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Date : 20061213

Dossier : A-500-06

Référence : 2006 CAF 406

 

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

NOVOPHARM LIMITED

appelante

et

JANSSEN-ORTHO INC. et

DAIICHI PHARMACEUTICAL CO., LTD.

intimées

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 12 décembre 2006

Ordonnance rendue à Toronto (Ontario), le 13 décembre 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                            LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20061213

Dossier : A-500-06

Référence : 2006 CAF 406

 

 

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

 

NOVOPHARM LIMITED

appelante

et

 

JANSSEN-ORTHO INC. et

DAIICHI PHARMACEUTICAL CO., LTD.

intimées

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LA JUGE SHARLOW

[1]               L’appelante, Novopharm Limited, sollicite un sursis à l’exécution du jugement rendu par le juge Hughes le 17 octobre 2006 (2006 CF 1234). Ce jugement déclare que la revendication 4 du brevet canadien no 1,304,080 (le brevet 080) est valide et a été contrefaite par Novopharm, et il accorde certaines réparations, notamment une injonction qui a pris effet le 17 novembre 2006 et une ordonnance prescrivant la destruction des produits contrefaits ou leur remise aux intimées. L’avis de requête de l’appelante visant à obtenir un sursis a été déposé le 29 novembre 2006.

Historique du litige

[2]               Le brevet canadien n1,304,080 s’intitule « Dérivés pyridobenzoxazine optiquement actifs, et leurs intermédiaires ». La revendication 4 est rédigée comme suit :

4.  acide (S)-(-)-9-fluoro-3-méthyl-10-(4-méthylpipérazin-1-yl)-7-oxo-2,3-dihydro-7H-pyrido[1,2,3-de][1,4]benzoxazine-6-carboxylique.

  

[3]               Le brevet a été délivré et accordé à l’intimée Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd. le 23 juin 1992, et il expirera le 23 juin 2009. L’intimée Janssen-Ortho Inc. est titulaire d’une licence à l’égard du brevet. Le nom abrégé du composé désigné dans la revendication 4 est lévofloxacine. La lévofloxacine est le principal ingrédient d’un médicament appelé Levaquin, un antibiotique que Janssen vend au Canada depuis 1997. Elle est aussi l’ingrédient principal du Novo‑Levofloxacin, que Novopharm offre sur le marché canadien depuis 2004.

[4]               Le 6 décembre 2004, Janssen et Daiichi ont intenté contre Novopharm une action en contrefaçon de brevet dans laquelle ils alléguaient que la fabrication et la vente du Novo‑Levofloxacin contrefaisaient le brevet 080. Novopharm a déposé une défense et demande reconventionnelle invoquant l’invalidité du brevet 080. Les questions ont été circonscrites de telle sorte qu’au stade de l’instruction, seule la revendication 4 du brevet 080 demeurait en litige. La contrefaçon a été admise et la seule question qu’il restait à trancher concernait la validité de la revendication. 

[5]               L’instruction a eu lieu en septembre et en octobre 2006. Le jugement porté en appel a été rendu le 17 octobre 2006. Le juge a conclu à la validité de la revendication 4.

[6]               L’un des motifs d’invalidité invoqués au soutien de l’action en contrefaçon était l'évidence. Le même argument, pour l’essentiel, avait été avancé et rejeté dans le cadre d’une demande d’ordonnance d’interdiction en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd., 2004 CF 1631, appel rejeté en raison de son caractère théorique; Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd., 2005 CAF 6, demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée, [2005] 1 R.C.S. 776). Or, la jurisprudence de la Cour établit clairement que les conclusions relatives à la contrefaçon et à l’invalidité d’un brevet dans une demande d’ordonnance d’interdiction ne constituent pas des décisions finales, mais des conclusions provisoires à des fins de réglementation restreintes. C’est pourquoi il était loisible à Janssen et Daiichi d’intenter une action afin d’obtenir une réparation pour la contrefaçon malgré le rejet de leur demande d’ordonnance d’interdiction.

[7]               Les parties conviennent que les principes juridiques applicables sont ceux formulés dans l’arrêt RJR – MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Les intimées reconnaissent qu’il est satisfait au premier critère pour l’obtention d’un sursis, soit l’existence d’une question sérieuse à trancher en appel. Il reste à décider si l’appelante subira un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé et, dans l’affirmative, si la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’un sursis. 

[8]               Novopharm allègue qu’elle subira deux sortes de préjudice irréparable. Le premier est l’atteinte à sa réputation. Je conviens qu’une atteinte irréparable à la réputation peut contribuer à justifier l’octroi d’un sursis. La question est de savoir si la preuve de Novopharm étaye sa prétention à cet égard.

[9]               Novopharm fait valoir qu’elle a consacré beaucoup de temps et de ressources à se bâtir une solide réputation d'entreprise qui offre le premier accès aux médicaments génériques les plus récents et qui a la capacité d’assurer un approvisionnement stable, et elle affirme que si un sursis n’est pas accordé en l’espèce, sa réputation sera définitivement compromise à compter du moment où ses clients ne pourront plus compter sur elle pour se procurer du Novo-Levofloxacin.

[10]           Des éléments de preuve crédibles établissent la bonne réputation de Novopharm. Je suis disposée à admettre que les clients de Novopharm peuvent bien croire en effet ce que Novopharm semble leur dire, à savoir que Novopharm se distingue des autres fabricants de médicaments génériques en ce qui a trait au premier accès et à la stabilité de l’approvisionnement. J’admets également que le Novo-Levofloxacin est un produit très important pour Novopharm, même s’il n’est que l’un des 190 produits de la société et ne génère approximativement que 2 % de ses recettes de ventes, parce que ce produit est le médicament générique le plus vendu dont Novopharm est l’unique fournisseur. J’accepte enfin que si Novopharm ne peut plus offrir du Novo‑Levofloxacin à ses clients, certains d’entre eux sont susceptibles, à la longue, de s’adresser à d’autres fournisseurs pour se procurer des médicaments à base de lévofloxacin et, éventuellement, d’autres produits.

[11]           En revanche, je suis incapable de conclure, suivant la prépondérance de la preuve à partir du dossier dont je suis saisie, qu’une interruption dans l’approvisionnement de Novo‑Levofloxacin portera irrévocablement atteinte à la bonne réputation de Novopharm pour ce qui est du premier accès et de la stabilité de l’approvisionnement alors que cette interruption découle, en l’occurrence, d’une décision judiciaire défavorable. Je n’ai aucun motif de conclure que les clients de Novopharm estimeront contre toute raison que, puisque Novopharm ne semble pas avoir réussi à contrôler le résultat de la présente poursuite judiciaire, elle n’est pas digne de sa bonne réputation.

[12]           Novopharm soutient également qu’elle subira un préjudice financier irréparable si le sursis n’est pas accordé et si l’appel est accueilli parce qu’elle aura perdu des ventes qu’elle ne pourra jamais récupérer, et aussi parce qu’elle est susceptible de perdre d’autres ventes de façon permanente. Cette allégation n’est pas sans fondement. Toutefois, Janssen et Daiichi se déclarent disposées à prendre un engagement suivant le modèle adopté par le juge Evans dans l’arrêt Apotex Inc. c. Merck & Co., Inc., 2006 CAF 198, solution qui répondra en tous points aux préoccupations de Novopharm quant aux pertes financières. Cet engagement est formulé comme suit :

[traduction] Les intimées s’engagent à se conformer à toute ordonnance que la Cour pourra rendre relativement à des dommages‑intérêts si l’appel interjeté par [l’appelante] du jugement rendu par le juge [nom du juge] dans le dossier [numéro de dossier] est accueilli et s'il s'avère finalement que ce jugement a causé à [l’appelante] un préjudice nécessitant indemnisation de la part des intimées, et ce, entre la date où la Cour rejette la requête en sursis et celle où elle fait droit à l’appel.

 

 

[13]           Il est reconnu qu’un tel engagement prévoit l’indemnisation de toutes les pertes financières subies par Novopharm comme conséquence directe ou indirecte de l’injonction, si le sursis n’est pas accordé et si l’appel est accueilli.

[14]           Novopharm prétend que cette formule d’engagement est insuffisante parce que la période visée prend fin au moment du jugement sur l’appel. Novopharm soutient que ses pertes, si le sursis n’est pas accordé, se poursuivront pendant une période indéterminée même après le jugement sur l’appel parce qu’il s’écoulera un certain temps avant qu’elle rétablisse ses relations avec ses clients et reprenne son marché. L’avocat de Janssen indique que sa cliente est disposée à souscrire un engagement en vertu duquel la période de calcul du préjudice subi se prolongera pendant un délai raisonnable après le jugement sur l’appel. Il suggère un délai de deux à six mois parce que cette période correspond au temps jugé nécessaire par Novopharm pour réinscrire son produit dans les formulaires provinciaux. L’avocat de Daiichi déclare pour sa part que sa cliente n’est pas prête à accepter de prolonger le délai de l’engagement.

[15]           À mon avis, un engagement conforme au modèle précité et incorporant la période supplémentaire proposée répondrait pleinement à l’allégation de préjudice financier irréparable formulée par Novopharm. Dans la mesure où cet engagement est donné, je conclus que Novopharm n’a pas établi qu’elle subira un préjudice irréparable. La période de l’engagement devrait être prolongée d’environ quatre mois après la date du jugement sur l’appel. 

[16]           Il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la prépondérance des inconvénients, mais je le ferai néanmoins ce critère ayant fait l’objet de plaidoiries exhaustives. On ne m’a pas convaincue que l’octroi d’un sursis causerait un préjudice irréparable à Janssen ou à Daiichi. Le sursis aurait pour effet de maintenir la situation qui existe depuis l’époque où, en 2004, Novopharm a accédé au marché, en concurrence avec Janssen et Daiichi. Cette situation était préjudiciable pour ces dernières, mais il s’agit d’un préjudice susceptible d’indemnisation.

[17]           Janssen et Daiichi sollicitent une instruction accélérée de l’appel. Leur demande est raisonnable, pour autant qu’elles prennent l’engagement décrit ci-dessus. Il est possible d’instruire cet appel à Toronto les 13 et 14 mars 2007, et tous les avocats ont indiqué que ces dates d’audience leur convenaient. Une ordonnance sera rendue en conséquence.

 

« K. Sharlow »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-500-06

 

INTITULÉ :                                                                           NOVOPHARM LIMITED

                                                                                                c.

                                                                                                JANSSEN-ORTHO INC. et

                                                                                                DAIICHI PHARMACEUTICAL CO., LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 12 DÉCEMBRE 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 13 DÉCEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

David W. Aitken

Marcus Klee

 

POUR L’APPELANTE

 

Neil Belmore, Ken Clark, Michael Charles,

Andrew I. McIntosh, Joshua W. Spicer

 

POUR LES INTIMÉES

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Bereskin & Parr

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉES

 

 

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