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Date : 20051205

Dossier : A-151-05

Référence : 2005 CAF 406

CORAM :       LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE ROTHSTEIN

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

AHMED SALEM AZIZI

appelant

(demandeur)

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

intimé

(défendeur)

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 20 octobre 2005

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                         LE JUGE LINDEN

                                                                                                                     LE JUGE PELLETIER


Date : 20051205

Dossier : A-151-05

                                                                                                                Référence : 2005 CAF 406

CORAM :       LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE ROTHSTEIN

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

AHMED SALEM AZIZI

appelant

(demandeur)

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

intimé

(défendeur)

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                Il s'agit d'un appel en matière d'immigration faisant suite à une question de droit certifiée par le juge Mosley :

L'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés a-t-il pour effet d'exclure de la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les réfugiés au sens de la Convention qui se trouvent à l'étranger et les réfugiés au sens de la Convention qui cherchent à se réinstaller si le répondant a, au moment où il a obtenu la résidence permanente, omis de les déclarer en tant que membres de sa famille ne l'accompagnant pas?

[2]                L'appelant, Ahmed Salem Azizi, est citoyen de l'Afghanistan.. Il est marié et a deux filles; en 2001, sa famille et lui vivaient dans un camp de réfugiés au Pakistan; il est arrivé seul au Canada, le 21 août 2001, à titre de réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller. Il était parrainé par l'Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC), qui devait l'aider à poursuivre des études dans un établissement post-secondaire canadien. Dans la demande de résidence permanente qu'il a présentée le 9 février 2001, il a déclaré n'avoir jamais été marié et a inscrit la mention « N/A » (S.O.) à côté des questions relatives à la date et au lieu du mariage et aux renseignements personnels concernant les personnes à charge. Sa fiche relative au droit d'établissement - dont il a attesté la véracité et l'exactitude - ne mentionne pas qu'il a une femme et des filles.

[3]                Le 28 juin 2002, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), et le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), sont entrés en vigueur. L'alinéa 117(9)d) du Règlement prévoit que ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial les personnes n'ayant pas fait l'objet d'un contrôle à l'époque où leur répondant a présenté une demande de résidence permanente.

[4]                En avril 2003, M. Azizi a présenté une demande en vue de parrainer sa femme et ses filles. Un agent des visas a décidé que la femme de M. Azizi n'était pas admissible au parrainage parce qu'elle n'appartenait pas à la catégorie du regroupement familial car, à l'époque où M. Azizi avait demandé la résidence permanente, elle était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier et n'avait pas fait l'objet d'un contrôle. Cette décision visait aussi les deux filles de M. Azizi.

[5]                M. Azizi a interjeté appel devant la Section d'appel de l'immigration (SAI) en vertu du paragraphe 63(1) de la LIPR. Il a déclaré à la SAI que, avant son arrivée au Canada, il avait vécu dans un camp de réfugiés au Pakistan après avoir fui le régime des Talibans en Afghanistan. La seule façon pour lui de quitter le Pakistan était de se faire parrainer par l'EUMC et d'obtenir une bourse de cet organisme; il fallait pour cela qu'il soit célibataire et c'est pourquoi il n'avait pas divulgué l'existence de sa femme et de ses enfants.

[6]                La SAI a conclu que l'agent des visas avait eu raison de conclure que la femme et les enfants de M. Azizi n'appartenaient pas à la catégorie du regroupement familial du fait de l'application de l'alinéa 117(9)d) du Règlement. Le juge Mosley a confirmé la décision de la SAI.

NORME DE CONTRÔLE

[7]                Il est question en l'espèce de l'interprétation de l'alinéa 117(9)d) du Règlement et de dispositions connexes de la LIPR ainsi que de questions de nature constitutionnelle. La norme de contrôle est celle de la décision correcte, et le juge Mosley a examiné à juste titre la décision de la SAI en fonction de cette norme.

ANALYSE

[8]                M. Azizi a repris essentiellement devant la Cour les arguments qu'il a invoqués devant le juge Mosley, et je souscris dans une large mesure aux motifs du juge. Toutefois, compte tenu de la certification de la question de droit, j'examinerai brièvement les nombreux arguments que M. Azizi nous a soumis.

[9]                Le problème qui se pose en l'espèce est que la présente affaire découle des fausses déclarations que M. Azizi a faites. Afin de minimiser ou d'éliminer les conséquences de ses déclarations, il tente :

a)              d'interpréter l'alinéa 117(9)d) de façon à ce qu'il ne s'applique pas aux membres de la famille d'un demandeur du statut de réfugié qui n'accompagnent pas ce dernier;

b)              de faire valoir que ses fausses déclarations ne portaient pas sur un fait important;

c)              de faire une distinction entre les fausses déclarations qui emportent une interdiction de territoire - ce qui, selon lui, n'est pas le cas en l'espèce - et celles qui emportent un défaut de satisfaire aux exigences de la Loi - ce qui, selon lui, est le cas en l'espèce;

d)              de faire valoir que l'alinéa 117(9)d) est ultra vires parce qu'il ne cadre pas avec l'objet de la loi habilitante, c'est-à-dire la LIPR;

e)              de faire valoir que, selon la définition qu'en donne la Loi, la catégorie du regroupement familial inclut le conjoint et les enfants, et que le Règlement ne peut les exclure de cette catégorie, telle qu'elle est définie;

f)                de faire valoir qu'il y a violation du droit à la sécurité de sa personne que lui garantit l'article 7 de la Charte si l'interprétation de l'alinéa 117(9)d) exclut sa femme et ses filles de la catégorie du regroupement familial parce qu'il y a négation de droit au regroupement familial et que l'on fait abstraction de l'intérêt des enfants;

g)              de faire valoir que l'alinéa 117(9)d) est appliqué rétroactivement;

h)              de faire valoir que l'alinéa 117(9)d) viole l'article 15 de la Charte.


Interprétation de l'alinéa 117(9)d) de façon à ce qu'il ne s'applique pas aux membres de la famille d'un demandeur du statut de réfugié qui n'accompagnent pas ce dernier

[10]            M. Azizi soutient que l'alinéa 117(9)d) ne devrait pas s'appliquer aux membres de la famille d'un demandeur du statut de réfugié qui ne l'accompagnent pas. Le texte de l'alinéa en question est le suivant :

Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

[...]

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, l'étranger qui, à l'époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier et n'a pas fait l'objet d'un contrôle.

A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

...

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

[11]            M. Azizi affirme que les membres de sa famille ne l'ayant pas accompagné ne sollicitent pas l'admission au Canada et qu'il n'y a pas de raison pour laquelle l'alinéa 117(9)d) s'appliquerait à eux. En formulant cet argument, M. Azizi se reporte à une directive du ministre qui a reconnu que l'alinéa 117(9)d) excluait involontairement certains groupes de la catégorie de la famille et qu'il s'agissait là d'un oubli. S'appuyant sur cette admission du ministre, M. Azizi prétend que l'alinéa 117(9)d) ne devrait s'appliquer que dans les cas où les membres de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier sont tenus par la loi de faire l'objet d'un contrôle et ne l'ont pas fait. Étant donné qu'à l'époque où M. Azizi a présenté sa demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugié cherchant à se réinstaller, il n'était pas obligatoire de soumettre à un contrôle les membres de sa famille qui ne l'accompagnaient pas, une telle interprétation ferait en sorte que l'alinéa117(9)d) ne s'appliquerait pas à sa femme et à ses filles qui pourraient être admises dans la catégorie du regroupement familial.

[12]            En conséquence de l'oubli qui a été admis, le Règlement a été modifié par l'ajout des paragraphes 117(10) et (11). Le paragraphe 117(10) prévoit essentiellement que les membres de la famille qui n'accompagnent pas le demandeur ne sont pas exclus de la catégorie du regroupement familial si un agent des visas décide que la loi n'exige pas que ces personnes fassent l'objet d'un contrôle. Le paragraphe 117(11) est une exception au paragraphe 117(10).

[13]            Le texte des paragraphes 117(10) et (11) est le suivant :

117(10) Sous réserve du paragraphe (11), l'alinéa (9)d) ne s'applique pas à l'étranger qui y est visé et qui n'a pas fait l'objet d'un contrôle parce qu'un agent a décidé que le contrôle n'était pas exigé par la Loi ou l'ancienne loi, selon le cas.

117(10) Subject to subsection (11), paragraph (9)d) does not apply in respect of a foreign national referred to in that paragraph who was not examined because an officer determined that they were not required by the Act or the former Act, as applicable, to be examined.

117(11)L'alinéa (9)d) s'applique à l'étranger visé au paragraphe (10) si un agent arrive à la conclusion que, à l'époque où la demande visée à cet alinéa a été faite :

117(11) Paragraph (9)d) applies in respect of a foreign national referred to in subsection (10) if an officer determines that, at the time of the application referred to in that paragraph,

a) ou bien le répondant a été informé que l'étranger pouvait faire l'objet d'un contrôle et il pouvait faire en sorte que ce dernier soit disponible, mais il ne l'a pas fait, ou l'étranger ne s'est pas présenté au contrôle;

(a) the sponsor was informed that the foreign national could be examined and the sponsor was able to make the foreign national available for examination but did not do so or the foreign national did not appear for examination; or

b) ou bien l'étranger était l'époux du répondant, vivait séparément de lui et n'a pas fait l'objet d'un contrôle.

(b) the foreign national was the sponsor's spouse, was living separate and apart from the sponsor and was not examined.

[14]            Selon M. Azizi, le paragraphe 117(10) ne va pas assez loin, car il confère à l'agent des visas le pouvoir discrétionnaire de décider s'il est nécessaire de soumettre un étranger à un contrôle alors qu'il n'est jamais nécessaire en droit de soumettre à une telle mesure un membre de la famille n'accompagnant pas un demandeur du statut de réfugié. Sa solution consiste à considérer que l'alinéa 117(9)d) ne s'applique que dans les cas où un membre de la famille n'accompagnant pas le demandeur est tenu de faire l'objet d'un contrôle. Sa femme et ses filles n'étant pas tenues de faire l'objet d'un contrôle dans son cas, il prétend ne pas être visé par l'alinéa 117(9)d).

[15]            Il est bien établi en droit que la Cour ne peut pas changer le libellé d'une loi ou d'un règlement, ce que demande implicitement M. Azizi dans son argument. Le gouverneur en conseil a corrigé l'oubli conférant une « portée excessive » à l'alinéa 117(9)d) de la façon qu'il a jugée appropriée aux paragraphes 117(10) et (11).

[16]            Si M. Azizi a raison de dire que la loi n'exige pas que les membres de la famille d'un réfugié qui n'accompagnent pas ce dernier au moment où il demande la résidence permanente au Canada fassent l'objet d'un contrôle, cette circonstance tombe sous le coup du paragraphe 117(10). L'agent prendra cette décision, et l'alinéa 117(9)d) ne s'appliquera pas. Toutefois, ce qui est important c'est que le paragraphe 117(10) exige que l'agent prenne la décision. Cela signifie qu'il doit y avoir divulgation de l'existence des membres de la famille n'accompagnant pas le demandeur au moment où il présente sa demande de statut de réfugié.

[17]            M. Azizi semble dire que l'alinéa 117(11)a) étaye son argument, mais ce dernier est un peu difficile à suivre. Cependant, l'alinéa 117(11)a), à l'instar du paragraphe 117(10), suppose qu'il y a eu divulgation de l'existence des membres de la famille n'accompagnant pas le demandeur. Sans cette divulgation, il n'y aurait aucune raison pour l'agent des visas d'informer le répondant que les membres de sa famille pourraient faire l'objet d'un contrôle. Suivant le régime établi par le Règlement, l'existence des membres de la famille qui n'accompagnent pas un demandeur et qui pourraient être plus tard parrainés en vue de leur entrée au Canada doit être déclarée au moment de la demande de résidence permanente du répondant.

[18]            M. Azizi fait valoir que l'alinéa 117(9)d) doit être interprété dans le contexte d'autres dispositions réglementaires. Il soutient que le paragraphe 141(1), qui porte explicitement sur la divulgation et les réfugiés, sous-entend que l'alinéa 117(9)d) ne s'applique pas aux réfugiés. Le paragraphe est libellé en ces termes :

141. (1) Un visa de résident permanent est délivré à tout membre de la famille du demandeur [réfugiés au sens de la Convention] qui ne l'accompagne pas si, à l'issue d'un contrôle, les éléments suivants sont établis :

141. (1) A permanent resident visa shall be issued to a family member who does not accompany the [Convention refugee] applicant if, following an examination, it is established that

a) le membre de la famille était visé par la demande de visa de résident permanent du demandeur au moment où celle-ci a été faite ou son nom y a été ajouté avant le départ du demandeur pour le Canada;

(a) the family member was included in the applicant's permanent resident visa application at the time that application was made, or was added to that application before the applicant's departure for Canada;

b) il présente sa demande à un agent qui se trouve hors du Canada dans un délai d'un an suivant le jour où le demandeur se voit conférer l'asile;

(b) the family member submits their application to an officer outside Canada within one year from the day on which refugee protection is conferred on the applicant;

c) il n'est pas interdit de territoire;

(c) the family member is not inadmissible;

d) le répondant visé au sous-alinéa 139(1)f)i) qui parraine le demandeur a été avisé de la demande du membre de la famille et l'agent est convaincu que des arrangements financiers adéquats ont été pris en vue de sa réinstallation;

(d) the applicant's sponsor under subparagraph 139(1)f)i) has been notified of the family member's application and an officer is satisfied that there are adequate financial arrangements for resettlement; and

e) dans le cas où le membre de la famille cherche à s'établir au Québec, les autorités compétentes de cette province sont d'avis qu'il répond aux critères de sélection de celle-ci.

[Non souligné dans l'original.]

(e) in the case of a family member who intends to reside in the Province of Quebec, the competent authority of that Province is of the opinion that the foreign national meets the selection criteria of the Province. [Emphasis added.]

[19]            M. Azizi fait valoir que l'alinéa 141(1)a) traite expressément du cas des réfugiés qui ne divulguent pas l'existence de membres de leur famille avant leur arrivée et que, de ce fait, l'alinéa 117(9)d), qui ne porte pas expressément sur les réfugiés, ne s'applique pas à eux.

[20]            Le paragraphe 117(9) s'applique aux « étrangers » . Suivant le paragraphe 2(1) de la LIPR, un « étranger » est une « personne autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent; la présente définition vise également les apatrides » . Cette définition inclut de toute évidence les réfugiés.

[21]            La divulgation est implicitement exigée par l'alinéa 117(9)d) puisqu'il traite du contrôle des membres de la famille par les agents de l'immigration. À l'évidence, les membres de la famille ne peuvent pas faire l'objet d'un contrôle si leur existence n'a pas été divulguée. La référence explicite qui est faite à la divulgation au paragraphe 141(1) ne limite pas l'obligation de divulgation implicite dont il est question à l'alinéa 117(9)d). Au contraire, la référence explicite qui y est faite à l'alinéa 141(1)a) souligne l'importance de la divulgation dans la procédure canadienne d'immigration.

[22]            M. Azizi tente d'interpréter le Règlement d'une manière qui justifie l'omission par l'appelant ayant obtenu le statut de réfugié de faire la divulgation requise. Cela convient peut-être à sa situation, mais cela ne cadre pas avec le régime établi par le Règlement.

Les fausses déclarations portaient-elles sur un fait important?

[23]            Il y a eu débat sur la question de savoir si ce sont les paragraphes 9(3) et 12(4) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, qui s'appliquent en l'espèce, ou s'il s'agit plutôt du paragraphe 16(1) de la LIPR, qui porte sur l'obligation de faire une divulgation véridique. Selon M. Azizi, c'est le paragraphe 16(1) de la LIPR qui s'applique; selon le ministre, il s'agit plutôt des paragraphes 9(3) et 12(4) de la Loi sur l'immigration. M. Azizi se fonde sur le paragraphe 16(1) parce que, selon lui, cette disposition exige uniquement la divulgation des éléments de preuve pertinents, tandis que les paragraphes 9(3) et 12(4) de la Loi sur l'immigration ne se limitent pas expressément aux éléments de preuve pertinents. M. Azizi affirme que la question de savoir s'il avait une femme et des enfants n'était pas pertinente à sa demande de résidence permanente à titre de réfugié.

[24]            Il n'est pas nécessaire de déterminer laquelle des deux lois s'applique aux faits de l'espèce, car je suis d'avis que les renseignements relatifs aux personnes à charge qui n'accompagnent pas le demandeur sont pertinents en vertu de la LIPR, que la demande de statut de réfugié ait été présentée en vertu de la Loi sur l'immigration ou en vertu de la LIPR. Comme l'a fait remarquer le juge Mosley au paragraphe 23 de ses motifs, la nationalité ou le statut des personnes à charge pouvait commander l'adoption d'une solution durable à l'extérieur du Canada. L'alinéa 139(1)d) du Règlement prévoit :

139(1) Un visa de résident permanent est délivré à l'étranger qui a besoin de protection et aux membres de sa famille qui l'accompagnent si, à l'issue d'un contrôle, les éléments suivants sont établis :

[...]

139(1) A permanent resident visa shall be issued to a foreign national in need of refugee protection, and their accompanying family members, if following an examination it is established that:

d) aucune possibilité raisonnable de solution durable n'est, à son égard, réalisable dans un délai raisonnable dans un pays autre que le Canada, à savoir :

[...]

(d) the foreign national is a person in respect of whom there is no reasonable prospect, within a reasonable period, of a durable solution in a country other than Canada, namely:

(i) soit le rapatriement volontaire ou la réinstallation dans le pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle,

(i)         Voluntary repatriation or resettlement in their country of nationality or habitual residence, or

(ii) soit la réinstallation ou une offre de réinstallation dans un autre pays;

(ii) resettlement or an offer of resettlement in another country;

L'agent des visas doit être en mesure d'évaluer la possibilité d'une solution durable à l'extérieur du Canada lorsqu'il examine la demande de résidence permanente au Canada d'un demandeur du statut de réfugié. Il en est ainsi, que les personnes à charge du réfugié au sens de la Convention accompagnent ce dernier ou non, et c'est là une raison pour laquelle les renseignements au sujet des personnes à charge sont pertinents.

[25]            M. Azizi prétend que, dans son cas, une solution durable à l'extérieur du Canada est impossible. C'est peut-être vrai. Mais il n'appartient pas au réfugié de prendre cette décision. Les renseignements relatifs aux personnes à charge que l'on demande d'inscrire sur le formulaire de demande de résidence permanente doivent être complets et exacts afin de permettre à l'agent des visas de prendre cette décision. C'est le Canada qui prend la décision, pas le réfugié.

Y a-t-il une distinction entre les fausses déclarations qui emportent une interdiction de territoire et celles qui emportent un défaut de satisfaire aux exigences de la Loi?

[26]            M. Azizi ne cite aucune source à l'appui de la thèse que les fausses déclarations ne sont pertinentes que pour l'interdiction de territoire et non pour la conformité à la Loi ou au Règlement. Bien que je doute du bien-fondé de la distinction alléguée par M. Azizi, je n'ai pas à trancher cette question en l'espèce. Les renseignements relatifs aux personnes à charge pourraient avoir une incidence sur l'admissibilité d'un demandeur du statut de réfugié s'il existe une solution durable ailleurs.

L'alinéa 117(9)d) est-il ultra vires?

[27]            M. Azizi affirme que l'alinéa 117(9)d) est ultra vires parce qu'il est incompatible avec l'objet de la LIPR. Je conviens que l'un des objets de la LIPR est la réunification des familles et que l'intérêt supérieur des enfants, lorsqu'il est pertinent, doit être pris en considération. Cependant, la Loi a aussi d'autres objets. L'un de ceux-ci est le maintien de l'intégrité du processus canadien d'asile. Une attitude complaisante à l'égard des fausses déclarations que font des personnes qui sollicitent l'admission au Canada a pour effet de saper cette intégrité.

[28]            L'alinéa 117(9)d) n'interdit pas la réunification des familles. Il prévoit simplement que les membres de la famille d'un demandeur qui n'accompagnent pas ce dernier et qui n'ont pas fait l'objet d'un contrôle pour un motif autre qu'une décision d'un agent de visas ne seront pas admis à titre de membres de la catégorie du regroupement familial. Les personnes à la charge de M. Azizi peuvent présenter une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire en vertu de l'article 25 de la LIPR ou demander d'être admises dans le cadre d'une autre catégorie prévue par la LIPR.

[29]            M. Azizi soutient qu'il s'agit là de solutions peu souhaitables. Elles sont certes moins souhaitables de son point de vue que si les personnes à sa charge avaient été considérées comme des membres de la catégorie du regroupement familial. Mais ce sont les fausses déclarations de M. Azizi qui sont à l'origine du problème. Il est l'artisan de son propre malheur. Il ne peut pas prétendre que l'alinéa 117(9)d) est ultra vires simplement parce qu'il ne s'y est pas conformé.

[30]            Un autre argument qu'invoque M. Azizi pour prétendre que cette disposition est ultra vires est que le paragraphe 12(1) de la LIPR définit la catégorie du regroupement familial et que le Règlement ne peut modifier cette définition. Le paragraphe 12(1) énumère les personnes qui peuvent être admissibles à titre de membres de la catégorie du regroupement familial :

(1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu'ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d'époux, de conjoint de fait, d'enfant ou de père ou mère ou à titre d'autre membre de la famille prévu par règlement

(1) A foreign national may be selected as a member of the family class on the basis of their relationship as the spouse, common-law partner, child, parent or other prescribed family member of a Canadian citizen or permanent resident.

[31]            Selon mon interprétation du paragraphe 12(1), cette disposition ne définit pas la catégorie du regroupement familial. Elle énumère seulement ceux qui, du fait de la relation qu'ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, peuvent être sélectionnés pour faire partie de la catégorie du regroupement familial. Autrement dit, ce paragraphe ne prévoit pas que les époux ou les enfants sont automatiquement membres de la catégorie.

[32]            Le paragraphe 14(1) porte notamment :

(1) Les règlements régissent l'application de la présente section et définissent [...]

(1) The regulations may provide for any matter relating to the application of this Division ...

Le fait de savoir si une personne peut appartenir à la catégorie du regroupement familial et être parrainée à ce titre est une question à laquelle s'applique la section. Le paragraphe 14(1) a une portée suffisamment large pour autoriser le gouverneur en conseil à prévoir, par règlement, quelle personne ne peut pas être considérée comme un membre de la catégorie du regroupement familial pour fins de parrainage.

Article 7 de la Charte

[33]            M. Azizi invoque l'article 7 de la Charte. Il soutient qu'en l'empêchant de se réunir avec sa famille, l'État lui a causé un degré élevé de stress psychologique, ce qui a un effet négatif sur la sécurité de sa personne. Il ajoute que le droit que lui garantit l'article 7 est touché parce que l'alinéa 117(9)d) est appliqué rétroactivement, ce qui, selon lui, est contraire aux principes de justice fondamentale.

[34]            Je conviens que le fait d'être séparé de sa femme et de ses enfants a causé un stress psychologique à M. Azizi. Cependant, c'est lui qui a décidé de les laisser au Pakistan en 2001, et c'est lui qui a décidé de faire de fausses déclarations aux autorités de l'immigration. Une partie de son stress psychologique est peut-être attribuable au refus de l'État de lui permettre de parrainer les membres de sa famille à titre de résidents permanents, mais ce stress résulte en grande partie des propres actions de M. Azizi. Le gouvernement n'est responsable que de l'atteinte qui découle des actes de l'État (voir Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, au par. 59). Le stress psychologique de M. Azizi est surtout attribuable à ses propres décisions. Compte tenu des faits en l'espèce, il n'y a pas de lien de causalité suffisant entre les actes de l'État et le stress psychologique de M. Azizi pour conclure à une atteinte, de la part de l'État, à la sécurité de sa personne. Le droit à la sécurité de la personne n'étant pas touché, il n'est pas nécessaire d'examiner les arguments de M. Azizi au sujet des principes de justice fondamentale.

Article 15

[35]            Les arguments fondés sur l'article 15 qu'invoque M. Azizi n'abordent pas les facteurs qui sont essentiels pour qu'il soit possible d'alléguer à juste titre qu'il y a discrimination. Le groupe avec lequel il tente d'être comparé ou les motifs énumérés ou analogues de discrimination sur lesquels il tente de se fonder sont loin d'être clairs. Le traitement différent que M. Azizi a reçu est la conséquence de ses fausses déclarations, et non d'une mesure gouvernementale.

CONCLUSION

[36]            Je suis d'avis de rejeter l'appel et de répondre par l'affirmative à la question certifiée.

« Marshall Rothstein »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

            A.M. Linden, juge »

« Je souscris aux présents motifs

            J.D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-151-05

INTITULÉ :                                                    AHMED SALAM AZIZI c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                              WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 20 OCTOBRE 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                          LE JUGE LINDEN

                                                                        LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                   LE 5 DÉCEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

David Matas                                                      POUR L'APPELANT/DEMANDEUR

Aliyah Rahaman                                                 POUR L'INTIMÉ/DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. David Matas

Winnipeg (Manitoba)                                         POUR L'APPELANT/DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                               POUR L'INTIMÉ/DÉFENDEUR


Date : 20051205

Dossier : A-151-05

Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2005

CORAM :       LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE ROTHSTEIN

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

AHMED SALEM AZIZI

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

intimé

JUGEMENT

            L'appel est rejeté. Il est répondu par l'affirmative à la question certifiée suivante :

L'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés a-t-il pour effet d'exclure de la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les réfugiés au sens de la Convention qui se trouvent à l'étranger et les réfugiés au sens de la Convention qui cherchent à se réinstaller si le répondant a, au moment où il a obtenu la résidence permanente, omis de les déclarer en tant que membres de sa famille ne l'accompagnant pas?

« Marshall Rothstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

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