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Date : 20060202

Dossier : A-566-04

Référence : 2006 CAF 44

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Demandeur

et

MATHIEU LAMONDE

Défendeur

Audience tenue à Québec (Québec), le 25 janvier 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 février 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE NOËL

                                                                                                                             LE JUGE NADON


Date : 20060202

Dossier : A-566-04

Référence : 2006 CAF 44

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Demandeur

et

MATHIEU LAMONDE

Défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

QUESTION EN LITIGE

[1]                Le juge-arbitre a-t-il eu raison de maintenir la décision du conseil arbitral qui déclarait le défendeur admissible aux prestations d'assurance-emploi? La demande de prestations s'est faite dans les circonstances suivantes.

FAITS ET HISTORIQUE PROCÉDURAL

[2]                Le défendeur a pris volontairement un congé sans solde d'un an pour retourner aux études. Le congé fut pris à compter du 18 mai 2003. Le retour aux études se faisait au CEGEP de la Malbaie. Le défendeur a quitté Québec pour se relocaliser dans Charlevoix où, pour la période estivale, il a occupé un emploi à temps partiel dans un salon de coiffure et un autre comme serveur les fins de semaine.

[3]                Le conseil arbitral a conclu que le défendeur était justifié de quitter son emploi dans les circonstances puisqu'il avait la certitude d'avoir un emploi à temps partiel. Le juge-arbitre a entériné cette conclusion en y ajoutant une autre justification, soit que le défendeur avait un historique d'un cumul « travail et études » qui lui permettait de repousser la présomption de non-disponibilité au travail qu'entraîne un retour aux études à temps plein.

ANALYSE DE LA DÉCISION DU JUGE-ARBITRE

[4]                La situation du défendeur est couverte juridiquement par l'alinéa 29c)(vi) et l'article 32 de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23(Loi). Je reproduis ces dispositions nécessaires à la compréhension du litige :

29. Pour l'application des articles 30 à 33 :

...

c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

(i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,

(ii) nécessité d'accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,

(iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,

(iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,

(v) nécessité de prendre soin d'un enfant ou d'un proche parent,

(vi) assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat,

...

29. For the purposes of sections 30 to 33,

[...]

(c) just cause for voluntarily leaving an employment or taking leave from an employment exists if the claimant had no reasonable alternative to leaving or taking leave, having regard to all the circumstances, including any of the following:

(i) sexual or other harassment,

(ii) obligation to accompany a spouse, common-law partner or dependent child to another residence,

(iii) discrimination on a prohibited ground of discrimination within the meaning of the Canadian Human Rights Act,

(iv) working conditions that constitute a danger to health or safety,

(v) obligation to care for a child or a member of the immediate family,

(vi) reasonable assurance of another employment in the immediate future,

[...]

                                                                                                                                        (je souligne)

32. (1) Le prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n'est pas admissible au bénéfice des prestations si, avant ou après le début de cette période :

a) d'une part, cette période a été autorisée par l'employeur;

b) d'autre part, l'employeur et lui ont convenu d'une date de reprise d'emploi.

(2) Cette inadmissibilité dure, selon le cas, jusqu'à :

a) la reprise de son emploi;

b) la perte de son emploi ou son départ volontaire;

c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de la période de congé, du nombre d'heures d'emploi assurable exigé à l'article 7 ou 7.1.

32. (1) A claimant who voluntarily takes a period of leave from their employment without just cause is not entitled to receive benefits if, before or after the beginning of the period of leave,

(a) the period of leave was authorized by the employer; and

(b) the claimant and the employer agreed as to the day on which the claimant would resume employment.

(2) The disentitlement lasts until the claimant

(a) resumes the employment;

(b) loses or voluntarily leaves the employment; or

(c) after the beginning of the period of leave, accumulates with another employer the number of hours of insurable employment required by section 7 or 7.1 to qualify to receive benefits.

[5]                En vertu du paragraphe 32(1) de la Loi, un prestataire qui, sans justification, prend volontairement une période de congé de son emploi est inadmissible au bénéfice des prestations si la période de congé a été autorisée par l'employeur et si le prestataire et l'employeur ont convenu d'une date de reprise de l'emploi. Cet article peut s'appliquer en l'espèce puisque la durée prévue du congé était d'un an et que le défendeur et l'employeur ont convenu que le défendeur pouvait mettre fin à son congé sur préavis de 30 jours et réintégrer ses fonctions. Il trouvera une application si cette autre condition essentielle est satisfaite, c'est-à-dire si la période de congé fut prise sans justification.

[6]                Il est à noter que la durée de l'inadmissibilité est fixée par le paragraphe 32(2) de la Loi. Il n'y a pas de doute qu'au moment où la demande de prestations fut faite en août 2003 par le défendeur, aucune des conditions requises pour mettre un terme à la période d'inadmissibilité n'était rencontrée. Le défendeur était donc inadmissible si sa période de congé sans solde n'était pas justifiée.

[7]                Dans le cas qui nous occupe, le défendeur s'est prévalu d'un congé pour retourner à plein temps aux études. La jurisprudence de notre Cour est constante sur le sujet : le retour aux études, sauf les programmes autorisés par la Commission de l'emploi (Commission), ne constitue pas une justification aux termes du paragraphe 29c) et donc aux fins de l'application des articles 30 à 33 de la Loi : voir par exemple l'arrêt Procureur général du Canada c. Bédard, 2004 CAF 21, au paragraphe 8. Le défendeur a donc pris congé de son emploi sans justification au sens de l'article 32, donnant ainsi ouverture à l'application de cet article, sauf, bien entendu, s'il peut invoquer la justification de l'alinéa 29c)(vi) que lui ont reconnue le conseil arbitral et le juge-arbitre, c'est-à-dire qu'il avait l'assurance d'un autre emploi dans un avenir immédiat.

[8]                Les circonstances auxquelles réfère le paragraphe 29c), et dont il faut tenir compte pour déterminer si le fait de prendre congé peut être justifié par celles-ci, sont celles qui existaient au moment où le défendeur a pris congé de son emploi : voir Canada (Attorney General) v. Furey (1996), 201 N.R. 237, au paragraphe 3. Elles s'apprécient donc à ce moment.

[9]                Avec respect, je ne crois pas que l'assurance d'un emploi à temps partiel, qui n'est pas suffisamment rémunérateur et qui oblige à recourir aux prestations d'assurance-emploi, est le genre d'emploi qui, aux termes de l'alinéa 29c)(vi), fonde un prestataire à prendre congé pour retourner aux études et à en faire supporter le coût par le système d'assurance-emploi. Dans l'affaire Canada (Procureur général) v. Martel (1994), 175 N.R. 275, au paragraphe 13, Madame le juge Desjardins rappelait en ces termes le but de l'assurance-emploi et les principes applicables à ceux qui désirent parfaire leur formation :

Le but premier de l'assurance-chômage est donc de prévoir une compensation pour tout assuré que se trouve involontairement sans emploi, ce risque étant malheureusement trop courant, et non d'assister ceux qui, par choix personnel, décident de parfaire leur formation. (See in the matter of the Unemployment Insurance Act 1971 and in the matter of the claim for benefit by Richard Hesson (CUB 17797) (29 janvier 1990), à la p. 4). Car dans ce cas, l'état de chômage est créé par les prestataires, de leur propre cru ("... of the employee's own creation"). (See Crewe and others c. Social Security Commissioner, [1982] 2 All E.R. 745, M. le juge Donaldson, tel que cité dans Tanguay c. Commission d'assurance-chômage (2 octobre 1985), A-1458-84 (C.A.F.), M. le juge Pratte à la p. 8).

[10]            Le conseil arbitral a fait allusion, et a semblé accorder de l'importance, au fait que le défendeur a occupé durant la période estivale non pas un, mais deux emplois à temps partiel. L'un de ces emplois était les fins de semaine. Je rappelle que les samedis et les dimanches ne sont pas considérés comme des jours ouvrables pour les fins de déterminer la disponibilité d'une personne à travailler : voir Procureur général du Canada c. Gagnon, 2005 CAF 321 et Canada (Procureure générale) c. Primard, 2003 CAF 349.

[11]            Il est vrai que notre Cour a reconnu que la présomption de non-disponibilité qui résulte d'un retour à temps plein aux études est une présomption réfragable. Elle peut être repoussée par une preuve de circonstances exceptionnelles : Procureur général du Canada c. Gagnon, 2005 CAF 321.

[12]            Il est admis qu'un historique de travail démontrant que le prestataire a occupé un emploi régulier pendant qu'il était aux études peut permettre de repousser la présomption. Mais, par définition, un historique réfère à une chronologie de faits passés. Or, dans le cas présent, le défendeur n'affichait au moment où il a pris son congé sans solde aucun historique d'un cumul études et travail. D'ailleurs, dans l'affaire Canada (Attorney General) v. Loder, 2004 FCA 18, la Cour a rappelé qu'il s'agissait dans l'affaire Landry v. Canada (1992), 152 N.R. 164 (C.A.F.) d'un historique s'échelonnant sur plusieurs années et non d'un court historique de deux mois tel qu'invoqué par M. Loder.

[13]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie sans frais, le demandeur y ayant gracieusement renoncé. La décision du juge-arbitre sera annulée et l'affaire sera retournée au juge-arbitre en chef , ou à celui qu'il désignera, pour qu'il la décide à nouveau en tenant pour acquis que l'appel de la Commission à l'encontre de la décision du conseil arbitral doit être accueilli et le défendeur déclaré inadmissible au bénéfice des prestations au sens de l'article 32 de la Loi à compter du 18 novembre 2003.

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

« Je suis d'accord

            Marc Noël j.c.a. »

« Je suis d'accord

            M. Nadon j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               A-566-04

INTITULÉ :                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

                                                                  MATHIEU LAMONDE

LIEU DE L'AUDIENCE :                        Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                      le 25 janvier 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :                   LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                LE JUGE NOËL

                                                                  LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                             le 2 février 2006

COMPARUTIONS :

Me Carole Bureau

Me Antoine Lippé

POUR LE DEMANDEUR

M. Mathieu Lamonde

POUR LUI-MÊME

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur general du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

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