17

Référence : 2018 CAF 203

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

BRYAN NADEAU

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 5 novembre 2018.

Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 novembre 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20181108


Dossier : A-151-17

Référence : 2018 CAF 203

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

BRYAN NADEAU

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1]  M. Nadeau demande l’annulation de la décision rendue par un arbitre de grief de ce qui était alors la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la CRTFP) dans Nadeau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 31, où l’arbitre a conclu qu’il n’avait pas compétence pour examiner le grief de M. Nadeau.

[2]  Dans son grief, M. Nadeau a fait valoir qu’il avait fait l’objet d’un congédiement déguisé. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(ii) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la LRTFP). En vertu de la LRTFP, seuls certains types de griefs peuvent être renvoyés à l’arbitrage. Les deux dispositions invoquées par M. Nadeau permettent le renvoi à l’arbitrage de griefs relatifs à une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire (alinéa 209(1)b) de la LRTFP) et, pour les fonctionnaires de l’administration publique centrale (au sens donné à ce terme par la LRTFP), le renvoi de griefs concernant la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13, lorsque le consentement de l’employé est nécessaire pour la mutation et que la mutation est effectuée sans ce consentement (sous-alinéa 209(1)c)(ii) de la LRTFP).

[3]  M. Nadeau travaillait dans l’administration publique centrale, comme psychologue au groupe et au niveau PS‑02, à l’Établissement Ferndale du Service correctionnel du Canada (SCC). Les faits entourant le parcours professionnel de M. Nadeau sont examinés en détail dans la décision de l’arbitre. Pour le présent appel, il n’est nécessaire de prendre note que des faits ci-après.

[4]  M. Nadeau s’est absenté du travail, en congé de maladie, puis en congé sans solde, de la fin de 2010 jusqu’à ce qu’il présente une lettre de démission en novembre 2012. Pendant qu’il était en congé de maladie, les gestionnaires de M. Nadeau se sont inquiétés du fait qu’il n’avait pas les qualifications professionnelles requises pour accomplir certaines tâches qu’il accomplissait auparavant, et ils voulaient donc élaborer un plan avec M. Nadeau pour qu’il suive de la formation supplémentaire lorsqu’il reviendrait au travail. Ils ont également déterminé qu’il devrait travailler sous une supervision plus étroite jusqu’à ce que la formation soit terminée. Le SCC a tenté de faire revenir M. Nadeau au travail plusieurs fois, mais il a refusé. Dans sa dernière demande de retour au travail, l’employeur ordonnait à M. Nadeau de se présenter au Centre régional de réception et d’évaluation du SCC, où il était possible d’assurer une supervision accrue qui n’était pas disponible à l’Établissement Ferndale. Au lieu de se présenter au travail comme il en avait reçu la directive, M. Nadeau a démissionné.

[5]  Avant l’arbitrage, l’arbitre a ordonné au SCC de mettre certains documents à la disposition de M. Nadeau pour examen et de les apporter à l’audience. Le SCC s’est conformé à l’ordonnance. La preuve présentée à la Cour montre que M. Nadeau a refusé d’examiner les documents et n’en a produit aucun en preuve devant l’arbitre.

[6]  À l’arbitrage, M. Nadeau, qui était représenté par son épouse, a appelé deux de ses anciens gestionnaires à témoigner, et leur témoignage lui a été en grande partie défavorable. Il a témoigné brièvement lui-même, mais l’arbitre y a trouvé peu d’éléments pertinents. Aucun élément de preuve n’a été présenté à l’arbitre quant aux exigences de travail particulières imposées à M. Nadeau, aux fonctions qui étaient les siennes ou encore aux fonctions que l’employeur a modifiées ou enlevées, le cas échéant. De plus, aucune description de poste n’a été déposée pour établir le genre de tâches qu’exécute un psychologue de niveau PS‑02 au SCC.

[7]  Dans la décision à l’étude, après avoir exposé les faits, l’arbitre s’est demandé si le grief avait été dûment renvoyé en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(ii) de la LRTFP. L’arbitre a conclu que le grief ne relevait pas de cette disposition puisqu’on y alléguait un congédiement déguisé, ce qui donnait à penser que l’emploi avait été supprimé et, par conséquent, que M. Nadeau n’aurait pas pu être muté au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

[8]  L’arbitre a ensuite examiné si le grief avait été renvoyé en bonne et due forme en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(ii) de la LRTFP et s’il aurait pu l’être en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la LRTFP, qui permet le renvoi à l’arbitrage de griefs de fonctionnaires de l’administration publique centrale relatifs aux rétrogradations ou aux licenciements imposés sous le régime de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11, pour rendement insuffisant ou sous le régime de l’alinéa 12(1)e) de cette même loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite. L’arbitre a examiné cette dernière disposition afin de prendre en compte toutes les dispositions pouvant lui conférer compétence.

[9]  L’arbitre a conclu que ni le sous-alinéa 209(1)c)(i) ni le sous-alinéa 209(1)c)(ii) de la LRTFP ne pouvaient s’appliquer, car il n’y avait aucune preuve que l’employeur avait enlevé des tâches à M. Nadeau ou modifié ses conditions de travail. Ainsi, même si les fonctionnaires fédéraux peuvent invoquer le principe du congédiement déguisé, question que je n’ai pas à trancher, l’arbitre a conclu qu’il n’y avait pas eu de tel congédiement et que M. Nadeau n’avait pas été congédié, suspendu ou rétrogradé, mais qu’il avait simplement démissionné. Faute de conduite de l’employeur pouvant être qualifiée de rétrogradation, de suspension ou de licenciement, l’arbitre a conclu que le grief ne pouvait pas être renvoyé à l’arbitrage en vertu des sous-alinéas 209(1)c)(i) ou 209(1)c)(ii) de la LRTFP et a donc rejeté le grief.

[10]  M. Nadeau, qui était également représenté par son épouse devant la Cour, avec l’autorisation de cette dernière, semble s’appuyer sur les motifs suivants pour demander l’annulation de la décision de l’arbitre. Il affirme d’abord que la décision de l’arbitre devrait être annulée parce qu’il existe une crainte raisonnable de partialité en raison de commentaires que l’arbitre aurait faits au cours de l’audience, en raison de l’attitude négative qu’il aurait eue à l’égard de M. Nadeau pendant l’audience et parce que, avant sa nomination, il avait travaillé comme avocat pour le ministère de la Justice et avait représenté le SCC dans d’autres instances devant l’organisme prédécesseur de la CRTFP. Deuxièmement, M. Nadeau allègue que son droit à l’équité procédurale a été violé parce qu’il n’a pas eu accès aux documents qu’il souhaitait voir le SCC produire et parce que ces documents auraient dû être présentés à l’arbitre. Il affirme également que son droit à l’équité procédurale a été violé parce que l’arbitre n’a pas bien expliqué la procédure qui était suivie. M. Nadeau affirme en troisième lieu que la décision de l’arbitre était déraisonnable puisque, selon lui, il a été congédié de façon déguisée et qu’il y avait amplement de preuves attestant ce fait devant l’arbitre.

[11]  Pour que la Cour intervienne, elle doit être convaincue que l’arbitre pourrait raisonnablement être soupçonné d’avoir été partial, que l’arbitre a privé M. Nadeau de son droit à l’équité procédurale ou que la décision de l’arbitre était déraisonnable. Il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à l’endroit de l’arbitre en ce qui concerne les allégations de partialité et de manquement à l’équité procédurale, qui peuvent faire l’objet d’un examen complet par la Cour : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69. Par contre, il faut faire preuve de retenue à l’endroit de la décision de l’arbitre, laquelle ne peut être annulée par la Cour que si elle est déraisonnable : Bergey c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 30, au paragraphe 74 (Bergey).

[12]  Le critère d’évaluation de la partialité à appliquer en l’espèce suppose qu’on se demande s’il existe une crainte raisonnable de partialité, c’est-à-dire si une personne bien renseignée qui aurait étudié la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que, selon toute vraisemblance, l’arbitre, consciemment ou inconsciemment, n’a pas rendu une décision juste : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] R.C.S. 817, au paragraphe 46, citant Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, p. 394 (motifs dissidents du juge de Grandpré); Bergey au paragraphe 65; Johnny c. Bande indienne d’Adams Lake, 2017 CAF 146, au paragraphe 43.

[13]  En l’espèce, la Cour n’est saisie d’aucun élément de preuve (par opposition à des allégations dans une déclaration qui n’a pas été faite sous serment) montrant que l’arbitre a formulé l’un ou l’autre des commentaires allégués par M. Nadeau ou qu’il a traité M. Nadeau de façon défavorable. Ces allégations sont donc rejetées.

[14]  En ce qui concerne l’emploi antérieur de l’arbitre à titre d’avocat qui a représenté SCC dans d’autres instances, ce fait ne suffit pas à donner lieu à une crainte raisonnable de partialité si rien ne prouve que l’arbitre a déjà pris part à une affaire concernant M. Nadeau : Agnaou c. Canada (Procureur général), 2014 CF 850, aux paragraphes 44 à 54, conf. par 2015 CAF 294, autorisation d’appel à la C.S.C. refusée 36730 (26 mai 2016). Par conséquent, les allégations de partialité sont dépourvues de fondement.

[15]  Il en va de même pour les allégations concernant le manquement à l’équité procédurale, puisque l’affidavit présenté par l’intimé établit que les documents demandés par M. Nadeau lui ont été communiqués et qu’il a refusé de les produire en preuve devant l’arbitre. Rien ne prouve les allégations selon lesquelles l’arbitre n’aurait pas expliqué la procédure suivie et, au contraire, dans sa décision, l’arbitre expose en détail les explications qu’il a données à l’audience. Ces allégations sont donc rejetées de la même façon. En conséquence, il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale.

[16]  Enfin, compte tenu des faits présentés à l’arbitre, la décision de ce dernier est éminemment raisonnable puisqu’il ne disposait d’aucun élément de preuve permettant d’établir que M. Nadeau avait été congédié, suspendu, rétrogradé ou muté. M. Nadeau a plutôt démissionné avant que ses conditions de travail ne soient modifiées. Il était donc raisonnable pour l’arbitre de conclure qu’il n’avait pas compétence pour examiner le grief de M. Nadeau.

[17]  La présente demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée. Dans les circonstances, je suis d’avis de ne pas accorder pas de dépens.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« J’y souscris.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« J’y souscris.

Yves de Montigny, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-151-17

 

INTITULÉ :

BRYAN NADEAU c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU   CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 NOVEMBRE 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :

LE 8 NOVEMBRE 2018

COMPARUTIONS :

Gail Nadeau

Bryan Nadeau

POUR L’APPELANT

Joel Stelpstra

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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