Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20060802

Dossier : A‑528‑02

A‑549‑02

 

Référence : 2006 CAF 274

ENTRE :

 

COMMISSION DE CONTRÔLE DE L’ÉNERGIE ATOMIQUE et

COGEMA RESOURCES INC.

 

appelantes

(défenderesses)

et

 

INTER-CHURCH URANIUM COMMITTEE EDUCATIONAL CO-OPERATIVE

de la ville de Saskatoon (Saskatchewan)

 

intimée

(demanderesse)

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA SASKATCHEWAN

BANDE INDIENNE DE LAC LA RONGE

KITSAKI DEVELOPMENT LIMITED PARTNERSHIP et

NORTHERN RESOURCE TRUCKING LIMITED PARTNERSHIP

 

intervenants

 

 

TAXATION DES DÉPENS – MOTIFS

 

 

Charles E. Stinson

Officier taxateur

 

[1]               Une copie des présents motifs est versée ce jour dans le dossier T‑1313‑99 de la Cour fédérale (Inter-Church Uranium Committee Educational Co-Operative c. Commission de contrôle de l’énergie atomique et Cogema Resources Inc.) et dans le dossier A‑549‑02 de la Cour d’appel fédérale (l’ordonnance datée du 15 novembre 2002 prévoyant la consolidation des questions en appel précisait que l’appel dans le dossier A‑528‑02 devait être considéré comme l’appel principal, mais exigeait que l’intitulé du dossier A‑549‑02 soit employé) et s’y applique en conséquence. Dans le dossier T‑1313‑99, la demanderesse, Inter-Church Uranium Committee Educational Co‑operative (Inter-Church), a demandé à la Cour fédérale le contrôle judiciaire de la décision de la Commission de contrôle de l’énergie atomique (la Commission) de délivrer une licence à Cogema Resources Inc. (Cogema) pour traiter les résidus produits par un projet d’extraction d’uranium dans le nord de la Saskatchewan. Au paragraphe [1] de sa décision datée du 23 septembre 2002, dans laquelle elle a annulé la licence et adjugé des dépens à Inter‑Church, la Cour fédérale a fait remarquer que ce projet « suscite [...] l'opposition de la population et des spécialistes, tant pour des raisons éthiques que pour des raisons scientifiques ». Les deux défenderesses ont interjeté appel de cette décision. Au paragraphe [37] de son arrêt du 4 juin 2004, la Cour d’appel fédérale a fait remarquer que la licence avait été contestée parce qu’il n’y avait pas eu de rapport d’examen préalable ou d’évaluation environnementale en vertu de la loi applicable. Au paragraphe [50], la Cour d’appel a reconnu que la position d’Inter‑Church « se fonde sur l'avis honnête de ses membres en ce qui concerne les effets néfastes de l'extraction minière de l'uranium », mais elle a conclu que le régime législatif n’exigeait pas l’évaluation environnementale demandée par Inter‑Church. La Cour d’appel a accueilli les appels, annulé la décision de la Cour fédérale, rejeté la demande de contrôle judiciaire et accordé à Cogema ses dépens devant elle et devant la Cour fédérale. J’ai fixé un échéancier pour la taxation sur dossier du mémoire de dépens de Cogema déposé dans chacun des dossiers.

 

I.  La position de Cogema

[2]               Cogema a soutenu que la Cour fédérale avait reconnu la pertinence de ses intérêts juridiques et économiques en l’ajoutant à titre de défenderesse. Suivant Chaperon c. Canada, [1992] 3 C.F. F‑9 (officier taxateur), le statut sans but lucratif d’Inter‑Church ne peut pas l’exempter de l’obligation d’assumer les dépens imposés par jugement. La position d’Inter‑Church, à savoir qu’elle a obtenu en partie gain de cause, est incorrecte. C’est‑à‑dire que la décision favorable qui est rendue par un tribunal inférieur et est ensuite annulée en appel ne constitue pas un succès partagé car, pour qu’il y ait succès partagé, la partie doit avoir gain de cause à l’égard d’au moins un aspect du litige. En l’espèce, la demande de contrôle judiciaire a été finalement rejetée sans restrictions quant aux dépens recouvrables par Cogema en vertu du tarif.

 

[3]               Selon Cogema, le dossier confirme la complexité du présent litige, c’est‑à‑dire la norme de contrôle et l’interprétation du cadre réglementaire et législatif applicable aux projets d’extraction de l’uranium. La limite des dépens recouvrables selon le tarif ne représente qu’une fraction des frais réels et considérables engagés par Cogema. Dans Mon-Oil Ltd. c. Canada, [1994] 3 C.F. D-27, l’officier taxateur a statué que la taxation des dépens ne devrait être établie après coup. La méthode employée en l’espèce par l’avocate d’Inter‑Church n’est pas pertinente, car le critère applicable dans ces taxations des dépens est ce que l’avocat de Cogema a jugé souhaitable pour protéger et appuyer la position de sa cliente. L’existence d’autres versions gratuites que les bases de données commerciales d’Internet n’est pas pertinente. Le Règles des Cours fédérales n’exigent pas l’emploi des premières, et un remboursement pour l’utilisation des secondes est régulièrement accordé. Comme le degré de preuve est fonction des circonstances propres au litige, la preuve absolue de tous les articles des dépens dans un litige complexe, comme l’espèce, constituerait une exigence déraisonnable. L’officier taxateur, saisi d’une preuve imparfaite, doit s’efforcer de fixer un montant correspondant au travail exécuté plutôt que de rejeter absolument tout (voir Sarasin Consultadoria e Servicos Lda c. Roox’s Inc., [2005] A.C.F. no 907 (officier taxateur)). Inter‑Church est responsable des frais de déplacement de Cogema compte tenu des multiples lieux d’audience choisis pour des raisons d’équité et d’efficacité.

 

[4]               Selon Cogema, la jurisprudence invoquée par Inter‑Church n’étaye pas la proposition selon laquelle les groupes d’intérêt public dans un litige en matière d’environnement ne sont pas tenus aux dépens. Par exemple, dans Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3 (C.S.C.), la Cour suprême conclut qu’une exemption spéciale pour les groupes d’intérêt public compromettrait l’application du principe important selon lequel les parties à un litige doivent être disposées à accepter une certaine responsabilité quant aux dépens liés au litige. Le fait que la Cour ait, en l’espèce, déjà accordé des dépens à Cogema empêche Inter‑Church de faire valoir sa position quant à sa responsabilité à l’égard des dépens taxés.

 

II.  La position d’Inter‑Church

 

[5]               Inter‑Church s’est décrite comme une petite organisation communautaire bénévole vouée à la protection de l’environnement, qui a demandé le présent contrôle judiciaire en dernier recours pour protéger l’intérêt public (facteurs économiques et environnementaux) dans une affaire de déversement de déchets reconnus comme dangereux. Les deux tribunaux ont reconnu la sincérité d’Inter‑Church dans ce litige. On peut conclure à un succès partagé étant donné que, malgré le jugement défavorable de la Cour d’appel et le refus de la Cour suprême du Canada d’autoriser un pourvoi, la Cour fédérale a commencé par autoriser le contrôle judiciaire. Inter‑Church n’a pas tout d’abord désigné Cogema, une entreprise multinationale très riche appartenant à des intérêts étrangers qui continue d’extraire d’importantes ressources en uranium en Saskatchewan, comme défenderesse : cette dernière s’est volontairement associée au litige pour protéger ses intérêts économiques, de sorte qu’il y a eu énormément de travail effectué en double parce que sa position faisait largement écho à celle de la Commission. Les questions en litige étaient sans équivoque : Inter‑Church avait‑elle qualité pour agir et la Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit en n’exigeant pas une évaluation environnementale préalable? Les parties n’ont pas contesté la qualité pour agir d’Inter‑Church. Des ressources comme des bibliothèques et des bases de données gratuites sur Internet sont des solutions de rechange valables aux bases de données de recherche commerciales, puisque Inter‑Church a examiné les mêmes causes que Cogema. Inter‑Church a proposé des lieux d’audience qui auraient permis de réduire les frais de déplacement pour toutes les parties.

 

[6]               Selon Inter‑Church, depuis les arrêts Friends of the Oldman River Society, précité, et Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada c. Parc national Banff (directeur) et autres, 202 N.R. 132 (C.A.F.), les tribunaux ont hésité concernant l’adjudication de dépens à l’encontre des groupes d’intérêt public dans des litiges en matière environnementale. Le nombre maximal d’unités de la colonne III réclamé en l’espèce au titre des honoraires d’avocat devrait être ramené au nombre minimal. Par ailleurs, conformément à la décision F‑C Research Institute Ltd. c. Canada (1995), 95 D.T.C. 5583 (officier taxateur fédéral), portant sur les éléments de preuve acceptables à l’appui des débours, les frais de photocopie de 1 125 $ et 750 $ réclamés pour le procès et l’appel respectivement devraient être ramenés aux dépenses réellement engagées selon les éléments de preuve supplémentaires précis. Un registre comptable ne constitue pas une preuve acceptable en lieu et place de véritables factures ou reçus. L’affirmation de Cogema selon laquelle il serait beaucoup trop coûteux de trouver et de produire tous les reçus n’est qu’un argument et doit être rejetée. Le Barreau de la Saskatchewan exige que les avocats conservent les factures et reçus relatifs aux débours de leurs clients.

 

III.  Taxation

 

[7]               Dans Bow Valley Naturalists Society et al. c. Ministre du Patrimoine canadien et al., [2002] A.C.F. no 1795 (officier taxateur), j’ai examiné la pertinence du principe de l’intérêt public dans la taxation des dépens et j’ai conclu que l’application de l’article 409 et des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles à l’encontre de l’intérêt des parties qui ont eu gain de cause exigerait l’exercice mûrement réfléchi du pouvoir discrétionnaire. Même si la Cour d’appel fédérale n’a pas accordé de traitement spécial à Inter‑Church en matière de dépens en raison du principe de l’intérêt public, cela ne m’empêche pas d’appliquer l’article 409 et l’alinéa 400(3)h) des Règles (intérêt public). Je ne pense pas que, faute d’interventions proactives de la part de groupes d’intérêts spéciaux comme Inter‑Church, on puisse présumer que le régime réglementaire et législatif favorable à l’expansion progressive de projets d’extraction d’uranium soit contraire à l’intérêt public. Selon la perspective adoptée, on peut dire que le rôle de Cogema dans ce litige a eu des conséquences économiques favorables à l’intérêt public. On pourrait aussi bien, dans un cas comme dans l’autre, faire valoir que les conséquences économiques et environnementales l’emportent les unes sur les autres du point de vue de l’intérêt public. Je reconnais qu’habituellement, une décision interlocutoire ne limite ni n’améliore les paramètres d’un jugement en matière de dépens. Je souligne toutefois que dans ses motifs (7 novembre 2002), où elle a suspendu l’exécution du jugement jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur les appels, la Cour, même si elle a reconnu les préoccupations environnementales d’Inter‑Church, a accordé peu de poids, dans son examen de la prépondérance des inconvénients, à la position d’Inter‑Church sur le risque environnemental, qui était probablement un facteur important dans la position de cette dernière en l’espèce. En l’espèce, je refuse d’appliquer le facteur de l’intérêt public pour réduire les dépens payables par Inter‑Church. Je considère que les observations d’Inter‑Church concernant les divers résultats obtenus en matière de dépens imposables aux groupes d’intérêts spéciaux ne sont pas pertinentes, puisque la Cour a déjà exercé en faveur de Cogema le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en matière de dépens par le paragraphe 400(1) des Règles. Quant à l’argument d’Inter‑Church selon lequel la position de Cogema reprenait en grande partie celle de la Commission, je ne vois rien dans le dossier qui justifie l’annulation des dépens de Cogema : voir Halford c. Seed Hawk Inc., [2006] A.C.F. no 629 (officier taxateur), paragraphes [190] à [212] pour des exemples non exhaustifs de certaines considérations justifiant le travail distinct d’élaboration des positions juridiques respectives des parties au litige.

 

[8]               J’ai conclu au paragraphe [7] de Starlight c. Canada, [2001] A.C.F. no 1376 (officier taxateur), qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser le même nombre d’unités du tarif, puisque chaque article pour les services que rendent les avocats est distinct et doit être considéré comme tel. Il peut aussi être nécessaire de faire des distinctions générales entre le nombre minimal d’unités et le nombre maximal d’unités dans les fourchettes prévues. Dans le dossier T‑1313‑99, Cogema réclame le nombre maximal d’unités pour les honoraires d’avocats en ce qui concerne les articles 2 (préparation du dossier), 8 (préparation des contre‑interrogatoires sur les affidavits, les 8 mai et 24 novembre 2000), 9 (présence aux contre‑interrogatoires), 13a) (préparation de l’audience relative au contrôle judiciaire), 14a) (présence à l’audience relative au contrôle judiciaire) et 26 (taxation des frais). Je pense que ce litige revêtait une certaine complexité, qui n’était toutefois pas excessive. J’accorde la valeur intermédiaire minimale de 5 unités pour l’article 2 et une unité de moins que le nombre maximal d’unités (4 unités) pour l’article 13a). J’accorde le nombre maximal de 5 unités au seul article 8. Quant à l’article 9, j’accorde une unité de moins que le nombre maximal d’unités (2 unités l’heure) pour les deux heures de présence le 8 mai 2000 et le nombre maximal de 3 unités l’heure pour les six heures de présence le 24 novembre 2000. Pour l’article 14a), j’avais le choix entre 2 ou 3 unités. Ce n’était ni la plus simple ni la plus complexe des questions, mais je ne dirais pas que la réponse était évidente. Je pourrais, comme auparavant, attribuer 2 unités l’heure pour quelques‑unes des six heures de présence et 3 unités l’heure pour les autres, ce qui permettrait d’atteindre un juste milieu. Dans les circonstances, j’accorde le maximum de 3 unités l’heure, comme on l’a réclamé. Il y avait une certaine économie dans les observations relatives à la taxation des dépens en ce sens que les points en litige, à quelques exceptions près, étaient communs aux deux mémoires de dépens. Je n’accorde que la valeur intermédiaire de 4 unités pour l’article 26 dans chaque mémoire de dépens. 

 

[9]               Dans chaque mémoire de dépens, une somme est réclamée au titre de l’article 24 (frais pour le temps de déplacement des avocats) pour plusieurs déplacements nécessaires pour se rendre aux lieux des audiences et interrogatoires. Inter‑Church n’a pas soulevé la question en tant que telle, mais mon point de vue, souvent exprimé, à l’égard de ma compétence dans ce domaine justifie mon intervention, compte tenu de ce que je considère comme une opposition générale aux mémoires de dépens. Suivant l’article 3 et le paragraphe 5(1), d’une part, et l’article 4 et le paragraphe 5.1(1), d’autre part, de la Loi sur les Cours fédérales, qui définissent respectivement la Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale, ainsi que suivant l’article 2 des Règles des Cours fédérales, qui définit l’officier taxateur, les termes « Cour » (employé à l’article 24) et « officier taxateur » renvoient à des entités distinctes. Aucune des Cours n’a exercé un pouvoir discrétionnaire manifeste en l’espèce relativement aux frais de déplacement des avocats en vertu de l’article 24. En l’absence de l’exercice d’un tel pouvoir, je n’ai pas compétence pour accorder quoi que ce soit. Cette restriction ne s’applique pas aux frais de voyage connexes à l’égard desquels j’ai compétence en vertu de l’article 405 des Règles. C’est‑à‑dire que les honoraires des avocats et débours sont des articles distincts des frais énumérés dans les diverses parties du tarif, à savoir les articles 1 à 28 du TABLEAU du tarif B concernent les honoraires des avocats, tandis que le tarif B1 concerne les débours. Par conséquent, l’article 24 concerne les honoraires des avocats, mais pas les débours. Le pouvoir discrétionnaire dont jouissent les Cours d’autoriser les officiers taxateurs à examiner les frais réclamés au titre de l’article 24, ou même de l’article 14b) pour le second avocat, est exercé à titre distinct du pouvoir qui m’est conféré en vertu de l’article 405 des Règles et en vertu du tarif B1. Il n’y a aucune réserve implicite m’empêchant d’accorder des frais de déplacement pour les avocats en l’absence d’une directive de la Cour au titre de l’article 24 pour les frais de déplacement des avocats se rendant aux lieux des audiences et des interrogatoires. Les conséquences pour l’indemnisation des avocats pour le temps qu’ils passent en déplacement sont certainement différentes que pour les frais (avion, hôtel, taxi, repas) engagés pour que l’avocat se rende à tel ou tel endroit et y séjourne. Je rejette donc les réclamations faites relativement à l’article 24 dans chaque mémoire de dépens. Dans le dossier T‑1313‑99, j’accorde les frais de déplacement connexes présentés pour trois voyages (319,50 $ et 331,62 $ pour les contre‑interrogatoires sur les affidavits et 412,15 $ pour l’audience relative au contrôle judiciaire).

 

[10]           Dans les dossiers A‑528‑02 et A‑549‑02, il est plus difficile de trancher les réclamations de 6 et 12 unités, respectivement, pour l’article 21a) (préparation de requêtes en suspension des procédures et regroupement des appels le 6 novembre 2002 et préparation de la requête en intervention déposée le 24 mars 2003) et pour l’article 21b) (présence à l’audience du 6 novembre 2002), plus des frais de déplacement de 421,68 $ pour présence à l’audience du 6 novembre 2002. Dans son ordonnance du 7 novembre 2002, la Cour a accueilli la requête en suspension des procédures, mais elle n’a rien dit au sujet des dépens. L’ordonnance du 15 novembre 2002, qui a regroupé les appels, ne disait rien non plus au sujet des dépens. D’autres ordonnances sont tout aussi muettes sur la question des dépens. Une ordonnance datée du 20 décembre 2002, qui a trait au contenu du dossier d’appel, a rejeté explicitement l’adjudication de dépens. Une ordonnance datée du 27 mars 2003, qui règle la question du contenu du dossier d’appel, a accordé les dépens suivant l’issue de la cause. L’ordonnance datée du 16 juin 2003, qui autorise une intervention à certaines conditions, a accordé des dépens au titre de l’intervention, dépens qui seront fixés par les juges siégeant en appel. Le jugement rendu le 4 juin 2004 était muet au sujet des dépens de l’intervention. Selon mes conclusions dans Balisky c. Canada (Ministre des Ressources naturelles), [2004] A.C.F. no 536 (officier taxateur), au paragraphe [6], et dans Aird c. Country Park Village Properties (Mainland) Ltd., [2005] A.C.F. no 1426 (officier taxateur), au paragraphe [10], je n’ai pas compétence pour taxer des dépens en présence d’une ordonnance qui est muette sur la question des dépens. Par conséquent, je refuse les dépens liés aux requêtes dont il est question dans ce mémoire de dépens. Cela inclut les honoraires d’avocat ainsi que les frais de déplacement (421,68 $) pour la présence à l’audience du 6 novembre 2002. Cogema n’a rien demandé pour les dépens adjugés le 27 mars 2003, mais j’exercerai un certain pouvoir discrétionnaire pour l’article 21a), quoique à raison du minimum de 2 unités en l’occurrence. J’accorde pour les articles 17 et 18 (préparation de l’avis d’appel et du dossier d’appel respectivement) 1 unité chacun, comme on me l’a demandé. Je ramène de 7 à 5 le nombre d’unités accordées pour l’article 19 (mémoire des faits et du droit). J’accorde pour l’article 22 (présence à l’audition des appels : 9 heures) le maximum de 3 unités, comme on me l’a demandé.

 

[11]           Pour ce qui est des autres débours, mon point de vue, que j’ai souvent exprimé depuis l’approche que j'ai suivie dans Carlile c. Sa Majesté la Reine, (1997) 97 D.T.C. 5284 (O.T.), à la page 5284, et à la suite des commentaires que le juge Russell a formulés dans Re Eastwood (deceased) (1974), 3 All E.R. 603, à la page 608, selon lesquels la taxation des dépens est [traduction] « une justice sommaire, en ce sens qu’elle n’est pas exempte d’une approximation assez marquée », et que, pour en arriver au sujet des dépens à un résultat raisonnable qui soit équitable pour les deux parties, l’exercice du pouvoir discrétionnaire est permis. Il me semble que ce point de vue est étayé par les commentaires sur les paragraphes 57 et 58 des Règles que proposent l’honorable James J. Carthy, W.A. Derry Millar et Jeffrey G. Gowan dans Ontario Annual Practice 2005-2006, Aurora (Ontario), Canada Law Book, 2005, selon lesquels la taxation des dépens est plutôt un art que l’application de règles et de principes, en ce qu’elle se fonde sur l’impression générale produite par le dossier et les questions en litige, ainsi que sur le jugement et l’expérience de l’officier taxateur, aux prises avec la tâche difficile d’équilibrer les effets de facteurs qui peuvent être à la fois multiples et aussi bien subjectifs qu'objectifs. Dans Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd., [2003] A.C.F. n1649 (O.T.), au paragraphe 31, j’ai conclu que certains des commentaires dans la preuve, bien qu’ils aient été intéressés, étaient tout de même pragmatiques et raisonnables au sujet de la réalité d’une myriade de débours essentiels pour lesquels le coût de la preuve pourrait dépasser ou dépasserait probablement le montant demandé. Cependant, je ne veux en rien donner à entendre que les plaideurs peuvent obtenir leurs dépens sans présenter de preuve, en comptant seulement sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire et sur l’expérience de l’officier taxateur. La preuve en l’espèce n’a rien d’absolu, c’est‑à‑dire les paramètres de la recherche en ligne et la nécessité que chacune des copies ne soit pas versée en preuve. Moins l’officier taxateur dispose d’éléments de preuve, plus la partie bénéficiaire des dépens doit compter avec le pouvoir discrétionnaire de ce dernier, pouvoir qu’il lui incombe d’exercer avec prudence, sans perdre de vue l’austérité qui doit présider à la taxation, afin d’éviter de causer un préjudice à la partie condamnée aux dépens. Mais il ne faut pas oublier pour autant que la conduite d'un litige exige de réelles dépenses : il serait absurde que la somme des frais taxés soit nulle.

 

[12]           Dans Englander c. Telus Communications Inc., [2004] A.C.F. n° 440 (O.T.), j’ai confirmé que je continue habituellement d’accorder les frais de recherche en ligne. Toutefois, à cette fin, il faut examiner si toutes les recherches, une partie de celles‑ci ou aucune de celles‑ci étaient raisonnablement nécessaires ou étaient non pertinentes, c’est‑à‑dire que certaines des recherches peuvent permettre d’obtenir des références accessoires, compte tenu de l’obligation professionnelle des avocats de représenter avec diligence leur client et d’aider la Cour de la façon la plus raisonnable qui soit sur tous les aspects du droit susceptibles de toucher l’issue des questions de fond du litige. Pour cette catégorie de débours et pour d’autres dans ces mémoires de dépens, j’ai en tête mes réflexions ci‑dessus, à savoir que Cogema n’a pas droit à des dépens en fonction d’ordonnances qui sont muettes à cet égard et que les frais relatifs à telle ou telle catégorie n’ont peut‑être pas été engagés. Les demandes de remboursement relatives aux recherches en ligne dans les dossiers T‑1313‑99 et A‑528‑02/A‑549‑02 étaient respectivement de 867,67 $ et 950 $ dollars. J’accorde les montants réduits suivants : 650 $ et 725 $ respectivement.

 

[13]           Mes remarques dans Syndicat canadien de la fonction publique c. Air Canada, [1999] A.C.F. no 464 (officier taxateur), au sujet des photocopies, conjuguées aux paramètres formulés au paragraphe [11] ci‑dessus, reflètent mes efforts pour accorder au titre des débours des montants qui instaurent un équilibre entre le droit de Cogema d’être indemnisée pour ses dépenses raisonnablement nécessaires dans le cadre du contrôle judiciaire et le droit d’Inter‑Church d’être protégée contre les frais excessifs ou inutiles. Les demandes de remboursement des frais de photocopie dans les dossiers T‑1313‑99 et A‑528‑02/A‑549‑02 étaient de 1 125 $ et 750 $ respectivement (dans les deux cas, à raison de 0,25 $ la page). J’accorde les montants réduits suivants : 800 $ et 675 $ respectivement. Le remboursement demandé pour les frais d’interurbain dans le dossier T-1313-99 était de 70,60 $ et il est accordé. Le remboursement de 209,40 $ réclamé pour les frais d’interurbain dans le dossier A‑528‑02/A‑549‑02 est ramené à 160 $.

 

[14]           Le mémoire de dépens modifié présenté par Cogema dans le dossier T‑1313‑99 était de 11 376,54 $ et il est ramené à 8 963,87 $. Le mémoire de dépens modifié présenté par Cogema dans le dossier A‑528‑02/A‑549‑02 était de 10 031,08 $ et il est ramené à 5 960 $.

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


 

 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

                                                           

 

DOSSIER :                                                                A-528-02, A-549-02

 

INTITULÉ :                                                               COMMISSION DE CONTRÔLE DE L’ÉNERGIE ATOMIQUE et COGEMA RESOURCES INC.

                                                                                    c.

                                                                                    INTER-CHURCH URARIUM COMMITTEE EDUCATIONAL CO-OPERATIVE et al.

 

TAXATION DES DÉPENSES SUR DOSSIER SANS COMPARUTION PERSONNELLE DES PARTIES

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :       CHARLES E. STINSON

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 2 AOÛT 2006

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Larry B. Le Blanc, c.r.                                                  POUR L’APPELANTE

                         COGEMA RESOURCES INC.

 

Stefania A. Fortugno                                                     POUR L’INTIMÉE

INTER-CHURCH URANIUM COMMITTEE EDUCATIONAL CO-OPERATIVE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MacPherson, Leslie, Tyerman, LLP                              POUR L’APPELANTE

Regina (Sask.)                                                              COGEMA RESOURCES INC.

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR L’INTIMÉE

Sous‑procureur général du Canada                               COMMISSION DE CONTRÔLE DE L’ÉNERGIE ATOMIQUE


 

Fortugno Law Office                                                    POUR L’INTIMÉE

Saskatoon (Sask.)                                                        INTER-CHURCH URANIUM COMMITTEE EDUCATIONAL CO‑OPERATIVE

 

Ministère de la Justice de Saskatoon                             POUR L’INTERVENANT

            PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA

            SASKATCHEWAN

 

Balfour Moss                                                                POUR L’INTERVENANTE

Saskatoon (Sask.)                                                        BANDE INDIENNE DE LAC LA RONGE ET AUTRES

 

 

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