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Date : 20070126

Dossier : A-291-06

A-406-06

Référence : 2007 CAF 22

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE RYER

                       

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

HONEYWELL LIMITED

intimée

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 16 janvier 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 26 janvier 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                     LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                     LE JUGE PELLETIER

                                                                                                                                 LE JUGE RYER

 


 

 

Date : 20070126

Dossier : A-291-06

A-406-06

Référence : 2007 CAF 22

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE RYER

                       

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

HONEYWELL LIMITED

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                     Les présents motifs statuent sur deux appels de la Couronne qui ont été consolidés par ordonnance de la Cour. Le premier (A-291-06) attaque une décision interlocutoire du juge en chef Bowman de la Cour canadienne de l’impôt (2006 DTC 325), rejetant certaines des modifications de fond demandées par la Couronne dans sa réponse à l’avis d’appel de l’intimée (Honeywell ou l’intimée).

 

[2]                     Le second appel (A-406-06) attaque une ordonnance modifiée rendue par le juge en chef Bowman le 26 septembre 2006, à la suite d’une requête en réexamen dans laquelle il avait autorisé un grand nombre des modifications demandées qui avaient été omises par inadvertance dans la première ordonnance, mais en avait refusé d’autres.

 

[3]                     Par la voie d’un appel incident, Honeywell attaque également certaines des modifications autorisées par le juge en chef Bowman à la fois dans son ordonnance initiale et dans son ordonnance modifiée.

 

[4]                     La question sous-jacente dans les appels et les appels incidents porte sur l’effet juridique de la renonciation à la période normale de nouvelle cotisation et, en particulier, sur la mesure dans laquelle le ministre du Revenu (le ministre) est restreint dans sa défense d’une nouvelle cotisation établie à la suite d’une renonciation par la question précisée dans la renonciation.

 

[5]                     Les dispositions légales applicables à l’analyse qui suit sont exposées à l’annexe A des présents motifs.

 

LES FAITS PERTINENTS

[6]                     L’intimée est la filiale canadienne d’Honeywell Inc., société par actions américaine (Honeywell É.-U.). Honeywell É.-U. était propriétaire d’un certain nombre de filiales européennes, dont Honeywell B.V. (filiale aux Pays-Bas) et Honeywell S.A. Europe (filiale belge).

 

[7]                     En 1991, l’intimée a également constitué une filiale en propriété exclusive dans les Antilles néerlandaises, Honeywell Limited Finance N.V. (Honeywell N.V.). L’intimée a effectué un emprunt de 115 000 000 de dollars canadiens auprès de divers établissements financiers, avec intérêts à payer, et a affecté les fonds à la capitalisation d’Honeywell N.V., qui les a ensuite prêtés à Honeywell B.V., avec intérêts à payer. Ces opérations constituent la base des nouvelles cotisations établies par le ministre à l’encontre d’Honeywell à l’égard des années d’imposition 1992, 1993 et 1994.

 

[8]                     Dans ces opérations, les intérêts à recevoir d’Honeywell N.V. au titre du prêt à Honeywell B.V. devraient normalement constituer du revenu étranger accumulé tiré de biens (REATB) pour Honeywell N.V. et, à ce titre, seraient imposables entre les mains d’Honeywell en vertu de l’article 91(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.) (LIR). Toutefois, lorsque des intérêts sont payés à la société étrangère affiliée d’un contribuable par une autre société étrangère affiliée du même contribuable ou par toute autre société non-résidente avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance à l’égard de fonds empruntés qui sont investis dans l’exploitation active d’une entreprise du payeur, la division  95(2)a)(ii)(B) de la LIR prévoit une exception à l’inclusion dans le REATB. Honeywell s’est prévalue de cette exception quand elle a produit ses déclarations d’impôt des années visées.

 

[9]                     Même si la lettre des conditions prévues de la division 95(2)a)(ii)(B) était remplie, le ministre s’est avisé, avant l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, qu’Honeywell avait interprété incorrectement la LIR à son avantage d’une manière ouvrant droit à l’application de la « disposition générale anti-évitement » (DGAE) prévue à l’article 245. Plus précisément, le ministre a estimé que la politique non écrite sous-tendant la disposition visée et les dispositions connexes du REATB prévoient que la société étrangère affiliée qui souhaite se prévaloir de l’avantage conféré par l’alinéa 95(2)a) doit être la société étrangère affiliée d’une société multinationale établie au Canada (paragraphe 11 du Mémoire de l’appelante). Comme Honeywell N.V. ne répondait pas à cette description (étant la propriété d’Honeywell É.-U.), le ministre a fait valoir que les dispositions du REATB avaient été incorrectement appliquées et que l’article 245 devrait s’appliquer pour reclasser les opérations et imposer Honeywell conformément à l’alinéa 12(1)c) sur les revenus d’intérêt, comme si elle avait directement consenti un prêt de 115 000 000 $ à Honeywell B.V.

 

[10]                 Toutefois, le ministre, s’appuyant sur les renonciations à la période normale de nouvelle cotisation présentées par Honeywell pour les années visées, n’a pas établi immédiatement de nouvelle cotisation. Les renonciations visaient :

[traduction] Le revenu d’intérêts fait l’objet d’une nouvelle cotisation en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu, et ce, en application de l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[11]                 Le ministre a finalement établi les nouvelles cotisations en se basant sur les termes de la renonciation.

 

[12]                 Honeywell a interjeté appel auprès de la Cour de l’impôt et, dans sa réponse à l’avis d’appel, le ministre a défendu les nouvelles cotisations selon l’analyse résumée ci-dessus au paragraphe [9].

 

[13]                 Au cours de l’échange des documents qui a précédé l’interrogatoire préalable, le ministre a pris connaissance de renseignements indiquant, à son avis, que les opérations visées par les nouvelles cotisations avaient pu faire partie d’un vaste ensemble d’opérations qui comportaient le transfert de fonds d’Honeywell à Honeywell É.-U., par la voie d’emprunts souscrits par Honeywell dont les fonds étaient transférés par l’entremise d’Honeywell N.V. et des filiales européennes d’Honeywell É.-U. à Honeywell É.-U., en vue de permettre à celle-ci d’acquitter sa dette.

 

[14]                 Se fondant sur ces renseignements, la Couronne a cherché à modifier sa réponse pour alléguer, d’une part, que les fonds n’ayant pas été affectés à l’exploitation active d’Honeywell B.V., les paiements d’intérêt de cette dernière à Honeywell N.V. constituaient un revenu tiré de biens ou du REATB pour Honeywell N.V. et, d’autre part, qu’en vertu de la DGAE les règles du REATB avaient été mal appliquées, les fonds n’ayant pas été affectés à l’exploitation active d’une entreprise. (La Couronne renvoie à ces deux groupes d’arguments en les désignant respectivement comme [traduction] « l’argument relatif au REATB » et [traduction] « l’argument subsidiaire relatif à la DGAE » (paragraphe 6 du Mémoire de l’appelante)).

 

[15]                 Honeywell a contesté ces modifications et le juge en chef Bowman a été saisi de l’affaire.

 

LA DÉCISION DE LA COUR DE L’IMPÔT

[16]                 Dans les motifs donnés à l’appui de la première ordonnance délivrée le 22 juin 2006, le juge en chef Bowman a ouvert son analyse en notant qu’en établissant les nouvelles cotisations, le ministre avait implicitement admis que les conditions du paragraphe 95(2) étaient remplies et que, par conséquent, les fonds avaient été utilisés par Honeywell B.V. dans le cadre de l’exploitation active d’une entreprise (paragraphe 9 des motifs).

 

[17]                 Le juge en chef Bowman a ensuite identifié les deux arguments avancés par Honeywell contre l’acceptation des modifications. Selon le premier, la Couronne cherchait à soulever un nouveau fondement à la cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, ce qui va à l’encontre du paragraphe 152(9) de la Loi. Le juge en chef Bowman a rapidement rejeté l’objection en s’appuyant sur l’arrêt The Queen v. Loewen, 2004 DTC 6321 de la présente Cour, selon lequel « la Couronne peut faire ce qu’elle veut dans les actes de procédure » dans la mesure où les cotisations établies ne sont pas augmentées (paragraphe 13 des motifs).

 

[18]                 Le second argument fait valoir que la Couronne est limitée par la formulation de la renonciation au fondement spécifique sur lequel ont été établies les nouvelles cotisations. Sur ce point, le juge en chef Bowman a noté que l’inclusion de l’intérêt dans le revenu en application de l’alinéa 12(1)c) en raison d’une nouvelle qualification donnée à cet intérêt en vertu de la DGAE est entièrement différente de l’inclusion du revenu hors exploitation d’une filiale étrangère dans le revenu d’une société canadienne au moyen des règles relatives au REATB (paragraphe 18 des motifs).

 

[19]                 Le juge en chef Bowman a rejeté l’idée selon laquelle le ministre était autorisé, en invoquant les renonciations, à établir un nouveau fondement justifiant les nouvelles cotisations (paragraphe 21 des motifs) :

 

a.        Cela reviendrait à faire complètement abstraction du paragraphe 152(4.01) de la Loi.

 

b.       Cela contreviendrait aux règles élémentaires d’équité. Le ministre a incité le contribuable à signer une renonciation en disant qu’il appliquerait seulement la DGAE et l’alinéa 12(1)c). Après avoir obtenu le fondement qu’il voulait pour la cotisation, le ministre dit maintenant qu’il est libre de faire ce qu’il veut. S’il n’y avait pas eu de renonciation, le ministre aurait peut‑être eu le genre de carte blanche sous‑entendue dans l’arrêt Loewen, mais comme il y a une renonciation, il faut tenir compte des restrictions imposées par le paragraphe 152(4.01). L’intimée ne peut pas faire abstraction de ces restrictions et employer des moyens détournés pour parvenir à ses fins.

 

c.     Je ne considère pas que l’expression « question précisée dans une renonciation » (« matter specified in an election ») renvoie simplement à une somme d’argent, et que la renonciation signifie « tout ce qui découle généralement de vos relations avec votre filiale Honeywell NV ». Il faut tenir compte des passages « raisonnable » et « que dans la mesure où [...] ». Je pense que le mot « question » au paragraphe 152(4.01) veut dire un point distinct ou une catégorie d’imposition distincte. [… ] De même, je pense que le fait de qualifier, en vertu de la DGAE, le revenu d’une filiale étrangère d’intérêt reçu par une société mère équivaut à faire intervenir un point ou une catégorie d’imposition fondamentalement différent d’une cotisation fondée sur un REATB, et donc une toute autre question.

 

[20]                 Le juge en chef Bowman a conclu ses motifs en indiquant les modifications qu’il autorisait et celles qu’il refusait (paragraphes 22 et 23 des motifs). Une ordonnance en conséquence a été rendue.

 

[21]                 La Couronne a alors invité le juge en chef Bowman à reconsidérer sa décision au motif qu’elle ne traitait pas de certaines modifications dont il avait été saisi. Dans une série de motifs datés du 26 septembre 2006, le juge en chef Bowman a rendu une décision au sujet des autres modifications, en autorisant certaines et en refusant d’autres.

 

[22]                 En concluant ces motifs supplémentaires, le juge en chef Bowman a expliqué qu’il s’était prononcé sur les autres modifications en conformité avec ses motifs originaux (paragraphe 14 des motifs supplémentaires) :

 

[traduction] Par conséquent, d’une façon générale, les modifications que je suis disposé à autoriser sont celles qui correspondent à la cotisation établie selon la DGAE. Les modifications que je ne suis pas disposé à autoriser sont celles qui sont reliées à la justification de la cotisation par les règles du REATB.

 

 

LA POSITION DES PARTIES

[23]                 À l’appui des deux appels, la Couronne soutient que le juge en chef Bowman, après avoir reconnu que l’argument relatif au REATB aurait été inattaquable si les nouvelles cotisations avaient été établies avant la période normale de nouvelle cotisation, ne pouvait conclure que les restrictions imposées par les renonciations produisaient un résultat différent à l’égard des nouvelles cotisations établies après la période normale de nouvelle cotisation (alinéa 25a) du Mémoire de l’appelante).

 

[24]                 À cet égard, la Couronne soutient que le juge en chef Bowman a commis une erreur en concluant que l’objet des nouvelles cotisations, tel qu’il est exposé dans les renonciations, est fondamentalement différent de celui d’une cotisation fondée sur le REATB (alinéa 25b) du Mémoire de l’appelante). Comme la cotisation porte sur un montant de revenu, la « question » mentionnée au sous-alinéa 152(4.01)a)(ii) renvoie nécessairement à un montant de revenu et la seule restriction apportée par une renonciation est le fait qu’aucune cotisation établie ne peut excéder le montant à l’égard duquel la « question » est soulevée (paragraphe 37 du Mémoire de l’appelante).

 

[25]                 Selon la Couronne, le pouvoir du ministre de soulever de nouveaux arguments, de droit ou de fait, est régi par le paragraphe 152(9) et n’est pas limité par la renonciation (paragraphe 42 du Mémoire de l’appelante). Le juge en chef Bowman a donc commis une erreur en refusant les modifications reliées à l’argument relatif au REATB au motif qu’elles relevaient d’une autre question que celle qui était précisée dans la renonciation.

 

[26]                 Pour les mêmes motifs, le juge en chef Bowman a également commis une erreur en rejetant les modifications spécifiques qu’il a refusées au titre de l’argument subsidiaire relatif à la DGAE.

 

[27]                 Les paragraphes du projet de réponse modifiée qui, selon la Couronne, ont été erronément refusés au motif des arguments précédents sont les paragraphes 18A, 21A, 21B, 21C, 21D, 23(a), 33A et 33B.

 

[28]                 Enfin, la Couronne a affirmé que les motifs supplémentaires rendus par le juge en chef Bowman ne traitaient pas non plus de la modification proposée exposée au paragraphe 24 du projet de réponse modifiée, qui visait à introduire un renvoi au paragraphe 248(10) de la Loi. Elle demande que cette erreur soit corrigée et que la modification proposée soit autorisée.

 

[29]                 Dans sa réponse aux appels, Honeywell appuie l’avis du juge en chef Bowman que la disposition relative à la renonciation (paragraphe 152(4.01)) ne justifie pas les modifications refusées, mais elle conteste le point de vue du juge en chef quand il laisse entendre que la Couronne peut faire ce qu’elle veut dans les actes de procédure en se fondant sur la jurisprudence existante. Honeywell maintient que l’argument relatif au REATB, tout comme les modifications liées à l’argument subsidiaire relatif à la DGAE qui ont été refusées, soulèvent un motif totalement nouveau de nouvelle cotisation et que le paragraphe 152(9) ne peut venir en aide à la Cour qu’au moment où le nouvel argument est invoqué.

 

[30]                 Par voie d’appels incidents, Honeywell soutient que le juge en chef Bowman a commis une erreur en autorisant les modifications de certains paragraphes liés à l’argument relatif à la DGAE (paragraphes 13A, 21E, 23(e), 23(f), 24, 25, 26, 29, 30 et 33 du projet de réponse modifiée). Elle dit que le juge en chef Bowman a eu raison de conclure que la Couronne ne peut avancer l’argument relatif au REATB, mais qu’il a eu tort d’autoriser la Couronne à inclure ces paragraphes qu’il a admis au titre de l’argument relatif à la DGAE. Honeywell fait valoir en particulier que ces paragraphes sont en contradiction avec les termes de la renonciation (paragraphe 87(b) du Mémoire d’Honeywell) et que, de toute façon, le ministre ne peut avoir recours aux nouveaux motifs qu’ils exposent en vertu du paragraphe 152(9) (paragraphe 87(c) du Mémoire d’Honeywell).

 

L’ANALYSE ET LA DÉCISION

[31]                 Même si les parties nous ont incités à le faire, j’estime qu’il n’est ni nécessaire ni opportun de chercher à trancher le débat sur l’interprétation du paragraphe 152(9) ou à établir, selon la formule du juge en chef Bowman, si le ministre peut « faire ce qu’[il] veut dans les actes de procédure » (les avocats de la Couronne ont rapidement concédé que l’affirmation était trop large). Les nouvelles cotisations que nous examinons n’ont pas été établies au cours de la période normale de cotisation mais par la suite et compte tenu des renonciations présentées par Honeywell. À mon avis, le juge en chef Bowman a correctement identifié les questions à régler en l’espèce lorsqu’il a formulé la question suivante au paragraphe 18 de ses motifs :

 

[traduction]

Compte tenu du libellé des renonciations et des restrictions figurant dans celles‑ci et dans le paragraphe 152(4.01), le ministre aurait‑il pu établir une nouvelle cotisation en se fondant sur l’alinéa 95(2)a), mais sans avoir recours à l’article 245?

 

 

[32]                 La renonciation présentée par le contribuable et acceptée par le ministre donne lieu à un compromis. Le contribuable renonce à l’avantage de la période normale de cotisation pour l’année particulière visée par la question précisée dans la renonciation et le ministre, en s’appuyant sur la renonciation, acquiert le droit d’établir une nouvelle cotisation passé la période normale de cotisation, mais exclusivement à l’égard de la question précisée dans la renonciation. Tout comme le contribuable ne peut modifier la renonciation qu’il a présentée, le ministre ne peut établir de nouvelle cotisation qui ne soit pas raisonnablement reliée à la question précisée dans la renonciation. Comme l’a souligné le juge en chef Bowman, la formulation du sous‑alinéa 152(4.01)a)(ii) établit clairement que lorsqu’il s’appuie sur une renonciation, le ministre ne peut établir de nouvelle cotisation « que dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu[e la nouvelle cotisation] se rapporte à […] une question précisée dans une renonciation présentée au ministre pour l’année […] ». Par conséquent, dans le cas où est établie une nouvelle cotisation appuyée sur une renonciation, la mention « nouvelle cotisation » du paragraphe 152(4) ne peut s’interpréter que comme une nouvelle cotisation permise par la renonciation.

 

[33]                 Il s’ensuit que si le ministre ne peut établir de nouvelle cotisation sur la base proposée dans les modifications en raison de la formulation des renonciations, le paragraphe 152(9) ne peut être interprété comme autorisant ces modifications. Il en va ainsi sans égard à l’interprétation qui peut être donnée à cette disposition dans un autre contexte.

 

[34]                 À mon avis, le juge en chef Bowman a répondu correctement à la question qu’il avait posée quand il a dit que l’inclusion de l’intérêt dans le revenu d’Honeywell, en application de l’alinéa 12(1)c) en raison d’une nouvelle qualification donnée à cet intérêt en vertu de la DGAE, est entièrement différente de l’inclusion du revenu d’intérêt de la filiale étrangère Honeywell N.V. dans le revenu d’Honeywell au moyen des règles relatives au REATB, ce que la Couronne cherche maintenant à affirmer (paragraphe 18 des motifs). En réalité, la prémisse qui sous-tend la nouvelle cotisation est qu’Honeywell B.V., société non-résidente avec laquelle l’intimée a un lien de dépendance, affectait les fonds empruntés à l’exploitation active d’une entreprise, ce qui implique que les conditions du paragraphe 95(2) étaient respectées, alors que la prémisse qui sous‑tend l’autre cotisation est que les fonds n’avaient pas cette utilisation et que le paragraphe 95(2) ne s’appliquait pas.

 

[35]                 En fin de compte, le juge en chef Bowman a conclu, faisant référence aux termes du paragraphe 152(4.01), que l’inclusion proposée du REATB dans le revenu d’Honeywell n’est pas un élément dont il est raisonnable de considérer qu’il se rapporte à la question précisée dans la renonciation. Il était loisible au juge en chef Bowman de tirer cette conclusion à la lumière du dossier dont il était saisi et j’estime pour ma part que la conclusion est correcte.

 

[36]                 La Couronne fait aussi valoir que le juge en chef Bowman a commis une erreur en refusant d’autoriser les modifications qu’il a accueillies au titre de l’argument subsidiaire relatif à la DGAE. La Couronne reconnaît dans son Mémoire que les arguments relatifs à la DGAE sont fondés sur la prémisse que les fonds empruntés n’ont pas été affectés par Honeywell B.V. à l’exploitation active d’une entreprise (paragraphe 6 du Mémoire de l’appelante) et il est manifeste que le juge en chef Bowman a rejeté les paragraphes refusés parce qu’ils sont en contradiction avec la prémisse sous-jacente de la renonciation, à savoir que les conditions de l’alinéa 95(2)a) avaient été remplies. Le juge en chef Bowman pouvait donc conclure que les paragraphes qu’il a refusés ne se rapportaient pas d’une manière raisonnable à la question précisée dans la renonciation.

 

[37]                 S’agissant enfin de l’observation de la Couronne portant que le juge en chef Bowman aurait dû autoriser la référence au paragraphe 248(10) dans les actes de procédure de la Couronne (paragraphe 24 du projet de réponse modifiée), qu’il suffise de dire que cette disposition prévoit une définition qui s’applique « Pour l’application de la présente loi » dans tous les cas où les faits donnant lieu à l’application de la disposition sont établis ou présumés. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de modifier les actes de procédure pour faire référence à cette disposition.

 

[38]                 Voilà qui décide les appels de la Couronne.

 

[39]                 Les appels incidents peuvent être décidés rapidement. Le juge en chef Bowman a autorisé certains des paragraphes proposés reliés à l’argument relatif à la DGAE dans la mesure où ils n’affirmaient pas que les dispositions du REATB n’avaient pas été respectées ou n’attaquaient pas la prémisse selon laquelle les fonds empruntés avaient été affectés par Honeywell B.V. à l’exploitation active d’une entreprise. Sous cette réserve, les paragraphes autorisés par le juge en chef Bowman permettent d’invoquer la DGAE à l’égard de la série d’opérations dont la réalisation est maintenant alléguée.

 

[40]                 Sur ce point, le juge en chef Bowman a noté dans ses motifs la position de M. Chambers selon laquelle la DGAE peut être utile en ce qu’elle permet à la Couronne de retracer les fonds à travers les diverses filiales européennes (paragraphe 10 des motifs). Il a ensuite déclaré, au paragraphe 11 :

 

Je ne formule aucun commentaire concernant le bien‑fondé de ces affirmations. Ma seule fonction en tant que juge saisi de la requête est de décider si la Couronne a le droit de modifier sa réponse pour soulever ces nouveaux arguments.

 

 

[41]                 Étant donné que les modifications visées cherchent à fournir le tableau global des opérations que les nouvelles cotisations tentent de reclasser selon la DGAE, le juge en chef Bowman avait le loisir de conclure qu’elles se rapportaient d’une manière raisonnable à la question précisée dans les renonciations.

 

[42]                 Enfin, s’il est loisible au ministre d’établir de nouvelles cotisations sur le fondement de ce qui est maintenant proposé dans ces paragraphes en vertu des renonciations, le paragraphe 152(9) ne peut logiquement être interprété comme interdisant au ministre d’obtenir les modifications recherchées. Par conséquent, l’appel incident d’Honeywell doit aussi être rejeté.

 

[43]                 Je serais d’avis de rejeter les deux appels et l’appel incident et, compte tenu de l’issue de la cause, j’ordonnerais aux parties d’assumer leurs propres dépens.

 

 

 

« Marc Noël »

Juge

 

« Je souscris à ces motifs,

J.D. Denis Pelletier, juge. »

 

« Je souscris à ces motifs,

            C. Michael Ryer, juge. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


ANNEXE A

 

CADRE LÉGISLATIF

91. (1) Dans le calcul du revenu pour une année d’imposition d’un contribuable résidant au Canada, il doit être inclus, relativement à chaque action qui lui appartient dans le capital-actions d'une société étrangère affiliée contrôlée du contribuable, à titre de revenu tiré de l'action, le pourcentage du revenu étranger accumulé, tiré de biens, de toute société étrangère affiliée contrôlée du contribuable, pour chaque année d'imposition de la société affiliée qui se termine au cours de l'année d'imposition du contribuable, égal au pourcentage de participation de cette action, afférent à la société affiliée et déterminé à la fin de chaque telle année d'imposition de cette dernière.

 

95. (2) Détermination de certains éléments du revenu étranger accumulé, tiré de biens. Pour l’application de la présente sous-section :

 

a) il doit être inclus dans le calcul du revenu provenant d’une entreprise exploitée activement d’une société étrangère affiliée d’un contribuable :

 

(i) tout revenu provenant de sources situées dans un pays étranger et qui serait autrement un revenu de biens ou d’une entreprise autre qu’une entreprise exploitée activement, dans la mesure où il appartient ou se rapporte de manière accessoire à l’exploitation active d’une entreprise exploitée dans un pays étranger par la société affiliée ou par toute autre société non-résidente avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance,

 

(ii) tout montant payé ou payable à la société affiliée et, dans le cas où celle-ci est l’associée d’une société de personnes, sa part de tout montant payé ou payable à la société de personnes :

 

(A) soit par une autre société étrangère affiliée du contribuable,

 

(B)  soit par une autre société non-résidente avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance,

 

dans la mesure où ce montant est ou serait déductible si la société non-résidente était une société étrangère affiliée du contribuable, dans le calcul du montant considéré, aux termes du règlement, comme étant son revenu tiré d’une entreprise exploitée activement autre qu’une entreprise exploitée par elle au Canada;

[…]

 

 

152 (4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration:

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année;

[…]

(4.01) Malgré les paragraphes (4) et (5), la cotisation, la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire à laquelle s'appliquent les alinéas (4)a) ou b) relativement à un contribuable pour une année d'imposition ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu'elle se rapporte à l'un des éléments suivants:

a) en cas d'application de l'alinéa (4)a) :

(i) une présentation erronée des faits par le contribuable ou par la personne ayant produit la déclaration de revenu de celui-ci pour l'année, effectuée par négligence, inattention ou omission volontaire ou attribuable à quelque fraude commise par le contribuable ou cette personne lors de la production de la déclaration ou de la communication de quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii) une question précisée dans une renonciation présentée au ministre pour l'année;

b) en cas d'application de l'alinéa (4)b) :

(i) la cotisation, la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire à laquelle s'applique le sous-alinéa (4)b)(i),

(ii) la cotisation ou la nouvelle cotisation visée au sous-alinéa (4)b)(ii),

(iii) l'opération visée au sous-alinéa (4)a)(iii),

(iv) le paiement ou le remboursement visé au sous-alinéa (4)b)(iv),

(v) la réduction visée au sous-alinéa (4)b)(v),

(vi) l'application visée au sous-alinéa (4)b)(vi).

[…]

 

 

 

(9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

a) d'une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n'est plus en mesure de produire sans l'autorisation du tribunal;

b) d'autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

 

248(10) Séries d’opérations                          Pour l'application de la présente loi, la mention d'une série d'opérations ou d'événements vaut mention des opérations et événements liés terminés en vue de réaliser la série.

 

 

91. (1) In computing the income for a taxation year of a taxpayer resident in Canada, there shall be included, in respect of each share owned by the taxpayer of the capital stock of a controlled foreign affiliate of the taxpayer, as income from the share, the percentage of the foreign accrual property income of any controlled foreign affiliate of the taxpayer, for each taxation year of the affiliate ending in the taxation year of the taxpayer, equal to that share's participating percentage in respect of the affiliate, determined at the end of each such taxation year of the affiliate.

 

 

 

95. (2) Determination of certain components of foreign accrual property income. – For the purposes of this subdivision,

 

(a)  in computing the income from an active business of a foreign affiliate of a taxpayer there shall be included

 

 

(i)  any income from sources in a country other than Canada that would otherwise be income from property or a business other than an active business, to the extent that it pertains to or is incident to an active business carried on in a country other than Canada by the affiliate or any other non-resident corporation with which the taxpayer does not deal at arm’s length, and

 

 

 

 

(ii)  any amount paid or payable to the affiliate by, and, where the affiliate is a member of a partnership, the affiliate’s share of any amount paid or payable to the partnership by,

 

(A) another foreign affiliate of the taxpayer, or

 

 

(B)  any other non-resident corporation with which the taxpayer does not deal at arm’s length

 

to the extent that, in computing the amount prescribed to be its earnings from an active business other than a business carried on by it in Canada, that amount is deductible or would be deductible if the non-resident corporation were a foreign affiliate of the taxpayer;

 

 

 

152 (4) The Minister may at any time make an assessment, reassessment or additional assessment of tax for a taxation year, interest or penalties, if any, payable under this Part by a taxpayer or notify in writing any person by whom a return of income for a taxation year has been filed that no tax is payable for the year, except that an assessment, reassessment or additional assessment may be made after the taxpayer's normal reassessment period in respect of the year only if

 

(a) the taxpayer or person filing the return

(i) has made any misrepresentation that is attributable to neglect, carelessness or willful default or has committed any fraud in filing the return or in supplying any information under this Act, or

 

(ii) has filed with the Minister a waiver in prescribed form within the normal reassessment period for the taxpayer in respect of the year; or

 (4.01) Notwithstanding subsections 152(4) and 152(5), an assessment, reassessment or additional assessment to which paragraph 152(4)(a) or 152(4)(b) applies in respect of a taxpayer for a taxation year may be made after the taxpayer's normal reassessment period in respect of the year to the extent that, but only to the extent that, it can reasonably be regarded as relating to,

 

(a) where paragraph 152(4)(a) applies to the assessment, reassessment or additional assessment,

(i) any misrepresentation made by the taxpayer or a person who filed the taxpayer's return of income for the year that is attributable to neglect, carelessness or willful default or any fraud committed by the taxpayer or that person in filing the return or supplying any information under this Act, or

 

 

(ii) a matter specified in a waiver filed with the Minister in respect of the year; and

(b) where paragraph 152(4)(b) applies to the assessment, reassessment or additional assessment,

(i) the assessment, reassessment or additional assessment to which subparagraph 152(4)(b)(i) applies,

 

(ii) the assessment or reassessment referred to in subparagraph 152(4)(b)(ii),

(iii) the transaction referred to in subparagraph 152(4)(b)(iii),

(iv) the payment or reimbursement referred to in subparagraph 152(4)(b)(iv),

(v) the reduction referred to in subparagraph 152(4)(b)(v), or

(vi) the application referred to in subparagraph 152(4)(b)(vi).

 

(9) The Minister may advance an alternative argument in support of an assessment at any time after the normal reassessment period unless, on an appeal under this Act

 

(a) there is relevant evidence that the taxpayer is no longer able to adduce without the leave of the court; and

(b) it is not appropriate in the circumstances for the court to order that the evidence be adduced.

 

 

248(10) Series of transactions.                     For the purposes of this Act, where there is a reference to a series of transactions or events, the series shall be deemed to include any related transactions or events completed in contemplation of the series.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-406-06

 

 

INTITULÉ :                                                   Sa majesté la Reine

                                                                        c.

                                                                        Honeywell Limited

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 16 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE PELLETIER

                                                                        LE JUGE RYER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 26 janvier 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

L.P. Chambers, c.r.

Pascal Tétrault

 

POUR L’APPELANTE

 

Al Meghji

Martha MacDonald

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-291-06

 

 

INTITULÉ :                                                   Sa majesté la Reine

                                                                        c.

                                                                        Honeywell Limited

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 16 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE PELLETIER

                                                                        LE JUGE RYER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 26 janvier 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

L.P. Chambers, c.r.

Pascal Tétrault

 

POUR L’APPELANTE

 

Al Meghji

Martha MacDonald

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 


 

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