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Date : 20070215

Dossier : A-304-06

Référence : 2007 CAF 66

 

CORAM :      le juge en chef RICHARD

                        la juge SHARLOW

                        le juge RYER

 

entre :

HAROLD JOHNSON

demandeur

et

le procureur général du canada

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 12 février 2007.

Jugement rendu à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 15 février 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                        la juge SHARLOW

y a souscrit :

motifs concourants :

Motifs dissidents :

 


Date : 20070215

Dossier : A-304-06

Référence : 2007 CAF 66

 

CORAM :      le juge en chef RICHARD

                        la juge SHARLOW

                        le juge RYER

 

entre :

HAROLD JOHNSON

demandeur

et

le procureur général du canada

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

la juge SHARLOW

[1]               En 2000, M. Johnson, le demandeur, a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8, parce qu’il avait des maux de dos. M. Johnson est analphabète et a étudié jusqu’en 4e année. Le seul emploi qu’il ait jamais occupé était un emploi pénible en forêt; il se servait d’une scie à chaîne pour couper des billes de bois. La dernière fois qu’il a fait ce genre de travail, c’était pendant une courte période de temps en 1998, mais il a été obligé de démissionner en raison de maux de dos. Depuis lors, il n’a pas travaillé. Il n’a pas cherché de nouvelle formation ou un autre travail.

[2]               Il n’est pas contesté que M. Johnson aurait droit à une pension d’invalidité s’il était atteint d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée au 31 décembre 1997. La question pertinente est de savoir si, à cette date‑là, il était incapable, en raison de son état de santé, de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice, si on tient compte de l’âge de M. Johnson, de son instruction, de ses aptitudes linguistiques, de ses antécédents de travail et de son expérience de la vie; voir Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, au paragraphe 38.

 

[3]               La demande de pension d’invalidité de M. Johnson a été rejetée et il a été débouté de ses appels au tribunal de révision et à la Commission d’appel des pensions. Maintenant, il demande le contrôle judiciaire de la décision de la Commission d’appel des pensions.

 

[4]               Les motifs de la décision de la Commission d’appel des pensions contiennent un résumé de la preuve et au paragraphe 16, une conclusion selon laquelle, « compte tenu de la preuve établissant que l’appelant travaillait en 1998 et de la preuve médicale peu convaincante », M. Johnson n’a pas réussi à prouver qu’il avait atteint le degré requis d’invalidité au 31 décembre 1997. La preuve de l’emploi de M. Johnson en 1998, que la Commission d’appel des pensions a qualifiée (au paragraphe 14 de ses motifs) comme étant « la preuve la plus convaincante » qui établit que le demandeur n’était pas invalide, était qu’il avait travaillé pendant deux courtes périodes de temps au début de 1998 et que les deux fois, il avait démissionné en raison de maux de dos. La Commission d’appel des pensions n’a pas déclaré ou donné à entendre que la preuve de M. Johnson sur ce point n’était pas crédible.

[5]               L’avocat de M. Johnson a avancé un certain nombre de motifs pour lesquels la décision de la Commission d’appel des pensions devrait être annulée. À mon avis, il faut ne tenir compte que de l’un de ces motifs, qui est de savoir si les motifs de la décision de la Commission d’appel des pensions sont adéquats.

 

[6]               Le critère du caractère adéquat des motifs est de savoir si le tribunal de révision est en mesure de mener un contrôle valable de la décision par rapport à la norme de contrôle applicable. Dans la présente affaire, la décision manifestement déraisonnable est la norme de contrôle, ce qui signifie que la décision ne peut pas être maintenue si elle est clairement irrationnelle ou de toute évidence non conforme à la raison ou si elle est à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir; voir Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 52.

 

[7]               Il n’y a aucune preuve médicale pour 1997 ou 1998. Le rapport d’un médecin généraliste, établi en 2000, confirme que M. Johnson n’était pas, à ce moment‑là, en mesure d’assumer les aspects les plus pénibles de son emploi précédent en forêt, mais ajoute qu’il n’y a pas d’autre emploi auquel il puisse accéder. Le même médecin a donné à entendre en 2001 que M. Johnson pourrait être en mesure d’effectuer des travaux légers, mais il a noté que la capacité de M. Johnson de trouver du travail serait limitée dans la région où il vit et par son manque de compétence en lecture et en écriture. Dans la même année, un médecin spécialiste a rédigé un avis selon lequel il ne trouvait aucune base physique au mal de dos de M. Johnson. En 2006, un autre médecin a déclaré que M. Johnson était à l’époque incapable d’effectuer des travaux physiques pénibles ou qu’il était incapable de toute occupation qui nécessiterait d’être debout ou assis ou de marcher pendant de longues périodes ou de se pencher et de soulever des poids de façon répétitive.

 

[8]               Ainsi, même si aucune des preuves ne portait directement sur la situation de M. Johnson en 1997, il y avait des preuves qui, mises en commun avec les propres preuves incontestées de M. Johnson sur son expérience de travail au début de 1998 et les raisons qu’il avait données pour justifier son inaptitude à continuer à travailler à ce moment‑là, auraient pu être interprétées en faveur de la demande de M. Johnson. La Commission d’appel des pensions n’a pas expliqué pourquoi elle n’a pas choisi d’interpréter la preuve de cette façon et je ne suis pas en mesure d’établir, à partir du dossier, pourquoi elle a fait ce choix. Je suis tenu de conclure qu’il s’agit ici d’une de ces rares occasions où il n’est pas possible de mener un contrôle judiciaire significatif.

 

[9]               Pour ce motif, j’accueillerais la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens, j’annulerais la décision de la Commission d’appel des pensions et je renverrais l’appel de M. Johnson à un tribunal différemment constitué de la Commission d’appel des pensions pour nouvel examen.

 

« K. Sharlow »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M.


cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOssier :                                              A-304-06

 

INTITULÉ :                                             HAROLD JOHNSON

                                                                  c.

      le procureur général du CANADA

 

lieu de l’audience :                       Halifax (nouvelle‑écosse)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                     le 12 février 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

et ordonnance :                             la juge Sharlow

 

DATE DES MOTIFS :                            le 15 février 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gary A. Richard

 

pour le demandeur

Jennifer Hockey

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Burchell MacDougall

Truro (Nouvelle‑Écosse)

 

pour le demandeur

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

pour le défendeur

 

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