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Date : 19990421


Dossiers : A-695-98

A-696-98

CORAM :          MONSIEUR LE JUGE STONE
             MADAME LE JUGE DESJARDINS
             MONSIEUR LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     requérant,

     - et -

     COREL CORPORATION,

     intimée,

     - et -

     LE TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR,

     intervenant.

Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le mardi 20 avril et le mercredi 21 avril 1999.

Jugement prononcé oralement à Ottawa (Ontario), le mercredi 21 avril 1999.

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR PRONONCÉS PAR :          MADAME LE JUGE DESJARDINS


Date : 19990421


Dossiers : A-695-98

A-696-98

CORAM :          MONSIEUR LE JUGE STONE
             MADAME LE JUGE DESJARDINS
             MONSIEUR LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     requérant,

     - et -

     COREL CORPORATION,

     intimée,

     - et -

     LE TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR,

     intervenant.

     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés oralement le mercredi 21 avril 1999)

LE JUGE DESJARDINS

[1]      Nous sommes saisis de deux demandes de contrôle judiciaire à l'égard de la décision rendue le 26 octobre 1998 par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le " Tribunal ") relativement à deux plaintes1 déposées par l'intimée (" Corel ") en vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (la " Loi ")2.

[2]      Ces plaintes font suite à une demande de proposition (" DDP ") lancée par Revenu Canada, Douanes et Accise (le " Ministère ") le 23 avril 1998, en vue de mettre en oeuvre le projet RC7 visant la mise en place d'une infrastructure de serveurs et d'ordinateurs personnels à conformité à l'an 2000 dans tous les bureaux ministériels au Canada. Avant cette période, de 1991 au 28 août 1997, conformément à la politique gouvernementale, le Ministère avait acquis des licences de logiciel de productivité de Microsoft au moyen d'une offre à commandes principale et nationale négociée entre le gouvernement du Canada et Microsoft. Toutefois, entre septembre 1997 et le 22 mai 1998, 16 468 licences ont été acquises de Microsoft; il s'agissait d'une dérogation à la politique du Conseil du Trésor établie le 28 août 1997, qui prescrivait au Ministère d'acheter ses logiciels de productivité au moyen d'un appel d'offres concurrentiel.

[3]      Le Tribunal a statué que les deux plaintes étaient valables.

[4]      Nous n'avons pas été persuadés que le Tribunal s'était lancé à tort dans une enquête sur le fait que Microsoft était titulaire, et qu'il avait ainsi excédé sa compétence en se prononçant sur la première plainte déposée par Corel, comme le prétend le requérant.

[5]      Le Tribunal était saisi de la plainte nE PR-98-012 dans laquelle Corel prétendait ne pas avoir été traitée équitablement dans la procédure de passation du marché public. Corel s'est plaint que la procédure imposait une discrimination à l'encontre de soumissionnaires qui offraient des licences autres que celles de Microsoft en regroupant, en une seule demande de propositions, le marché public visant les licences relatives au logiciel et les coûts d'intégration et de conversion.

[6]      Au début de ses motifs, le Tribunal a indiqué clairement qu'il ne pouvait qu'examiner la question de la discrimination en ce qu'elle se rapportait au marché public faisant l'objet de la plainte. Il a dit qu'il voulait qu'il soit clairement compris :

         ... qu'il n'est pas saisi de la question de l'acquisition sans concurrence de plus de 25 000 licences d'utilisation de suite de bureautique Microsoft par Revenu Canada depuis 1991.                 

[7]      Il a ajouté que :

         ... comme l'a reconnu le Ministère, le Tribunal est saisi d'une question qui se rapporte à l'effet des achats susmentionnés, et à la reconnaissance par le Ministère que la DDP devait en tenir compte. En fait, toutes les questions de discrimination soulevées par Corel peuvent se résumer à la simple question de déterminer si le Ministère a suffisamment tenu compte de cette situation dans la DDP à l'égard des soumissionnaires offrant d'autres suites de bureautique que la suite de bureautique Microsoft. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que le Ministère n'a pas atteint son objectif en ce sens.          [Non souligné dans l'original]                 

[8]      Le Tribunal pouvait, à titre de tribunal expert mandaté pour enquêter sur des questions complexes de cette nature3, décider si le gouvernement avait corrigé la situation créée par les marchés publics après le 28 août 1997, lesquels, de l'aveu même du Ministère, étaient contraires à la politique gouvernementale et déterminer si les démarches entreprises avaient été suffisantes.

[9]      Le requérant admet que le critère adéquat à appliquer dans l'examen des décisions qui relèvent de la compétence du Tribunal est celui du caractère manifestement déraisonnable4. Pour ce qui est de la première question soulevée par le requérant, notre intervention n'est donc pas justifiée.

[10]      Le requérant fait valoir, comme deuxième question, que le Tribunal a commis une erreur en interprétant le paragraphe 30.15(3) de la Loi comme une méthode de calcul du montant d'indemnisation à accorder à l'intimée. Selon le requérant, cette disposition s'applique pour déterminer le type de mesure corrective qui doit être accordé. Une fois que le Tribunal a fixé la nature de la mesure corrective, cette disposition ne s'applique plus.

[11]      Les paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi disposent :


30.15 (2) Subject to the regulations, where the Tribunal determines that a complaint is valid, it may recommend such remedy as it considers appropriate, including any one or more of the following remedies:

(a) that a new solicitation for the designated contract be issued;

(b) that the bids be re-evaluated;

(c) that de designated contract be terminated;

(d) that the designated contract be awarded to the complainant; or

(e) that the complainant be compensated by an amount specified by the Tribunal.

(3) The Tribunal shall, in recommending an appropriate remedy under subsection (2), consider all the circumstances relevant to the procurement of the goods or services to which the designated contract relates, including

(a) the seriousness of any deficiency in the procurement process found by the Tribunal;

(b) the degree to which the complainant and all other interested parties were prejudiced;

(c) the degree to which the integrity and efficiency of the competitive procurement system was prejudiced;

(d) whether the parties acted in good faith; and

(e) the extant to which the contract wa perfomed.

     [Emphasis added]

30.15 (2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu'il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes :

a) un nouvel appel d'offres;

b) la réévaluation des soumissions présentées;

c) la résiliation du contrat spécifique;

d) l'attribution du contrat spécifique au plaignant;

e) le versement d'une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spéficique, notamment des suivants :

a) la gravité des irrégularités qu'il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l'ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l'ampleur du préjudice causé à l'intégrité ou à l'efficacité du mécanisme d'adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d'exécution du contrat.

     [Nous soulignons]

[12]      En l'espèce, le Tribunal a recommandé que le Ministère soumette au Tribunal une proposition d'indemnisation, mise au point en collaboration avec Corel, qu'il reconnaisse l'occasion perdue par Corel lorsque celle-ci n'a pu présenter une soumission recevable et le fait qu'elle aurait pu se voir adjuger le marché. " De plus ", selon le Tribunal, la proposition d'indemnisation devait examiner la question de savoir s'il convenait de verser d'" autres " indemnités aux termes des alinéas 30.15(3)a), b) et c) de la Loi.

[13]      Même si le choix de mots du Tribunal peut indiquer que ce qui est prévu aux alinéas 30.15(3)a), b) et c) de la Loi s'ajoutait au montant des dommages-intérêts, nous ne percevons pas l'erreur qui, selon le requérant, aurait été commise.

[14]      Or il appert des paragraphes 30.15(2) et (3) tout au plus que la mesure corrective envisagée par le Tribunal doit tenir compte des deux paragraphes; ils ne s'ajoutent pas l'un à l'autre mais sont plutôt complémentaires. Le Tribunal a recommandé que les parties mettent au point aux termes du paragraphe 30.15(2)e) une proposition d'indemnisation qui prendra en considération les critères prévus aux alinéas 5(3)a), b) et c) de la Loi. À notre avis, il s'agit d'une recommandation valide.


[15]      Ces demandes sont donc rejetées avec dépens.

                                     " Alice Desjardins "     

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme :

Richard Jacques, LL. L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                          A-695-98 et A-696-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                  Procureur général du Canada c. Corel Corporation et le Tribunal canadien du commerce extérieur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  20 et 21 avril 1999

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                      Monsieur le juge Stone

                             Madame le juge Desjardins

                             Monsieur le juge McDonald

PRONONCÉS ORALEMENT PAR :          Madame le juge Desjardins

EN DATE DU :                      21 avril 1999

ONT COMPARU :

Michael Ciavaglia                      pour le requérant

Elizabeth Richards

Ronald Lunau                          pour l'intimée

John L. Syme                          pour l'intervenant

Tamra Alexander

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                      pour le requérant

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Gowling, Strathy & Henderson              pour l'intimée

Avocats

Ottawa (Ontario)

Tribunal canadien du commerce extérieur          pour l'intervenant

Ottawa (Ontario)

__________________

     1Nos PR-98-012 et PR-98-014.

     2L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

     3L'article 30.14 de la Loi dispose :
30.14 (1) In conducting an inquiry, the Tribunal shall limit its considérations to the subject-matter of the complaint.
(2) At the conclusion of an inquiry, the Tribunal shall determine whether the complaint is valid on the basis of whether the procedures and other requirements prescribed in respect of the designated contract, or the class of contracts to which it belongs, have been or are being observed.
30.14 (1) Dans son enquête, le Tribunal doit limiter son étude à l'objet de la plainte.
(2) Le Tribunal détermine la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique ou la catégorie dont il fait partie.

     4Canada (Procureur général) c. Symtron Systems Inc., [1991] F.C.J. nE 178.

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