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Date : 20070213

Dossier : A-216-06

Référence : 2007 CAF 64

 

CORAM :      le juge LÉTOURNEAu

                        le juge SEXTON

                        le juge EVANS

 

entre :

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

appelant

 

et

ELIE ABDO

 

intimé

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 février 2007.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 13 février 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT de la cour :                                                     le juge EVANS

 


Date : 20070213

Dossier : A-216-06

Référence : 2007 CAF 64

 

CORAM :      le juge LÉTOURNEAu

                        le juge SEXTON

                        le juge EVANS

 

entre :

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

appelant

 

et

ELIE ABDO

 

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT de la cour

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 13 février 2007)

 

le juge EVANS

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration contre la décision d’un juge de la Cour fédérale qui a fait droit à la demande de contrôle judiciaire de Elie Abdo, un citoyen du Liban. Dans cette décision, le juge a annulé la décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en date du 5 juillet 2005, décision par laquelle la SAI avait rejeté un appel formé par M. Abdo contre le rejet par le ministre de sa demande de parrainage de son épouse. La décision du juge est répertoriée : Abdo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 533, 56 Imm. L.R. (3d) 6.

 

[2]               Le ministre avait fondé sa décision sur le motif que l’épouse de M. Abdo n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial selon l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des refugiés, DORS/2002‑227. À l’époque où M. Abdo a présenté sa demande de résidence permanente, son épouse n’avait pas fait l’objet d’un contrôle parce que M. Abdo n’avait pas révélé qu’il était marié.

 

[3]               Après que le juge de première instance eut rendu sa décision, la Cour a statué dans l’arrêt dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 186, 53 Imm. L.R. (3d) 171, que, pour l’application de l’alinéa 117(9)d), l’expression « à l’époque où » une demande de résidence permanente a été présentée s’étend jusqu’au moment où le répondant est devenu un résident permanent.

 

[4]               La question principale à trancher dans le présent appel est de savoir si la SAI a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a rejeté, pour manque de crédibilité, le témoignage de M. Abdo sur les circonstances dans lesquelles, à son arrivée au Canada, il a été admis comme résident permanent. Il a signé, auprès de l’agent d’immigration au point d’entrée, une confirmation de résidence permanente dans laquelle il a faussement déclaré être un célibataire sans personnes à charge.

 

[5]               Selon le témoignage de M. Abdo devant la SAI, il avait expliqué à l’agent d’immigration qu’il s’était marié après avoir obtenu son visa, mais qu’il n’avait pas obtenu de visa pour que sa femme soit admise à titre de membre de la catégorie du regroupement familial. Il a déclaré que l’agent d’immigration lui a dit qu’il avait deux choix : retourner au Liban et obtenir les bons documents requis pour son admission en tant qu’homme marié ou bien entrer au Canada avec son visa de résidence permanente comme célibataire et parrainer son épouse plus tard à partir du Canada. M. Abdo a déclaré qu’il a fait le second choix.

 

[6]               Si la SAI avait accepté le récit de M. Abdo sur ce qui était ressorti de l’entrevue au point d’entrée, elle aurait dû envisager l’application du paragraphe 117(10) du Règlement. Ce paragraphe exclut de l’application de l’alinéa 117(9)d) les étrangers qui y sont visés et qui n’ont pas fait l’objet d’un contrôle parce qu’un agent a décidé que la Loi n’exigeait pas qu’ils soient contrôlés.

 

[7]               Toutefois, la SAI n’a pas eu à examiner cette question, parce qu’elle n’a pas cru le témoignage de M. Abdo, au motif qu’il était fondamentalement invraisemblable qu’un agent encourage et participe à de fausses déclarations faites sciemment par un demandeur sur un fait important, plus précisément son statut matrimonial, et que l’agent donne des conseils erronés sur la possibilité pour M. Abdo, dans les circonstances, de parrainer l’admission de son épouse à partir du Canada.

 

[8]               Le juge de première instance a décidé que, lorsque la SAI a rejeté l’appel de M. Abdo au motif que son témoignage n’était pas crédible, elle a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait, contrairement à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. 7. En d’autres termes, la décision de la SAI devait être annulée puisqu’elle était fondée sur une conclusion de fait manifestement déraisonnable.

 

[9]               Le juge de première instance a conclu que, si on examinait les autres preuves qui avaient été présentées à la SAI, il n’y avait pas de fondement rationnel aux conclusions tirées par la SAI sur le manque de crédibilité. Le juge s’est principalement fondé sur la preuve suivante pour appuyer sa conclusion.

 

[10]           Premièrement, M. Abdo avait, en toute honnêteté, révélé au Bureau canadien des visas à Damas, le bureau qui lui a délivré son visa, le fait qu’il avait l’intention de se marier et il avait demandé des conseils sur les documents dont il aurait besoin pour permettre à son épouse d’aller avec lui au Canada. Les notes du STIDI de l’agent attestent cela; ces notes indiquent également qu’une réponse a été envoyée. Toutefois, aucune copie de la réponse télécopiée n’a été présentée à la SAI et M. Abdo a nié avoir reçu une réponse, preuve que la SAI a acceptée.

 

[11]           Deuxièmement, le ministre n’a pas cité comme témoin l’agent d’immigration qui avait interviewé M. Abdo au point d’entrée. Troisièmement, la SAI n’a pas tenu compte du fait que, malgré l’interdiction de territoire pour fausses déclarations, visée au paragraphe 40(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), un agent a décidé, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 44(1) de la LPIR, de ne pas rédiger de rapport circonstancié qui aurait pu entraîner l’expulsion de M. Abdo, parce qu’il existait des circonstances atténuantes.

 

[12]           Selon nous, l’invraisemblance en soi de l’explication de M. Abdo sur les circonstances dans lesquelles il a été admis en tant que résident permanent sur la base d’une fausse déclaration dans la confirmation qu’il n’était pas marié, fournissait une base rationnelle à la SAI quant à sa conclusion de manque de crédibilité, à moins qu’elle ne fût efficacement remise en cause par une autre preuve. Selon nous, elle ne l’a pas été.

 

[13]           La preuve à laquelle le juge se réfère était au mieux circonstancielle. Elle révélait que le ministre aurait pu présenter plus de preuve et ne soulevait pas plus qu’un doute sur le fait de savoir si M. Abdo avait menti à l’agent au point d’entrée. En fait, le juge a réévalué la preuve présentée à la SAI. Lorsque la Cour fédérale effectue le contrôle d’une décision de la SAI, son rôle n’est pas de décider s’il y a un fondement rationnel à une conclusion de fait. L’évaluation de la preuve ressortit à la SAI, qui est un tribunal spécialisé possédant une expertise quant aux conclusions de fait dans son domaine de compétence.

 

[14]           Pour ces motifs, l’appel sera accueilli, la décision de la Cour fédérale sera annulée et la demande de contrôle judiciaire de M. Abdo sera rejetée. Puisque la Cour y a déjà répondu par la négative dans l’arrêt dela Fuente, il ne sera pas nécessaire de répondre à la question suivante certifiée par le juge :

[traduction] « L’expression “à l’époque où cette demande a été faite”, dans l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, signifie‑t‑elle la date à laquelle la demande du répondant en vue d’obtenir un visa de résident permanent a été déposée? »

 

       « John M. Evans »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M.


cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOssier :                                                    A-216-06

 

(appel de l’ordonnance de monsieur le juge PHELAN de la cour fédérale en date du 28 avril 2006, IMM-4375-05)

 

INTITULÉ :                                                   le ministre de la citoyenneté

                                                                        et de l’immigration

                                                                        c.

                                                                        ELIE ABDO

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 13 février 2007

 

lieu de l’audience :                             TORONTO (ONTARIO)

 

MOTIFS DU JUGEMENT

de la cour :                                              (les juges LÉTOURNEAU, SEXTON et EVANS)

 

prononcés à l’audience

par :                                                              le juge EVANS

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Amina Riaz

Anshumala Juyal

 

 

pour l’appelant

 

Mario D. Bellissimo

 

 

pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

pour l’appelant

 

Ormston, Bellissimo, Rotenberg

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

pour l’intimé


 

 

Date : 20070213

Dossier : A-216-06

 

Toronto (Ontario), le 13 février 2007

 

CORAM :      le juge LÉTOURNEAu

                        le juge SEXTON

                        le juge EVANS

 

entre :

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

appelant

 

et

ELIE ABDO

 

intimé

 

 

JUGeMENT

           

            L’appel est accueilli, le jugement de la Cour fédérale est annulé et la demande de contrôle judiciaire de l’intimé est rejetée.

 

 

« Gilles Létourneau »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M.

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