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Date : 20051014

 

Dossier : A-561-04

 

Référence : 2005 CAF 329

 

 

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

 

 

ENTRE :

 

                                                       GIUSEPPE COLUBRIALE

 

                                                                                                                                              appelant

 

                                                                             et

 

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                                                                                                                intimée

 

 

 

                                Audience tenue à Montréal (Québec), le 13 septembre 2005.

 

                                   Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2005.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LE JUGE DESJARDINS

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20051014

 

Dossier : A-561-04

 

Référence : 2005 CAF 329

 

 

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

 

 

ENTRE :

 

                                                       GIUSEPPE COLUBRIALE

 

                                                                                                                                              appelant

 

                                                                             et

 

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                                                                                                                intimée

 

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

 

[1]               Monsieur Colubriale interjette appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt (2004 DTC 3432; 2004 CCI 578), confirmant une cotisation émise à l’égard de son année d’imposition 1996 au motif que la juste valeur marchande de l’immeuble qu’il a vendu à une société dont il était l’actionnaire majoritaire était de 1 000 000 $, et qu’en conséquence la somme de 1 500 000 $ reçue en contrepartie comportait un avantage imposable de 500 000 $ en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), ch. 1 (la « Loi »).

 


Les faits

[2]               L’appelant est actionnaire, administrateur et président d’une entreprise de récupération et transformation de papier qui opère sous le nom Fibres J.C. Inc. (« Fibres J.C. »). Les opérations de transformation ont lieu dans une usine située à Chambly, au sud de Montréal. Cette usine occupe l’arrière d’une bâtisse, laquelle était détenue par l’appelant et son épouse et louée à Fibres J.C. depuis 1986. Le devant du bâtiment logeait les bureaux.

 

[3]               Suite à un incendie qui détruisît le bâtiment en 1989, l’appelant a reconstruit un nouveau bâtiment, au même endroit, à un coût de 1 574 788 $. Fibres J.C. devint locataire de la propriété en vertu d’un nouveau bail d’une durée de 10 ans, couvrant la période du 1er novembre 1989 au 31 décembre 1999.

 

[4]               Alors qu’elle était locataire, Fibres J.C. a payé pour divers aménagements à la propriété, notamment l’installation d’un appareil de pesage, d’une plate-forme de chargement et la construction d’un stationnement. La preuve n’a pas révélé l’étendu des coûts reliés à ces travaux ou le moment où ils furent effectués.

 

[5]               Le 2 février 1996, l’appelant a vendu la propriété à Fibres J.C. pour un montant de 1 500 000 $. La part de son épouse lui avait été cédée le jour même afin de réduire les taxes applicables au transfert du titre.

 


[6]               La contrepartie fut établie à 1 500 000 $ sur la foi d’une évaluation effectuée en décembre 1995 (motifs, paragraphe 7). Cette évaluation avait été préparée dans le but d'établir une valeur assurable pour le bâtiment. La valeur de remplacement du bâtiment avait alors été établie à 1 392 610 $.

 

[7]               L'appelant et son comptable ont également pris en considération le coût réel de la reconstruction du bâtiment après l'incendie, qui se chiffrait à 1 574 788 $. Cette valeur comptable ainsi que la valeur de remplacement excluent le terrain, lequel avait un coût de 174 450 $. La transaction a eu lieu en fonction de ces données.

 

[8]               L’appelant, ayant vendu la propriété pour un prix qu’il estimait moindre que son coût, ne déclara aucun gain pour fins fiscales. De fait, puisque la bâtisse constituait entre les mains de l’appelant un bien amortissable et qu’il ne détenait aucun autre bien de cette catégorie, ce dernier réclama une perte finale de l’ordre de 124 619 $ en vertu du paragraphe 20(16) de la Loi en tenant pour acquis que la part du produit de dispostion reliée à la bâtisse (bien amortissable) était de 1 390 000 $ et que celle reliée au terrain (bien non-amortissable) était de 110 000 $.

 

[9]               En vertu d’une cotisation émise en date du 30 mai 2000, le ministre du Revenu national annula la perte réclamée par l’appelant et ajouta à son revenu un avantage de l’ordre de 523 775 $ (lequel fut ramené à 500 000 $ lors du procès) au motif que la juste valeur marchande du bien vendu à Fibres J.C. par l’appelant était de 1 000 000 $ plutôt que 1 500 000 $.


[10]           Cette cotisation fut ratifiée en date du 11 janvier 2001, et l’appel devant la Cour canadienne de l’impôt s’ensuivit.

 

[11]           Lors de l’instance devant la Cour canadienne de l’impôt, l’expert de l’appelant, Monsieur Benoît Egan, un évaluateur agréé, a indiqué que le prix payé par Fibres J.C. était juste et raisonnable pour l’acheteur spécial qu’elle était. Son rapport, qui n’est pas contesté à cet égard, démontre qu’il y avait peu de sites alternatifs pour Fibres J.C. et qu’il en aurait coûté plus cher que le prix payé à son actionnaire pour s’installer ailleurs. Monsieur Egan a cependant concédé que 1 000 000 $ représentait la valeur marchande de la propriété pour un acheteur typique.

 

[12]           L’expert de l’intimée, Monsieur Gaston Laberge, a établi la juste valeur marchande de la propriété à 1 000 000 $, et ce, en utilisant les trois méthodes d’évaluation reconnues, à savoir : la méthode du coût, la méthode de parité et la méthode du revenu. Il n’a cependant pas tenté de déterminer si, pour Fibres J.C., la propriété pouvait avoir une valeur accrue étant donné sa situation particulière.

 

Décision de la Cour canadienne de l’impôt


[13]           Sur la foi des avis des deux experts, le juge de la Cour canadienne de l’impôt s’est dit convaincu que la valeur marchande de la propriété au 2 février 1996 était de 1 000 000 $ (paragraphe 14). Il s’est cependant demandé s’il était possible « d’ajouter une prime à cette valeur marchande, de sorte qu'il soit justifié que Fibres J.C. ait payé un prix supérieur à la valeur marchande, et ce, dans le contexte d'une transaction commerciale véritable entre parties liées? » (paragraphe 15).

 

[14]           En guise de réponse à cette question, le juge procéda à l’analyse suivante:

[17] Cette Cour a longuement traité du concept de valeur marchande par rapport à celui de l’acheteur ayant un intérêt spécial et elle a reconnu qu’il est possible, dans certaines circonstances, qu’un acheteur puisse avoir un intérêt particulier à acquérir un bien à un prix supérieur à ce que d’autres seraient prêts à payer. Le juge Dussault, dans l'affaire Morneau c. Canada, [1998] A.C.I. no 680 (Q.L.), a reproduit plusieurs passages de doctrine et de jurisprudence traitant de cette question et, en particulier, les propos qu'a tenus le juge Joyal dans l'affaire Dominion Metal & Refining Works Ltd. v. The Queen, 86 DTC 6311 (C.F. 1re inst.). Le juge Dussault a d'ailleurs conclu à l'existence d'un acheteur spécial dans l'affaire Morneau et a parlé de la façon de traiter la question des personnes liées :

 

 

43___Puisque dans notre droit le concept de valeur marchande suppose un marché ouvert et non restreint, il est également faux de prétendre que l'on peut refuser de tenir compte de la valeur qu'aurait un bien pour un acheteur potentiel qui désire l'utiliser à des fins différentes sous prétexte qu'il est le seul à vouloir l'utiliser à ces fins, qu'il n'y a pas de concurrence sur le marché à cet égard et que cette valeur est ainsi purement subjective. C'est là ignorer une partie de la réalité avec la conséquence que l'exercice d'évaluation devient hautement théorique, sans relation avec les circonstances précises du cas sous étude et donc très contestable.

 

 


44___Plusieurs autres décisions mentionnées ou analysées par le juge Joyal dans l'affaire Dominion Metal & Refining Works Ltd. (précitée) établissent comme facteurs pertinents dans la détermination de la valeur d'un bien tant les possibilités d'utilisation de ce bien compte tenu de ses caractéristiques spéciales que son utilisation envisagée par un acheteur particulier. On peut signaler la décision de la Chambre des lords dans l'affaire Vyricherla Narayana Gajapatiraju v. The Revenue Divisional Officer, Vizagapatam, [1939] A.C. 302, et celle de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Fraser v. The Queen, [1963] R.C.S. 455 . Les décisions dans les affaires Laycock v. The Queen, 78 D.T.C. 6349 (C.F. 1re inst.) et 931 Holdings Limited v. M.N.R., 85 D.T.C. 388 (C.C.I.), sont aussi mentionnées et le juge Joyal y analyse aussi celle de la Commission de révision de l'impôt dans l'affaire Lakehouse Enterprises Ltd. et al. v. M.N.R., 83 D.T.C. 388 . À l'examen de ces décisions, le moins que l'on puisse dire c'est qu'on ne saurait ignorer l'intérêt particulier qu'un acheteur potentiel peut avoir d'acquérir un bien pour une valeur supérieure à ce que d'autres seraient prêts à payer compte tenu des circonstances spéciales dans lesquelles il se trouve et de l'utilisation qu'il entend faire du bien pour autant que cet intérêt puisse être démontré à une date donnée.

 

 

[...]

 

 

47___Si la détermination de juste valeur marchande suppose use transaction entre personnes n'ayant entre elles aucun lien de dépendance, je suis d'accord avec la position selon laquelle cette question doit être résolue par l'analyse des circonstances particulières d'un cas donné et non par référence à la présomption établie à l'alinéa 251(1)a) de la Loi selon laquelle des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance.

 

 

[18]  Dans l'affaire Morneau, le juge Dussault nous rappelle ce qui est requis pour l'application du paragraphe 15(1) de la Loi. Je reproduis ses propos sur cette question, que l’on trouve aux paragraphes 31 et 32 de ses motifs :

 

 

31___Il importe de souligner que l'application du paragraphe 15(1) requiert que l'on détermine d'abord si un avantage a ou non été conféré à un actionnaire en cette qualité. Cette détermination ne peut être faite qu'en examinant l'ensemble des circonstances particulières entourant une transaction donnée. Si tel est le cas, il faut par la suite déterminer quel est la valeur de cet avantage. C'est surtout à cette étape que l'application de certains principes retenus en matière d'évaluation devient vraiment pertinente. Ainsi, ce n'est pas parce qu'une transaction entre une compagnie et un actionnaire ne paraît pas à première vue avoir été effectuée à la juste valeur marchande qu'il y a nécessairement un avantage qui est conféré par la compagnie à son actionnaire en cette qualité. Ceci étant dit, je m'empresse d'ajouter qu'il est évident qu'une transaction telle la vente d'un bien qui apparaît, au premier abord, avoir été effectuée pour un montant inférieur ou supérieur à la juste valeur marchande peut constituer un indice à cet égard, mais encore faut‑il établir que cette transaction ne représente pas dans les circonstances une transaction commerciale véritable entre les parties.

 

 

32___Dans la récente décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada c. Fingold, [1998] 1 C.F. 406 , le juge Strayer se réfère sur cette question aux commentaires classiques du juge Cattanach dans l'arrêt Minister of National Revenue v. Pillsbury Holdings Ltd., [1965] 1 R.C.É. 676 (C.É.), à la page 684 à propos du sens véritable à donner à la disposition équivalente de la Loi telle qu'elle était applicable avant 1972, soit l'alinéa 8(1)(c). Ces commentaires sont traduits de la façon suivante à la page 413 :

 

 


[TRADUCTION] ... à mon avis, aucun bénéfice ni avantage n'est accordé, au sens de l'alinéa c), lorsqu'une compagnie conclut une transaction véritable avec un actionnaire. Par exemple, il est impossible que le Parlement ait eu l'intention d'assujettir à l'impôt le bénéfice ou l'avantage qui revient à un client d'une compagnie simplement parce que celui‑ci est un actionnaire de la compagnie, si le bénéfice ou l'avantage lui revient en tant que client. Le législateur n'a pu avoir l'intention de permettre à la cour de pousser son examen au‑delà de la transaction conclue de bonne foi entre une compagnie et un client qui est l'un de ses actionnaires pour essayer d'évaluer le bénéfice ou l'avantage qui revient au client par suite de la transaction.

 

 

Par ailleurs, il y a des transactions effectuées entre des corporations et le groupe fort restreint d'actionnaires qui les dominent, qui sont des moyens ou des mesures accordant des bénéfices ou avantages aux actionnaires en tant qu'actionnaires; il est clair que l'alinéa c) s'applique à de telles transactions...C'est une question de fait de déterminer si une transaction qui prétend, à première vue, être une transaction ordinaire est en fait un moyen ou une mesure de ce genre.

 

 

 

[15]           Bien que les faits et circonstances de l’affaire Morneau ont permis au juge Dussault de conclure que le prix négocié était tout à fait normal et raisonnable à la lumière des besoins spéciaux de l’acheteur, le juge de la Cour canadienne de l’impôt statua « qu’en l’espèce, la preuve ne révèle pas que de réelles négociations ont eu lieu entre les parties » (paragraphe 23). Le juge de la Cour canadienne de l’impôt ajouta :

[24] Contrairement à ce qui était le cas dans l'affaire Morneau, on ne trouve pas, en l'espèce, un besoin réel de faire l'acquisition de la propriété au moment donné, soit le 2 février 1996. Les faits de l'espèce ne révèlent pas qu'il y avait urgence à conclure cette transaction avant la fin du bail. Même si Fibres J.C. avait pris en considération toutes les possibilités énoncées dans le rapport de son expert pour justifier l'ajout d'une prime à la valeur marchande, elle aurait dû aussi prendre en considération la vulnérabilité probable du vendeur dans une telle situation. C'est là en fait l'essence même des négociations qui doivent avoir lieu entre personnes sans lien de dépendance. Le juge Dussault, dans l'affaire Morneau, a résumé la détermination d'une juste valeur marchande en ces termes au paragraphe 46 :

 


 

C'est lorsque les intérêts d'un vendeur peuvent se concilier avec ceux d'un acheteur, fut‑il spécial, après compromis de part et d'autre selon les forces de chacun, qu'un prix négocié et finalement accepté peut être considéré comme représentant une valeur qui est celle qui pourrait être obtenue sur le marché.

 

 

[25] Les faits en l'espèce ne démontrent pas qu'il y ait eu ce genre de négociations. Toutefois, cela ne veut pas dire que le prix de vente de la propriété de l'appelant n'aurait quand même excédé la juste valeur marchande établie par l'expert de l'intimée, mais seules de véritables négociations auraient pu nous permettre de le savoir. Les faits en l'espèce m'amènent à la conclusion que la juste valeur marchande de la propriété était de 1 000 000 $ et qu'il n'y a pas ici les éléments pouvant justifier l'ajout d'une prime à cette valeur.

 

 

 

[16]           Par conséquent, Fibres J.C. n’était pas un « acheteur spécial », et puisque la juste valeur marchande de la propriété était de 1 000 000 $, Fibres J.C. a conféré à l’appelant un avantage de 500 000 $ lors de la vente de l’immeuble (paragraphe 29).

 

Dispositions statutaires

[17]           La Loi prévoit au paragraphe 15(1) l’imposition d’un avantage conféré par une société à son actionnaire en ces termes :

 

Avantages aux actionnaires

 

15. (1) La valeur de l'avantage qu'une société confère, à un moment donné d'une année d'imposition, à un actionnaire ou à une personne en passe de le devenir est incluse dans le calcul du revenu de l'actionnaire pour l'année ‑‑ sauf dans la mesure où cette valeur est réputée par l'article 84 constituer un dividende ‑‑ si cet avantage est conféré autrement que:

 

a) par la réduction du capital versé, le rachat, l'annulation ou l'acquisition, par la société, d'actions de son capital‑actions ou à l'occasion de la

 

Benefit conferred on shareholder

 

15. (1) Where at any time in a taxation year a benefit is conferred on a shareholder, or on a person in contemplation of the person becoming a shareholder, by a corporation otherwise than by

 

(a) the reduction of the paid‑up capital, the redemption, cancellation or acquisition by the corporation of shares of its capital stock or on the winding‑up, discontinuance or reorganization of its business, or otherwise by way of a transaction to which section 88 applies,

 


 

liquidation, cessation ou réorganisation de son entreprise, ou par une opération à laquelle l'article 88 s'applique;

 

b) par le paiement d'un dividende ou d'un dividende en actions;

c) par l'octroi à tous les propriétaires d'actions ordinaires du capital‑actions de la société à ce moment d'un droit, relatif à chaque action ordinaire et identique à chacun des autres droits conférés à ce moment relativement à chacune des autres semblables actions, d'acquérir d'autres actions du capital‑actions de la société; pour l'application du présent alinéa:

(i) les actions ordinaires d'une catégorie donnée du capital‑actions d'une société sont réputées être identiques aux actions ordinaires d'une autre catégorie du capital‑actions de la société dans le cas où, à la fois:

(A) les droits de vote rattachés à la catégorie donnée d'actions diffèrent de ceux rattachés l'autre catégorie d'actions,

(B) les modalités des catégories d'actions ne présentent pas d'autres différences qui pourraient donner lieu à un important écart entre la juste valeur marchande d'une action de la catégorie donnée et la juste valeur marchande d'une action de l'autre catégorie,

 

(ii) des droits ne sont pas considérés comme identiques si leur coût d'acquisition diffère;

 

(d) par une opération visée à l'alinéa 84(1)ch.1), ch.2) ou ch.3).

 

(b) the payment of a dividend or a stock dividend,

 

(c) conferring, on all owners of  common shares of the capital stock of the corporation at that time, a right in

a respect of each common share, that is identical to every other right conferred at that time in respect of each other such share, to acquire additional shares of the capital stock of the corporation, and, for the purpose of this paragraph,

(i) where

(A) the voting rights attached to a particular class of common shares of the capital stock of a corporation differ from the voting rights ttached to another class of common shares of the capital stock of the corporation, and

(B) there are no other differences between the terms and conditions of the classes of shares that could cause the fair market value of a share of the particular class to differ materially from the fair market value of a share of the other class,

the shares of the particular class shall be deemed to be property that is identical to the shares of the other class, and

 

(ii) rights are not considered identical if the cost of acquiring the rights differs, or

 

(d) an action described in paragraph 84(1)(c.1), 84(1)(c.2) or 84(1)(c.3),

 

the amount or value thereof shall, except to the extent that it is deemed by section 84 to be a dividend, be included in computing the income of the shareholder for the year.

 

[18]           Il est aussi utile de reproduire l’article 69 qui a comme effet de réputer la considération reçue ou payée par des personnes liées dans certaines circonstances, égale à la juste valeur marchande du service ou du bien transigé :


 

Contreparties insuffisantes

 

69. (1) Sauf disposition contraire expresse de la présente loi :

 

a) le contribuable qui a acquis un bien auprès d'une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance pour une somme supérieure à la juste valeur marchande de ce bien au moment de son acquisition est réputé l'avoir acquis pour une somme égale à cette juste valeur marchande;

 

Inadequate considerations

 

69. (1) Except as expressly otherwise provided in this Act,

 

(a) where a taxpayer has acquired anything from a person with whom the taxpayer was not dealing at arm's length at an amount in excess of the fair market value thereof at the time the taxpayer so acquired it, the taxpayer shall be deemed to have acquired it at that fair market value;

 

 

b) le contribuable qui a disposé d'un bien en faveur :

(i) soit d'une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance sans contrepartie ou moyennant une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande de ce bien au moment de la disposition,

...

est réputé avoir reçu par suite de la disposition une contrepartie égale à cette juste valeur marchande;

...

 

 

(b) where a taxpayer has disposed of anything

(i) to a person with whom the taxpayer was not dealing at arm's length for no proceeds or for proceeds less than the fair market value thereof at the time the taxpayer so disposed of it,

...

 

he shall be deemed to have received proceeds of disposition equal to that fair market value;

...

[Je souligne.]

La position de l’appelant

[19]           L’appelant soumet que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a erré en droit en adoptant une interprétation trop étroite du concept d’« acheteur spécial ». D’après l’appelant, pour calculer l’avantage à un actionnaire, il faut rechercher la valeur qui est juste dans la perspective de l’acheteur particulier. La juste valeur marchande n’est pas en soi déterminante.

 


[20]           L’appelant reconnaît qu’un acheteur typique n’aurait pas payé 1 500 000 $ pour la propriété. Il explique cependant que l’on doit s’attarder aux faits particuliers de la présente affaire lesquels établissent que la propriété avait pour Fibres J.C. une valeur accrue et tout au moins égale au prix payé. Cette valeur est issue du coût réel de la propriété acquise par Fibres J.C. et découle du fait que cette dernière aurait eu à payer un montant supérieur à celui payé à son actionnaire pour s’établir ailleurs.

 

[21]           Puisque le prix payé par Fibres J.C. était juste et raisonnable à la lumière de ses besoins particuliers, l’on ne peut prétendre qu’elle avait l’intention de conférer un avantage à son actionnaire. Selon l’appelant, le juge de la Cour canadienne de l’impôt ne pouvait conclure à l’existence d’un avantage selon les faits ici en cause.

 

La position de l’intimée

[22]           Selon l’intimée, le juge de la Cour canadienne de l’impôt était en droit de conclure que Fibres J.C. n’était pas un « acheteur spécial » au sens de la jurisprudence. Elle précise que le transfert de la propriété n’a pas eu lieu dans un contexte commercial véritable.

 

[23]           L’intimée soutient qu’en l’espèce, le juge était bien fondé d’affirmer que le paragraphe 15(1) n’exige pas une intention de conférer un avantage. Il est suffisant de démontrer à la lumière des circonstances de l’affaire que l’actionnaire savait ou aurait dû savoir qu’un avantage lui a été conféré suite à une opération. (Voir l’affaire Chopp c. Canada, [1995] A.C.I. no. 12 (Q.L.), [1997] A.C.F. no. 1551 (Q.L.).)

 


[24]           En l’espèce, l’intimée souligne que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que l’appelant et son comptable n’ont fait aucun effort pour établir un prix basé sur la juste valeur marchande de la propriété étant donné qu’aucun évaluateur n’a été consulté et que le prix qu’ils ont établi correspond plutôt à un coût de remplacement du bâtiment pour les fins de l’assurance et au coût de construction réel payé par l’appelant pour reconstruire le bâtiment.

 

[25]           L’intimée ajoute que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a eu raison de conclure qu’aucune raison ne justifiait la décision de vendre la propriété à Fibres J.C. au moment où elle fut vendue.

 

Analyse et décision

[26]           À mon humble avis, la preuve ne permettait pas au juge de la Cour canadienne de l’impôt de conclure que Fibres J.C. a conféré un avantage à l’appelant en tant qu’actionnaire en achetant la propriété pour le prix payé, soit 1 500 000 $.

 

[27]           Comme le soulignait le juge Dussault dans l’affaire Morneau (précitée) même si la juste valeur marchande peut être indicative d’un avantage en vertu du paragraphe 15(1), chaque cas doit être analysé selon ses circonstances particulières (paragraphe 31). (Voir aussi ce que disait à ce sujet le juge Bowman, maintenant juge en chef de la Cour canadienne de l’impôt, dans l’affaire Long c. Canada, [1997] A.C.I. No. 722 (Q.L.) au paragraphe 12.) Pour être imposable en vertu du paragraphe 15(1), l’avantage doit être réel.


[28]           En l’absence d’un avantage réel, aucune fiction légale ne vient réputer un avantage selon les faits ici en cause. En effet, contrairement à ce que semble croire l’expert du ministre, la question n’en est pas une de pure juste valeur marchande (Dossier d’appel, volume III, page 500). La Loi (article 69) n’a pas pour effet de réputer égale à la juste valeur marchande d’un bien vendu entre personnes liées la considération reçue par le vendeur, si cette considération est supérieure à la valeur marchande. Ceci découle du fait que le fisc n’a pas intérêt à diminuer le produit de disposition effectivement reçu par un vendeur alors que le contraire est vrai en ce qui a trait au prix payé par un acheteur. C’est donc que la preuve devait démontrer que l’appelant fut, de fait, avantagé.

 

[29]           Dans le cas qui nous occupe, il convient de souligner les deux éléments de preuve suivants qui ne sont pas contestés. Le coût réel du bâtiment tel qu’il fut encouru par l’appelant se chiffrait à 1 574 788 $. Par ailleurs, l’évaluation effectuée en 1995 pour fin d’assurance établissait le coût du remplacement pour le bâtiment à 1 392 610 $ (ce qui ignore le coût du terrain qui, je le rappelle, se chiffrait à 174 450 $).

 

[30]           De plus, il est acquis que le bâtiment fut reconstruit par l’appelant dans le seul but de desservir l’entreprise de Fibres J.C. Rien ne laisse croire que le bâtiment, tel qu’il fut érigé, avait une vocation autre que celle de permettre à Fibres J.C. de vaquer à ses opérations, ou que la construction était de quelque façon, superflue ou mal conçue.

 


[31]           L’appelant a décidé de reconstruire le bâtiment plutôt qu’envisager un déménagement parce que le site comportait de nombreux avantages pour sa société. Le terrain était situé à proximité de Montréal (source du papier recyclé), près des autoroutes, comportait la superficie requise, et quoique situé dans une zone agricole, il était affecté à un usage industriel en vertu de droit acquis.

 

[32]           Il ressort de cette preuve que l’endroit était idéal et que si Fibres J.C. avait elle-même acquis le terrain et érigé le bâtiment, elle aurait eu à débourser à tout le moins le prix qu’elle a payé pour la propriété. Le coût de construction n’a pas à être justifié puisqu’il est réel. Même si le moment auquel ce coût fut encouru est quelque peu décalé dans le temps, il en demeure pas moins que la valeur de remplacement du bâtiment établie en date de décembre 1995, laquelle n’est pas remise en question, confirme que Fibres J.C. aurait eu à payer au moins 1 500 000 $ si elle avait procédé elle-même à la construction et assumé le coût du terrain.

 

[33]           Il n’y a pas lieu dans ces circonstances d’appliquer le paragraphe 15(1). Cette disposition vise à prélever sur tout bien approprié par un actionnaire l’impôt payable en imposant entre ses mains l’avantage correspondant à la valeur du bien approprié. Or selon les faits ici en cause, aucun bien ne fut approprié et aucun avantage ne fut accordé puisque Fibres J.C. n’a pas payé un sous de plus que ce qu’elle devait payer pour être propriétaire de son site d’opération, et l’appelant n’a pas reçu un sous de plus que le montant déboursé pour procurer ce site à sa société.

 


[34]           Face à cette preuve, le premier juge ne pouvait conclure que l’appelant fut, de fait, avantagé. Il ne pouvait non plus lui imputer un avantage théorique en réputant la considération reçue pour la propriété égale à sa juste valeur marchande puisque comme nous l’avons vu, l’article 69 n’a pas cet effet selon les faits ici en cause.

 

[35]           J’ajouterais que l’appelant n’avait pas à justifier sa décision de consolider entre les mains de sa société les opérations et le site d’opération (motifs, paragraphe 24). L’appelant était libre d’effectuer la transaction au moment de son choix. Sa seule obligation, ayant égard au paragraphe 15(1), était de s’assurer que sa société n’était pas désavantagée et de façon correspondante qu’il n’était pas avantagé. La preuve à cet égard est incontournable.

 

[36]           Finalement, l’intimée a aussi fait état des améliorations effectuées par Fibres J.C. avant la vente en 1996 pour lesquelles elle ne fut pas compensée. Il est vrai que ces améliorations puisqu’elles furent effectuées sur la propriété de l’appelant (et son épouse) pouvaient créer un avantage par accession (voir les articles 955 et suivants du Code civil du Québec). Mais ces avantages, s’ils en sont, étaient imposables dans les années où il furent conférés.

 

[37]           C’est donc à tort que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que Fibres J.C. a conféré un avantage à l’appelant en tant qu’actionnaire en achetant la propriété pour le prix payé au cours de son année d’imposition 1996.

 


[38]           Quant à la perte finale, les chiffres ne sont pas mis en cause. Par contre, il incombait à l’appelant de démontrer que la portion du produit de disposition qu’il a attribué à la bâtisse en effectuant ce calcul était raisonnable. Le rapport produit par M. Egan est silencieux à cet égard et l’appelant n’a pas expliqué la logique derrière la répartition qui fut retenue.

 

[39]           À cet égard, l’appelant a attribué près de 8 % du produit de disposition au terrain (110 000 $) et la balance (1 390 000 $) au bâtiment. Il s’agit là d’une répartition qui semble excessive si l’on considère que tant l’expert du ministre que l’évaluation municipale qui fut mise en preuve attribuaient au plus 4 % de la valeur estimée de la propriété au terrain (Rapport de l’expert du ministre, Dossier d’appel, Vol. III, page 469; Évaluation municipale pour l’année 1996, Vol. I, page 180). Une répartition du produit de disposition conforme à ce pourcentage, soit 60 000 $ pour le terrain et 1 440 000 $ pour la bâtisse, semble raisonnable.

 

[40]           Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens tant devant la Cour canadienne de l’impôt que devant notre Cour, j’annulerais la décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt,


et rendant l’ordonnance qui s’impose, je déférerais la cotisation au ministre pour qu’il en émettre une nouvelle en tenant pour acquis qu’aucun avantage imposable ne découle de la vente de la propriété pour un montant de 1 500 000 $ et que la perte finale doit être calculée en tenant pour acquis que le produit de disposition relié à la bâtisse était de 1 440 000 $.

 

 

 

 

                      “Marc Noël”                         

j.c.a.

 

 

 

“Je souscris à ces motifs.

Alice Desjardins, j.c.a.”

 

“Je suis d’accord.

J.D.Denis Pelletier, j.c.a.”


                             COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                      A-561-04

 

 

INTITULÉ :                                      GIUSEPPE COLUBRIALE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              MONTREAL

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :             Le 13 septembre 2005

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 Le juge Desjardins

Le juge Pelletier

 

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 14 octobre 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

 

Me Louis-Frédérick Côté

Me Josée Massicotte

 

POUR L’APPELANT

 

Me Mounes Ayadi

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

MCMILLAN BINCH MENDELSOHN

1000, Sherbrooke Ouest, bureau 2700

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims

Sous-Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 


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