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Date : 20061213

Dossier : A-46-06

Référence : 2006 CAF 405

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

RENÉ-LUC GOSSELIN

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 11 décembre 2006.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 13 décembre 2006.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE NADON

                                                                                                                       LE JUGE PELLETIER

 


 

Date : 20061213

Dossier : A-46-06

Référence : 2006 CAF 405

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

RENÉ-LUC GOSSELIN

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Les questions en litige

 

[1]               L’appelant conteste la seule condition spéciale, outre les conditions usuelles obligatoires, qui lui fut imposée par la Commission nationale des libérations conditionnelles (Commission). Il l’a fait sans succès, par voie de contrôle judiciaire, devant la Cour fédérale. Il s’attaque maintenant en appel à cette décision adverse du juge Simon Noël de la Cour fédérale (juge).

 

[2]               La condition, écrite dans un style un peu alambiqué, se lit ainsi :

Interdiction de toute rencontre et/ou de toute communication non fortuite avec toute personne qu’il sait avoir, ou dont il a des raisons de croire, qu’elle a un casier judiciaire (selon l’interprétation donnée par la CNLC le 4 février 1991), - ou qu’elle est reliée directement ou indirectement au milieu de la drogue.

 

 

Les prétentions de l’appelant

 

[3]               Au soutien de son appel, l’appelant qui se représente seul, prétend que le juge s’est trompé en qualifiant de preuve nouvelle qu’il a exclue quatre documents qui, à son avis, sont des preuves dont la Commission pouvait et devait prendre une connaissance d’office à cause de la nature même de ses fonctions. En d’autres termes, cette preuve n’était pas nouvelle pour la Commission et faisait partie de son champ de connaissance et d’expertise. Le juge aurait donc dû l’accepter lorsqu’elle lui fut soumise.

 

[4]               En outre, l’appelant reproche au juge de s’être trompé en statuant que la condition spéciale qui lui fut imposée ne violait pas l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

 

[5]               Il soumet également que le juge a démontré de la partialité en ignorant l’essence même de la demande de contrôle judiciaire de l’appelant, en orientant la discussion vers des questions étrangères à sa demande et en adjugeant sur la question en l’absence de la preuve nouvelle qu’il voulait introduire.

 

Les faits

 

[6]               Les faits pertinents à l’exercice du présent appel peuvent se résumer ainsi. L’appelant a été arrêté le 7 juin 2000. Il fut jugé et trouvé coupable. Depuis le 19 octobre 2001, il purge un premier terme de pénitencier d’une durée de neuf (9) années pour complot d’importation de cocaïne et possession d’armes.

 

[7]               L’arrestation s’est faite alors qu’il devait transporter 50 kilos de cocaïne d’Halifax à Montréal. En octobre 2003, la Commission révisait le dossier de l’appelant. Elle lui permettait une semi-liberté tout en lui imposant une condition de non-association avec des gens du milieu de la drogue. Il s’agit de la condition ci-auparavant citée.

 

[8]               Le 23 août 2004, la Commission ordonnait la libération totale de l’appelant, toujours sujet à cette condition particulière. Après une contestation à l’interne, la Commission maintenait sa décision d’imposer la condition en litige. En avril 2005, la Section d’appel de la Commission rejetait l’appel de l’appelant et affirmait la décision de la Commission ainsi que la condition imposée. De là, le litige en Cour fédérale et devant nous.

 

Analyse de la décision du juge

a)                  L’allégation de partialité du juge

 

[9]               Je disposerai de la question de l’allégation de partialité du juge en premier lieu car celle-ci est, à mon avis, sans fondement. Cette allégation résulte d’une méprise de l’appelant quant au rôle du juge saisi d’une contestation en vertu de l’article 7 de la Charte et d’une demande d’admission d’une preuve nouvelle.

 

[10]           En ce qui a trait à la contestation sous l’article 7, le juge a examiné le droit enfreint par la clause de non-association avec le milieu criminalisé de la drogue. Il s’est également demandé si l’atteinte à la liberté de l’appelant, découlant de la condition imposée, avait été faite en conformité avec les principes de justice fondamentale. Il a suivi le cheminement que les décisions des tribunaux supérieurs lui enseignent. Il n’y a, de toute évidence, aucune manifestation de partialité dans le fait de se conformer à la loi pour l’analyse d’une question relevant de l’article 7 de la Charte.

 

[11]           Est aussi sans mérite l’allégation de l’appelant que le juge a orienté la discussion vers des sujets étrangers à sa demande. Le juge s’est interrogé sur la question des principes de justice fondamentale afin de déterminer si la condition imposée par la Commission violait ces principes. Il a cité l’arrêt Bryntwick c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1987] 2 C.F. 184 (C.F.) où il fut jugé qu’une condition en partie semblable à celle de l’appelant avait été imposée en conformité avec les préceptes fondamentaux de notre système juridique. Or, l’appelant aurait voulu que, sur cette question, le juge examine l’ensemble du processus décisionnel de la Commission menant à cette décision. La preuve au dossier révèle que la condition fut imposée par la Commission au terme du processus prévu par la loi, avec droit d’appel qui fut exercé par l’appelant, et que l’appelant s’est fait entendre à chacune des étapes de ce processus. Il est évident que le juge, même s’il ne l’a pas dit expressément, estimait ce processus conforme aux principes de justice fondamentale.

 

[12]           Au surplus, la détermination que le juge fait de son rôle sous l’article 7, même si elle devait s’avérer erronée, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence, n’entraîne pas nécessairement une conclusion ou une inférence de partialité.

 

[13]           Enfin, l’appelant reproche injustement au juge d’avoir fondé sa décision sur un vacuum factuel ce qui, je le dis, n’est aucunement le cas. La position prise par le juge fut de dire que, même si la preuve nouvelle avait été admise, sa conclusion au mérite eût été la même. Cette preuve consistait en :

 

a)      un extrait d’un document du Service correctionnel Canada de 2001 contenant des statistiques et des faits concernant le système carcéral canadien;

 

b)      un article tiré de l’hebdomadaire Photo Police non daté;

c)      un article du quotidien La Presse, daté du 10 novembre 2002; et

d)      un article du Journal de Montréal en date du 26 mars 2005.

 

 

[14]           Il semble bien que le juge ait conclu que ces documents n’avaient que peu de valeur probante par rapport à la question de droit qu’il était appelé à décider. Il est difficile de voir en quoi la conclusion du juge quant à la pertinence et à l’utilité de cette preuve nouvelle révèle une quelconque partialité de sa part.

 

 

 

b)                  La connaissance d’office de la preuve nouvelle

 

[15]           L’appelant soumet, à tort à mon humble avis, que la Commission devait prendre connaissance d’office des données contenues dans les quatre documents ci-auparavant mentionnés.

 

[16]           Il n’existe pas de preuve au dossier que les faits relatés dans ces documents sont si notoires que cette notoriété rend leur existence raisonnablement incontestable ou, encore, qu’il s’agit de faits dont l’existence peut être démontrée immédiatement et exactement par le recours à des sources facilement accessibles dont l’exactitude est incontestable : R. c. Williams [1998] 1 R.C.S. 1128, à la page 1156.

 

[17]           Il s’agit là d’une condition essentielle pour qu’il puisse en être pris une connaissance d’office. J’ajouterais qu’après les avoir lus, je partage l’opinion du juge qu’ils n’influent en rien sur la validité et la légalité de la condition de non-association.

 

[18]           En outre, ces documents n’ont jamais été portés à la connaissance de la Commission et aucune demande ne fut faite à celle-ci de les considérer. Or, pour ce qui est du juge à qui ils furent soumis, leur contenu ne relevait pas de son expertise. Il ne pouvait donc en prendre une connaissance d’office.

 

 

 

c)                  La condition de non-association imposée par la Commission

 

[19]           Trois conditions sont nécessaires qu’il y ait transgression par l’appelant de la condition qui lui a été imposée. Il faut :

 

a)      que la rencontre ou la communication ne soit pas fortuite (au paragraphe 26 de sa décision, le juge a erronément référé à des rencontres fortuites, mais cette erreur n’affecte pas sa décision);

 

b)      que l’appelant sache ou ait des raisons de croire;

c)      que la personne possède un casier judiciaire ou qu’elle est reliée directement ou indirectement au milieu de la drogue.

 

[20]           L’appelant se méprend lorsqu’il soutient que sa responsabilité est engagée s’il rencontre, même fortuitement, des gens qui possèdent un casier judiciaire alors qu’il ignore ce fait. Ce n’est là définitivement ni le sens, ni la portée de la condition. Celle-ci contient les balises que j’ai énumérées, lesquelles en réduisent le champ d’application et accordent à l’appelant des moyens de défense à l’encontre d’une allégation qu’il y a eu bris de condition.

 

[21]           En fait, il est apparu évident à l’audience que ce que l’appelant conteste, ce n’est pas tant la condition elle-même que le processus qui s’ensuit, lorsqu’il y a allégation que la condition a été violée, et qui vise à déterminer le bien-fondé de cette allégation. L’appelant soutient que le processus est arbitraire, que ses droits y sont bafoués et qu’il se voit imposer le fardeau de prouver qu’il n’a pas manqué aux obligations que lui impose la condition de non-association.

 

[22]           À mon humble avis, il s’agit d’une question à la fois prématurée et purement théorique qui n’était ni devant le juge, ni devant nous et sur laquelle il n’y a pas lieu de nous prononcer.

 

[23]           Après révision du jugement dont il est fait appel, des pièces au dossier et des mémoires des faits et du droit des parties, je suis satisfait que le juge n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a conclu qu’il n’était pas déraisonnable dans les circonstances d’imposer une telle condition à l’appelant et que la condition elle-même n’était ni excessive, ni imprécise, quoique contraignante.

 

[24]           De même je ne vois aucun motif d’intervenir dans cette conclusion du juge que la condition de non-association a été imposée dans le respect des principes de justice fondamentale.

 

[25]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.           

 

 

« Je suis d’accord

              Marc Nadon j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

              J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                 A-46-06

 

 

APPEL DE L’ORDONNANCE DE L’HONORABLE JUGE SIMON NOËL, DE LA COUR FÉDÉRALE, DU 5 JANVIER 2006, NO DU DOSSIER T-705-05.

 

 

INTITULÉ :                                                                RENÉ-LUC GOSSELIN c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                          Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                        Le 11 décembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                  LE JUGE NADON

                                                                                     LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                               Le 13 décembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. René-Luc Gosselin

(pour son propre compte)

POUR L’APPELANT

 

 

Me Nadia Hudon

 

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

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