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Date : 20060606

Dossier : A-105-05

Référence : 2006 CAF 206

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

ADIL CHARKAOUI

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimés

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 12 janvier 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 juin 2006.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE PELLETIER

Y A SOUSCRIT :                                                                                                 LE JUGE NADON

MOTIFS CONCOURANTS :                                                                              LE JUGE LÉTOURNEAU

 


 

Date : 20060606

Dossier : A-105-05

Référence : 2006 CAF 206

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

 

ENTRE :

ADIL CHARKAOUI

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE PELLETIER

 

[1]               Lors du dépôt de la requête donnant naissance à cet appel, M. Charkaoui était détenu sous l’autorité de l’article 82 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), depuis le 21 mai 2003 parce qu’on le croit membre d’un réseau terroriste. Lors de la quatrième révision de sa détention, M. Charkaoui a déposé une requête en arrêt de procédures alléguant certaines atteintes à son droit à l’équité procédurale. Bien que le juge Simon Noël (juge désigné) ait rejeté la requête (voir Charkaoui (Re), 2005 CF 149), il en est arrivé tout de même à la conclusion que M. Charkaoui n’est plus une menace telle à la sécurité du Canada que sa détention soit justifiée. Voir Charkaoui (Re) (C.F.), 2005 CF 248, [2005] 3 R.C.F. 389.

[2]               M. Charkaoui loge trois griefs à l’encontre de la décision du juge désigné. Dans un premier temps, il soumet que son droit à l’équité procédurale a été brimé du fait que certains renseignements lui ont été communiqués de façon tardive. Dans un deuxième temps,  il prétend que la destruction des notes et des enregistrements (s’il y en avait) de ses entrevues avec le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) constitue une violation de l’obligation du SCRS de communiquer tout renseignement dont il dispose aux ministres intimés (les Ministres) et au juge désigné. M. Charkaoui allègue que ce sont là deux atteintes à l’équité procédurale, qui lui est garantie par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), et qu’elles lui donnent droit à un recours aux termes de l’article 24 de la Charte, notamment un arrêt de procédures visant son interdiction du territoire du Canada.

 

[3]               Finalement, M. Charkaoui s’attaque à la réception par le juge désigné de certains renseignements nouveaux qui ont été versés au dossier. Il s’oppose à la réception de cette preuve pour deux motifs. D’abord, les Ministres intimés n’en avaient pas connaissance lors de l’émission du certificat à son égard. Ensuite, ces renseignements sont ni crédibles, ni dignes de foi, et ce, par rapport à d’autres renseignements qu’il a présentés.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je ne retiens pas les arguments de M. Charkaoui. Je conclus que c’est à bon droit que le juge désigné saisi de ce dossier a rejeté ses demandes.

 

 

 

LES FAITS

 

[5]               Le 9 novembre 2004, le juge désigné fixe la date de la quatrième révision de la détention de M. Charkaoui au 10 janvier 2005. Le 30 décembre 2004, les avocats des Ministres demandent au juge désigné une audience à huis clos en l’absence de M. Charkaoui. En dépit des objections des procureurs de M. Charkaoui, le juge désigné procède à une telle audience le 5 janvier 2005 au cours de laquelle les procureurs des Ministres l’informent qu’ils ont pris connaissance d’un document qui aurait dû être communiqué à M. Charkaoui dès le début des procédures mais qui, par inadvertance, ne l’a pas été. Ce document consiste en un sommaire de deux entrevues de M. Charkaoui avec les agents du SCRS, entrevues qui ont eu lieu le 31 janvier et le 2 février 2002. Le juge désigné ordonne la divulgation immédiate du sommaire aux procureurs de M. Charkaoui.

 

[6]               Toujours au cours de cette même audience, les procureurs des Ministres déposent certaines nouvelles allégations au sujet de M. Charkaoui  contenues dans les nouveaux renseignements reçus, allégations qui ne faisaient pas partie du dossier lorsque les Ministres ont signé le certificat d’interdiction de territoire à son égard. Ces allégations portent sur son implication dans certains événements au Maroc. Le 6 janvier 2005, le juge désigné communique à M. Charkaoui un résumé de ces nouvelles données, qu’il décrit comme suit au paragraphe 27 des motifs de la décision en cause :

 

            -           l’enquête sur M. Charkaoui est continue;

 

-           les autorités marocaines ont identifié M. Charkaoui comme étant membre du Groupe islamique combattant marocain (G.I.C.M.);

 

-           le G.I.C.M. est un groupe lié à Al-Qaïda et il aurait signé les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca et du 11 mars 2004 à Madrid;

 

-           lors d’un voyage en Afghanistan au début de 1998, M. Charkaoui aurait suivi un stage militaire et une formation théologique dans l’institut de charia à Khalden;

 

-           l’émir du G.I.C.M. Noureddine Nafia, détenu au Maroc, révèle que M. Charkaoui aurait été endoctriné par un imam libyen;

 

-           il y aurait eu des fonds collectés pour implanter des cellules au Canada, Pakistan, Allemagne, France et Royaume-Uni;

 

-           M. Charkaoui a maintenu contact et aurait transmis une somme de 2 000.00 $ (CAN) au G.I.C.M. et il aurait remis un ordinateur portatif à un membre du G.I.C.M.;

 

[Ci-après, les nouvelles allégations.]

 

[7]               Le 10 janvier 2005, lors de l’audience portant sur la révision de sa détention, M. Charkaoui s’oppose à la réception des nouvelles allégations au motif qu’elles n’avaient pas été soumises aux Ministres lorsqu’ils ont endossé le certificat le concernant et, qu’en conséquence, elles ne devraient pas être prises en considération par le juge qui statuera sur le caractère raisonnable du certificat. En plus, M. Charkaoui s’attaque à la fiabilité des nouvelles allégations. À cette fin, il dépose une information en provenance du consul du Maroc à Montréal selon laquelle il n’est pas recherché par les autorités marocaines, ce qui irait à l’encontre des nouvelles allégations.

 

[8]               Quant aux sommaires de ses deux entrevues, M. Charkaoui s’enquiert auprès du juge désigné s’il existe toujours des notes ou des enregistrements de ces entrevues. Le juge pose la question à son tour aux procureurs des Ministres qui s’informent auprès du SCRS. Le juge est informé que, suivant une politique interne du SCRS, les notes des deux entrevues ont été détruites après la confection du sommaire. Pour ce qui est des enregistrements, le SCRS ignore si les entrevues ont été enregistrées mais, de toute façon, il n’y a pas d’enregistrements au dossier.

 

[9]               À la lumière de ces informations, M. Charkaoui dépose sa requête en arrêt des procédures, alléguant un manquement grave à l’équité procédurale. Il prétend qu’à sa face même, le sommaire fait état de l’existence de certaines déclarations exculpatoires dont le contenu n’est pas reproduit dans le sommaire alors qu’on s’attendrait de les retrouver dans les notes d’entrevues et certainement dans les enregistrements des entrevues. Le sommaire se lit comme suit:

INTRODUCTION

 

Adil CHARKAOUI a été vu les 2002 01 31 et 2002 02 02. Au premier contact, CHARKAOUI s’est dit prêt à clarifier point par point ce que le Service pourrait retenir contre lui. Il se disait prêt à passer un polygraphe, bien qu’il se moquait de cet outil. Au second contact, CHARKAOUI reviendra à son mode défensif, se disant persécuté par les autorités, par le Service. Disant qu’il n’a jamais rien fait de mal, il réfute nos allégations à l’effet que des accusés comme RESSAM l’aurait reconnu. Il dit cette fois qu’il refuse de passer un polygraphe et sort en trombe. CHARKAOUI a laissé bien des points à régler, exemple: CHARKAOUI dit n’être jamais allé en Afghanistan, mais il admet être allé au Pakistan, sans rien laisser entrevoir de ce qu’il y faisait. À moins d’une réflexion et d’un changement d’attitude, CHARKAOUI ne nous a pas laissé sous l’impression qu’il reverrait le Service.

 

[10]           Selon M. Charkaoui, la destruction des notes des entrevues, et des enregistrements s’il y en avait, porte atteinte à son droit à l’équité procédurale dans la mesure où ils permettraient de connaître les clarifications qu’il a apportées à ce que le SCRS lui reprochait. L’absence de ces renseignements fait en sorte que ni les Ministres, ni le juge, n’ont accès à tous les renseignements pertinents.

 

 

LA DÉCISION FRAPPÉE D’APPEL

 

[11]           Le juge désigné rejette la demande d’arrêt de procédures. Après avoir résumé les arguments des parties, il conclut qu’il n’y a pas eu d’atteinte à l’équité procédurale qui compromettait irrémédiablement les procédures en cours. En premier lieu, il se dit prêt à remettre à une date ultérieure le témoignage que M. Charkaoui s’apprête à rendre, dans le contexte du contrôle de sa détention, afin que celui-ci n’ait pas à témoigner avant d’avoir considéré le sommaire des entrevues. Pour ce qui est du fond, le juge conclut que l’absence des notes ou des enregistrements ne nuit pas à M. Charkaoui parce que celui-ci était présent aux entrevues en question et que son témoignage quant à ce qui s’est déroulé en sera la meilleure preuve. En conséquence, le juge est d’avis qu’il n’y a pas de préjudice dans les circonstances et que, s’il y en avait, il a été neutralisé.

 

[12]           Pour ce qui est de la pertinence du sommaire, le juge déclare que même s’il fait partie de la preuve dont il dispose, « [les renseignements qu’il contient] ne sont pas utiles pour démontrer directement ou indirectement le fondement des faits et des allégations à la base de la procédure. » (motifs du juge Noël au paragraphe 15).  Autrement dit, ces entrevues n’ont aucun rapport avec ce que l’on reproche à M. Charkaoui.

 

[13]           Le juge accepte la prétention du procureur de M. Charkaoui selon laquelle le SCRS est tenu de déposer devant les Ministres tous les renseignements dont il dispose lorsqu’il demande l’émission d’un certificat. En revanche, le juge ne retient pas l’argument que la destruction des notes et de l’enregistrement des entrevues enlève la possibilité de communiquer toute l’information aux Ministres. Les faits et les allégations à la base du certificat se retrouvent ailleurs dans la preuve, comme en fait état, d’ailleurs, le résumé des renseignements communiqués à M. Charkaoui.

 

[14]           Selon le juge, le SCRS n’est pas un corps policier et n’est pas tenu aux mêmes normes quant à la préservation et à la communication de la preuve. Les normes applicables ne sont pas celles du droit criminel mais plutôt celles propres au droit administratif. Le juge rejette alors la demande d’arrêt des procédures fondée sur la prétendue violation du droit de M. Charkaoui à l’équité procédurale aux termes de l’article 7 de la Charte.

 

[15]           Le juge passe alors à la demande d’exclusion des nouvelles allégations et ne retient aucun des arguments de M. Charkaoui. Il constate que l’alinéa 78(e) de la Loi prévoit que les Ministres peuvent déposer des renseignements additionnels au cours des procédures devant le tribunal. Ceci fait en sorte que le juge appelé à statuer sur le certificat pourrait détenir plus d’informations que les Ministres n’en avaient lors de l’émission du certificat.

 

[16]           Pour ce qui est de la fiabilité des renseignements, le juge affirme que lors de la communication de ces allégations à huis clos, il s’est efforcé de vérifier si ces renseignements provenaient de plusieurs sources ou s’ils étaient corroborés par d’autres moyens. Le juge ne prend aucune conclusion quant à une note diplomatique provenant de l’ambassade du Maroc selon laquelle M. Charkaoui ne fait pas l’objet d’un mandat ou d’une poursuite juridique au Maroc. Il suspend son appréciation de cette preuve jusqu’à ce qu’il ait entendu la preuve entière des deux parties. Pour ces motifs, le juge rejette la demande d’exclusion des renseignements additionnels.

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[17]           Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

Loi sur le service canadien du renseignement et la sécurité, L.R.C. 1985, ch. C-23 :

Canadian Security Intelligence Service Act, R.S.C. 1985, c. C-23:

 

12. Le Service recueille, au moyen d'enquêtes ou autrement, dans la mesure strictement nécessaire, et analyse et conserve les informations et renseignements sur les activités dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles constituent des menaces envers la sécurité du Canada; il en fait rapport au gouvernement du Canada et le conseille à cet égard.

12. The Service Shall collect, by investigation or otherwise, to the extent that it is strictly necessary, and analyse and retain information and intelligence respecting activities that may on reasonable grounds be suspected of constituting threats to the security of Canada and, in relation thereto, shall report to and advise the Government of Canada.

 

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27:

 

77. (1) Le ministre et le solliciteur général du Canada déposent à la Section de première instance de la Cour fédérale le certificat attestant qu'un résident permanent ou qu'un étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée pour qu'il en soit disposé au titre de l'article 80.

 

78. Les règles suivantes s'appliquent à l'affaire :

 

a) le juge entend l'affaire;

 

b) le juge est tenu de garantir la confidentialité des renseignements justifiant le certificat et des autres éléments de preuve qui pourraient lui être communiqués et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;

 

c) il procède, dans la mesure où les circonstances et les considérations d'équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et selon la procédure expéditive;

 

d) il examine, dans les sept jours suivant le dépôt du certificat et à huis clos, les renseignements et autres éléments de preuve;

 

 

e) à chaque demande d'un ministre, il examine, en l'absence du résident permanent ou de l'étranger et de son conseil, tout ou partie des renseignements ou autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;

 

 

 

 

f) ces renseignements ou éléments de preuve doivent être remis aux ministres et ne peuvent servir de fondement à l'affaire soit si le juge décide qu'ils ne sont pas pertinents ou, l'étant, devraient faire partie du résumé, soit en cas de retrait de la demande;

 

 

 

 

g) si le juge décide qu'ils sont pertinents, mais que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d'autrui, ils ne peuvent faire partie du résumé, mais peuvent servir de fondement à l'affaire;

 

 

 

 

 

h) le juge fournit au résident permanent ou à l'étranger, afin de lui permettre d'être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu au certificat, un résumé de la preuve ne comportant aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;

 

 

 

i) il donne au résident permanent ou à l'étranger la possibilité d'être entendu sur l'interdiction de territoire le visant;

 

 

 

j) il peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime utile — même inadmissible en justice — et peut fonder sa décision sur celui-ci.

77. (1) The Minister and the Solicitor General of Canada shall sign a certificate stating that a permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality and refer it to the Federal Court—Trial Division, which shall make a determination under section 80.

 

78. The following provisions govern the determination:

 

(a) the judge shall hear the matter;

 

(b) the judge shall ensure the confidentiality of the information on which the certificate is based and of any other evidence that may be provided to the judge if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

 

(c) the judge shall deal with all matters as informally and expeditiously as the circumstances and considerations of fairness and natural justice permit;

 

 

(d) the judge shall examine the information and any other evidence in private within seven days after the referral of the certificate for determination;

 

(e) on each request of the Minister or the Solicitor General of Canada made at any time during the proceedings, the judge shall hear all or part of the information or evidence in the absence of the permanent resident or the foreign national named in the certificate and their counsel if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

 

(f) the information or evidence described in paragraph (e) shall be returned to the Minister and the Solicitor General of Canada and shall not be considered by the judge in deciding whether the certificate is reasonable if either the matter is withdrawn or if the judge determines that the information or evidence is not relevant or, if it is relevant, that it should be part of the summary;

 

(g) the information or evidence described in paragraph (e) shall not be included in the summary but may be considered by the judge in deciding whether the certificate is reasonable if the judge determines that the information or evidence is relevant but that its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

 

(h) the judge shall provide the permanent resident or the foreign national with a summary of the information or evidence that enables them to be reasonably informed of the circumstances giving rise to the certificate, but that does not include anything that in the opinion of the judge would be injurious to national security or to the safety of any person if disclosed;

 

(i) the judge shall provide the permanent resident or the foreign national with an opportunity to be heard regarding their inadmissibility; and

 

(j) the judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is appropriate, even if it is inadmissible in a court of law, and may base the decision on that evidence.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

1-         Le droit à l’équité procédurale de M. Charkaoui est-il atteint à ce point par la divulgation tardive du sommaire d’entrevues et l’absence de notes ou d’enregistrements de ces entrevues qu’il a droit à l’arrêt des procédures en interdiction du territoire?

 

2-         Le juge désigné peut-il recevoir et considérer des renseignements qui portent sur la raisonnabilité du certificat même si ces renseignements n’ont pas été soumis aux Ministres lors de l’émission du certificat en cause?

 

ANALYSE

 

[18]           Il ne fait aucun doute que le sommaire d’entrevues qui a été divulgué à M. Charkaoui de façon tardive aurait dû l’être plus tôt. Le SCRS devait, de par son obligation d’agir avec la bonne foi la plus absolue, le divulguer aux Ministres, et ce, sans retard. Cette Cour s’est déjà prononcée sur cette question dans l’affaire Charkaoui c. Ministre de l’immigration et de la citoyenneté et al. 2004 CAF 421, [2005] 2 R.C.F. 299 :

 

[153] Je désire également insister sur la tâche de l'avocat comparaissant au nom des ministres dans des procédures ex parte en vertu de l'article 78 de la Loi. Je suis d'accord avec mes collègues que l'avocat a l'obligation de présenter ses arguments au juge avec la bonne foi la plus absolue. Aucun renseignement pertinent ne peut être retenu. Le principe de la divulgation complète et fidèle dans les procédures ex parte est un principe de justice fondamental qui a été reconnu par la Cour suprême: Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3, au paragraphe 27.

 

[154] L’application de ce principe aux procédures prévues à l'article 78 de la Loi impose à l'avocat des ministres l'obligation de soumettre au juge désigné non seulement les éléments de preuve protégés qui servent à incriminer la personne visée par le certificat de sécurité, mais également tout renseignement qui pourrait servir à disculper cette personne. L'avocat a l'obligation stricte de fournir tous les renseignements qui sont en sa possession, favorables et défavorables, qu'il croit ou non à leur pertinence. Il revient alors au juge désigné de décider si l'élément de preuve est pertinent.

 

 

 

[19]           En revanche, le fait que le sommaire aurait dû lui être divulgué bien avant qu’il ne l’a été n’entraîne pas nécessairement la conclusion que recherche M. Charkaoui. À mon avis, le juge désigné a accordé le remède approprié dans les circonstances, soit une remise afin de permettre à  M. Charkaoui d’étudier ce nouvel élément de preuve avant qu’il ne témoigne.

 

[20]           En outre, M. Charkaoui allègue que le juge désigné l’aurait peut-être remis en liberté plus tôt qu’il ne l’a fait s’il avait pris connaissance de ses commentaires explicatifs qui, semble-t-il, n’apparaissent pas au sommaire. Lorsque l’on examine les facteurs suivants que le juge désigné a considérés lors de sa décision de remettre M. Charkaoui en liberté, il est évident que quelques commentaires disculpatoires au sein d’un rapport d’entrevue n’auraient eu aucune influence que ce soit sur ses décisions antérieures de le maintenir en détention :

68. M. Charkaoui est détenu de façon préventive depuis le 21 mai 2003. Vingt et un (21) mois se sont écoulés et le deuxième anniversaire de son arrestation pointe à l'horizon. Pendant cette période, ses contacts furent extrêmement limités avec le monde extérieur et ses allées et venues étaient limitées à l'institution carcérale. S'il y avait imminence d'un danger, il va de soi qu'il est neutralisé en conséquence.

 

69. De plus, ses contacts avec certains individus avant son arrestation et qui pouvaient être en soi problématiques à ce moment-là ne devraient plus l'être. Il y a eu interruption de certains contacts pendant environ 21 mois, ce qui devrait neutraliser ce qui devrait l'être.

 

70. Les voyages de M. Charkaoui sont terminés depuis son dernier voyage au Maroc se terminant en janvier 2001. Si ceux-ci étaient source de préoccupation, ils ne devraient plus l'être car il n'a pas voyagé depuis plus de quatre ans.

 

71. La présence du père et de la mère de M. Charkaoui ainsi que de son épouse et de ses deux enfants sur un même étage dans un immeuble à plusieurs logis est une situation à prendre en considération.

 

72. La médiatisation de la procédure et de M. Charkaoui assujettit ce dernier à avoir dans le public un comportement exemplaire au-dessus de tout soupçon.

 

73. Le ralliement d'une partie de la communauté à son égard oblige M. Charkaoui à se comporter de telle façon qu'il ne décevra pas.

 

74. Si le législateur voulait que le juge désigné évalue s'il y avait toujours un danger, il imposait donc une évaluation de l'évolution du danger. De l'imminence d'un danger, il se peut que celui-ci décline avec le passage du temps.

 

75. C’est la détermination que je fais…

 

[Charkaoui (Re) (C.F.), 2005 CF 248.]

 

 

 

[21]           Les allégations de M. Charkaoui sur ce point ne peuvent être retenues.

 

[22]           Pour ce qui est de la destruction des notes d’entrevues, je suis d’avis que la jurisprudence criminelle sur laquelle s’appuie M. Charkaoui n’a pas d’application en l’espèce. Comme l’a souligné le juge désigné, la Cour Suprême a fait une mise en garde contre une confusion des normes du droit criminel et celles du droit administratif :

… Notre Cour a souvent fait des mises en garde contre l’application directe en droit administratif des normes de la justice criminelle. Nous devrions éviter de confondre des notions qui, suivant notre Charte, sont clairement distinctes…

 

[Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 88.]

 

[23]           Il s’ensuit que la jurisprudence issue du droit criminel sur laquelle se fonde M. Charkaoui n’est pas pertinente : R. c. Carosella, [1997] 1 R.C.S. 80 et R. c. O’Connor, [1995] 4 R.C.S. 411.

 

[24]           Cette Cour a déjà commenté les difficultés qui confrontent celui qui fait l’objet d’un certificat de sécurité, tout en soulignant deux faits susceptibles d’en atténuer les conséquences, c’est-à-dire le rôle du juge désigné et la possibilité offerte à l’intéressé à témoigner :

82. Enfin, s’il est indéniable qu'il est plus difficile pour l'appelant de tester la validité et la crédibilité de l'information qui ne lui est pas dévoilée, le fait est qu'il est assisté dans cette tâche par le juge désigné à qui incombe la lourde responsabilité de maintenir l'équilibre entre les parties et, partant, le respect des principes de justice fondamentale. Il ne faut pas également perdre de vue que l'appelant a le droit de témoigner et de faire entendre des témoins pour réfuter les allégations et les preuves qui pèsent contre lui.

 

[Charkaoui (Re) (C.A.F.), 2004 CAF 421, [2004] 2 R.C.F. 299.]

 

[25]           Notre Cour s’est déjà prononcée sur la constitutionalité des dispositions de la Loi portant sur la divulgation de la preuve; il n’est donc pas nécessaire de reprendre à nouveau l’étude de cette question qui est pendante devant la Cour suprême.

101. Le Parlement canadien a soupesé les intérêts en jeu, ceux du justiciable et ceux de la collectivité. Il en est arrivé à faire un choix qui reconnaît le droit à la sécurité collective tout en prescrivant une procédure où un juge, jouissant de l'indépendance et de l'impartialité requises, décide si la divulgation de renseignements ou d'éléments de preuve porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d'autrui. Les arguments de l'appelant fondés sur les facteurs c)1 d)2 et e)3 n'ont pas, à notre avis, un impact cumulatif permettant de conclure à l'inconstitutionnalité du processus mis en place par le législateur.

 

1c) la décision du juge désigné se prend à partir de preuves secrètes auxquelles l'appelant n'a pas accès

 

2d) l'appelant n'obtient pas de résumé de l'information qui ne lui est pas dévoilée

 

3e) il n'existe aucun moyen pour l'appelant de tester la validité et la crédibilité de cette information et, donc, il lui est difficile, voire impossible, de la réfuter

 

[Charkaoui, précité.]

 

[26]           Il ne reste qu’à déterminer si la destruction de certaines notes entache d’inéquité une procédure qui est autrement équitable et valide au plan constitutionnel.

 

[27]           D’emblée je dois dire en passant que je trouve peu convaincante la justification offerte par les Ministres pour cette politique du SCRS. Selon eux, cette politique se fonde sur l’article 12 de la Loi sur le service canadien du renseignement et la sécurité, qui se lit comme suit :

12. Le Service recueille, au moyen d'enquêtes ou autrement, dans la mesure strictement nécessaire, et analyse et conserve les informations et renseignements sur les activités dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles constituent des menaces envers la sécurité du Canada; il en fait rapport au gouvernement du Canada et le conseille à cet égard.

12. The Service shall collect, by investigation or otherwise, to the extent that it is strictly necessary, and analyse and retain information and intelligence respecting activities that may on reasonable grounds be suspected of constituting threats to the security of Canada and, in relation thereto, shall report to and advise the Government of Canada.

 

[28]           Selon les Ministres, l’obligation imposée au SCRS de s’en tenir à ce qui est strictement nécessaire fait en sorte que lorsqu’un sommaire d’une entrevue est rédigé, la conservation des notes de l’entrevue n’est plus strictement nécessaire et elles sont alors détruites. Cette politique, dit-on, empêche l’accumulation de renseignements à l’égard de personnes qui ne font l’objet d’aucun soupçon.

 

[29]           À sa face même, l’article 12 stipule que le test de la nécessité, même la stricte nécessité, s’applique à la collecte d’information, par enquête ou autrement.  S’il y a nécessité quant à la conservation de l’information ainsi collectée, il s’agit d’une nécessité au plan pratique et non législatif.  Car si l’information n’est pas conservée, elle ne peut alors servir à aucune fin utile.

 

[30]           Cela étant dit, est-ce que, dans le cas présent, la mise en application de cette politique par le SCRS justifie d’octroyer un arrêt des procédures entreprises à l’encontre de M. Charkaoui?  Dans l’affaire Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307, la Cour Suprême statua que le droit à un redressement en raison d’une atteinte à un intérêt protégé par l’article 7 de la Charte dépend de la preuve de l’existence d’un préjudice découlant de cette atteinte :

60.  Bien que les allégations de harcèlement sexuel dont l'intimé a fait l'objet lui aient indéniablement causé un préjudice grave, il doit y avoir un lien de causalité suffisant entre le délai imputable à l'État et le préjudice subi par l'intimé pour que l'art. 7 s'applique. Dans Operation Dismantle Inc. c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441, à la p. 447, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a conclu que le lien de causalité entre les actes du gouvernement et la violation alléguée de la Charte était "trop incertain, trop conjectural et trop hypothétique pour étayer une cause d'action".

 

[31]           La Cour en est arrivée à la même conclusion quant au plan des redressements propres au droit administratif :

104. L’intimé a aussi fait valoir devant le juge Lowry qu'il avait dû attendre deux mois avant d'obtenir copie des observations de Mme Schell concernant le respect du délai imparti et que la divulgation qui lui avait été faite n'était pas suffisante. Le juge Lowry n'a pas considéré que l'intimé avait subi un préjudice à cet égard. En ce qui concerne l'omission alléguée de divulguer des renseignements à l'intimé, il ne s'agit pas, à mon sens, d'un cas où l'iniquité est si manifeste qu'il y aurait déni de justice naturelle ni d'un cas où il y a eu abus de procédure tel qu'il serait inapproprié de contraindre l'intimé à se présenter à une audience devant le Tribunal. Je suis donc d'avis de souscrire à la conclusion du juge Lowry que le délai en l'espèce n'est pas nécessairement de nature à entraîner la tenue d'une audience dépourvue des éléments requis pour être équitable. Le droit de l'intimé à une audience équitable n'a pas été compromis. Il n'a pas été établi que le préjudice subi est assez important pour nuire à l'équité de l'audience…

 

[32]           En l’instance, M. Charkaoui allègue que la divulgation, en temps utile, du sommaire d’entrevue aurait pu influer sur la décision des Ministres et celles du juge désigné.  Il voit là un préjudice lui donnant droit au recours qu’il réclame.  Le simple fait de faire état de cet argument en expose le caractère spéculatif. 

 

[33]           M. Charkaoui soumet qu’il subit un préjudice du fait de la destruction des notes d’entrevue parce que le juge désigné ne pourra vérifier la concordance entre les propos qu’il tient dans son témoignage et ceux qui auraient apparu aux notes des entrevues.  Même en admettant que M. Charkaoui pourrait subir un préjudice de l’absence de ces notes, il faut également reconnaître qu’il pourrait en tirer un avantage du fait que leur absence le met à l’abri d’un contre-interrogatoire à partir de divergences entre son témoignage et ses déclarations antérieures. 

 

[34]           On ne saurait présumer que les résumés ne sont pas conformes aux notes qui ont été détruites et vice versa.  Dans la mesure ou le juge désigné est satisfait de la fiabilité des éléments de preuve dont il dispose, soit par suite de leur provenance de sources indépendantes, soit par la corroboration qu’ils affichent, l’absence de notes d’entrevues, même celles qui pourraient être pertinentes, n’affecte pas la fiabilité de ces éléments de preuve au dossier, particulièrement ceux extrinsèques aux entrevues avec M. Charkaoui. 

 

[35]           La où les notes d’entrevues seraient susceptibles de jeter la lumière sur des éléments de preuve douteux, leur absence est un facteur que le juge désigné est tenu de considérer dans son appréciation de cette preuve. On ne peut présumer que le juge désigné ne s’acquittera pas, comme il le doit, de ses obligations relatives à l’appréciation de la valeur probante de la preuve.

 

[36]           En somme, M. Charkaoui ne peut démontrer qu’il y a eu dérogation à son droit à l’équité procédurale lui donnant ouverture à un sursis des procédures prises contre lui.

 

[37]           Comme alternative, advenant le rejet de sa demande d’arrêt de procédures, M. Charkaoui soumet que le juge désigné a eu tort de recevoir en preuve les nouvelles allégations.  Tel que déjà mentionné, il conteste leur admissibilité et leur valeur probante compte tenu de leur absence de fiabilité.  En ce qui concerne la fiabilité de ces nouvelles allégations, le juge désigné affirme s’être assuré que les renseignements en cause étaient confirmés par d’autres sources ou corroborés par d’autres moyens.  Aucune preuve n’a été fournie qui permet de mettre en doute cette affirmation.  En ce qui a trait à la preuve contraire à ces allégations que M. Charkaoui dit avoir soumise, il appartient au juge désigné de l’apprécier, comme il propose le faire, à la lumière de la preuve entière soumise par les deux parties.

 

[38]           L’objection principale de M. Charkaoui à la réception des allégations nouvelles et des renseignements qui les appuient consiste dans le fait qu’ils n’ont pas été soumis aux Ministres lors de l’émission du certificat contre lui.  Selon lui, seules les informations dont disposaient les Ministres à ce moment là doivent être considérées lors de la révision du caractère raisonnable du certificat.  En conséquence, il requiert que ces allégations soient rejetées.

 

[39]           Cet argument ne peut tenir. Le cadre de la révision envisagée par la Loi n’est pas celui applicable à la révision judiciaire d’une décision administrative demandée aux termes de la Partie 5 des Règles des Cours fédérales.

 

[40]           De fait, le législateur a spécifiquement prévu à la Loi les procédures à suivre lors de la révision du certificat (article 78). Plusieurs de ces règles portent directement sur la question en litige :

 

78. b) le juge est tenu de garantir la confidentialité des renseignements justifiant le certificat et des autres éléments de preuve qui pourraient lui être communiqués et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

 

[…]

 

d) il examine, dans les sept jours suivant le dépôt du certificat et à huis clos, les renseignements et autres éléments de preuve;

 

 

e) à chaque demande d’un ministre, il examine, en l’absence du résident permanent ou de l’étranger et de son conseil, tout ou partie des renseignements ou autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

 

 

 

 

 

[…]

 

j) il peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime utile — même inadmissible en justice — et peut fonder sa décision sur celui-ci.

 

 

78. (b) the judge shall ensure the confidentiality of the information on which the certificate is based and of any other evidence that may be provided to the judge if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

 

 

(d) the judge shall examine the information and any other evidence in private within seven days after the referral of the certificate for determination;

 

(e) on each request of the Minister or the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness made at any time during the proceedings, the judge shall hear all or part of the information or evidence in the absence of the permanent resident or the foreign national named in the certificate and their counsel if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

 

 

j) the judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is appropriate, even if it is inadmissible in a court of law, and may base the decision on that evidence.

 

                                                                                                                                        (je souligne)

 

 

[41]           À la lecture de ces dispositions, il appert que le juge désigné chargé de la révision peut recevoir les renseignements justifiant le certificat et d’autres éléments de preuve, qu’il est tenu de garantir la confidentialité de ces éléments de preuve si leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale, et qu’il peut retenir toute preuve qu’il croit utile, même si celle-ci serait inadmissible en justice.

 

[42]           Ces dispositions font preuve d’une volonté législative de permettre au juge de recevoir et de retenir tous les éléments de preuve qui portent sur le caractère raisonnable du certificat, même si certains de ces éléments n’étaient pas connus par les Ministres lors de l’émission du certificat.

 

[43]           De fait, M. Charkaoui invoque lui-même ce droit du juge désigné de recevoir et de retenir une preuve qui n’était pas connue des Ministres en soumettant à la Cour sa preuve quant à son dossier judiciaire au Maroc. Nul doute que si M. Charkaoui déposait une nouvelle preuve incontournable de la fausseté du certificat, il ne s’attendrait pas à ce que la Cour l’ignore et décide du caractère raisonnable du certificat comme si elle n’existait pas. De même, s’il existe une preuve nouvelle qui démontre que le certificat est bien fondé, M. Charkaoui doit s’attendre à ce que le juge la prenne en considération en décidant du caractère raisonnable du certificat.

 

[44]           Je suis donc d’avis que les arguments de M. Charkaoui sur ce point doivent être rejetés.

 

CONCLUSION

 

[45]           Pour les motifs exposés, l’appel de M. Charkaoui doit être rejeté. Celui-ci ne m’a pas persuadé qu’il y avait atteinte à son droit à l’équité procédurale ou, s’il y en avait une, qu’elle lui donnait droit à un arrêt des procédures en interdiction de territoire. La demande que les nouvelles allégations ne soient pas admises par le juge désigné doit être aussi rejetée, compte tenu du fait que la Loi prévoit expressément cette possibilité.

 

[46]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            M. Nadon j.c.a. »

 


LE JUGE LÉTOURNEAU  (motifs concourants)

 

[47]           J’ai eu le bénéfice de lire les motifs préparés par mon collègue, le juge Pelletier. Je suis d’accord avec son analyse juridique ainsi que l’application qu’il en fait aux faits de l’espèce. Je veux cependant ajouter une remarque qui fait le lien entre la position de l’appelant quant au rôle du juge appelé à déterminer le caractère raisonnable du certificat de sécurité et la notion d’équité procédurale dont l’appelant se réclame à juste titre. Car la définition qu’il propose du rôle du juge expose sa conception de l’équité procédurale.

 

[48]           On se rappellera, comme le souligne mon collègue, que l’appelant soutient que le juge appelé à déterminer le caractère raisonnable du certificat de sécurité ne peut examiner que la preuve que les ministres ont invoquée au moment de signer le certificat.

 

[49]           Comme mon collègue l’a bien fait ressortir, cette position est non seulement absurde, mais elle est contraire au texte même de l’article 80 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 qui définit le rôle du juge et au texte des dispositions de l’article 78 relatives à l’admissibilité de preuves nouvelles.

 

[50]           Mais du même souffle, et mon collègue l’a expressément noté, l’appelant soutient qu’il pourrait de son côté introduire de nouvelles preuves disculpatoires alors que, pour sa part, les ministres ne pourraient soumettre de nouvelles preuve incriminantes, même si ces preuves sont d’existence récente, n’existaient pas au moment de la signature du certificat et établissent hors de tout doute le bien-fondé du certificat de sécurité émis à l’égard de l’appelant.

 

[51]           Contrairement à ce que l’appelant semble penser comme sa position l’indique, l’équité procédurale n’est ni une avenue à sens unique, ni une avenue qui lui est exclusivement réservée.

 

[52]           Je disposerais de l’appel comme mon collègue le suggère.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                A-105-05

 

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE L’HONORABLE JUGE SIMON NOËL, DE LA COUR FÉDÉRALE, DATÉE DU 1er FÉVRIER 2005, N° DU DOSSIER    DES-3-03

 

INTITULÉ :  ADIL CHARKAOUI et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                DE L’IMMIGRATION et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 12 janvier 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE PELLETIER

 

Y A SOUSCRIT :                                                       LE JUGE NADON

MOTIFS CONCOURANTS :                                   LE JUGE LÉTOURNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 6 juin 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Dominique Larochelle

POUR L’APPELANT

 

Me Luc Cadieux /Me Daniel Roussy/

Me Daniel Latulippe

POUR LES INTIMÉS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Des Longchamps, Bourassa, Trudeau et Lafrance Montréal (Québec)

POUR L’APPELANT

 

 

John H. Sims, c.r.

Montréal (Québec)

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

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