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Date : 20060210

Dossier : A-439-05

Référence : 2006 CAF 56

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

ENTRE :

LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE

demanderesse

et

CANADIAN BICYCLE MANUFACTURERS ASSOCIATION, LES INDUSTRIES RALEIGH DU CANADA LIMITÉE, GROUPEPROCYCLE INC., A. MORDO AND SON LTD., YONG QI(CHANGZHOU) INDUSTRIAL CO., LTD., LIYANG (SHEN ZHEN) MACHINERY CO.,LTD., LIYANG (VIETNAM) INDUSTRIES CO., LTD., SPECIALIZED BICYCLE COMPONENTS CANADA, INC., CERVÉLO CYCLES INC., GIANT MANUFACTURING CO., LTD., TAIWAN BICYCLE EXPORTERS' ASSOCIATION, KENTON BICYCLE CO., ACEBIKE BICYCLE CO., LTD., PRIDE INTERNATIONAL INC., CHINA BICYCLE ASSOCIATION, CHINA CHAMBER OF COMMERCE FOR IMPORT AND EXPORT OF MACHINERY AND ELECTRONIC PRODUCTS, BANGKOK CYCLE INDUSTRIAL COMPANY LIMITED, LE CONSEIL CANADIEN DU COMMERCE DE DÉTAIL, CANADIAN ASSOCIATION OF SPECIALTY BICYCLE IMPORTERS, TREK BICYCLE CORPORATION, CANNONDALE BICYCLE CORPORATION, GIANT BICYCLE CANADA INC., ASTRO ENGINEERING VIETNAM CO., LTD., ASAMA YUH JIUM INTERNATIONAL VIETNAM CO. LTD., ALWAYS CO., LTD., VIETNAM SHENG FA INTERNATIONAL CO., LTD., DRAGON BICYCLESVIETNAM CO. LTD.,SYNDICATDEMÉTALLOS,GENESIS CYCLE INC., LAIDLAWHOLDINGS INC./TO WHEELS, DUKE' S CYCLE, NORCO PRODUCTS LTD., RYDER DISTRIBUTION INC., LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME DE THAÏLANDE, BICICLETAS MERCURIO, S.A. DE C.V., ITALCYCLE INC., L'ASSOCIATION CANADIENNE DE L''INDUSTRIE DU VÉLO, LE GOUVERNEMENT DES ÉTATS-UNIS DU MEXIQUE, GIANT CHINA CO. LTD., LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN, .243 RACINGINC.,

LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE TURQUE, LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DES PHILIPPINES, LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE SOCIALISTE DU VIETNAM, SMOOTH SHIFTING SPORTS, INC., BRANTFORD CYCLEPATH,BAYVIEW CYCLE CENTRE, INDEPENDENT BICYCLE DEALER ASSOCIATION,PRIMEAUVÉLO,CYCLES DEVINCI INC.,ACCESSOIRESPOURVÉLOO.G.D. LTÉE et BICYCLE SPORTS PACIFIC

défendeurs

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 2 février 2006.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 10 février 2006.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                  LE JUGE M. NADON


Date : 20060210

Dossier : A-439-05

Référence : 2006 CAF 56

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

ENTRE :

LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE

demanderesse

et

CANADIAN BICYCLE MANUFACTURERS ASSOCIATION, LES INDUSTRIES RALEIGH DU CANADA LIMITÉE, GROUPEPROCYCLE INC., A. MORDO AND SON LTD., YONG QI(CHANGZHOU) INDUSTRIAL CO., LTD., LIYANG (SHEN ZHEN) MACHINERY CO.,LTD., LIYANG (VIETNAM) INDUSTRIES CO., LTD., SPECIALIZED BICYCLE COMPONENTS CANADA, INC., CERVÉLO CYCLES INC., GIANT MANUFACTURING CO., LTD., TAIWAN BICYCLE EXPORTERS' ASSOCIATION, KENTON BICYCLE CO., ACEBIKE BICYCLE CO., LTD., PRIDE INTERNATIONAL INC., CHINA BICYCLE ASSOCIATION, CHINA CHAMBER OF COMMERCE FOR IMPORT AND EXPORT OF MACHINERY AND ELECTRONIC PRODUCTS, BANGKOK CYCLE INDUSTRIAL COMPANY LIMITED, LE CONSEIL CANADIEN DU COMMERCE DE DÉTAIL, CANADIAN ASSOCIATION OF SPECIALTY BICYCLE IMPORTERS, TREK BICYCLE CORPORATION, CANNONDALE BICYCLE CORPORATION, GIANT BICYCLE CANADA INC., ASTRO ENGINEERING VIETNAM CO., LTD., ASAMA YUH JIUM INTERNATIONAL VIETNAM CO. LTD., ALWAYS CO., LTD., VIETNAM SHENG FA INTERNATIONAL CO., LTD., DRAGON BICYCLESVIETNAM CO. LTD.,SYNDICATDEMÉTALLOS,GENESIS CYCLE INC., LAIDLAWHOLDINGS INC./TO WHEELS, DUKE'S CYCLE, NORCO PRODUCTS LTD., RYDER DISTRIBUTION INC., LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME DE THAÏLANDE, BICICLETAS MERCURIO, S.A. DE C.V., ITALCYCLE INC., L'ASSOCIATION CANADIENNE DE L'INDUSTRIE DU VÉLO, LE GOUVERNEMENT DES ÉTATS-UNIS DU MEXIQUE, GIANT CHINA CO. LTD., LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN, .243 RACINGINC.,

LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE TURQUE, LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DES PHILIPPINES, LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE SOCIALISTE DU VIETNAM, SMOOTH SHIFTING SPORTS, INC., BRANTFORD CYCLEPATH,BAYVIEW CYCLE CENTRE, INDEPENDENT BICYCLE DEALER ASSOCIATION,PRIMEAUVÉLO,CYCLES DEVINCI INC.,ACCESSOIRESPOURVÉLOO.G.D. LTÉE et BICYCLE SPORTS PACIFIC

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Le 10 février 2005, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a ouvert une enquête de sauvegarde globale concernant l'importation au Canada de bicyclettes et de cadres de bicyclettes peints et finis, à la suite d'une plainte dans laquelle les défendeurs aux présentes alléguaient que ces bicyclettes et cadres de bicyclettes sont importés au Canada en quantités si importantes et à des conditions telles que leur importation cause ou menace de causer un préjudice grave aux producteurs nationaux de marchandises similaires ou concurrentes.

[2]                Après avoir fait enquête, le TCCE a produit le 1er septembre 2005 un rapport contenant ses conclusions et recommandations. Le TCCE a notamment conclu que l'importation accrue de bicyclettes était la cause principale du préjudice grave causé aux producteurs nationaux de marchandises similaires ou directement concurrentes. Il a donc recommandé que le ministère des Finances impose une surtaxe fixée à 30 % la première année, à 25 % la deuxième année et à 20 % la troisième année d'application.

[3]                Le 29 septembre 2005, la demanderesse, la Société Canadian Tire (Canadian Tire), a présenté une demande de contrôle judiciaire relativement au rapport du TCCE et elle a déposé, le 31 octobre 2005, l'affidavit de William C. Dovey à l'appui de sa demande.

[4]                Le 18 novembre 2005, les défendeurs ont déposé une requête en vue d'obtenir une ordonnance radiant l'affidavit au complet.

[5]                L'affidavit de M. Dovey comporte 45 paragraphes. Après avoir décrit ses titres de compétence et son expérience (paragraphes 1 à 4), M. Dovey définit la portée de l'opinion qu'il entend donner (paragraphes 5 à 8) et ajoute une réserve à cette opinion (paragraphe 9). Au paragraphe 10, il résume ses commentaires et conclusions. Il explique ensuite, aux paragraphes 11 à 42, son approche et son analyse. Enfin, il formule au paragraphe 43 les constatations particulières qui l'amènent à conclure comme il le fait.

[6]                Aux fins des présentes, il suffira que je reproduise les paragraphes 8, 9, 10 et 43 de l'affidavit :

[traduction]

8.                     Dans le contexte décrit plus haut, on m'a demandé d'analyser les questions suivantes d'un point de vue financier et comptable et d'y répondre :

Les conclusions et les recommandations auxquelles est parvenu le Tribunal au sujet des bicyclettes à la suite de l'enquête de sauvegarde globale sont-elles compatibles avec la preuve et les données financières contenues dans le rapport du Tribunal?

9.                     Mes opinions et commentaires sont présentés sous toute réserve parce que mon analyse s'est limitée à l'information financière ou autre contenue dans le rapport du Tribunal. Je dois comprendre que le Tribunal dispose de nombreux autres renseignements financiers auxquels je n'ai pas accès.

Je ne peux pas déterminer dans quelle mesure cette information additionnelle, si j'avais pu y avoir accès, aurait modifié les opinions et observations formulées aux présentes.

10.                  Me fondant sur mon analyse et sous réserve des hypothèses et des restrictions signalées aux présentes, j'en arrive aux conclusions suivantes :

a)              Les données et la preuve financières exposées dans le rapport du Tribunal contredisent certaines des conclusions du Tribunal.

b)              D'autres conclusions peuvent être tirées des données et de la preuve financières exposées dans le rapport du Tribunal.

[...]

43.                  Voici mes conclusions sommaires fondées sur mon analyse et sous réserve des hypothèses et des restrictions signalées aux présentes :

i)                      Le taux de croissance des importations a ralenti au cours de la période de cinq ans faisant l'objet de l'analyse.

ii)                    En raison de certaines mesures, la situation financière des producteurs nationaux s'est améliorée au cours de la période de 2000 à 2004. L'augmentation en pourcentage de la marge bénéficiaire brute et la réduction des pertes entre 2000 et 2004 indiquent une amélioration de la situation financière générale des producteurs nationaux, malgré une augmentation des importations.

iii)                   Les producteurs nationaux pourraient ne pas être en mesure de répondre aux demandes du marché national si les importations étaient considérablement réduites.

iv)                  Rien dans le rapport du Tribunal ne permet de supposer que, s'il n'y avait pas eu une augmentation des importations, les producteurs nationaux seraient maintenant en mesure d'augmenter considérablement leur production tout en maintenant la rentabilité actuelle.

v)                    D'autres facteurs que le volume et le taux d'augmentation des importations peuvent être déterminants pour la production, les ventes et les profits des producteurs nationaux.

[7]                Pour les raisons exposées ci-après, il n'y a absolument aucun doute dans mon esprit que l'affidavit doit être radié au complet.

[8]                D'abord, il est clair que l'affidavit de M. Dovey constitue un témoignage d'opinion, dont le but est de démontrer à la Cour que les conclusions du TCCE dans son rapport, et notamment celle que l'augmentation du nombre de bicyclettes et de cadres de bicyclettes peints et finis importés au Canada est une cause principale du préjudice grave causé aux producteurs nationaux, ne sont pas compatibles avec les données et la preuve financières contenues dans le rapport du TCCE.

[9]                Récemment, dans la décision Ly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1184, en date du 10 octobre 2003, une affaire portant sur une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, le juge von Finkenstein a traité, correctement à mon avis, de la nature des affidavits qui pouvaient être déposés à l'appui d'une demande de contrôle judiciaire. Au paragraphe 10 de ses motifs, le juge a formulé son opinion de la manière suivante :

[10]          À l'exception des requêtes, les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle : paragraphe 81(1) des Règles de la Cour fédérale (1998). L'affidavit ne doit pas contenir d'arguments et le déclarant ne doit pas interpréter la preuve qui a déjà été examinée par un tribunal ou tirer des conclusions juridiques (Deigan c. Canada (P.G.) (1996), 206 N.R. 195 (C.A.F.); West Region Tribal Council c. Booth (1992), 55 F.T.R. 28; First Green Park Pty. Ltd. c. Canada(P.G.), [1997] 2 C.F. 845). Lorsqu'un affidavit ne satisfait pas à ces exigences, la demande peut uniquement être accueillie si une erreur est manifeste au vu du dossier (Turcinovica c. Canada (MCI), 2002 CFPI 164).

[10]            Dans l'arrêt Deigan c. Canada, précité, auquel le juge von Finkenstein fait référence à l'appui de son opinion, la Cour a convenu que le juge saisi de la requête avait eu raison de radier certains paragraphes de l'affidavit contesté au motif qu'ils étaient tendancieux, opiniâtres et prêtaient à controverse.

[11]            Même si je conviens avec l'avocat de la demanderesse que certains paragraphes de l'affidavit de M. Dovey énoncent des faits et non des opinions, ils ne peuvent pas être dissociés des paragraphes qui contiennent effectivement l'opinion de M. Dovey. De plus, certains des paragraphes, notamment les paragraphes 1 à 4 qui exposent les titres et qualités de M. Dovey ainsi que son expérience, ne sont en eux-mêmes d'aucune utilité pour la Cour. En fait, le véritable but de l'affidavit n'est pas de soumettre des faits à l'attention de la Cour, mais d'exposer des faits qui sont déjà au dossier de manière à faire valoir que les conclusions du TCCE ne sont pas fondées. C'est ce qui ressort très clairement du paragraphe 8 de l'affidavit de M. Dovey, que je reproduis à nouveau :

[traduction]

8.                     Dans le contexte décrit plus haut, on m'a demandé d'analyser les questions suivantes d'un point de vue financier et comptable et d'y répondre :

Les conclusions et les recommandations auxquelles est parvenu le Tribunal au sujet des bicyclettes à la suite de l'enquête de sauvegarde globale sont-elles compatibles avec la preuve et les données financières contenues dans le rapport du Tribunal?

[12]            En d'autres mots, l'affidavit a pour but de fournir à la Cour une appréciation de la preuve qui diffère de celle faite par le TCCE . Une telle preuve n'est pas recevable, à mon avis, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

[13]            Une autre raison de radier l'affidavit de M. Dovey est qu'il constitue un élément de preuve dont n'était pas saisi le TCCE lorsqu'il a produit son rapport. Permettre le dépôt de l'affidavit aurait pour effet de transformer la demande dont la Cour est saisie en demande de novo. Si je concluais que l'affidavit est recevable, je devrais alors accorder aux défendeurs, s'ils le désirent, l'autorisation de déposer leurs propres affidavits d' « expert » en réponse à celui de M. Dovey. Les parties entreprendraient très certainement l'enquête préalable et déposeraient une transcription de la preuve obtenue à l'enquête. En bout de ligne, la Cour serait appelée à trancher les questions soulevées par la demande de contrôle judiciaire en fonction d'une preuve que le TCCE n'a jamais examinée.

[14]            De toute façon, comme le juge MacKay de la Cour fédérale l'a dit dans la décision Vancouver IslandPeace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102, aux paragraphes 56 et 57 de ses motifs, les questions soulevées dans un contrôle judiciaire sont habituellement de nature juridique et non des questions de nature scientifique ou technique pour lesquelles la Cour a besoin de l'aide d'experts.

[15]            Pour ces motifs, j'accueillerai, avec dépens, la requête présentée par les défendeurs en vue d'obtenir la radiation de l'affidavit de M. Dovey au complet.

[16]            Il reste une question à examiner. À la fin de leurs plaidoiries, les parties m'ont informé que Canadian Tire n'avait pas encore déposé son dossier de demande et que le délai pour le faire était donc expiré. Les défendeurs ont convenu avec Canadian Tire que le délai pour déposer le dossier de demande devrait être prorogé. Les défendeurs étaient par contre d'avis qu'un délai de 20 jours était suffisant, alors que Canadian Tire a demandé un délai de 45 jours. Dans les circonstances, je suis disposé à accorder à Canadian Tire un délai additionnel de 45 jours pour déposer son dossier de demande.

« M. Nadon »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                  A-439-05

INTITULÉ :                                                                 LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE c.

                                                                                     CANADIAN BICYCLE MANUFACTURERS ASSOCIATION et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                           OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                         LE 2 FÉVRIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                            LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                                                LE 10 FÉVRIER 2006

COMPARUTIONS :

Riyaz Dattu                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Martin G. Masse

Keith Cameron                                                               POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault

Avocats

Toronto (Ontario)                                                           POUR LA DEMANDERESSE

Lang Michener s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)                                                            POUR LES DÉFENDEURS


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