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Date : 20060906

Dossier : A-351-05

Référence : 2006 CAF 295

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

Dr SHIV CHOPRA

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

REPRÉSENTÉE PAR LE CONSEIL DU TRÉSOR

intimée

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2006.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2006.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                     LE JUGE EVANS

 


Date : 20060906

Dossier : A-351-05

Référence : 2006 CAF 295

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

Dr SHIV CHOPRA

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

REPRÉSENTÉE PAR LE CONSEIL DU TRÉSOR

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2006)

LE JUGE EVANS

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par le Dr Shiv Chopra de la décision par laquelle le juge MacKay de la Cour fédérale a rejeté sa demande de contrôle judiciaire visant à faire annuler une décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Dans cette décision, l’arbitre avait rejeté le grief que le Dr Chopra avait déposé à l’encontre d’une suspension sans traitement de cinq jours, sanction qui avait été prise contre lui parce qu’il avait manqué à l’obligation de loyauté que les fonctionnaires ont envers leur employeur.

 

[2]               La décision du juge est répertoriée sous l’intitulé Chopra c. Canada (Conseil du Trésor), [2006] 1 R.C.F. 105, 2005 CF 958, et la décision de la Commission est publiée sous l’intitulé Chopra c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2003 CRTFP 115.

 

[3]               Le Dr Chopra travaille comme microbiologiste et vétérinaire à la Division de l’innocuité pour les humains, Direction des drogues vétérinaires, Santé Canada. Il n’était pas un porte‑parole autorisé de Santé Canada.

 

[4]               Dans les comptes rendus des déclarations publiques qu’il avait faites, le Dr Chopra était désigné comme un scientifique de Santé Canada. Dans ses déclarations, le Dr Chopra a critiqué la décision du ministre, après la catastrophe du 11 septembre 2001, de stocker des médicaments, notamment un puissant antibiotique, la ciprofloxacine, pour les utiliser dans le cas d’un attentat terroriste au cours duquel le bacille du charbon ou le virus de la variole seraient utilisés. Selon le Dr Chopra, il n’était pas nécessaire de stocker ces médicaments.

 

[5]               Le Dr Chopra a déclaré que les terroristes n’utiliseraient probablement pas le bacille du charbon parce qu’il n’est pas contagieux et que la maladie pourrait facilement être enrayée par d’autres moyens. Par conséquent, les dangers pour la santé publique découlant de l’utilisation générale éventuelle de la ciprofloxacine par le public l’emportaient sur tout danger découlant d’un attentat bioterroriste possible. Il a ajouté que le niveau actuel de vaccination dans la population était suffisant pour assurer la protection du public en cas d’un attentat terroriste dans lequel le virus de la variole serait utilisé.

 

[6]               Le Dr Chopra aurait également dit que la politique du gouvernement constituait une opération de relations publiques destinée à présenter le ministre de la Santé de l’époque « sous un jour favorable » car il semblerait être prêt en cas d’urgence, et que cette opération était motivée par le désir de la part du gouvernement de se servir de la guerre pour [traduction] « s’en prendre aux gens vulnérables ». Ce sont les éléments des déclarations publiques du Dr Chopra sur lesquels le juge MacKay a mis l’accent en confirmant la décision de l’arbitre, qui avait statué que la suspension du Dr Chopra pour inconduite quant à son obligation de loyauté ne portait pas atteinte à la liberté d’expression qui lui est garantie par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[7]               Le juge MacKay a statué que ces remarques ne pouvaient pas être justifiées par rapport aux sujets qui avaient été déterminés, dans l’arrêt Fraser c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, [1985] 2 R.C.S. 455, page 470, comme des exceptions à l’obligation de loyauté et dont les fonctionnaires pouvaient parler. Le juge a également statué que le témoignage de la superviseure du Dr Chopra devant l’arbitre et la nature des allégations étayaient suffisamment la conclusion de l’arbitre selon laquelle les déclarations du Dr Chopra avaient nui à sa capacité de remplir ses fonctions en ébranlant ses relations avec sa superviseure en altérant la perception qu’avait le public de sa capacité de mettre en oeuvre la politique gouvernementale d’une façon équitable et impartiale.

 

[8]               Pour essentiellement les mêmes raisons que celles du juge MacKay, nous sommes d’avis qu’en confirmant la suspension sans traitement du Dr Chopra, l’arbitre n’a pas commis d’erreur justifiant l’annulation de sa décision.

 

[9]               Au cours de sa plaidoirie, l’avocat du Dr Chopra a soumis deux arguments principaux. En premier lieu, il a soutenu que l’arbitre avait commis une erreur de droit en assujettissant les moyens de défense invoqués à l’encontre d’une allégation de manquement à l’obligation de loyauté à l’exigence absolue voulant que les employés utilisent les mécanismes internes avant de critiquer publiquement la politique gouvernementale.

 

[10]           Nous ne souscrivons pas à cet argument. Premièrement, comme l’a reconnu l’avocat, il ne ressort pas clairement des motifs de l’arbitre qu’il a considéré qu’il fallait absolument utiliser les mécanismes internes. En outre, nous convenons avec le juge MacKay que la décision de l’arbitre ne reposait pas essentiellement sur l’avis qu’il avait exprimé, à savoir que le Dr Chopra aurait dû utiliser les mécanismes internes pertinents.

 

[11]           Deuxièmement, l’avocat a soutenu que la preuve présentée à l’arbitre n’était pas suffisante pour établir que les déclarations publiques du Dr Chopra avaient nui à sa capacité, réelle ou apparente, de remplir ses fonctions de fonctionnaire.

 

[12]           Encore une fois, nous ne sommes pas d’accord. La question de l’incapacité d’un fonctionnaire de remplir ses fonctions relève de l’expertise que possède un arbitre en matière de relations de travail. Le témoignage de la superviseure du Dr Chopra, à savoir que ses commentaires publics ont augmenté la tension qui existait dans leurs relations de travail, ainsi que la nature des allégations que le Dr Chopra a faites en contestant les motifs sous‑tendant la politique du gouvernement, étaient, selon la norme de la décision raisonnable, suffisants à notre avis pour étayer les conclusions tirées par l’arbitre au sujet de l’incapacité.

 

[13]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

« John M. Evans »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-351-05

 

APPEL DES ORDONNANCES RENDUES PAR LA COUR FÉDÉRALE LE 8 JUILLET 2005, DOSSIER T‑103‑04

 

INTITULÉ :                                                   Dr SHIV CHOPRA

                                                                        c.

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE CONSEIL DU TRÉSOR

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 6 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

DE LA COUR :                                              (LES JUGES LÉTOURNEAU, EVANS ET MALONE)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LE JUGE EVANS

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Yazbeck

Bijon Roy

POUR L’APPELANT

 

 

Patrick Bendin

 

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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