ENTRE :
(demanderesse)
et
et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
(défendeurs)
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2006
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2006
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE SHARLOW
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE DÉCARY
LE JUGE PELLETIER
Dossier : A‑100‑06
Référence : 2006 CAF 310
CORAM : LE JUGE DÉCARY
LA JUGE SHARLOW
LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
PFIZER CANADA INC.
appelante
(demanderesse)
et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimés
(défendeurs)
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il s'agit d'un appel interjeté par Pfizer Canada Inc. (Pfizer) contre un jugement (2006 CF 210) par lequel la Cour fédérale a rejeté sa demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de la Santé de ne pas inscrire le brevet canadien no 2296726 (le brevet 726) au registre des brevets qu'il tient sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement AC).
[2] Le brevet 726 comporte un certain nombre de revendications pour des compositions pharmaceutiques consistant dans les substances suivantes : 1) l'amlodipine sous l'une ou l'autre de plusieurs formes (notamment le bésylate d'amlodipine); 2) une statine, qui doit être la fluvastatine, la rivastatine ou la simvastatine; et 3) un excipient ou véhiculant. Le brevet 726 revendique aussi un certain nombre d'utilisations des compositions revendiquées. Il ne revendique cependant aucune forme de l'amlodipine seule ni aucune utilisation d'aucune forme de l'amlodipine seule.
[3] Pfizer souhaite faire inscrire le brevet 726 à l'égard de la drogue Norvasc, pour laquelle il a lui a été délivré un avis de conformité. Le seul ingrédient médicinal de cette drogue est l'amlodipine, sous la forme du bésylate d'amlodipine.
[4] Il n'est pas contesté que le bésylate d'amlodipine est un « médicament » pour l'application du Règlement AC et du Règlement des aliments et drogues, C.R.C. 870, et que chacune des statines spécifiées dans les revendications du brevet 726 est aussi un « médicament ».
[5] L'alinéa 4(2)b) du Règlement AC dispose qu'un brevet ne peut être inscrit à l'égard d'une drogue contenant un médicament que s'il comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament.
[6] Le ministre a soutenu devant la Cour fédérale et devant notre Cour que le brevet 726 ne peut être inscrit à l'égard du Norvasc au motif que ce brevet ne comporte pas de revendication pour le bésylate d'amlodipine ni pour l'utilisation du bésylate d'amlodipine. Le juge de première instance a souscrit à cet argument du ministre, et j'y souscris à mon tour.
[7] Je suis également d'accord avec le ministre pour dire que cette interprétation est conforme à l'objet du Règlement AC, qui est de prévenir la contrefaçon de brevets tout en permettant aux fabricants de drogues de tirer parti de l'exception relative à la fabrication anticipée que prévoit l'article 55.2 de la Loi sur les brevets. Il ne découlera jamais, du fait d'inclure le brevet 726 dans une liste de brevets à l'égard du Norvasc, de contrefaçon possible de ce brevet.
[8] Il y a à cela deux raisons. Premièrement, aucune drogue ne pourrait contrefaire le brevet 726 à moins de contenir à la fois de l'amlodipine et une des statines spécifiées dans ses revendications. La lecture de celles‑ci commande cette conclusion.
[9] Deuxièmement, si un fabricant de drogues souhaitait obtenir un avis de conformité pour une nouvelle drogue contenant à la fois de l'amlodipine et une statine (aggravant ainsi le risque de contrefaçon du brevet 726), le Règlement des aliments et drogues ne lui permettrait pas de déposer une présentation abrégée de drogue nouvelle citant le Norvasc comme produit de référence canadien. La raison en est que, par définition, une nouvelle drogue proposée contenant deux ingrédients médicinaux ne peut être considérée comme l'« équivalent pharmaceutique » d'une drogue contenant un seul de ces ingrédients.
[10] Je me réfère à cet égard à l'article C.08.002.1 du Règlement des aliments et drogues (qui énonce les conditions que doit remplir la présentation abrégée de drogue nouvelle) et à la définition que donne de l'expression « équivalent pharmaceutique » l'article C.08.001.1 du même règlement. Les passages pertinents de ces articles sont ainsi libellés :
C.08.001.1. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent titre. […] « équivalent pharmaceutique » S'entend d'une drogue nouvelle qui, par comparaison à une autre drogue, contient les mêmes quantités d'ingrédients médicinaux identiques, sous des formes posologiques comparables, mais pas nécessairement les mêmes ingrédients non médicinaux. |
C.08.001.1. For the purposes of this Division, […] “pharmaceutical equivalent” means a new drug that, in comparison with another drug, contains identical amounts of the identical medicinal ingredients, in comparable dosage forms, but that does not necessarily contain the same non-medicinal ingredients;
|
C.08.002.1 (1) Le fabricant d'une drogue nouvelle peut déposer à l'égard de celle-ci une présentation abrégée de drogue nouvelle si, par comparaison à un produit de référence canadien :
|
C.08.002.1. (1) A manufacturer of a new drug may file an abbreviated new drug submission for the new drug where, in comparison with a Canadian reference product,
|
a) la drogue nouvelle est un équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien; […] |
(a) the new drug is the pharmaceutical equivalent of the Canadian reference product; […]. |
[11] L'avocat de Pfizer soutient que la loi n'interdit pas à un fabricant de génériques de déposer une présentation abrégée de drogue nouvelle citant deux produits de référence canadiens et que, en tout état de cause, la conclusion du ministre est contredite par l'arrêt Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (C.A.), [2003] 3 CF 140 (Eli Lilly).
[12] Je ne vois rien dans le Règlement des aliments et drogues ni dans la jurisprudence invoquée par Pfizer qui étayerait la thèse qu'une présentation abrégée de drogue nouvelle puisse avoir deux produits de référence canadiens, pas plus que je ne puis conclure que l'arrêt Eli Lilly aille dans le sens de la position adoptée par Pfizer dans la présente espèce.
[13] La question en litige dans Eli Lilly était celle de savoir si un brevet comportant une revendication pour une combinaison de ceftazidime (un ingrédient médicinal) et de lactose (un ingrédient non médicinal) pouvait être inscrit à l'égard de la drogue Tazidime, qui contenait de la ceftazidime, mais pas de lactose. Il s'agissait d'établir si la revendication portait sur « le médicament en soi ». La réponse était affirmative, au motif que le médicament contenu dans le Tazidime et le médicament revendiqué par le brevet étaient le même pour l'application du Règlement AC. L'arrêt Eli Lilly établit implicitement que l'expression « une revendication pour le médicament en soi » signifie une revendication que comporte un brevet où le seul médicament revendiqué est le médicament contenu dans la drogue à l'égard de laquelle l'avis de conformité a été délivré. Tel était le cas dans Eli Lilly. Tel n'est pas le cas ici.
[14] Je rejetterais le présent appel avec dépens.
« K. Sharlow »
Juge
« Je souscris aux présents motifs
Robert Décary, juge »
« Je souscris aux présents motifs
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A‑100‑06
APPEL D'UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE EN DATE DU 16 FÉVRIER 2006, DOSSIER NO T‑283‑05
INTITULÉ : PFIZER CANADA INC.
c.
LE MINISTRE DE LA SANTÉ et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 19 SEPTEMBRE 2006
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE SHARLOW
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE DÉCARY
LE JUGE PELLETIER
DATE DES MOTIFS : LE 28 SEPTEMBRE 2006
COMPARUTIONS :
Peter Wilcox POUR L'APPELANTE
Alisse Houweling
F.B. (Rick) Woyiwada POUR LES INTIMÉS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Torys LLP POUR L'APPELANTE
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LES INTIMÉS
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
|
|
|
|