Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20060608

Dossier : A-425-05

Référence : 2006 CAF 209

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

DANIEL GIROUARD

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Montréal (Québec), le 31 mai 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 juin 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE NOËL

                                                                                                                       LE JUGE PELLETIER


Date : 20060608

Dossier : A-425-05

Référence : 2006 CAF 209

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

DANIEL GIROUARD

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

Les faits et la procédure

[1]                L'appelant, qui se représente seul, en appelle d'une décision de la juge Tremblay-Lamer de la Cour fédérale (juge) qui maintenait la décision du Commissaire de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC). Cette dernière rejetait le deuxième grief de classification logé par l'appelant, le Commissaire ayant choisi d'entériner la décision d'un comité de classification.

[2]                La longue saga au coeur de laquelle se retrouve l'appelant remonte au 25 novembre 1994 alors que le commandant de la division « A » de la GRC recommandait que le poste de l'appelant soit classifié à un niveau supérieur à ce qu'il était, soit à celui de surintendant principal plutôt que surintendant. Après étude et analyse, le comité de classification mis sur pied refusa d'entériner cette recommandation du commandant de la division « A » .

[3]                Il n'est pas nécessaire pour les fins du présent appel de rappeler tous les incidents qui ont eu cours durant cette période de 12 ans. Il suffit de dire que, suite à un jugement de la Cour fédérale, la décision du Commissaire sur un premier grief de l'appelant fut annulée. En conséquence, un deuxième et donc nouveau comité de classification fut formé pour procéder à une nouvelle et seconde évaluation de la classification de l'appelant. Insatisfait de la décision qui en a résulté, l'appelant a déposé un nouveau, et conséquemment un second, grief de classification à l'encontre de la décision de ce nouveau comité.

[4]                L'arbitre de grief de niveau I, saisi de la question, a erronément conclu que l'appelant, qui avait depuis pris sa retraite de la GRC, n'avait pas le droit de loger un grief et l'a donc rejeté. L'affaire fut portée par l'appelant au Niveau II de la procédure de grief où le Commissaire a statué tant sur la recevabilité que sur le mérite du grief.

[5]                En effet, le Commissaire a conclu dans un premier temps que l'appelant pouvait loger un grief même s'il avait pris sa retraite de la GRC. Il s'est ensuite penché sur la demande de l'appelant d'annuler ou de modifier la décision du second comité de classification. Il a rejeté au mérite le grief de l'appelant et, tel que déjà mentionné, il a maintenu la décision de ce comité.

Les questions en litige

[6]                L'appelant s'attaque à deux conclusions de la juge. Il a abandonné devant nous un troisième reproche fait en Cour fédérale voulant que l'implication antérieure du Commissaire lors de l'étude du premier grief donnait naissance à une crainte raisonnable de partialité lors de l'analyse du second grief.

[7]                Il maintient toutefois que la juge a erré lorsqu'elle a conclu qu'il était loisible au Commissaire siégeant au niveau II de décider, dans les circonstances, du mérite du grief. Selon lui, la seule avenue qui s'ouvrait au Commissaire, qui avait reconnu la capacité d'agir de l'appelant par voie de grief, consistait à retourner l'affaire à l'arbitre de niveau I pour qu'une première décision au mérite soit rendue. En procédant comme il l'a fait, dit-il, le Commissaire l'a privé à la fois d'une occasion de faire valoir ses moyens à l'encontre de la décision du comité de classification et d'une possibilité d'en appeler d'une décision défavorable de l'arbitre.

[8]                De plus, il soumet qu'un autre aspect du préjudice qu'il a subi provient d'une violation des normes d'équité procédurale et de justice naturelle que l'on retrouve associées à la procédure de grief de niveau I. Je reviendrai plus en détail sur la nature de ce préjudice.

[9]                En outre, l'appelant prétend que le Commissaire a erré en droit en ne motivant pas sa décision de s'écarter des conclusions et des recommandations du Comité externe d'examen de la GRC (CEE), lequel, conformément au paragraphe 31(2)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), chap. R-10, (Loi) avait donné comme avis au Commissaire d'accueillir le grief de l'appelant.

[10]            De même, ajoute-t-il, le Commissaire n'a aucunement statué sur les erreurs de procédure et de fait qu'il avait soulevées à l'encontre de la décision du deuxième comité de classification.

[11]            J'aborderai les questions en litige dans l'ordre suivant : la suffisance des motifs du Commissaire pour écarter en partie les conclusions du CEE, l'omission par le Commissaire de statuer sur les erreurs de procédure et de faits alléguées et l'obligation alléguée du Commissaire de retourner le grief au premier palier (niveau I) d'audition.

L'omission de l'appelant de contester les décisions du Commissaire suite à une demande de reconsidération de sa décision initiale et suite à une nouvelle révision par le comité de classification de la demande de l'appelant

[12]            Cependant, avant de ce faire, il me faut envisager une problématique particulière résultant du fait que l'appelant a demandé et obtenu du Commissaire une demande de reconsidération de la décision dont il est fait appel. Cette demande a été faite conformément à l'alinéa 32(3) de la Loi. Cet alinéa permet au Commissaire d'annuler ou de modifier sa décision à l'égard d'un grief s'il constate avoir fondé celle-ci sur une erreur de fait ou de droit.

[13]            De plus, dans le contexte de la demande de reconsidération, le Commissaire a sollicité du comité de classification des informations et une analyse additionnelles des questions soulevées par l'appelant. Plus précisément, le Commissaire a demandé au comité, « afin de s'assurer que le processus était équitable envers le surint. Girouard » , que « le rapport d'évaluation soit réexaminé en tenant compte des points comme le choix des postes repères, la décision d'accorder 528 points au poste, la comparaison des budgets, la façon de justifier les cotes accordées selon le système Hay et les observations du Comité externe d'examen » : voir le dossier d'appel supplémentaire, onglet 5, page 2. Suite à la réponse du comité, le Commissaire a rendu une nouvelle décision portant à nouveau sur le mérite du grief de l'appelant.

[14]            En somme, outre la décision contestée dans le présent appel qui fut rendue le 5 octobre 2004, le Commissaire a fait connaître, sur le mérite du grief de l'appelant, ses conclusions et ses motifs dans deux décisions complémentaires sollicitées par l'appelant : une décision datée du 31 mai 2005 suite à la demande de reconsidération et une décision en date du 13 septembre 2005, consécutive à une nouvelle révision de la classification de l'appelant par le deuxième comité de classification.

[15]            Or, la problématique particulière en l'espèce réside dans le fait que l'appelant n'a pas contesté ces deux nouvelles décisions du Commissaire. Sur le plan juridique et sur le plan pratique, cela signifie que l'annulation de la décision du 5 octobre 2004, dont il est fait appel, laisserait exécutoires deux décisions du Commissaire qui confirment, supportent et développent celle annulée.

[16]            Dans l'affaire Vidéotron Télécom Ltée c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, 2005 CAF 90 (voir aussi Halifax Employers Association Incorporated v. The Council of ILA Locals for the Port of Halifax, 2006 CAF 82), notre Cour s'exprimait en ces termes quant à l'inopportunité de ne pas attaquer les décisions résultant d'une demande de reconsidération. Aux paragraphes 6, 12, 13, 14 et 15, le juge Décary écrit :

Notre Cour se retrouve donc dans une position des plus inconfortable. Elle ne saurait intervenir à l'égard de la décision attaquée que si celle-ci était manifestement déraisonnable, et la mise à l'écart de la décision initiale ne ferait pas disparaître la décision de réexamen qui, à défaut d'avoir été attaquée, est opposable à l'employeur.

[...]

Qu'en est-il, cependant - et c'est le cas qui nous occupe ici - lorsque le Conseil, dans sa décision de réexamen, confirme à tous égards le bien-fondé de la décision initiale? Je suis d'avis que le même principe que celui dégagé dans Canadien National doit s'appliquer. Il y a deux décisions qui ont été rendues sur la même demande initiale et même si ces décisions vont dans le même sens, elles n'en sont pas moins distinctes. Quand bien même l'une n'annule pas l'autre puisqu'elle la confirme, elle ne la remplace pas moins pour les fins d'un contrôle judiciaire puisque ce dernier porte sur les mêmes questions de droit et de principe qui ont été tranchées de façon définitive par le banc de réexamen. Il s'ensuit que la décision de réexamen doit alors être attaquée directement. Si la partie se plaint également d'erreurs de droit ou de principe dans la décision initiale dont n'aurait pas traité le Conseil dans la décision de réexamen, ou encore d'erreurs de fait manifestement déraisonnables dans la décision initiale, elle devra alors attaquer également la décision initiale.

L'état et la stabilité du droit seraient mal servis si l'on permettait la coexistence de deux décisions potentiellement contradictoires, l'une de cette Cour dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision initiale, l'autre du Conseil dans le cadre du réexamen de ladite décision.

Cette conclusion va dans le sens de la pratique généralement suivie en cette Cour. La partie qui demande au Conseil de réexaminer une décision initiale dépose parallèlement une demande de contrôle judiciaire de la décision initiale ou, à tout le moins, dépose une requête en prorogation de délai dans l'attente de la décision de réexamen. Une fois la décision de réexamen rendue, la partie choisit d'attaquer l'une ou l'autre ou les deux, selon les circonstances. Si les deux décisions sont attaquées, les parties pourront demander à la Cour de joindre les demandes de contrôle judiciaire pour les fins de la préparation des dossiers et de l'audition.

J'en viens ainsi à la conclusion que cette demande de contrôle judiciaire revêt un caractère purement théorique et que rien ne justifie que la Cour, dans l'exercice de sa discrétion, accepte néanmoins de l'entendre.

[17]            En somme, la contestation par l'appelant de la décision du 5 octobre 2004 est devenue théorique au plan juridique puisque cette décision a été remplacée par deux autres décisions du Commissaire. La contestation est aussi vaine au plan pratique parce que, même si la décision contestée était annulée, les deux autres décisions continueraient de produire leurs effets.

[18]            Bien que sur cette base je sois justifié de rejeter l'appel de l'appelant, je suis disposé, comme je l'ai déjà mentionné, à en examiner le mérite de façon à ce que l'appelant puisse voir l'aboutissement des démarches judiciaires qu'il a entreprises sans assistance légale. Comme nous l'avons mentionné à l'audience, l'appelant a tout de même fait un travail colossal de recherche et d'analyse juridiques. Son mémoire des faits et du droit est bien articulé, bien documenté et traite de l'ensemble de ses revendications même si les questions en litige dans le cadre du présent appel sont beaucoup plus limitées.

La suffisance des motifs du Commissaire pour écarter en partie les conclusions du CEE

[19]            Avec respect, je suis satisfait que la décision du Commissaire renferme une justification adéquate du refus de suivre la recommandation du CEE d'accueillir le grief à son mérite.

[20]            Le Commissaire a examiné la méthode d'analyse suivie par le deuxième comité de classification ainsi que le nombre et la qualité des comparaisons utilisées pour procéder à la classification du poste de l'appelant. Il a tenu compte de l'objectivité des membres du comité de classification ainsi que de leur indéniable expertise qu'il a comparée et mesurée avec celle relativement faible, pour ne pas dire inexistante, du membre du CEE. Il a noté la concordance au niveau du résultat obtenu par les deux comités de classification. Il a jugé que la classification recommandée par le deuxième comité était équitable par rapport aux postes de même niveau ou de niveau supérieur à la GRC. Enfin, il a exprimé et justifié son désaccord avec la position prise par le CEE quant à une composante importante du travail de la division « E » qui a, avec d'autres éléments, servi de poste de comparaison au comité de classification.

[21]            Le Commissaire était conscient de l'obligation qu'il avait de motiver sa décision s'il s'écartait, comme il avait pleinement le droit de le faire, des conclusions et des recommandations du CEE. Il a d'ailleurs fait expressément mention de cette obligation dans sa décision et il s'est, par la suite, appliqué à fournir les motifs de son choix de décision.

[22]            Assurément, les justifications fournies par le Commissaire auraient pu être plus élaborées et sans doute meilleures. Mais le test qu'il nous faut appliquer à la révision des motifs d'une décision n'est pas celui de l'excellence et de la perfection, mais plutôt celui de la suffisance et de l'adéquation. J'ajouterais à la décharge du Commissaire que, pour sa part, le CEE n'a fait qu'exprimer son désaccord avec le comité de classification ainsi que ses préférences, sans véritablement fournir, dans l'un et l'autre cas, de motifs à l'appui de sa position. Il était difficile pour le Commissaire de réfuter des motifs inexistants. Il s'est donc contenté d'exprimer les motifs de sa divergence de vue avec celle du CEE.

[23]            À mon avis, le reproche de l'appelant sur ce point est sans fondement.

L'omission du Commissaire de statuer sur les erreurs de procédure et de fait alléguées par l'appelant à l'encontre de la décision du deuxième comité de classification

[24]            Il est incontestable que la décision du Commissaire dont il est fait appel ne traite aucunement des erreurs de procédure et de fait que l'appelant reproche au deuxième comité de classification dans sa procédure de grief. Ce sont d'ailleurs à toutes fins pratiques les mêmes erreurs qu'il avait opposées à la décision du premier comité de classification. Mais l'appelant, à juste titre, a demandé et obtenu du Commissaire qu'il reconsidère sa décision : voir les deux décisions complémentaires au dossier d'appel supplémentaire, onglets 3 et 5. On peut voir à la lecture de la décision consécutive à la demande de reconsidération que celle-ci traite et dispose des allégations faites par l'appelant. Bien que l'appelant ne soit pas satisfait du rejet de ses prétentions par le Commissaire et des motifs à l'appui de ce rejet, il n'a pas contesté cette décision et nous ne sommes pas saisis par le présent appel du mérite de cette décision.

[25]            Si nous devions accueillir l'appel de l'appelant sur ce motif, tout au plus pourrions-nous octroyer comme remède que le Commissaire se prononce sur les erreurs de fait et de procédure alléguées par l'appelant. Or, non seulement l'a-t-il déjà fait suite à la demande de reconsidération de sa première décision, mais il a également obtenu du deuxième comité de classification que le comité réévalue la classification qu'il avait proposée de l'appelant à la lumière de ces allégations.

[26]            Bref, si les reproches de l'appelant à l'égard des lacunes de la première décision du Commissaire pouvaient être ou étaient fondés, il y fut subséquemment remédié. À nouveau, le remède recherché par l'appelant est sans objet.

[27]            Ceci m'amène à la troisième et dernière question en litige.

L'obligation alléguée du Commissaire de retourner le grief de l'appelant au premier palier (niveau I) d'audition

[28]            Le déroulement de la procédure et des auditions de griefs est régi par les Consignes de 1990 du Commissaire, DORS/90-117, 8 février 1990 (Consignes). Il s'agit du titre abrégé des Règles concernant les griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada. Ces Consignes prennent leur fondement dans l'article 36 de la Loi. Le pouvoir d'établir des règles pour la présentation et l'étude des griefs est confié au Commissaire qui demeure maître de la procédure à suivre.

[29]            Les Consignes, qui prévoient un certain nombre d'hypothèses, dont celle, couverte par l'article 18, lorsque de nouveaux éléments de preuve sont découverts alors que l'étude du grief est en cours au niveau II, ne couvre pas la situation à laquelle furent confrontées le Commissaire et l'appelant. On se rappellera que le grief de l'appelant fut rejeté par l'arbitre au niveau I sur une question préalable au mérite relative à la capacité d'agir de l'appelant.

[30]            Il n'est pas faux de dire qu'il existait, suite au rejet du grief dans ces circonstances, un vide juridique tant au niveau de la Loi que des Consignes quant à la manière de disposer du cas de l'appelant. On ne saurait parler en pareil cas d'erreur de droit de la part du Commissaire du fait qu'à fin que justice soit rendue, il ait décidé d'entendre à son mérite le grief qui datait de presque dix ans. En d'autres termes, le Commissaire possédait l'autorité d'agir comme il l'a fait dans la mesure où le processus retenu ne portait pas préjudice aux droits de l'appelant, notamment ses droits à l'équité procédurale et au respect des règles de justice naturelle.

[31]            L'appelant soutient que l'alinéa 31(2) de la Loi crée une obligation que le grief soit étudié au niveau I. Tout en reconnaissant qu'il s'agit là de la pratique normalement suivie, il convient de préciser que l'alinéa 31(2) traite plutôt de la prescription d'un grief à l'un ou à l'autre niveau de la procédure : il précise le délai dans lequel le plaignant doit déposer son grief. Je porte donc mon attention sur le préjudice allégué par l'appelant.

[32]            En premier lieu, l'appelant soumet qu'il s'est vu privé d'un palier d'adjudication, soit le niveau I, ainsi que des garanties procédurales qui s'attachent à ce niveau. Avec respect, je ne crois pas que l'appelant puisse trouver dans ce fait source de préjudice.

[33]            Tout d'abord, les pouvoirs de révision de l'arbitre au niveau I, comme ceux du Commissaire au niveau II, sont identiquement limités au paragraphe 16b) des Consignes, dans les cas de griefs de classification, à « l'examen des preuves d'erreur de fait ou de procédure » . La situation eût été différente si l'arbitre de niveau I avait disposé d'un pouvoir de révision plus étendu que celui du Commissaire. L'appelant ne subit donc aucun préjudice au niveau du champ de compétence et du pouvoir d'intervention de l'un ou l'autre palier d'analyse du grief. Qu'en est-il des garanties procédurales ?

[34]            L'article 12 des Consignes énonce que l'arbitre au niveau I est assisté dans son travail d'un comité consultatif qui, dans un rapport dont copie est remise à la personne qui a logé le grief (sous-paragraphe 7b)(ii) des Consignes), soumet à l'arbitre ses conclusions et ses recommandations sur le grief à l'étude (art. 14 des Consignes). L'article 17 des Consignes stipule que ni l'arbitre au niveau I, ni le Commissaire au niveau II ne sont liés par les conclusions et recommandations du comité consultatif.

[35]            C'est à mon humble avis sans fondement que l'appelant se plaint d'avoir été privé de cette garantie procédurale. Car, de fait, il a bénéficié au niveau II d'une garantie analogue offerte par le CEE à qui le grief fut renvoyé pour consultation et avis. D'ailleurs, l'avis du CEE fut favorable à l'appelant et à sa position.

[36]            Se fondant sur l'article 10 des Consignes, l'appelant plaide qu'il avait et qu'il a perdu le droit de faire des représentations sur les conclusions et les recommandations du comité consultatif. Cet argument est sans mérite pour deux raisons.

[37]            Premièrement, ce n'est pas ce droit qui est conféré par l'article 10. Ce dernier accorde plutôt à l'appelant le droit de présenter au comité consultatif une argumentation écrite relativement à son grief pour que le comité consultatif puisse en tenir compte dans l'analyse qu'il fera éventuellement du grief avant de conclure sur son mérite. Or, les arguments de l'appelant relativement à son grief furent reçus par le CEE qui a étudié le grief de l'appelant au niveau II.

[38]            Deuxièmement, l'appelant n'avait pas à faire de représentations sur les conclusions du CEE puisque celui-ci recommandait l'acceptation de son grief.

[39]            Enfin, l'appelant se plaint que le répondant au grief n'a pas été entendu au niveau II. Il est difficile de voir, si cela était le cas, le préjudice qu'en subirait l'appelant parce que le répondant s'opposait à son grief. Mais ce n'est pas le cas. Le répondant a fait parvenir au CEE et au Commissaire son point de vue et son opposition quant au grief : voir au dossier d'appel, volume III, à la page 585, la lettre de la directrice intérimaire du Design organisationnel et de l'Évaluation des emplois, datée du 31 janvier 2002.

Conclusion

[40]            La lecture du dossier révèle que l'appelant a été traité équitablement au plan de la procédure et qu'il n'a subi aucun préjudice du fait que son grief, compte tenu du laps de temps écoulé et de la similarité du processus et des garanties procédurales, a été traité au niveau II plutôt qu'au niveau I.

[41]            Il a en outre obtenu du Commissaire une reconsidération de sa décision initiale, laquelle reconsidération tenait compte des allégations de l'appelant quant aux erreurs de procédure et de fait reprochées. Par souci d'équité, une nouvelle révision fut également sollicitée et obtenue du deuxième comité de classification, laquelle examinait spécifiquement certaines des revendications de l'appelant. Trois décisions du Commissaire furent rendues, chacune rejetant son grief et fournissant des motifs à l'appui. Ces trois décisions et l'ensemble des motifs répondent aux allégations de l'appelant. C'est donc à bon droit, à mon avis, que la juge a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l'appelant.

[42]            Pour ces motifs, je rejetterais l'appel. Mais dans les circonstances, je limiterais à $ 1 500 les frais payables à l'intimé.

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

« Je suis d'accord

            Marc Noël j.c.a. »

« Je suis d'accord

            J.D. Denis Pelletier j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-425-05

INTITULÉ :                                                    DANIEL GIROUARD c. LE PROCUREUR

                                                                        GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 31 mai 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                      LE JUGE NOËL

                                                                        LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                   le 8 juin 2006

COMPARUTIONS :

Daniel Girouard

POUR L'APPELANT

Raymond Piché

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims c.r.

Sous-procureur general du Canada

Montréal (Québec)

POUR L'INTIMÉ

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