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Date : 20060607

Dossier : A-700-04

Référence : 2006 CAF 207

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

JEAN-GUY ST-GEORGES

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 1er juin 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 juin 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                           LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                  LE JUGE PELLETIER


Date : 20060607

Dossier : A-700-04

Référence : 2006 CAF 207

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

JEAN-GUY ST-GEORGES

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                Il s'agit d'un appel dirigé à l'encontre d'une décision du juge Paris de la Cour canadienne de l'impôt confirmant la cotisation émise à l'égard de l'année d'imposition 1994 de l'appelant en vertu de laquelle la déduction d'une somme de 187 467 $ lui était refusée dans le calcul de son revenu.


Brève mise en contexte

[2]                L'appelant a accepté d'agir comme administrateur d'une société du nom de Swecan Equipment Inc. (subséquemment renommée 160088 Canada Inc.) appartenant à un client de son bureau de comptable et a participé à ce titre au versement d'un dividende illégal de l'ordre de
1,9 million de dollars pour lequel il fut tenu personnellement responsable par jugement rendu par
la Cour supérieure en décembre 1993.

[3]                Ce jugement fut rendu suite à une poursuite entamée par les créanciers de Swecan en vertu de la Loi régissant les sociétés par actions de régime fédéral L.R.C. 1985, chapitre
C-44. Cette poursuite avait pour objet d'annuler le dividende, et rendre les administrateurs (dont l'appelant) responsables de son remboursement (ci-après « le litige » ou « la poursuite » ).

[4]                Après de longues négociations, l'appelant reçu quittance de toute responsabilité résultant du jugement rendu contre lui en contrepartie d'un paiement de 250 000 $. C'est la différence entre ce paiement (ainsi que certaines autres dépenses reliées au litige) moins la somme de 100 000 $ US qu'il reçu de son client à titre de « compensation » ou « dédommagement » pour services rendus ou dépenses encourues dans le cadre du litige (voir le paragraphe 23 de l'avis d'appel et de l'avis d'appel amendé), que l'appelant cherche à déduire du calcul de son revenu.

[5]                Le Ministre du Revenu national le ( « ministre » ) a initialement refusé la déduction au motif que l'appelant, en tant qu'administrateur, occupait une « charge » au sens de l'article 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « la Loi » ), et qu'aucun montant ne pouvait être déduit à ce titre.

Jugement dont est appel

[6]                Le juge Paris, après avoir constaté que l'appelant n'était pas rémunéré pour agir en tant qu'administrateur a jugé que l'appelant n'occupait pas une « charge » au sens de la Loi. En effet, une charge, selon la Loi, exige rémunération (Merchant c. La Reine, [1984] 2 C.F. 197).

[7]                Il a tout de même confirmé la cotisation au motif que l'appelant n'avait pas réussi à établir de lien entre le dividende et une entreprise qu'il aurait exploitée à titre personnel puisqu'il rendait ses services par l'entremise d'une société (St-Georges Hébert Inc.). Selon le Juge, c'est au niveau de la société que la déduction devait être réclamée.

[8]                Le juge Paris a ajouté qu'à tout événement, il n'avait pas été démontré que la déclaration du dividende illégal, par opposition aux autres activités de l'appelant en tant qu'administrateur, s'inscrivait dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise comptable.

Erreurs alléguées

[9]                Au soutien de son appel, l'appelant fait valoir qu'il n'aurait jamais accepté d'agir comme administrateur « n'eût été de sa relation professionnelle de comptable » avec son client (voir le paragraphe 11 de l'entente conjointe sur les faits). Il y a donc un lien direct et concret entre la dépense réclamée et l'entreprise comptable.


[10]            Quant à savoir qui exploitait cette entreprise, l'appelant prétend que le juge Paris était lié par les paragraphes 20 b) et c) de la réponse à l'avis d'appel amendé où il est dit au nom du ministre:

20 b)        l'appelant exerce sa profession de comptable par l'entremise d'un bureau de comptables dont il est propriétaire sous le nom de la Société St-Georges Hébert & Compagnie;

     c)         l'appelant est également l'unique actionnaire de la compagnie St-Georges Hébert Inc. qui est utilisée par l'appelant pour comptabiliser et déclarer les revenus générés par notamment le bureau de comptables et les activités de syndic;

[11]            Selon l'appelant, le ministre reconnaît dans ces paragraphes qu'il rendait ses services comptables à titre personnel et non pas par l'entremise de sa société. Dès lors, le Juge de la Cour de l'impôt ne pouvait en arriver à la conclusion contraire.

[12]            Finalement, l'appelant soutient que c'est à tort que le Juge de la Cour de l'impôt a conclu que le paiement du dividende illégal se distinguait des autres services qu'il rendait en tant qu'administrateur, et s'inscrivait à l'extérieur de l'exploitation de l'entreprise comptable.

Analyse et décision

[13]            Cet appel ne saurait réussir. C'est à bon droit que le juge Paris a conclu que l'entreprise comptable de l'appelant n'était pas exploitée par lui personnellement, mais par sa société.

[14]            Je ne vois pas en quoi les paragraphes 20 b) et c) de la réponse à l'avis d'appel empêche ce résultat. La preuve ne révèle pas qui est propriétaire des actifs du bureau de comptable, mais elle révèle que c'est la société qui exploite l'entreprise comptable et en déclare les revenus.

[15]            Évidemment, une société ne peut offrir ses services autrement que par l'entremise de personnes humaines et, en l'occurrence, c'est l'appelant qui offrait ces services. Cependant, il est clair qu'il offrait ses services par l'entremise de sa société et non pas à titre personnel.

[16]            L'appelant aurait pu prétendre le contraire devant la Cour canadienne de l'impôt, mais encore aurait-il fallu qu'il reconnaisse que sa société n'avait pas d'existence réelle et que les revenus qu'elle a générés lui étaient imputables personnellement. Or, il n'en fit rien.

[17]            J'ajouterai qu'il est douteux que le montant aurait pu être déduit, même au niveau de la société de l'appelant. En effet, l'appelant, en soumettant sa déclaration d'impôt pour l'année en litige, a jumelé la somme de 100 000 $ US qu'il a reçue pour les services rendus relativement à la poursuite à celles qu'il a déboursées dans le cadre du litige et en a réclamé la différence à titre de perte nette découlant de cette affaire. Ceci démontre que l'appelant lui-même, qui est le mieux placé pour en juger, considérait que la réception et le paiement de ces sommes s'inscrivaient dans le cadre d'une affaire distincte et séparée qui a pris fin avec le règlement de la poursuite intentée contre lui (voir à cet égard la définition élargie du mot « entreprise » à l'article 248(1) de la Loi).

[18]            Finalement, je suis d'avis que le juge de la Cour de l'impôt était en droit de distinguer les activités de l'appelant reliées à la vente de l'entreprise de son client, et celles reliées au paiement du dividende et ce pour les motifs exposés aux paragraphes 30 à 33 de ses motifs.

[19]            Je rejetterais l'appel avec dépens.

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

       Gilles Létourneau j.c.a. »

« Je suis d'accord.

       J.D.Denis Pelletier j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                          A-700-04

INTITULÉ :                                         JEAN-GUY ST-GEORGES c.

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 1er juin 2006

MOTIFS :                                            L'HONORABLE JUGE NOËL

DATE DES MOTIFS :                       le 7 juin 2006

COMPARUTION :

Me Christopher R. Mostovac                POUR LA PARTIE APPELANTE

Me Mounes Ayadi                                 POUR LA PARTIE INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

STARNINO MOSTOVAC                  POUR LA PARTIE APPELANTE

Montréal, Québec                                

JOHN H. SIMS                                    POUR LA PARTIE INTIMÉE

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

Montréal, Québec                    

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