Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20061117

Dossier : A-513-05

Référence : 2006 CAF 372

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

LES PAPIERS SCOTT LIMITÉE

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 16 octobre 2006

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE LINDEN

                                                                                                                           LE JUGE MALONE

 

 


 

Date : 20061117

Dossier : A-513-05

Référence : 2006 CAF 372

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

LES PAPIERS SCOTT LIMITÉE

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NADON

[1]               Le 11 avril 2002, dans l’appel no AP-2000,-034, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) a rejeté l’appel de l’appelante à l’encontre d’une décision du ministre du Revenu national (le ministre) en date du 30 mai 2000. Le ministre a refusé sa demande de remboursement (la demande) de la taxe de vente fédérale (TVF) payée sur du papier hygiénique au motif qu’elle n’avait pas été faite dans les deux (2) ans suivant le paiement comme le prescrit l’article 68 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi).

[2]               L’appelante a porté en appel la décision du TCCE devant la Cour fédérale et, le 3 octobre 2005, la juge Heneghan a rejeté l’appel dans la décision portant la référence 2005 CF 1354. Invoquant qu’elle a droit au remboursement d’un montant égal aux sommes d’argent versées par erreur en vertu de la Loi au cours de la période allant du 1er avril 1990 au 31 décembre 1990 sur ses ventes de papiers‑mouchoirs et de papier hygiénique et des intérêts applicables, l’appelante cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision de la Cour fédérale et renvoyant l’affaire au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen.

 

[3]               La question en litige dans le présent appel est de savoir si la demande déposée par l’appelante le 15 mai 1992 respecte les exigences de l’article 68 de la Loi. Plus précisément, il faut se demander si la demande a été faite dans les deux ans suivant le versement des sommes d’argent à l’égard desquelles l’appelante dit avoir droit à un remboursement.

 

[4]               L’article 68 de la Loi est au cœur du présent appel. Il est opportun de le reproduire dès maintenant :

68. Lorsqu’une personne, sauf à la suite d’une cotisation, a versé des sommes d’argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu’il a été tenu compte des sommes d’argent à titre de taxes, de pénalités, d’intérêts ou d’autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

68. Where a person, otherwise than pursuant to an assessment, has paid any moneys in error, whether by reason of mistake of fact or law or otherwise, and the moneys have been taken into account as taxes, penalties, interest or other sums under this Act, an amount equal to the amount of those moneys shall, subject to this Part, be paid to that person if he applies therefor within two years after the payment of the moneys.

 

[Emphasis added]

[5]               Je reproduis également l’article 71 et le paragraphe 72(2), pertinents pour interpréter l’article 68 :

71. Sauf cas prévus à la présente loi ou dans toute autre loi fédérale, nul n’a le droit d’intenter une action contre Sa Majesté pour le recouvrement de sommes payées à Sa Majesté, dont elle a tenu compte à titre de taxes, de pénalités, d’intérêts ou d’autres sommes en vertu de la présente loi.

 

[…]

 

72. (2) Une demande doit être faite en la forme prescrite et contenir les renseignements prescrits.

 

[Non souligné dans l’original.]

71. Except as provided in this or any other Act of Parliament, no person has a right of action against Her Majesty for the recovery of any moneys paid to Her Majesty that are taken into account by Her Majesty as taxes, penalties, interest or other sums under this Act.

 

[…]

 

72. (2) An application shall be made in the prescribed form and contain the prescribed information.

 

[Emphasis added]

 

[6]               Bien que la juge Heneghan ait fait un bon exposé des faits, il convient de rappeler ceux‑ci brièvement pour avoir une bonne compréhension de la question soulevée dans le présent appel.

 

Les faits

[7]               Le 15 mai 1992, l’appelante a rempli une demande sur le formulaire « N-15 » (le formulaire) prescrit par le ministre pour obtenir un remboursement de 2 848 844 $ relatif à la TVF versée par erreur au cours de la période allant du 1er avril 1990 au 31 décembre 1990. À la première page du formulaire, sous la rubrique « Raison du remboursement », l’appelante a écrit [traduction] « trop‑payé de TVF sur la vente de marchandises exonérées ». Elle n’a mentionné nulle part des papiers‑mouchoirs ou papiers hygiéniques.

 

[8]               Dans un lettre datée du 10 juillet 1992, Rhea L. Lust, directrice du marketing de l’appelante qui a préparé le formulaire de l’appelante daté du 15 mai 1992, a écrit à Revenu Canada et a expliqué dans les termes suivants la nature de la demande produite par l’appelante :

[traduction] La demande de remboursement de 2 848 844 $ produite par Les Papiers Scott Limitée à l’égard des paiements de la taxe de vente fédérale (TVF) versés en trop sur des ventes de papiers‑mouchoirs vise à protéger notre droit d’obtenir un remboursement ultérieurement.

 

Il semble que des concurrents et d’autres entreprises aient agi ainsi dans des circonstances semblables.

 

La Commission du tarif a conclu dans la décision C.I.P. (Facelle Division) que les papiers‑mouchoirs n’étaient pas considérés comme étant des marchandises relatives à la santé, mais plutôt des cosmétiques aux fins d’application de la Loi sur la taxe d’accise. Compte tenu de cela, les alinéas 2(1)d) et 50(5)g) de la Loi sont particulièrement pertinents.

 

Selon l’alinéa 2(1)d), les personnes qui vendent, autrement que dans un magasin de détail exclusivement et directement aux consommateurs, des cosmétiques qui n'ont pas été fabriqués par elles au Canada sont considérées des fabricants. Par ailleurs, aux termes de l’alinéa 50(5)g), la taxe de vente n’est pas exigible sur les cosmétiques vendus à des personnes réputées être des fabricants selon l’alinéa 2(1)d) susmentionné.

 

Vu la jurisprudence relative aux papiers‑mouchoirs, il est clair que les Papiers Scott peuvent avoir payé par erreur la taxe de vente sur les ventes de certains clients; par conséquent, une demande de remboursement a été produite.

 

Nous comprenons que cette question n’est pas tranchée et qu’elle fait actuellement l’objet de discussions aux bureaux de l’Accise à Ottawa : notre seul objectif est de protéger notre droit à remboursement, advenant que ce droit soit confirmé.

 

Par conséquent, veuillez SVP traiter la demande de la façon que vous jugerez appropriée eu égard aux circonstances.

[Non souligné dans l’original.]

 

[9]               Il convient de souligner que la demande de l’appelante a été produite sur une base préventive. En effet, comme l’indique la lettre de Mme Lust en date du 10 juillet 1992, l’appelante s’est appuyée, pour produire sa demande, sur la décision C.I.P. c. Sous‑ministre du Revenu national (1986), 12 C.E.R. 112, rendue en 1986, où la Commission du tarif a conclu que les papiers‑mouchoirs étaient des « cosmétiques », décision maintenue par la Cour d’appel fédérale (Sous-ministre du Revenu national c. C.I.P. (1988), 17 C.E.R. 3 (C.A.F.); A.C.F. no 582 (Q.L.)). Bien que les « cosmétiques » n’étaient pas des marchandises assujetties à la taxe lorsque cette décision a été rendue, ils le sont devenus en vertu de la Loi en 1989, d’où l’importance de cette décision.

 

[10]           Quand l’appelante a produit sa demande en mai 1992, elle savait que Kimberly-Clark Canada Inc. (Kimberly-Clark), une de ses concurrentes, avait demandé un remboursement à l’égard de la taxe payée par erreur tant sur des papiers‑mouchoirs que sur du papier hygiénique. Par souci d’exhaustivité, je dois ajouter que le ministre a rejeté la demande de Kimberly-Clark dans un avis de détermination daté du 23 septembre 1993, par suite de quoi Kimberly-Clark a produit un avis d’opposition daté du 17 décembre 1993. Dans un avis de détermination daté du 19 septembre 1994, le ministre a rejeté l’avis d’opposition de Kimberly-Clark et confirmé l’avis de détermination.

 

[11]           La preuve indique clairement que lorsqu’elle a produit sa demande, le 15 mai 1992, l’appelante n’a pas demandé un remboursement à l’égard de la taxe versée par erreur sur du papier hygiénique. Mme Rosemary Anderson, qui, à tous les moments pertinents pour la présente procédure était employée à titre de comptable par Price Waterhouse et est la personne ayant traité pour le compte de l’appelante avec Revenu Canada pour la demande depuis au moins mars 1995, a déclaré que le montant demandé par l’appelante n’incluait pas la taxe versée par erreur sur le papier hygiénique. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi l’appelante n’avait pas fait de demande à l’égard du papier hygiénique, elle a répondu que John Reid, président de l’appelante, [traduction] « […] était très sceptique en ce qui concerne le volet papier hygiénique de la demande. Et ils l’ont produite à la hâte. » Aux pages 58, 59 et 60 de la transcription de la déposition qu’elle a faite devant le TCCE le 11 septembre 2001, on trouve les réponses de Mme Anderson aux questions de l’avocat de la Couronne qui la contre‑interrogeait :

[traduction] Mme TURLEY : Maintenant, vous avez dit à plusieurs reprises lors de votre interrogatoire principal que la demande de remboursement a été produite sur le fondement de la décision CIP?

 

Mme ANDERSON : Exact.

 

Mme TURLEY : Et la décision CIP ne porte que sur les papiers‑mouchoirs, vous le savez?

 

Mme ANDERSON : Oui. La décision CIP, ils savaient que Kimberly-Clark pensait que la décision CIP s’appliquerait aussi au papier hygiénique lors de la production de cette demande. Mais la décision CIP portait sur les papiers‑mouchoirs, oui.

 

Mme TURLEY : Alors, vous me dites qu’ils savaient, au moment de la production de la demande en mai 1992, que Kimberly‑Clark avait fait une demande de remboursement?

 

Mme ANDERSON : Oui, ils le savaient.

 

Mme TURLEY : Pourquoi alors, en plus des 2,8 millions qui ne se rapportent qu’aux papiers‑mouchoirs, n’ont‑ils pas inclus les ventes de papier hygiénique?

 

Mme ANDERSON : Selon moi, c’est parce qu’ils étaient – John Reid était très sceptique en ce qui concerne le volet papier hygiénique de la demande. Et ils l’ont produite à la hâte.

 

Mme TURLEY : Alors, John Reid a-t-il été consulté? Vous avez dit qu’il était « sceptique ». A-t-il été consulté lorsque cette demande de remboursement a été produite en mai 1992?

 

Mme ANDERSON : Il en a probablement vu une copie, ou il aurait, en tant que président ou PDG, été au courant. Il avait des réunions avec Jacques Roberge et Rhea Lust, selon ce que m’ont expliqué Rhea et John. Il connaissait très bien Jacques.

 

Mme TURLEY : Maintenant, seriez‑vous d’accord avec moi pour dire que toute la correspondance à partir de la date de production de la demande de remboursement en mai 1992 jusqu’à la fin novembre 1999, toutes vos communications, toutes les communications de Scott et toutes vos communications pour le compte de Scott, n’ont trait qu’aux ventes de papiers‑mouchoirs?

 

Mme ANDERSON : Oui.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[12]           Dans un avis de détermination daté du 21 septembre 1993, le ministre a rejeté la demande de l’appelante au motif qu’elle avait [traduction] « à bon droit acquitté la taxe » sur les ventes de ses papiers‑mouchoirs et que, par conséquent, la taxe payée par l’appelante n’avait pas été versée par erreur.

 

[13]           L’appelante a donc déposé un avis d’opposition daté du 9 décembre 1993, faisant valoir que les papiers‑mouchoirs sont des « cosmétiques » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi et qu’ils ne sont donc pas des marchandises assujetties à la taxe aux termes de l’alinéa 50(5)g). Pour étayer sa position, l’appelante a invoqué la décision CIP, précitée. L’appelante a joint à son avis d’opposition un document intitulé [traduction] « Ajout à l’avis d’opposition : Les Papiers Scott Limitée » où elle a fait valoir ce qui suit :

[traduction]

·         Les Papiers Scott Limitée (Scott) fabriquent des papiers‑mouchoirs et d’autres produits de papier. Le 20 mai 1992, Scott a produit une demande de remboursement pour la taxe de vente fédérale remise sur les ventes de papiers‑mouchoirs effectuées au cours de la période allant du 1er avril 1990 au 31 décembre 1990, à des personnes qui étaient visées par la description de « fabriquant ou producteur » du paragraphe 2(1) de la Loi sur la taxe d’accise et qui étaient détentrices d’une licence conformément à cette loi.

 

·         Cette demande de remboursement a été faite conformément à la décision C.I.P. Inc. c. Ministre du Revenu national (A-673-86) où la Cour fédérale a statué que les papiers‑mouchoirs étaient inclus dans la définition de « cosmétiques », terme défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur la taxe d’accise.

 

·         L’alinéa 50(5)g) de la Loi sur la taxe d’accise prévoit que « [p]ar dérogation au paragraphe (1), la taxe de consommation ou de vente n'est pas exigible sur les marchandises suivantes : […] celles vendues à une personne, ou importées par une personne, visée à l'alinéa d) de la définition de « fabricant ou producteur » au paragraphe 2(1) qui est un fabricant titulaire de licence sous le régime de la présente loi, si elles sont des cosmétiques ». Par conséquent, Scott n’avait pas l’obligation de payer la taxe de vente fédérale sur ces marchandises.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[14]           Dans une lettre datée du 14 mars 1995, l’appelante a confirmé avoir convenu de laisser sa demande en suspens en attendant la décision de la Cour fédérale concernant la demande de remboursement de Kimberly-Clark. Le 12 mars 1998, la Cour fédérale a conclu que tant les papiers‑mouchoirs que le papier hygiénique sont des « cosmétiques » aux fins d’application de la Loi et qu’ils ne sont donc pas assujettis à la taxe (voir Kimberly-Clark Canada Inc. c. S.M.R., (1998) 145 FTR 265 (1re inst.)).

 

[15]           Suivant la décision Kimberly-Clark, précitée, Revenu Canada a procédé à la vérification de la demande de l’appelante. Plus exactement, le 24 juin 1998, en réponse à une demande de Revenu Canada, l’appelante lui a remis une annexe à l’appui du montant sollicité dans sa demande. Il est important de souligner que tous les documents de travail, renseignements et écrits fournis par l’appelante ne se rapportent qu’aux ventes de papiers‑mouchoirs. L’appelante a fourni précisément les documents suivants :

1.                   une copie de la demande de remboursement initiale avec une annexe à l’appui indiquant que la demande portait sur des ventes de papiers‑mouchoirs à des grossistes détenteurs d’une licence au cours de la période allant du 1er avril 1990 au 31 décembre 1990;

2.                   des calculs montrant le montant réel de la taxe de vente fédérale versée par Les Papiers Scott Limitée pendant un mois type (juillet 1990) de la période visée par la demande ainsi qu’une copie de la déclaration de la taxe de vente fédérale et des chèques s’y rapportant;

3.                   la liste des ventes de papiers‑mouchoirs aux consommateurs pour la période visée par la demande.

 

[16]           Au cours de la vérification, Revenu Canada a fait savoir à l’appelante qu’elle n’approuverait pas la totalité du montant de la demande uniquement sur le fondement de la TVF versée par erreur sur ses ventes de papiers‑mouchoirs. Par conséquent, en novembre 1999, l’appelante a pour la première fois informé Revenu Canada qu’elle était d’avis que ses ventes de papier hygiénique faisaient partie de la demande. Plus précisément, dans une lette datée du 9 décembre 1999, Rosemary Anderson de Price Waterhouse, se fondant sur la décision Kimberly-Clark, a écrit à Revenu Canada que la demande de l’appelante couvrait aussi la taxe payée par erreur sur le papier hygiénique et a, à cette fin, joint de la documentation concernant les ventes de papier hygiénique.

 

[17]           Revenu Canada a fini par décider que l’appelante ne pourrait pas ajouter le papier hygiénique à sa demande parce que sa demande datée du 15 mai 1992 n’incluait pas la taxe versée par erreur sur les ventes de papier hygiénique et que la demande de remboursement à l’égard de ces marchandises n’avait, par conséquent, pas été faite dans la période de deux ans prescrite à l’article 68 de la Loi.

 

[18]           Par conséquent, dans un avis de décision daté du 30 mai 2000, la demande par laquelle l’appelante a cherché à obtenir un remboursement de la TVF versée par erreur à l’égard de ses ventes de papier hygiénique a été rejetée. La demande de l’appelante à l’égard des papiers‑mouchoirs a toutefois été accueillie pour un montant de 1 684 444 $. Il convient d’ajouter que l’appelante a reçu, le 24 mars 2004, un autre remboursement de 445 813 $ de Revenu Canada. Elle a ainsi obtenu un remboursement de 2 130 257 $ au titre de la taxe versée par erreur sur ses ventes de papiers‑mouchoirs.

 

[19]           En rejetant les appels de l’appelante, tant le TCCE que la Cour fédérale ont conclu que la demande de l’appelante pour le remboursement de la taxe versée par erreur à l’égard de ses ventes de papier hygiénique n’a pas été faite dans le délai prescrit à l’article 68. Pour arriver à cette conclusion, tant le TCCE que la juge Heneghan ont estimé qu’il est essentiel, lors de la production d’une demande en vertu de cet article, d’indiquer la nature des marchandises à l’égard de laquelle on allègue l’erreur.

 

[20]           J’examinerai maintenant le jugement visé par l’appel.

 

La décision de la Cour fédérale

[21]           L’appelante a porté appel de la décision du TCCE devant la Cour fédérale conformément à l’article 81.4 de la Loi et l’appel a été entendu comme un procès de novo. Les parties n’ont toutefois pas présenté de preuve, sauf une série de courriels que les employés de Revenu Canada se sont échangés, mais se sont fondées sur la preuve documentaire et les transcriptions des dépositions faites devant le TCCE. Le 3 octobre 2005, la juge Heneghan a rejeté l’appel de l’appelante.

 

[22]           La juge a commencé son analyse en déterminant la démarche à suivre pour interpréter l’article 68 de la Loi. Elle a conclu que cette démarche était énoncée par la Cour suprême dans l’arrêt Rizzo and Rizzo Shoes Ltd. (Re.), [1998] 1 R.C.S. 27, qui endosse la méthode moderne d’interprétation des lois énoncée par Elmer A. Driedger dans l’ouvrage Construction of Statutes, 2e éd., (Toronto : Butterworth, 1983), à la page 87 :

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

 

[23]           La juge a ensuite souligné que le principe énoncé dans l’arrêt Rizzo, précité, avait été adopté par la Cour suprême dans tous les domaines du droit, y compris le droit fiscal, et, pour étayer cette affirmation, elle a cité les arrêts de la Cour suprême Entreprises Ludco Ltée c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1082, aux paragraphes 36 et 37, Markevich c. Canada, [2003] 1 R.C.S. 94, au paragraphe 12, et Canada (Sous‑ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 100, au paragraphe 41.

 

[24]           Au paragraphe 52 de ses motifs, la juge a exposé la méthode à suivre pour interpréter les lois :

[52]         Pour interpréter une loi, la Cour doit examiner plusieurs questions. Tout d’abord, elle doit analyser les mots et se demander s’ils sont utilisés dans leur sens ordinaire, ou s’il y a une ambiguïté ou un manque de clarté. Deuxièmement, le contexte de la loi doit aussi être examiné, pour ce qui est de l’historique de la disposition en question, de l’esprit de la loi, de l’objet de la loi et des considérations de politique qui ont amené le législateur à adopter cette loi.

 

[25]           Pour appliquer cette méthode d’interprétation à l’article 68 de la Loi, la juge a examiné la question de savoir si les mots qui sont employés dans cet article sont utilisés dans leur sens ordinaire ou s’il y a ambiguïté. Elle a conclu que la disposition ne peut être comprise en s’appuyant uniquement sur le « sens ordinaire » des mots. Au paragraphe 54 de ses motifs, elle a expliqué pourquoi elle est arrivée à cette conclusion :

[54]         […] Le degré de précision exigé pour établir la portée de l’expression « versé des sommes d’argent par erreur » ne peut être déterminé en suivant le sens ordinaire du texte de la Loi. À mon avis, il est évident que, pour que le délai de prescription de deux ans s’applique, il faut pouvoir raisonnablement déterminer quelles sont les sommes qui ont été versées par erreur.

 

[26]           Par conséquent, la juge a examiné d’autres aspects contextuels de la méthode moderne d’interprétation, notamment les considérations de politique ayant mené au délai de prescription de l’article 68. Selon elle, l’intention du législateur en imposant un délai de prescription était d’assurer une constance dans le règlement des demandes de remboursement. De l’avis de la juge, il devait y avoir constance non seulement à l’égard du temps, mais aussi de la nature et de la portée du remboursement réclamé. Sur ce fondement, la juge a statué que l’intention du législateur ne serait pas respectée si la catégorie de biens visés n’était pas déterminée. Par conséquent, une demande rédigée en termes généraux ne respecte pas les exigences de l’article 68.

 

[27]           De plus, se fondant sur la preuve présentée, la juge a conclu que l’appelante a consciemment décidé de limiter sa demande à la TVF payée sur ses ventes de papiers‑mouchoirs. Par conséquent, sa demande pour les sommes d’argent versées par erreur sur les ventes de papier hygiénique était prescrite aux termes de l’article 68 de la Loi.

 

Analyse

[28]           Pour les motifs qui suivent, je conclus que le présent appel devrait être rejeté. Je suis parvenu à cette conclusion pour deux raisons.

 

[29]           La première, qui est, à mon avis, suffisante pour trancher l’appel, est que la preuve indique clairement que, lorsqu’elle a produit sa demande en mai 1992, l’appelante ne demandait pas, et n’avait pas l’intention de demander, un remboursement à l’égard de la taxe versée par erreur à l’égard de ses ventes de papier hygiénique.

 

[30]           Le témoignage de Mme Anderson est déterminant à cet égard. Elle a déclaré que bien que l’appelante sût que Kimberly-Clark avait fait une demande de remboursement à l’égard du papier hygiénique comme des papiers‑mouchoirs, l’appelante avait limité sa demande aux papiers‑mouchoirs parce son président « […] était très sceptique en ce qui concerne le volet papier hygiénique de la demande ». La déposition de Mme Anderson était compatible avec l’ensemble de la preuve à ce sujet. La correspondance entre l’appelante et Revenu Canada, y compris la documentation soumise à l’appui de la demande, n’avait trait qu’aux taxes payées sur les ventes de papiers‑mouchoirs. Plus précisément, la lettre de Mme Lust datée du 10 juillet 1992, dans laquelle l’appelante a fourni les détails de sa demande, limite celle‑ci aux « paiements de la taxe de vente fédérale (TVF) versés en trop sur des ventes de papiers‑mouchoirs […] ».

 

[31]           Il importe également de signaler l’avis d’opposition déposé par l’appelante, lequel a fait suite à l’avis de détermination du ministre daté du 21 septembre 1993 qui rejetait la demande. Dans son avis d’opposition, l’appelante a expressément déclaré que [traduction] « [l]e 20 mai 1992, Scott a produit une demande de remboursement pour la taxe de vente remise relativement aux ventes, effectuées au cours de la période allant du 1er avril 1990 au 31 décembre 1990, de papiers‑mouchoirs, […] ».

 

[32]           La preuve indique aussi clairement que le montant réclamé par l’appelante ne se fondait que sur le calcul de la taxe versée à l’égard de ses ventes de papiers‑mouchoirs au cours de la période pertinente.

 

[33]           La preuve montre aussi que ce n’est qu’en novembre 1999 que l’appelante a envisagé d’ajouter à sa demande la TVF versée sur ses ventes de papier hygiénique, lorsqu’elle a réalisé que le montant demandé de 2 848 844 $ ne serait pas complètement recouvré. À cet égard, je souhaite souligner que bien que la décision Kimberly-Clark ait été rendue le 12 mars 1998, l’appelante n’a pas cherché à ajouter à sa demande la TVF payée sur ses ventes de papier hygiénique avant novembre 1999, c.-à-d. presque 20 mois plus tard.

 

[34]           Par conséquent, il ne fait pas de doute que lorsqu’elle a produit sa demande le 15 mai 1992, l’appelante ne cherchait à obtenir un remboursement que pour la taxe payée par erreur à l’égard de ses ventes de papiers‑mouchoirs. Je ne vois donc pas comment elle peut soudainement dire, à l’automne 1999, sur le fondement du libellé large de sa demande et, en particulier des mots « trop‑payé de TVF sur la vente de marchandises exonérées », que sa demande inclut une réclamation pour un remboursement de la taxe versée par erreur sur ses ventes de papier hygiénique.

 

[35]           La deuxième raison pour laquelle je suis parvenu à la conclusion que l’appel devrait être rejeté est que, si l’on interprète correctement cet article, la demande de remboursement de l’appelante pour la taxe payée par erreur à l’égard de ses ventes de papier hygiénique ne satisfait pas aux exigences de l’article 68.

 

[36]           Les parties ont préconisé des méthodes d’interprétation différentes pour l’article 68. On a plaidé, pour le compte de l’appelante, que la règle du « sens ordinaire » régit l’interprétation les lois fiscales. L’appelante se fonde plus précisément sur l’arrêt Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, où la Cour suprême a affirmé, aux pages 326 et 327 :

Même si les tribunaux doivent examiner un article de la Loi de l'impôt sur le revenu à la lumière des autres dispositions de la Loi et de son objet, et qu'ils doivent analyser une opération donnée en fonction de la réalité économique et commerciale, ces techniques ne sauraient altérer le résultat lorsque les termes de la Loi sont clairs et nets et que l'effet juridique et pratique de l'opération est incontesté.

 

 

 

[37]           L’appelante s’est également appuyée sur l’arrêt de la Cour suprême Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, où la juge McLachlin, maintenant Juge en chef, a écrit, au paragraphe 40, que l’objet général et l’esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l’obligation d’appliquer une disposition non équivoque de la Loi. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée.

 

[38]           L’appelante prétend que le libellé de l’article 68 n’exige pas que soit précisée la nature de l’erreur ayant donné lieu à la taxe versée en trop. Par conséquent, selon le sens clair de l’article, lorsque des sommes d’argent sont payées par erreur, peu importe la nature de l’erreur, un montant égal à ces sommes doit être remboursé si la personne qui a effectué le paiement présente simplement une demande de remboursement dans les deux ans suivant le paiement des sommes.

 

[39]           Quelle que soit la méthode d’interprétation appropriée, l’appelante soutient que la juge n’aurait pas dû conclure que l’article 68 exigeait que la nature de l’erreur et le type de marchandises en cause soient précisées dans la demande de remboursement alors que cela n’était indiqué nulle part à l’article 68. À l’appui de cet argument, l’appelante se fonde sur l’arrêt de la Cour suprême Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, au paragraphe 27, où le juge Major a affirmé qu’il existe un principe fondamental en matière d’interprétation des lois selon lequel un tribunal ne devrait pas accepter une interprétation qui nécessite l’ajout de mots, lorsqu’il existe une autre interprétation acceptable qui ne requiert aucun ajout de cette nature.

 

[40]           L’intimée n’est pas d’accord avec la position de l’appelante et fait valoir que la règle du « sens ordinaire » a cédé la place à la méthode moderne d’interprétation des lois selon laquelle toutes les lois, y compris les lois fiscales, doivent être interprétées de manière textuelle, contextuelle et téléologique. À l’appui de cette position, l’intimée se fonde entre autres sur l’arrêt de la Cour suprême Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] A.C.S. no 56, 2005 CSC 54, au paragraphe 11.

 

[41]           L’intimée prétend que la juge a eu raison d’examiner les considérations de politique qui ont mené au délai de prescription de deux ans de l’article 68. Elle ne pouvait pas ne pas tenir compte de l’objet et de la raison d’être de la disposition en cause comme le laisse entendre l’appelante.

[42]           En réponse à l’argument de l’appelante selon lequel la juge a commis une erreur en estimant que l’article 68 exigeait que la nature de l’erreur et le type de marchandises en cause soient précisées dans la demande de remboursement, l’intimée fait valoir que la juge n’a pas ajouté de mots au libellé de l’article. Au contraire, la juge Heneghan a appliqué le principe d’interprétation téléologique et a conclu que les sommes d’argent versées par erreur doivent être facilement identifiables pour donner un sens et un effet au délai de prescription de deux ans de l’article 68. Si on acceptait l’interprétation de l’article 68 donnée par l’appelante, on arriverait à un résultat absurde car le délai de prescription prévu à cet article perdrait sa valeur.

 

[43]           Enfin, l’intimée fait valoir que, selon le paragraphe 72(2) de la Loi, des demandes doivent être faites en la forme prescrite et contenir les renseignements prescrits.

 

[44]           À mon avis, la méthode qui doit guider l’interprétation de l’article 68 est énoncée par la Cour suprême dans l’arrêt Trustco Canada, précité, où la Juge en chef et le juge Major ont, au nom d’une cour unanime, écrit au paragraphe 10 :

[10]          Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation.  Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux. [Non souligné dans l’original.]

 

[45]           Ainsi, bien que l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique soit appropriée pour interpréter l’article 68, si le libellé de la disposition est « précis et non équivoque », le sens ordinaire des mots aura beaucoup de poids pour l’interprétation de la disposition. Cependant, si le libellé de l’article 68 peut avoir plus d’un sens raisonnable, le sens ordinaire des mots aura moins de poids.

 

[46]           Après un examen attentif des mots utilisés à l’article 68, la juge a conclu que la disposition n’était pas suffisamment précise. Elle a, par conséquent, examiné les autres aspects contextuels de la méthode moderne d’interprétation des lois, ce qui a l’a amenée à se pencher sur les considérations de politique à l’origine du délai de prescription prévu à l’article 68. Celles‑ci l’ont amenée à conclure que la demande de l’appelante ne satisfaisait pas aux exigences de la disposition quant à la TVF payée sur les ventes de papier hygiénique. Pour parvenir à cette conclusion, la juge a clairement dit qu’il est nécessaire, pour faire une demande en vertu de l’article 68, d’indiquer la nature du produit auquel le remboursement sollicité se rapporte. Au paragraphe 59 de ses motifs, elle a écrit :

[59]         À mon avis, si la catégorie de biens visés n’est pas déterminée, cela fait effectivement obstacle à l’intention du législateur qui souhaitait imposer un délai de prescription.

 

[47]           Bien que je souscrive à l’interprétation de l’article 68 faite par la juge, je n’estime pas que le libellé de l’article est ambigu ou imprécis. Au contraire, il ne permet à mon avis qu’une seule interprétation raisonnable. Ainsi, le sens ordinaire de ces mots doit, pour reprendre les termes de la Cour suprême dans l’arrêt Trustco Canada, précité, « joue[r] un rôle primordial dans le processus d’interprétation ».

 

[48]           L’appelante fait valoir que l’article 68 n’indique nulle part que doit être précisée la nature de l’erreur ayant donné lieu au paiement en trop. Avec égard, ce point de vue n’est nullement fondé selon moi.

 

[49]           L’article permet à une personne qui a payé des taxes par erreur d’obtenir un remboursement. Les mots clés de la version anglaise de l’article sont, à mon avis, « applies therefor ». La version française utilise les mots « si elle en fait la demande ». Par conséquent, pour qu’une personne obtienne un remboursement pour les sommes d’argent versées par erreur, elle doit « en faire la demande » dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes. Cela signifie nécessairement que la personne doit faire une demande pour les sommes d’argent payées par erreur. À mon avis, cela ne peut être fait sans préciser l’erreur qui est au cœur de la demande de remboursement. Pour préciser l’erreur, il est essentiel d’indiquer les marchandises auxquelles le paiement de TVF se rapporte étant donné que, sans cette information, rien n’explique l’erreur et, par conséquent, il n’y a aucune possibilité de remboursement par Revenu Canada parce que Revenu Canada ne serait pas en mesure de faire le calcul des sommes à rembourser.

 

[50]           Pour en revenir à la présente affaire, l’explication de l’appelante dans le formulaire N-15 produit le 15 mai 1992, à savoir « trop‑payé de TVF sur la vente de marchandises exonérées », est, à mon avis, complètement inutile. Cette information ne pourrait jamais donner lieu à un remboursement puisque la demande ne comporte pas d’objet.

 

[51]           À mon avis, non seulement le libellé de l’article 68 ne peut avoir qu’un seul sens raisonnable, mais cela est encore plus évident lorsqu’on lit cet article avec le paragraphe 72(2) qui prévoit que la demande de remboursement « doit être faite en la forme prescrite et contenir les renseignements prescrits ». Le formulaire N-15, à savoir la forme prescrite, utilisé par l’appelante pour faire sa réclamation, exige clairement que la personne sollicitant un remboursement indique la raison pour laquelle elle le demande. Même si le contexte est légèrement différent, dans la décision Riverside Concrete Ltd. c. Canada, [1995] 2.C.F. 309, le juge Rothstein, maintenant juge à la Cour suprême du Canada, s’est penché sur le sens de l’article 68 et du paragraphe 72(2). Au paragraphe 32 de ses motifs, il a expliqué pourquoi une personne qui cherche à obtenir un remboursement a besoin de fournir l’information requise en la forme prescrite :

 

[32]         […] Le législateur a établi une procédure par laquelle, en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, les contribuables peuvent demander des remboursements. La première étape de cette procédure est de présenter une demande de remboursement au moyen de la formule prescrite, conformément au paragraphe 72(2) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, art. 34]. Cette formule existe probablement pour répondre au besoin de Revenu Canada d’obtenir des renseignements précis afin d’être en mesure de vérifier la validité et le montant du remboursement demandé. Le ministre délivre ensuite un avis de détermination conformément au paragraphe 72(6) [mod., idem]. Le contribuable peut ensuite déposer un avis d’opposition conformément à l’article 81.17 [édicté, idem, art. 38]. Par la suite, le ministre délivre un avis de décision en vertu du paragraphe 81.17(5). Aux termes des articles 81.19 [édicté, idem; L.R.C., 1985 (4e suppl.), ch. 47, art. 52] et 81.2 [édicté par L.R.C., 1985 (2e suppl.), ch. 7, art. 38; (4e suppl.), ch. 47, art. 52], le contribuable peut en appeler d’un avis de décision défavorable auprès du T.C.C.E. ou de la Cour fédérale. C’est ce qu’a fait Pick-a-Mix Concrete Limited, qui a interjeté appel devant le T.C.C.E., suivant toute la procédure prescrite à partir du dépôt de l’avis d’opposition.  [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[52]           Je ne conclus bien évidemment pas que la demande de l’appelante, produite le 15 mai 1992, ne satisfait pas aux exigences de l’article 68 dans la mesure où elle vise un remboursement à l’égard de la taxe payée sur les ventes de papiers‑mouchoirs. Cette question ne nous est pas soumise et a déjà été traitée par les parties. Pour les besoins du présent appel, je me contente de lire la réclamation de l’appelante conjointement avec la lettre datée du 10 juillet 1992 de Mme Lust où, en effet, l’appelante a fourni l’information qui, à mon avis, aurait dû être fournie lors de la production de la réclamation.

 

[53]           Avant de conclure, je souhaite aborder une dernière question. L’appelante a fait valoir que la juge a commis une erreur en ne concluant pas qu’elle s’était conformée à la procédure de Revenu Canada relativement aux demandes de remboursement, à savoir que sa demande a respecté la procédure bien connue et de longue date de Revenu Canada pour la production et le traitement des demandes de remboursement en vertu de l’article 68, laquelle a été révélée par une série de courriels que se sont échangés des employés de Revenu Canada.

 

[54]           À mon avis, cet argument ne saurait être retenu. Je suis entièrement d’accord avec la juge pour dire que tout ce que les courriels établissent est qu’il existe des divergences d’opinions parmi les fonctionnaires de Revenu Canada quant à la question de savoir si la demande de l’appelante était suffisamment large pour inclure la taxe versée sur ses ventes de papier hygiénique. Au paragraphe 64 de ses motifs, la juge a écrit :

[64]         La nouvelle preuve qui a été déposée, qui se compose d’une série de courriels échangés entre les fonctionnaires de l’ADRC, ne modifie pas la situation, à mon avis. Tout au plus, ces courriels indiquent qu’il y avait des divergences d’opinions quant à savoir si la N15 visait un remboursement se rapportant au papier hygiénique. Il semble que Mme Watson ait été d’avis que la demande de remboursement était suffisamment large. D’autres, notamment M. Janmohamed, ne partageaient pas ce point de vue. Au bout du compte, la question de savoir si la demande de remboursement de taxes répond aux exigences de la Loi est une question d’interprétation de la Loi et les nouveaux éléments de preuve déposés ne nous aident pas à cet égard.

 

 

 

Conclusion

[55]           J’estime que la juge de première instance n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en tirant ses conclusions. L’interprétation préconisée par l’appelante est, à mon avis, totalement irraisonnable et mène au résultat que le délai de prescription prévu à l’article 68 perd complètement sa valeur.

 

[56]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« M. Nadon »

Juge

 

 

 

« Je souscris aux présents motifs

            A.M. Linden, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

            B. Malone, juge »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-513-05

 

(APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉ DU 3 OCTOBRE 2005, DOSSIER DE LA COUR T-1270-02)

 

INTITULÉ :                                                                           LES PAPIERS SCOTT LIMITÉE c. S.M.R.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 16 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE NADON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LINDEN

                                                                                                LE JUGE MALONE

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 17 NOVEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

THOMAS B.AIKIN

MICHAEL E.BARRACK

BRIAN C.PEL

 

POUR L’APPELANTE /

DEMANDERESSE

 

ANN M.TURLEY

JENNIFER FRANCIS

POUR L’INTIMÉE /

DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MCCARTHY TÉTRAULT LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANTE /

DEMANDERESSE

 

JOHN H. SIMS, C.R.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE /

DÉFENDERESSE

 

 

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