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Date : 20060808

Dossier : A‑99‑04

Référence : 2006 CAF 275

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

JAMES W. HALFORD et VALE FARMS LTD.

appelants

et

SEED HAWK INC., PAT BEAUJOT, NORBERT BEAUJOT, BRIAN  KENT et

SIMPLOT CANADA LIMITED

intimés

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 29 mai 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 août 2006.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                               LA COUR

 

 


 

Date : 20060808

Dossier : A‑99‑04

Référence : 2006 CAF 275

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

JAMES W. HALFORD et VALE FARMS LTD.

appelants

et

SEED HAWK INC., PAT BEAUJOT, NORBERT BEAUJOT, BRIAN  KENT et

SIMPLOT CANADA LIMITED

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA COUR

[1]               Les appelants, James W. Halford et Vale Farms Ltd. (ci‑après désignés collectivement Halford), ont intenté en 1993 contre les intimés – Seed Hawk Inc., Pat Beaujot, Norbert Beaujot, Brian Kent et Simplot Canada Limited (Simplot) – une action en contrefaçon du brevet canadien no 1239835 (le brevet Halford). Les intimés ont nié la contrefaçon et (à l'exception de Simplot) ils ont sollicité en demande reconventionnelle un jugement déclaratoire constatant l'invalidité de certaines revendications du brevet Halford. Le procès a commencé le 6 novembre 2000 et s'est poursuivi de façon intermittente en 2001, 2002 et 2003 pour s'achever le 17 février 2003. Le 23 janvier 2004, le juge de première instance a rejeté l'action et la demande reconventionnelle. Ses conclusions sont résumées aux paragraphes 354 à 357 inclusivement de son exposé de motifs (2004 CF 88). Halford appelle ici de ce jugement, tandis que Seed Hawk Inc. et les personnes physiques intimées (ci‑après désignées collectivement les intimés Seed Hawk) interjettent à son égard un appel incident.

LES FAITS

[2]               L'appelant James W. Halford est un agriculteur de formation universitaire. Il a son domicile et son exploitation à Indian Head, en Saskatchewan.

[3]               M. Halford est le propriétaire du brevet Halford, intitulé « Système d'épandage de semences et d'engrais pour labours à fleur de sol », et la société qu'il contrôle, dénommée Vale Farms Ltd., en est le concessionnaire. M. Halford a déposé la demande de ce brevet le 18 juin 1985, et ce dernier lui a été délivré le 2 août 1988.

[4]               L’invention divulguée dans le brevet Halford est un système permettant de placer dans le sol deux matières distinctes (p. ex. du fertilisant et des graines) pendant un tallage (une passe) en une relation définie l’une par rapport à l’autre et à l’intérieur de la même raie (application en bande latérale), à différentes profondeurs prédéterminées et dans une position optimale l’une par rapport à l’autre. On dit que le système est particulièrement utile pour le tallage minimal et le tallage nul (le fait de planter dans la chaume de vieilles cultures de façon à perturber le moins possible le sol), mais il n’est pas limité fonctionnellement à ces situations.

[5]               Vale Farms Ltd. a élaboré et mis sur le marché un semoir portant le nom commercial de « Conserva Pak », censé réaliser l'invention qu'expose le brevet Halford. Le Conserva Pak a commencé à se vendre en 1989. Les ventes en sont passées de 5 unités en 1989 à 26 en 1992 et à 53 en 1996.

[6]               Au début des années 1990, l'intimé Norbert Beaujot, ingénieur et agriculteur, a mis au point un semoir dénommé « Seed Hawk ». M. Beaujot a réalisé les premiers dessins d'une version expérimentale du Seed Hawk en 1991, à peu près au même moment, selon ses dires, où il a eu connaissance du semoir Conserva Pak. Sur les conseils d'un examinateur de brevets à la retraite, il a établi une demande de brevet pour le Seed Hawk, qu'il a déposée le 20 mai 1992 et qui a donné lieu à la délivrance du brevet canadien no 2069081 le 2 janvier 1996.

[7]               Une société baptisée Seed Hawk Inc. a été constituée le 1er juin 1992 aux fins de l'exploitation commerciale du semoir homonyme. Cette société a son siège d'exploitation à Langbank, en Saskatchewan. Les intimés Norbert Beaujot, Pat Beaujot et Brian Kent (ci‑après collectivement désignés les personnes physiques intimées) sont les actionnaires d'origine de Seed Hawk Inc.

[8]               L'intimée Simplot est une entreprise qui vend des engrais commerciaux, principalement liquides. Au cours des premières étapes de l'élaboration du Seed Hawk, elle a apporté une contribution financière à Seed Hawk Inc. en échange de la promesse que le semoir de cette dernière serait conçu pour épandre des engrais liquides. Simplot a aussi incorporé des illustrations représentant le Seed Hawk dans ses propres publicités imprimées destinées aux agriculteurs.

[9]               Le Seed Hawk a été présenté au public pour la première fois en juin 1992 à Regina, en Saskatchewan. En juillet de la même année, des agents de brevets agissant pour le compte de Halford ont avisé par écrit Seed Hawk Inc. et ses propriétaires que leur prototype contrefaisait les revendications du brevet Halford. Pat Beaujot a alors consulté un avocat spécialiste des brevets, qui a avancé l'opinion que l'une des revendications était peut-être contrefaite. Par suite de la crainte exprimée par l'avocat, on a apporté des modifications au premier prototype et construit un second. Ces modifications ont dissipé les inquiétudes de l'avocat de Seed Hawk Inc., qui a établi un avis juridique en bonne et due forme comme quoi le second prototype ne contrefaisait pas les revendications du brevet Halford. Le premier semoir Seed Hawk destiné au commerce a été livré en avril 1993, un mois après la réception de l'avis juridique susdit. Halford a intenté la présente action en contrefaçon de brevet en octobre 1993.

L'INTERPRÉTATION DU BREVET

[10]           Dans les poursuites en matière de brevets, la première chose à faire est d'interpréter les revendications : Whirlpool c. Camco, [2000] 2 R.C.S. 1067 (Whirlpool), au paragraphe 43. Comme l'interprétation du brevet est une question de droit, la décision du juge de première instance à cet égard doit être contrôlée suivant la norme de la décision correcte : Whirlpool, au paragraphe 76.

[11]           Les revendications du brevet doivent être interprétées selon la méthode dite téléologique, du point de vue de la personne versée dans l'art dont relève l'invention : Whirlpool, au paragraphe 49. La preuve relative à l'état de la technique revêt en général la forme d'opinions d'experts. L'évaluation de la preuve d'expert par le juge de première instance, ainsi que ses constatations factuelles sur l'état de la technique, sont des conclusions de fait qui ne seront pas infirmées en appel, sauf erreur manifeste et dominante : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen), au paragraphe 10.

i) Les erreurs supposées du juge de première instance

[12]           On a formulé de nombreuses allégations selon lesquelles le juge de première instance aurait commis des erreurs de droit dans l'interprétation des revendications. La plupart de ces allégations sont sans fondement. Le juge a commis dans son exposé des principes juridiques applicables quelques erreurs sans gravité (que nous examinons plus loin), mais ces erreurs n'ont pas donné lieu à un résultat incorrect. Nous fondant sur une interprétation téléologique des revendications en cause du brevet Halford et sur la définition des éléments essentiels établie dans l'arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024 (Free World), nous concluons que le juge de première instance n'a pas commis d'erreur dans son interprétation de ces revendications ni dans le recensement de leurs éléments essentiels.

[13]           Le tribunal qui interprète les revendications d'un brevet doit établir quels éléments de l'invention sont essentiels. Cette décision dépend du libellé des revendications, interprété de manière téléologique, et éclairée par les éléments de preuve qui établissent comment la personne versée dans l'art comprendrait lesdites revendications : Whirlpool, au paragraphe 45. Un élément donné peut être déclaré essentiel sur le fondement de l'intention de l'inventeur, telle qu'il l'exprime dans les revendications ou telle qu'on peut l'en déduire, ou sur la base d'éléments de preuve touchant le point de savoir s'il aurait été évident pour la personne versée dans l'art au moment de la publication du brevet qu'une variante de cet élément modifierait le fonctionnement de l'invention : Free World, aux paragraphes 31 et 55).

[14]           Dans la présente affaire, le juge de première instance a avancé l'idée qu'un élément peut être dit essentiel s'il présente les caractères de la nouveauté et de l'inventivité (paragraphe 83 de son exposé de motifs). Or ce n'est pas là le critère formulé dans l'arrêt Free World. Dans cet arrêt, le juge Binnie pose en principe que peuvent être dits essentiels les éléments qui se révèlent nécessaires pour que l'invention fonctionne comme l'a prévu l'inventeur et conformément aux revendications, et que ne sont pas essentiels les éléments qui peuvent être remplacés ou omis sans que la construction ou le fonctionnement de l'invention décrite dans les revendications s'en trouve substantiellement modifié : Free World, au paragraphe 20.

[15]           Le juge de première instance semble se tromper, à un moment de son raisonnement, sur le rapport entre les éléments essentiels et les variantes. C'est ainsi qu'il écrit au paragraphe 139 de son exposé de motifs :

Aucune de ces [variantes] ne se traduit par l'absence d'un élément essentiel. Elles pourraient plus exactement être décrites comme des variantes de ce qui est décrit dans la revendication. Nous n'avons donc pas affaire à l'absence d'un élément essentiel. Par conséquent, pour déterminer s'il y a eu contrefaçon, il ne suffit pas de demander s'il manque un élément essentiel. Il se peut qu'un élément ait été remplacé par un autre et que l'élément de remplacement effectue exactement ce que l'élément de base faisait, de la même façon et avec le même résultat. Un tel remplacement équivaudrait clairement à une contrefaçon, même si selon une interprétation textuelle de la revendication un des éléments essentiels manquait.

 

Selon Free World (au paragraphe 68), pour établir s'il y a contrefaçon, la question à se poser est celle de savoir si « l'appareil en cause reprend tous les éléments essentiels de l'invention ». La dernière phrase du paragraphe 139 de l'exposé des motifs du juge de première instance pourrait se révéler inexacte dans certains cas. Il est vrai que l'existence d'une contrefaçon peut découler de la situation hypothétique décrite dans ce paragraphe, mais s'il n'était pas évident à la date de la publication du brevet que l'élément de remplacement n'influençait pas de manière appréciable le fonctionnement de l'invention, il n'y a pas contrefaçon. De même, si l'équivalence fonctionnelle était évidente, mais que le breveté avait en vue une stricte adhésion à la revendication, il n'y a pas non plus contrefaçon : Free World, au paragraphe 55.

ii) Les conclusions de Halford

[16]           Halford soutient que le juge de première instance s'est trompé en tenant compte de la construction et du fonctionnement du semoir Seed Hawk dans l'interprétation des revendications en cause du brevet Halford et dans la définition des éléments essentiels de ces revendications. L'idée sous-jacente à cette prétention n'est pas claire. Il se pourrait qu'on veuille ainsi invoquer le principe selon lequel il ne faut pas interpréter un brevet en fonction de l'appareil qu'on prétend contrefait de manière à éviter une conclusion de contrefaçon ou d'invalidité : Whirlpool, au paragraphe 49; et Dableh c. Ontario Hydro, [1996] 3 C.F. 751 (C.A.), aux pages 773 et 774. Ce principe vise à empêcher une analyse axée sur des résultats, et il ne faut pas y voir une injonction de ne pas tenir compte de l'appareil qu'on prétend contrefait à l'étape de l'interprétation des revendications. Au contraire, il faut une certaine intelligence du fonctionnement dudit appareil pour repérer les variantes contestées. Dans la présente espèce, le juge de première instance a formulé son analyse et ses conclusions relatives aux éléments essentiels des revendications en cause du brevet Halford aux paragraphes 22 à 122 inclusivement de son exposé de motifs. Il est évident qu'il a axé son analyse comme il le devait sur les questions d'interprétation des revendications que les parties avaient mises en litige. Rien n'autorise à conclure que son interprétation des revendications en cause soit viciée par une approche axée sur des résultats ou par un examen illégitime du Seed Hawk.

[17]           Halford soutient aussi que M. Anderson, ingénieur mécanicien retenu comme témoin expert par Seed Hawk Inc., n'est pas une personne versée dans l'art, et que le juge de première instance a donc commis une erreur en se fondant sur son témoignage pour trancher des questions relatives à l'état de la technique. Cette prétention n'est pas fondée. Il n'est pas nécessaire que la preuve d'expert sur l'état de la technique à un moment donné vienne d'une personne possédant les compétences requises. Il suffit que le témoin soit en mesure de déposer sur le point de savoir ce qu'aurait su et compris au moment pertinent une personne possédant lesdites compétences. Le fait que M. Anderson ne fût pas lui-même une personne versée dans le domaine dont relève l'invention ne rendait pas inadmissible son témoignage sur ce point : Crila Plastic c. Ninety-Eight (1987), 18 C.P.R. (3d) 1 (CAF). Le juge avait le droit de recevoir la preuve de M. Anderson et, dans la mesure où il l'estimait pertinente et fiable, de se fonder sur elle.

iii) L'interprétation des revendications par le juge de première instance

[18]           Les revendications du brevet Halford en litige dans le présent appel sont les revendications 1, 2, 3, 6 et 12. Les revendications 1 et 12 sont indépendantes. Les revendications 2, 3 et 6 sont dépendantes de la revendication 1. Le juge de première instance a conclu que les éléments essentiels de la revendication 1 étaient les suivants :

1.

 

un châssis adapté au transport sur le sol;

2.

 

une lame fixée au châssis de façon à tailler une raie dans le sol lorsque le châssis se déplace sur le sol et un tube servant à déposer une première matière (le fertilisant) dans le sol;

3.

 

un deuxième tube (le tube à graines) fixé vers l’arrière et séparément de la lame, dirigé vers le bas dans la raie et pénétrant le sol uniquement au moyen de sa surface externe et suivant la raie créée par la lame;

4.

 

des moyens de régler le déplacement latéral entre le deuxième tube et la lame;

5.

 

une roue de tassement fixée derrière le deuxième tube pour suivre dans la raie derrière le deuxième tube.

[19]           Pour arriver à ces conclusions, le juge a dû trancher un certain nombre de questions contestées dans la preuve d'expert. Cette tâche présentait une difficulté particulière, étant donné qu'il a conclu que la totalité de la preuve d'expert manquait plus ou moins d'objectivité. Il a aussi noté des erreurs entachant la preuve d'expert principale que les contre-interrogatoires ont révélées, erreurs qui entamaient dans une certaine mesure la fiabilité de cette preuve. Il a néanmoins accepté des parties de la preuve de chacun des témoins experts, comme il en avait le droit. Le dossier ne révèle aucune erreur manifeste et dominante dans les constatations de fait formulées par le juge touchant l'interprétation du brevet.

[20]           Voici un récapitulatif des questions d'interprétation du brevet tranchées par le juge de première instance à l'égard de la revendication 1 et de ses revendications dépendantes :

i)                    Les revendications ne peuvent être limitées aux applications de tallage minimal ou nul, car cela nécessiterait d’utiliser de l’information provenant de la divulgation pour déterminer la portée des revendications.

ii)                   Une personne qualifiée dans le domaine comprendrait que la référence à une « lame » est une référence à un semoir à houe étroit.

iii)                 Le raccord entre le châssis et la lame peut être rigide ou il pourrait avoir une certaine flexibilité, mais il ne s’agit pas nécessairement d’un raccord par liaison pivotante.

iv)                 Le mot « raie » désigne l’ouverture en forme de V produite par la lame et non la zone plus large du sol qui est dérangée par la création de la raie.

v)                  Le terme « second tube » ne désigne pas un tube auquel est fixé une lame ou un semoir à houe étroit. Halford est d’avis que le juge s’est trompé sur ce point. Nous ne sommes pas d’accord. L’emploi de ce terme est justifié par le libellé des revendications de brevet et il est appuyé par la preuve dont il disposait.

vi)                 L’exigence des revendications voulant que le « second tube » soit fixé « vers l’arrière et séparément » de la « lame » n’inclut ni n’exclut une relation fonctionnelle entre la « lame » et le « second tube ».

vii)               Bien que l’espace entre les deux tubes soit très important, les revendications ne disent pas quel est l’espace critique.

viii)              C’est le « second tube » qui doit pénétrer le sol et non quelque autre élément fixé au « second tube ».

[21]           La revendication 2 dépend de la revendication 1 et elle diffère de la revendication 1 sur un seul point, qui est la référence à une « tige verticale » fixée au second tube (le tube à graines). Cet aspect de la revendication 2 a fait l’objet d’un débat important à cause de l’argument de Halford selon lequel le terme « tige verticale » devrait être interprété comme étant synonyme de « lame ». Le juge a rejeté cet argument. Il en est venu à la conclusion, après avoir revu la preuve experte conflictuelle, que la tige verticale est un morceau de métal fixé devant le second tube afin de fournir une résistance à l’abrasion et non de permettre au second tube de fonctionner en tant que semoir à houe étroit.

[22]           Halford pense que le juge s’est trompé en ce qui concerne la façon avec laquelle il a différencié les revendications 1 et 2. Une fois de plus, nous ne sommes pas d’accord. Ce que le juge a découvert est que le terme « tube », avec ou sans la tige verticale à laquelle on fait référence à la revendication 2, n’a pas un champ sémantique assez large pour comprendre un tube auquel on aurait fixé une lame ou un semoir à houe étroit. Cette conclusion est exacte à cause du libellé des revendications et de la preuve d’expert sur laquelle le juge s’est basé en relation avec ce point.

[23]           La revendication 3 dépend aussi de la revendication 1. La revendication 3 diffère de la revendication 1 en ce qui concerne la référence qu’elle fait concernant l’élément de placement de l’extrémité ouverte du second tube (le tube à graines) au‑dessus et à côté du premier tube de manière à suivre la raie, mais frotte contre le paroi latérale de la raie. La revendication 1 fait référence à l’utilisation d’un mécanisme pour régler le second tube latéralement, afin de permettre au second tube de pénétrer dans le sol le long de la paroi de la raie.

[24]           La revendication 6, qui dépend aussi de la revendication 1, stipule une pièce de fixation unique pour la roue de tassement et le second tube, qui est fixée par liaison pivotante par rapport à la lame. Elle identifie aussi le ressort en biais comme la force qui maintient le second tube et la roue de tassement en contact avec le sol. Le débat principal concernait la revendication 12 et la géométrie exacte de la fixation par liaison pivotante de la pièce commune par rapport à la lame. Le juge a conclu, après avoir revu la preuve conflictuelle des experts, que la description de la fixation par liaison pivotante par rapport à la lame ne spécifie pas si la pièce de fixation unique est fixée directement sur la lame ou indirectement par le biais d’un autre mécanisme. Il a découvert que les éléments essentiels de la revendication 6 sont les suivants (raisons au paragraphe 113) :

1.

 

un châssis adapté au transport sur le sol (même que la revendication 1);

2.

 

une lame fixée sur le châssis de façon à tailler une raie dans le sol au fur et à mesure que le châssis se déplace sur le sol, et un tube pour déposer une première matière (le fertilisant) dans le sol (même que revendication 1);

3.

 

un second tube (le tube à graines) fixé vers l’arrière et séparément de la lame, dirigé vers le bas dans la raie et pénétrant le sol seulement au moyen de sa surface extérieure et suivant dans la raie créée par la lame (même que revendication 1);

4.

 

moyen de régler le déplacement latéral entre le second tube et la lame (même que revendication 1);

5.

 

une roue de tassement fixée vers l’arrière du second tube pour suivre dans la raie derrière le second tube (même que revendication 1);

6.

 

une pièce de fixation unique pour le second tube et la roue de tassement;

7.

 

fixation par liaison pivotante de cette pièce de fixation unique par rapport à la lame;

8.

 

force de compression appliquée sur le second tube et sur la roue de tassement pour les garder en contact avec le sol.

 

[25]           Halford pense que le juge est arrivé à la mauvaise conclusion concernant la signification du terme « fixation par liaison pivotante par rapport à » la lame et se fonde sur le fait que le juge a effectué une interprétation littérale plutôt qu’une interprétation téléologique. L’analyse du juge sur ce point est profondément basée sur le libellé du brevet et sur la preuve pertinente. Il n’y a pas de fondement probatoire permettant de conclure que la signification du libellé pertinent de la revendication de brevet n’est pas reflétée par les mots employés.

[26]           Le juge a déterminé que les éléments essentiels de la revendication 12 (une revendication indépendante) sont les suivants (raisons au paragraphe 122) :

1.

 

un châssis adapté au transport sur le sol (même que revendications 1 et 6);

2.

 

une lame fixée au châssis de façon à tailler une raie dans le sol au fur et à mesure que le châssis se déplace sur le sol, et un tube servant à déposer une première matière (le fertilisant) dans le sol (même que revendications 1 et 6);

3.

 

un second tube (le tube à graines) fixé vers l’arrière et séparément de la lame, dirigé vers le bas dans la raie et pénétrant le sol uniquement au moyen de sa surface externe et suivant dans la raie créée par la lame (même que revendications 1 et 6);

4.

 

moyen de régler le déplacement latéral entre le second tube et la lame (même que revendications 1 et 6);

5.

 

une roue de tassement fixée vers l’arrière du second tube pour suivre dans la raie derrière le second tube (même que revendications 1 et 6);

6.

 

une pièce de fixation unique pour le second tube et la roue de tassement (même que revendication 6);

7.

 

fixation par liaison pivotante de cette pièce de fixation unique par rapport à la lame (même que revendication 6);

8.

 

force de compression appliquée au second tube et à la roue de tassement pour les garder en contact avec le sol (même que revendication 6);

9.

 

l’espacement du second tube par rapport au premier pour permettre au sol d’entrer, après que le premier tube soit passé, avant que le second tube ne dépose les graines;

10.

 

la fixation rigide du second tube par rapport à la lame;

11.

 

la largeur de la lame par rapport à la roue de tassement (c.‑à‑d. la roue de tassement étant assez étroite pour passer dans la raie);

12.

 

l’effet de guidage de la roue de tassement causé par le fait que la roue circule dans la raie sous le niveau du sol.

 

[27]           Les arguments de Halford touchant les erreurs que le juge de première instance aurait commises dans l'interprétation de la revendication 12 sont en substance les mêmes que ceux qu'il a avancés relativement à la revendication 6 et doivent être rejetés aux mêmes motifs.

iv) Conclusion sur l'interprétation des brevets

[28]           Vu les motifs du juge de première instance tels que nous les avons résumés ci‑dessus et la preuve d'expert pertinente, et nous fondant sur notre interprétation téléologique des revendications en cause du brevet Halford suivant la définition des éléments essentiels établie dans l'arrêt Free World, nous concluons qu'il n'a pas commis d'erreurs dans ses conclusions relatives à l'interprétation desdites revendications. Sur ce point, nous n'avons guère reçu d'aide de l'avocat de Halford, qui a refusé à la fois de confirmer le caractère essentiel des éléments définis comme tels par le juge et de proposer une autre liste d'éléments qui pourraient être dits essentiels.

[29]           Nous sommes d’accord avec le juge concernant les éléments essentiels de la revendication 1 et de ses revendications dépendantes 2, 3 et 6. (1) Un châssis adapté au transport sur le sol est essentiel pour utiliser le système, car, sans le châssis, il n’y aurait rien à quoi fixer le tube à graines, la lame d’ensemencement, le tube à fertilisant et la roue de tassement. (2) La présence d’une lame et d’une pièce fixant la lame sur le châssis est essentielle, car elles permettent d’ouvrir une raie pendant que le châssis se déplace sur le sol, de dégager un passage pour le fertilisant et le tube à graines. Un tube à fertilisant est essentiel, car il place le fertilisant dans la raie avant les graines et l’arrivée de la roue de tassement. (3) Un tube à graines fixé derrière le tube à fertilisant et capable de déposer les graines dans la raie est un élément essentiel, car il permet de déposer le fertilisant et les graines en une seule passe. S’il n’y avait pas de second tube, le système ne déposerait qu’une matière dans la raie. Le tube à graines doit être fixé de façon à pénétrer le sol uniquement par sa surface externe et de façon à déposer les graines dans la raie derrière la lame. La pénétration du sol par la surface externe du tube à graines est rendue essentielle par le langage clair de la revendication. (4) Un moyen de régler le déplacement latéral entre le tube à graines et la lame est essentiel, car il permet de décaler le second tube et la lame afin que le tube à graines ne dépose pas de graines directement au fond de la raie où il pourrait entrer en contact avec les graines. (5) La présence d’une roue tournant derrière le second tube est essentielle, car cette roue pousse et compacte le sol d’une façon qui permet de couvrir les graines et le fertilisant.

 

[30]           Les revendications 2 et 3 dépendent de la revendication 1 et adoptent tous ses éléments essentiels. La revendication 2 ajoute une « tige verticale » au tube à graines, ce qui n’est pas la même chose que d’avoir un tube avec une lame ou un semoir à houe étroit. La revendication 3 mentionne que le tube à graines gratte le long de la paroi de la raie au‑dessus et dans le côté du tube à fertilisant, ce qui n’est qu’une légère variation de la revendication 1, qui fait référence au réglage côté‑à‑côté du tube à graines afin de gratter le long de la paroi.

[31]           La revendication 6 dépend aussi de la revendication 1. Le juge a constaté (et nous sommes d’accord avec lui) qu’elle ajoute deux éléments essentiels. Premièrement, il y a le deuxième système de livraison et la roue de tassement sur une pièce de fixation unique fixée par liaison pivotante par rapport à la lame. Il s’agit d’un élément essentiel, car un mouvement différentiel est nécessaire entre le tube à graines et le tube à fertilisant afin de permettre des variations de niveau de terrain par rapport au châssis. Deuxièmement, il y a une force de compression appliquée au tube à graines et à la roue de tassement pour les garder en contact avec le sol, ce qui est essentiel, car, sans une force quelconque servant à garder contact avec le sol, le système ne pourra pas atteindre son but qui consiste à placer des graines et du fertilisant dans la raie.

 

[32]           Le juge a constaté, et nous sommes d’accord avec lui, que la revendication 12 incorpore certains éléments essentiels provenant des revendications 1 et 6, et ajoute les éléments essentiels suivants. Premièrement, le tube à graines est séparé du tube à fertilisant par une distance suffisante pour permettre au sol de tomber dans la raie entre les deux tubes. Cela est nécessaire afin de permettre une plantation et une fertilisation adéquates. Deuxièmement, le tube à graines doit être fixé de façon rigide par rapport à la roue de tassement de façon à s’assurer qu’il y ait une distance adéquate entre le tube et la roue, permettant ainsi aux graines d’être adéquatement placées avant que la roue de tassement passe par‑dessus. Troisièmement, la lame doit être assez large par rapport à la roue de tassement pour tailler une raie assez étroite pour que la roue puisse y circuler. Cela est nécessaire pour le compactage du sol et pour contribuer à l’effet de guidage de la roue de tassement qui roule dans la raie sous le niveau du sol.

 

[33]           L'interprétation téléologique des revendications en cause du brevet Halford définit chacun de ces éléments comme étant nécessaire pour que le semoir fonctionne comme l'a prévu l'inventeur et conformément aux revendications. Nous n'avons pas repéré d'autres éléments qui auraient dû être déclarés essentiels. Nous concluons donc que sont correctes les conclusions du juge de première instance touchant les éléments essentiels des revendications.

[34]           Les autres points en litige dans l'appel et l'appel incident se rapportent soit à la question de la contrefaçon, soit à celle de la validité du brevet. Le juge de première instance a conclu que les revendications étaient valides, mais n'étaient pas contrefaites. Si l'appel incident des intimés Seed Hawk touchant la question de la validité est accueilli, la question de la contrefaçon perd son objet. Il convient donc ici d'examiner d'abord les questions relatives à la validité.

 

LA VALIDITÉ DES REVENDICATIONS DU BREVET HALFORD – REQUÊTE PRÉLIMINAIRE

[35]           Il y a une question préliminaire à examiner pour ce qui concerne la question de la validité. En novembre 2004, les intimés Seed Hawk ont déposé devant notre Cour, sous le régime de l'article 75 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), un avis de requête en autorisation de modifier leur exposé de défense et demande reconventionnelle aux fins de faire valoir certaines précisions tendant à établir l'invalidité des revendications du brevet Halford, et de modifier en conséquence leur avis d'appel incident. Notre Cour a rejeté cette requête (2005 CAF 12) au motif de son incompétence pour autoriser sous le régime de l'article 75 la modification d'actes de procédure déposés devant la Cour fédérale. L'avocat des intimés Seed Hawk pensait avoir le droit de demander en substance la même mesure de redressement dans une nouvelle requête, du fait de ce qu'il estimait être une issue laissée par les motifs du rejet de sa requête précédente. Il a commis là une erreur d'interprétation desdits motifs. Quoi qu'il en soit, le 12 mai 2006, les intimés Seed Hawk ont déposé devant notre Cour un autre avis de requête demandant en substance la même mesure de redressement. Cette requête a été entendue à l'ouverture de l'audience de l'appel incident des intimés Seed Hawk.

[36]           Même si notre Cour avait compétence pour la juger, cette requête ne pourrait être accueillie. Seed Hawk Inc. n'a pas demandé l'autorisation de modifier ses actes de procédure avant que ne fût prononcé le jugement de première instance. Cette omission s'explique par le fait que l'avocat de Seed Hawk Inc. croyait, sur la foi de certaines observations formulées par le juge de première instance, que ce dernier prendrait en considération les arguments non plaidés tendant à établir l'invalidité même si Seed Hawk Inc. ne demandait pas la modification de ses actes de procédure. C'était là une erreur d'interprétation des observations du juge. Seed Hawk Inc. aurait pu, et dû, présenter une requête en modification dans un délai raisonnable après s'être rendu compte que la preuve soulevait une nouvelle question de droit.

[37]           Étant donné que Seed Hawk Inc. n'a pas pris cette mesure, toute l'affaire a été décidée sur la base des actes de procédure non modifiés dans le sens demandé par elle. Halford a droit au bénéfice de ces actes de procédure de portée plus étroite. Seed Hawk Inc. fait valoir que, comme la preuve sur laquelle elle désire se fonder pour présenter ses nouveaux arguments venait des propres témoins de Halford, ce dernier ne subirait pas de préjudice si la modification des actes de procédure était autorisée à la présente étape. Cet argument relève de la spéculation. Il est impossible de savoir maintenant en quoi la preuve aurait changé si les actes de procédure avaient été modifiés avant la conclusion du procès.

LA VALIDITÉ DES REVENDICATIONS DU BREVET HALFORD – ÉVIDENCE

[38]           Le juge de première instance a été obligé d'examiner un grand nombre d'arguments relatifs à la validité. Chacun de ces arguments est avancé de nouveau dans le présent appel. Pratiquement chaque point examiné par le juge est contesté soit par Halford, soit par les intimés Seed Hawk.

 

[39]           Il n'est nécessaire d'examiner aux fins du présent appel que la question de l'évidence. Pour ce faire, nous commencerons par établir la norme de contrôle applicable. L'évidence est une question mixte de fait et de droit. Les principes juridiques applicables doivent être déterminés et appliqués correctement : Housen, précité, au paragraphe 8. L'élément factuel d'une constatation d'évidence, qui consiste en général en conclusions sur l'état de la technique à l'époque pertinente, ne peut être infirmé en l'absence d'une erreur manifeste et dominante : Housen, précité, au paragraphe 10.

 

[40]           Le critère incontesté de l'évidence est le point de savoir si, à la date de l'invention, le technicien versé dans son art mais dépourvu d'imagination, compte tenu de ses connaissances générales, ainsi que des documents et renseignements dont il pouvait disposer sur le sujet à cette date, aurait été conduit directement et sans difficulté à ladite invention : Procter & Gamble Co. c. Beecham Canada Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 1 (C.A.F.).

[41]           Le juge de première instance a pris acte de ce critère dans sa décision et, se fondant principalement sur la preuve de M. Anderson touchant quatre brevets antérieurs, il a conclu que tous les éléments des revendications en cause du brevet Halford étaient connus à l'époque pertinente, à l'exception de la mise en place des graines à côté de l'engrais au moyen d'un tube pouvant faire l'objet d'un réglage latéral (paragraphe 304 de l'exposé de motifs). Il a conclu qu'il faudrait une étape inventive pour concevoir un tube à graines ajustable d'un côté à l'autre afin de permettre l'ensemencement en bandes latérales. Par conséquent, il a établi que les quatre brevets antérieurs, considérés isolément, ne justifiaient pas la conclusion que le brevet Halford fût invalide pour cause d'évidence.

[42]           Il est arrivé à cette conclusion sans considérer en particulier le système Victoria, une machine suédoise qui a été dévoilée au Canada avant la date pertinente. Le système Victoria a certains points communs avec l’invention Halford; en effet, il a des tubes permettant de placer le fertilisant et les graines en une seule passe. Cependant, le système Victoria a une lame (ou un semoir à houe étroit) fixée à chaque tube. Le système Victoria pourrait être utilisé pour placer du fertilisant et des graines en une seule passe; toutefois, cela se ferait dans des raies parallèles les unes aux autres. Cependant, à cause du fait que le tube/la lame d’ensemencement pourrait être réglé latéralement par rapport au tube/à la lame de fertilisation, le système Victoria pourrait aussi être utilisé pour déposer le fertilisant et les graines à l’intérieur d’une raie unique.

[43]           En conséquence, s'il avait tenu compte des enseignements du semoir Victoria, parallèlement à ceux des quatre autres brevets antérieurs, dans son analyse de la question de l'évidence, le juge de première instance aurait constaté que ce semoir contient l'élément non enseigné par les quatre brevets susdits, soit un mécanisme de réglage latéral du tube d'ensemencement (ou tube à graines). Autrement dit, le juge aurait conclu à l'évidence de l'invention Halford à partir de l'état de la technique.

[44]           Il s'agit donc de savoir dans le présent appel si tous les éléments du brevet Halford étaient évidents compte tenu de l'état de la technique dûment pris en considération et compris dans son ensemble. Halford soulève un certain nombre de questions touchant la fiabilité de la preuve d'expert sur la question de l'évidence et le poids à lui attribuer. Nous estimons dénués de fondement tous les arguments avancés par Halford pour contester cette preuve. En outre, pour que les choses soient bien claires, il convient d'insister sur le fait que Halford ne conteste pas sérieusement que le semoir Victoria permet un réglage latéral, mais soutient seulement que le degré de réglage possible avec cette machine était supérieur à celui que prévoit le brevet Halford.

[45]           L'examen du dossier à la lumière des prétentions et moyens des parties nous oblige à conclure que le brevet Halford est invalide pour cause d'évidence. Vu les pièces produites par les intimés Seed Hawk aux fins de comparaison de leur semoir avec le Victoria, nous pourrions facilement en dire autant du brevet Seed Hawk. Quoi qu'il en soit, étant donné l'évidence du brevet Halford, le juge de première instance a eu raison de rejeter les réclamations formulées par Halford contre les intimés Seed Hawk et contre Simplot.

LA CONTREFAÇON

[46]           Bien qu'il ne soit pas rigoureusement nécessaire d'examiner les arguments relatifs à la contrefaçon, nous proposons les observations suivantes fondées sur l'hypothèse que le brevet Halford serait valide.

[47]           Une fois les revendications interprétées de manière satisfaisante, la tâche d'établir si une revendication donnée a été contrefaite est « essentiellement une question de fait » : Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. (1981), [1984] 1 R.C.S. 504. Les conclusions du juge de première instance à cet égard ne doivent pas être remises en cause, sauf erreur manifeste et dominante : Housen, précité, au paragraphe 10.

[48]           Comme le juge n’a pas commis d’erreur dans ses conclusions concernant la construction des revendications, on peut seulement se demander s’il a commis une erreur palpable et dominante dans ses découvertes du fait, particulièrement en ce qui a trait aux variantes entre le Seed Hawk et les revendications pertinentes du brevet Halford. Après avoir examiné les variantes identifiées par le juge, nous ne pouvons que conclure que le juge n’a fait aucune erreur palpable et dominante en identifiant les différences entre deux variantes du Seed Hawk et des revendications pertinentes du brevet Halford. Une des variantes est l’utilisation d’une lame d’ensemencement sur le Seed Hawk pour pénétrer le sol, au lieu que ce soit le tube à graines qui pénètre le sol uniquement au moyen de sa surface externe, comme requis par les revendications pertinentes du brevet Halford. L’autre variante est la fixation par liaison pivotante de la lame de fertilisation sur le bras de mise en place du Seed Hawk plutôt que sur le châssis comme requis par les revendications pertinentes du brevet Halford.

[49]           Il est clair d’après l’inspection du Seed Hawk qu’il y a une lame fixée sur le tube à graines et que la lame de fertilisation est fixée par liaison pivotante au bras de mise en place de la machine. Ces variantes se rapportent aux éléments essentiels des revendications pertinentes du brevet Halford et mettent le Seed Hawk hors du champ d’application de ces revendications. La lame fixée au tube à graines est quelque chose d’autre que « seulement le bord extérieur » du tube à graines pénétrant le sol, ce qui met le Seed Hawk hors du champ d’application des revendications 1, 2, 3, 6 et 10. La fixation par liaison pivotante de la lame de fertilisation sur le bras de mise en place plutôt que sur le châssis met le Seed Hawk hors du champ d’application des revendications 2, 3, 6, 10 et 12.

[50]           Pour qu'il y ait contrefaçon, il faut que l'appareil en cause reprenne tous les éléments essentiels de l'invention. Or, comme nous l'avons conclu plus haut, au moins un élément essentiel de chacune des revendications contestées du brevet Halford n'est pas repris dans le Seed Hawk. En conséquence, nous souscrivons à la conclusion du juge de première instance comme quoi le Seed Hawk ne contrefait pas les revendications en cause du brevet Halford.

LA RESPONSABILITÉ DE SIMPLOT ET DES PERSONNES PHYSIQUES INTIMÉES

[51]           Le juge de première instance a rejeté l'action contre Simplot et contre les personnes physiques défenderesses qui, à l'époque pertinente, étaient les dirigeants de Seed Hawk Inc. Il a ajouté qu'il l'aurait fait même s'il avait conclu à la contrefaçon. Nous sommes d'accord avec lui sur ces points.

[52]           Simplot est un fournisseur d'engrais. Elle a apporté son aide à Seed Hawk Inc. aux étapes de l'élaboration et de la mise sur le marché du nouveau semoir en échange de la promesse que ce dernier serait conçu de manière à permettre l'épandage d'engrais liquide. C'est ainsi qu'elle a fourni une somme de 20 000 $ pour la promotion du Seed Hawk, qu'elle en a incorporé des illustrations dans ses propres publicités imprimées et qu'elle a donné à Seed Hawk Inc. la possibilité de l'exposer dans des foires commerciales. Halford soutient que, ce faisant, Simplot a incité Seed Hawk Inc. à la contrefaçon, ou s'est faite complice de celle‑ci. Le juge de première instance a conclu que, même si Seed Hawk Inc. avait contrefait les revendications en cause du brevet Halford, la réclamation contre Simplot ne pourrait être accueillie, au motif que la preuve n'établissait pas qu'une telle contrefaçon n'aurait pas été opérée sans son aide. Autrement dit, il n'existait de lien de causalité entre aucun des actes de Simplot et les actes de Seed Hawk Inc. censés constituer une contrefaçon des revendications en cause du brevet Halford. Le dossier étaye abondamment cette conclusion de fait.

[53]           Quant aux réclamations visant les personnes physiques, nous ferons observer ce qui suit. Norbert Beaujot, ingénieur, est le principal artisan de la mise au point du semoir Seed Hawk. Pat Beaujot possède une expérience de la vente de machines agricoles et d'engrais; il a quitté le poste de chef des ventes américaines chez Simplot pour travailler à plein temps chez Seed Hawk Inc. Brian Kent a participé à l'activité de Seed Hawk Inc. à une certaine époque, mais pas au moment du procès, où il n'a pas témoigné. Norbert et Pat Beaujot ont constitué la société Seed Hawk Inc. pour servir de véhicule à la mise au point et à la promotion du semoir Seed Hawk. Pendant l'élaboration de ce dernier, Norbert et Pat Beaujot étaient au courant de l'existence du brevet Halford et de sa réalisation dans le Conserva Pak produit et commercialisé par Halford, et ils ont pris connaissance de tous les avertissements pertinents de Halford touchant la contrefaçon supposée, ainsi que des divers avis juridiques communiqués à Seed Hawk Inc.

[54]           Se fondant sur les principes formulés dans l'arrêt Mentmore Manufacturing Co. Ltd. c. National Merchandise Manufacturing Co. Inc. (1978), 40 C.P.R. (2d) 164 (C.A.F.), le juge de première instance a posé que, même si la mise au point et la vente du Seed Hawk constituaient une contrefaçon des revendications du brevet Halford, aucune des personnes physiques défenderesses ne pouvait en être tenue pour responsable. Il a constaté que les personnes physiques défenderesses n'avaient rien fait de plus que de diriger l'exploitation de Seed Hawk Inc. dans le cours normal de leurs rapports avec cette société. Selon lui, aucun élément de preuve n'établissait l'existence d'un comportement délibéré, volontaire et intentionnel susceptible de constituer vraisemblablement une contrefaçon ou témoignant d'une indifférence au risque de contrefaçon. Il note en particulier (au paragraphe 337 de son exposé de motifs) que « [c]e n'est pas nécessairement faire preuve d'entêtement que d'adopter un point de vue plus agressif que ses conseillers professionnels sur le bien-fondé de sa position ». Ces conclusions du juge de première instance ne sont entachées d'aucune erreur de droit ou de fait.

[55]           La thèse de la responsabilité personnelle des personnes physiques défenderesses que soutient Halford est fondée sur l'idée que les frères Beaujot auraient délibérément voulu copier le Conserva Pak, qu'ils savaient protégé par le brevet Halford. Il était loisible au juge de première instance de conclure, comme il l'a fait, que la preuve n'étayait pas cette thèse.

 

CONCLUSION

[56]           Le présent appel sera rejeté avec dépens. Les intimés Seed Hawk Inc., Pat Beaujot, Norbert Beaujot et Brian Kent auront droit ensemble à un mémoire de dépens unique, et l'intimée Simplot Canada aura droit à ses dépens.

[57]           L'appel incident sera accueilli, et il sera accordé un mémoire de dépens unique aux intimés Seed Hawk Inc., Pat Beaujot, Norbert Beaujot et Brian Kent.

[58]           Le brevet Halford sera déclaré invalide.

« J. Edgar Sexton »

Juge

 

 

 

« K. Sharlow »

Juge

 

« B. Malone 

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                               A‑99‑04

 

APPEL DU JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE EN DATE DU 23 JANVIER 2004, NO T‑2406‑93

 

INTITULÉ :                                             JAMES W. HALFORD ET VALE FARMS LTD.

                                                                  c.

                                                                  SEED HAWK INC., PAT BEAUJOT, NORBERT BEAUJOT, BRIAN KENT ET SIMPLOT CANADA LIMITED

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                       OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                      LES 29, 30 ET 31 MAI 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                        LES JUGES SEXTON, SHARLOW ET MALONE

 

DATE DES MOTIFS :                            LE 8 AOÛT 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Donald H. MacOdrum

Steven Raber

Kristine Chandler

Dean Giles

 

POUR LES APPELANTS

 

 

 

Alexander Macklin, c.r.

D. Doak Horne

Taryn C. Burnett

 

Wolfgang W. Riedel, c.r.

 

 

POUR LES INTIMÉS

SEED HAWK INC. ET AL.

 

 

POUR L'INTIMÉE

SIMPLOT CANADA LIMITED

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lang Michener LLP

Toronto (Ontario)

 

 

Fillmore Riley LLP

Winnipeg (Manitoba)

POUR LES APPELANTS

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Calgary (Alberta)

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR LES INTIMÉS

SEED HAWK INC. ET AL.

 Meighen, Haddad & Co.                              POUR L'INTIMÉE

 Brandon (Manitoba)                                     SIMPLOT CANADA LIMITED

 

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