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Date : 20061019

Dossier : A-464-05

Référence : 2006 CAF 340

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

SUGENDRAN BALATHAVARAJAN

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 18 octobre 2006.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 19 octobre 2006.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE LINDEN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

                                                                                                                            LE JUGE MALONE

 


Date : 20061019

Dossier : A-464-05

Référence : 2006 CAF 340

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

SUGENDRAN BALATHAVARAJAN

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LINDEN

[1]               L’appelant, un réfugié au sens de la Convention depuis 1991 et un résident permanent depuis 1999, a été déclaré interdit de territoire au Canada pour motif de criminalité en 2001, conformément à l’alinéa 27(1)d) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 [abrogée] (l’ancienne Loi), parce qu’il avait été déclaré coupable de possession d’outils de cambriolage, un acte criminel prévu au paragraphe 351(1) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46. L’appelant est un citoyen du Sri Lanka.  L’ordonnance d’expulsion rendue en décembre 2001 ne précise aucun pays de destination. (L’appelant a aussi été déclaré coupable de neuf autres infractions, y compris trois groupes de déclarations de culpabilité en 1997 et un autre en 1999.)

 

[2]               L’appelant a porté l’ordonnance d’expulsion en appel devant la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié au motif que les circonstances de l’affaire justifiaient la prise d’une mesure d’exception pour des raisons d’ordre humanitaire.

 

[3]               La SAI a examiné, conformément au paragraphe 67(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), si elle devait accorder une mesure discrétionnaire à l’appelant au sujet de l’ordonnance d’expulsion. Pour déterminer si une mesure d’exception était justifiée, la SAI a examiné les facteurs énumérés dans l’affaire Ribic v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1985] I.A.B.D. no 4 (QL), que la Cour suprême du Canada a confirmés dans l’arrêt Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, au paragraphe 77. Ces facteurs sont : i) la gravité de l’infraction ou des infractions à l’origine de l’expulsion; ii) la possibilité de réhabilitation; iii) la durée de la période passée au Canada et le degré d’établissement de l’appelant; iv) la famille qu’il a au pays et les bouleversements que l’expulsion de l’appelant occasionnerait pour cette famille; v) le soutien dont bénéficie l’appelant au sein de sa famille et de sa collectivité; vi) l’importance des épreuves que l’appelant subirait en retournant dans le pays dont il a la nationalité.

 

[4]               La SAI a rejeté l’appel. Ce faisant, elle a refusé de tenir compte des difficultés auxquelles l’appelant risquait d’être exposé s’il était renvoyé au Sri Lanka parce qu’elle a conclu que le Sri Lanka n’était pas un « pays de destination probable », en raison de l’article 115 de la LIPR. La juge de la Cour fédérale a confirmé la décision de la SAI, mais a certifié la question suivante :

 

La mesure d’expulsion qui vise un résident permanent qui s’est vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention et qui précise comme seul pays de citoyenneté le pays dont il s’est enfui en tant que réfugié est-elle suffisante, sans plus d’éléments, pour établir que ce pays est le pays de destination probable, de sorte que l’arrêt Chieu s’applique et que, saisie de l’appel de cette mesure d’expulsion, la SAI doit tenir compte des difficultés auxquelles l’intéressé risque d’être exposé dans ce pays?

 

 

La question certifiée

[5]               La Cour doit décider si la SAI doit tenir compte des difficultés qui risquent d’être causées à un résident permanent qui est visé par une ordonnance d’expulsion et qui s’est vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention lorsque l’ordonnance d’expulsion ne précise pas le pays de destination et lorsqu’on ne sait pas exactement de quel pays il pourrait s’agir. Il s’agit d’une question de droit et la décision correcte est la norme applicable : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 8.

 

[6]               Dans l’arrêt Chieu, précité, la Cour suprême du Canada a confirmé, au paragraphe 33, que la SAI peut tenir compte des difficultés possibles à l’étranger lorsqu’elle doit décider si elle confirme une ordonnance d’expulsion. Le juge Iacobucci a expliqué, au paragraphe 32, que la SAI devrait aussi prendre en considération les possibilités réalistes, comme la situation dans le pays de destination probable même si, au moment de l’audition de l’appel, on ne sait pas avec une certitude absolue quel sera finalement le pays de destination.

 

[7]               Cependant, le juge Iacobucci a aussi expliqué, au paragraphe 58, qu’il était possible qu’on ne puisse pas déterminer le pays de destination probable dans le cas d’un réfugié au sens de la Convention parce que l’article 53 de l’ancienne Loi sur l’immigration (maintenant l’article 115 de la LIPR) interdit le renvoi « dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques » à moins qu’il appartienne à une catégorie non admissible et que, selon le ministre, il constitue un danger pour le public au Canada ou un danger pour la sécurité du Canada. La Cour a conclu que « [d]ans de tels cas, il n’y a aucun pays de destination probable au moment de l’appel, de sorte que la SAI ne peut pas considérer les difficultés à l’étranger ». Par conséquent, si la SAI ne peut pas déterminer un « pays de destination probable », il n’est pas nécessaire de tenir compte de la question des difficultés à l’étranger. Lorsque le pays de destination est déterminé, le cas échéant, il est alors possible d’examiner la question des difficultés dans le forum approprié.

 

[8]               L’appelant s’appuie sur la décision Soriano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 29 Imm. L.R. (3d) 71 (C.F. 1re inst.), et soutient que la SAI a l’obligation de tenir compte des difficultés possibles en l’espèce. Dans Soriano, un réfugié au sens de la Convention faisait l'objet d'une mesure d’expulsion vers le Salvador, le pays dont il s’était enfui, qui ne pouvait être exécutée. Le juge Campbell a conclu, au paragraphe 8, que la SAI avait commis une erreur lorsqu’elle avait omis de tenir compte des difficultés possibles auxquelles le demandeur serait exposé, puisque l’ordonnance d’expulsion précisait que le Salvador était le pays de destination.

 

[9]               L’affaire en l’espèce se distingue de la décision dans l’affaire Soriano, précitée. Dans Soriano, le pays de destination était connu. En l’espèce, le ministre n’a pas précisé le pays de destination et, au moment où l’appel devant la SAI a eu lieu, il n’avait pas pris les mesures prévues au paragraphe 115(2) de la LIPR pour expulser l’appelant. Au moment où l’appel devant la SAI a eu lieu, il était non seulement improbable, mais juridiquement inapproprié de renvoyer l’appelant au Sri Lanka. La SAI n’aurait pu qu’échafauder des hypothèses si elle avait examiné les difficultés auxquelles l’appelant pouvait être exposé s’il était expulsé au Sri Lanka. Elle n’avait pas besoin de le faire.

 

[10]           Par conséquent, la réponse à la question certifiée est négative.

 

Autres allégations d’erreur

[11]           L’appelant soutient aussi que la juge a commis une erreur lorsqu’elle a confirmé la conclusion de la SAI selon laquelle il appartenait à un gang, parce que la SAI s’était fondée sur le témoignage d’un informateur non identifié, témoignage qui ne pouvait pas être vérifié. Il fait valoir qu’il s’agit d’un manquement à la justice naturelle. C’est faux. Il s’agit uniquement de questions de fait et la Cour fera preuve de retenue envers la décision de la juge de la Cour fédérale en l’absence d’une erreur manifeste et dominante : décision Housen, précitée, au paragraphe 36.

 

[12]           L’article 173 de la LIPR permet à la SAI de recevoir les éléments de preuve qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision. Ces éléments de preuve peuvent parfois être faibles et peuvent comprendre des témoignages d’informateurs : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, [2004] 3 R.C.F. 523 (C.F.), au paragraphe 107; conf. à [2004] 3 R.C.F. 572 (C.A.). C’est la SAI, et non la cour de révision, qui doit décider de l’importance à accorder à la preuve.

 

[13]           La juge a examiné la preuve qui avait été présentée à la SAI à l’audience discrétionnaire et a conclu, au paragraphe 17, qu’il y avait un fondement probatoire suffisant pour conclure, comme la SAI l’avait fait, que l’appelant était membre d’un gang. La juge était convaincue que la SAI, lorsqu’elle avait pris sa décision, avait tenu compte des aspects contextuels du passé criminel de l’appelant. Entre autres, la SAI avait examiné si l’appelant avait participé à des activités de gang par le passé, en vue de déterminer la gravité des infractions commises et la capacité que l’appelant disait avoir de se réhabiliter. Elle ne l’avait pas fait dans le but de trouver un autre motif d’interdiction de territoire. La juge a ajouté, au paragraphe 18, que les « sources [que la SAI a] utilisées étaient légitimes ».

 

[14]           Par conséquent, l’appelant n’a pas réussi à démontrer que la juge a commis une erreur manifeste et dominante lorsqu’elle a confirmé la décision de la SAI.


 

[15]           L’appel devrait donc être rejeté.

 

 

 

« A.M. Linden »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

            M. Nadon, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

            B. Malone, juge »

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-464-05

 

(APPEL DE L’ORDONNANCE DE LA JUGE SIMPSON RENDUE LE 7 SEPTEMBRE 2005, NO IMM-3634-04)

 

INTITULÉ :                                                                           SUGENDRAN BALATHAVARAJAN

                                                                                                c.

                                                                                                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 18 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE LINDEN

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE NADON

                                                                                                LE JUGE MALONE

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 19 octobre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rocco Galati

POUR L’APPELANT

 

Jamie Todd

Ladan Shahrooz

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Galati, Rodrigues & Associates

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANT

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

 


 

Date : 20061019

Dossier : A-464-05

 

Toronto (Ontario), le 19 octobre 2006

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

SUGENDRAN BALATHAVARAJAN

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

JUGEMENT

            La réponse à la question certifiée suivante :

La mesure d’expulsion qui vise un résident permanent qui s’est vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention et qui précise comme seul pays de citoyenneté le pays dont il s’est enfui en tant que réfugié est-elle suffisante, sans plus d’éléments, pour établir que ce pays est le pays de destination probable, de sorte que l’arrêt Chieu s’applique et que, saisie de l’appel de cette mesure d’expulsion, la SAI doit tenir compte des difficultés auxquelles l’intéressé risque d’être exposé dans ce pays?

 

 

est négative et l’appel est rejeté.

 

 

« A.M. Linden »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

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