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Date : 20060316

Dossier : A-637-04

Référence : 2006 CAF 113

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

ENTRE :

PLOMBERIE J.C. LANGLOIS INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 14 mars 2006.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 16 mars 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                       LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                    LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                   LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20060316

Dossier : A-637-04

Référence : 2006 CAF 113

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

ENTRE :

PLOMBERIE J.C. LANGLOIS INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                Il s'agit d'un appel à l'encontre d'une décision rendue par la Cour canadienne de l'impôt sous la plume de la juge Lamarre Proulx le 2 novembre 2004 qui a confirmé les cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), c. 1 (la « Loi » ) pour les années d'imposition 1995 à 1998 de l'appelante.

[2]                La question en litige est de savoir si René Simoneau contrôlait « directement ou indirectement de quelque manière que ce soit » l'appelante au sens de l'alinéa 256(1)b) de la Loi pendant la période pertinente. Le cas échéant, l'appelante doit partager la déduction des petites entreprises avec plusieurs autres sociétés qui sont aussi contrôlées par René Simoneau.

[3]                Il n'est pas nécessaire d'effectuer une revue exhaustive des faits. Il suffit de dire pour nos fins que René Simoneau contrôlait plusieurs compagnies qui opéraient sous le nom de Groupe Simoneau. Il détenait aussi par l'entremise d'une compagnie de placement 50% des actions de l'appelante, l'autre 50% étant détenu par Richard Hallas qui s'occupait des opérations journalières.

[4]                Le domaine des opérations de l'appelante, comme son nom l'indique, était celui de la plomberie, activité complémentaire à celle des autres compagnies détenues par René Simoneau.

[5]                Il est acquis que le contrôle de jure de l'appelante n'était pas entre les mains de René Simoneau puisque M. Hallas détenait 50% des actions. La question qui se posait devant la Cour canadienne de l'impôt était de savoir si, malgré cette absence de contrôle de jure, René Simoneau contrôlait tout de même l'appelante selon la notion élargie de contrôle corporatif que l'on retrouve au paragraphe 256(5.1) :

256(5.1) Pour l'application de la présente loi, lorsque l'expression « contrôlée directement ou indirectement de quelque manière que ce soit » , est utilisée, une société est considérée comme ainsi contrôlée par une autre société, une personne ou un groupe de personnes-appelé « entité dominante » au présent paragraphe-à un moment donné si, à ce moment, l'entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l'exercice entraînerait le contrôle de fait de la société [...]

256(5.1) For the purposes of this Act, where the expression « controlled, directly or indirectly in any manner whatever » is used, a corporation shall be considered to be so controlled by another corporation, person or group of persons (in this subsection referred to as the « controller » ) at any time where, at that time, the controller has any direct or indirect influence that, if exercised, would result in control in fact of the corporation, ...

[6]                Après avoir considéré la preuve, la juge de la Courcanadienne de l'impôt a conclu que René Simoneau exerçait sur l'appelante le contrôle de fait pendant la période pertinente. Pour en arriver à cette conclusion, elle a mis beaucoup d'emphase sur le fait que René Simoneau était l'administrateur unique de l'appelante et avait à ce titre le contrôle décisionnel de dernier ressort (motifs, paragraphes 36 et 38 à 40).

[7]                Au soutien de son appel, l'appelante reproche surtout à la juge Lamarre Proulx d'avoir retenu le rôle dominant de M. Simoneau en tant qu'administrateur unique sans tenir compte de la convention unanime d'actionnaires signée par les deux actionnaires (Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795 au para. 71). En effet, même si René Simoneau était l'unique administrateur, la convention unanime neutralisait la capacité de ce dernier d'exercer un contrôle de droit et de fait sur l'appelante. Selon l'appelante, la juge de la Cour canadienne de l'impôt a commis une erreur de droit puisqu'elle a tiré sa conclusion sans tenir compte de cette convention.

[8]                De plus, l'appelante soutient que la division des tâches entre René Simoneau et l'autre actionnaire était conforme au plan d'affaires. René Simoneau était un administrateur chevronné et c'était à lui que revenaient les tâches administratives. Richard Hallas était expert en plomberie et c'est lui qui voyait aux opérations journalières de l'appelante.

[9]                Selon l'appelante, la juge de la Cour canadienne de l'impôt a mal compris son plan d'affaires et l'importance du rôle de Richard Hallas lorsqu'elle a conclu qu'elle était assujettie au contrôle de fait de René Simoneau. Richard Hallas avait un poids au moins équivalent à celui de M. Simoneau quant aux décisions prises par l'appelante et exerçait sur elle une influence tout aussi importante.

Disposition

[10]            En ce qui a trait au premier motif d'appel, je ne crois pas que la juge de la Cour canadienne de l'impôt a ignoré la convention unanime des actionnaires. Elle comprenait bien que cette convention telle que rédigée était conforme au partage égal du capital-actions de l'appelante et ne favorisait pas un actionnaire au détriment de l'autre. La première juge était par contre d'avis que l'on devait donner peu d'importance à cette convention parce qu'elle n'était pas respectée par les parties. Elle évoque à titre d'exemple le fait que les articles 5 et 6 de la convention unanime qui portent sur la contribution financière des actionnaires avaient été complètement ignorés (motifs, paragraphe 32).

[11]            L'avocat de l'appelante a concédé ce fait, mais il a soutenu que cette omission était exceptionnelle. Selon lui, la convention avait été par ailleurs respectée.

[12]            Avec égards, ce n'est pas ce que révèle la preuve. Par exemple, la convention unanime prévoyait que toute décision prise hors du cours ordinaire des affaires de l'appelante devait être approuvée par résolution unanime. Aucune telle résolution ne fut produite, ceci malgré la preuve qui révèle que René Simoneau effectuait au nom de l'appelante, sous forme d'avances, de prêts et de cautionnements considérables, de nombreuses transactions hors de l'ordinaire avec les autres membres du groupe de compagnies qu'il contrôlait.

[13]            La juge de la Cour canadienne de l'impôt fait état en particulier d'avances effectuées par l'appelante à des compagnies du Groupe Simoneau sans intérêts ni modalités de remboursement au montant de 84 106 $ en 1997. Des avances semblables de l'ordre de 53 500 $ sont inscrites aux états financiers pour l'année 1998.

[14]            La première juge fait aussi état du fait que l'appelante s'est portée garante d'emprunts contractés par des compagnies du Groupe Simoneau qui se chiffraient à 1 969 707 $ au 30 avril 1997. Le montant garanti par l'appelante se chiffrait à 1 859 225 $ au 30 avril 1998.

[15]            Ces transactions, qui à leur face même diluaient l'avoir de l'appelante, ne furent pas approuvées par résolution. De plus, M. Hallas, à part répéter qu'il faisait confiance à M. Simoneau, n'a pas expliqué pourquoi il était prêt à mettre en péril les avoirs de l'appelante pour garantir les dettes de compagnies dans lesquelles il ne détenait aucune action ni pourquoi il aurait accepté qu'elle effectue des prêts sans intérêts et sans modalités de remboursement aux compagnies de M. Simoneau.

[16]            La preuve démontre sans équivoque que la convention unanime ne fut pas respectée dans ses aspects essentiels et c'est à bon droit que la juge de la Cour canadienne de l'impôt a choisi d'y donner peu d'importance.

[17]            Il est aussi inexact de dire que la première juge a mal compris le rôle de M. Hallas. Comme elle l'explique au paragraphe 38 de ses motifs, M. Hallas en tant que gestionnaire principal de l'appelante jouait un rôle de grande importance. Toutefois il s'agissait là d'un rôle d'exécution et non de décision.

[18]            Selon moi, la preuve permettait à la première juge de conclure que malgré la répartition égale du capital-actions de l'appelante, M. Simoneau était l' « entité dominante » de l'appelante au sens du paragraphe 256(5.1) et exerçait sur elle le contrôle de fait.

[19]            Je rejetterais l'appel avec dépens.

« Marc Noël »

j.c.a.

« J'y souscris.

Alice Desjardins, j.c.a. »

« J'y souscris.

Gilles Létourneau, j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             A-637-04

APPEL D'UNE ORDONNANCE DE MADAME LA JUGE LAMARRE PROULX DE LA COUR CANADIENNE DE L'IMPÔT DU 2 NOVEMBRE 2004, No DU DOSSIER 2001-1569(IT)G.

INTITULÉ :                                                                            Plomberie J.C. Langlois Inc.

                                                                                                c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    Le 14 mars 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 LE JUGE NOËL          

Y ONT SOUSCRIT :                                                              LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                LE JUGE LÉTOURNEAU

DATE DES MOTIFS :                                                           Le 16 mars 2006

COMPARUTIONS:

Me Yannick Crack

POUR L'APPELANTE

Me Marie Bélanger

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Vaillancourt Guertin s.e.n.c.

Sherbrooke (Québec)

POUR L'APPELANTE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR L'INTIMÉE

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