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Date : 20070214

Dossier : A-27-06

Référence : 2007 CAF 72

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE EVANS

 

ENTRE 

LA BANQUE ROYALE DU CANADA

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

et

 

L’ASSOCIATION DES BANQUIERS CANADIENS

 

intervenante

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 14 février 2007

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 14 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT de la cour :                                   LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Date : 20070214

Dossier : A-27-06

Référence : 2007 CAF 72

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE EVANS

 

ENTRE :

LA BANQUE ROYALE DU CANADA

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

et

 

L’ASSOCIATION DES BANQUIERS CANADIENS

 

intervenante

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT de la cour

(Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 14 février 2007)

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]               Il s’agit d’un appel du jugement du juge Bowie (le juge) de la Cour canadienne de l’impôt, rendu le 21 avril 2005. Le juge a rejeté l’appel de l’appelante concernant sa nouvelle cotisation en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, L.R. 1985, ch. E-15 (la Loi). L’appelante s’est vu refuser des crédits de taxe sur les intrants (CTI) qu’elle avait réclamés au motif qu’elle fournissait des services de succursale qui constituaient des fournitures taxables en vertu de la partie IX de la Loi.

 

[2]               Après avoir entendu la preuve et les observations des parties, le juge a conclu que les services de succursale offerts par l’appelante à sa filiale à cent pour cent, Fonds d’investissement Royal Inc. (FIRI), « étaient des services financiers exonérés de la taxe et que les intrants y afférents ne donnaient donc pas droit à des CTI » : voir le paragraphe 19 des motifs du jugement.

 

[3]               Pour en arriver à cette conclusion, le juge a tiré un certain nombre de conclusions qui, à notre avis, étaient des conclusions mixtes de fait et de droit. Ces conclusions sont susceptibles d’être contrôlées par la Cour uniquement si elles révèlent une erreur manifeste et dominante : voir l’arrêt Riverfront Medical Evaluations Ltd. cSa Majesté la Reine, 2002 CAF 341.

 

[4]               Le juge a conclu que le personnel de l’appelante était des employés de l’appelante et non des employés de FIRI : voir les paragraphes 14 et 15 des motifs du jugement. Les employés agissaient à double titre, c’est-à-dire qu’ils fournissaient des services à l’appelante et, lorsque nécessaire, à FIRI. Le juge a examiné la structure organisationnelle de même que les activités de l’appelante et de FIRI. À notre avis, il y avait amplement de preuve pour appuyer sa conclusion.

 

[5]               L’avocat de l’appelante allègue que la question de savoir qui était l’employeur du personnel fourni par l’appelante n’était pas pertinente. Il prétend que le juge a fait de ce point une question déterminante qui a influencé et imprégné tout son raisonnement.

 

[6]               Nous ne partageons pas l’opinion de l’avocat selon laquelle ce point n’était pas pertinent. Il constituait un facteur que le juge était justifié de considérer et de peser, comme il l’a fait, avec les autres faits et circonstances entourant la fourniture de services de succursale à FIRI, y compris le fait que le personnel vendait des valeurs mobilières pour le compte de FIRI.

 

[7]               Le juge était également d’avis, tel qu’il est susmentionné, que les services de succursale offerts par l’appelante à FIRI étaient des services financiers. Les parties pertinentes de la définition de « service financier » dans l’article 123 de la Loi sont rédigées comme suit :

 

« service financier »

“financial service” means

d)        l’émission, l’octroi, l’octroi, l’attribution, l’acceptation, l’endossement, le renouvellement, le traitement, la modification, le transfert de propriété ou le remboursement d’un effet financier ;

 

(d)       the issue, granting

allotment, acceptance, endorsement, renewal, processing, variation, transfer of ownership or repayment of a financial instrument,

 

l)              le fait de consentir à effectuer un service visé à l’un des alinéas a) à i) ou de prendre les mesures en vue de l’effectuer ; 

 

(l)       the agreeing to provide, or

the arranging for, a service to in any of paragraphs (a) to (i), or

 

m)     un service visé par règlement.

 

(m)    a prescribed service,

 

La présente définition exclut :

 

But does not include

 

tles services visé par règlement.

(t)     a prescribed service;

 

[Non souligné dans l’original.]

(emphasis added)

 

[8]               Le paragraphe 4(2) du Règlement sur les services financiers (TPS/TVP), DORS/91‑26 (dans sa version modifiée) définit les services qui sont visés par règlement aux fins de l’article 123 de la Loi :

4(2) Sous réserve du paragraphe (3), pour l’application de l’alinéa t) de la définition de « service financier », au paragraphe 123(1) de la Loi, sont visés les services suivants, sauf ceux mentionnés à l’article 3 :

4(2) Subject to subsection (3), the following services, other than a service described in section 3, are prescribed for the purposes of paragraph (t) of the definition "financial service" in subsection 123(1) of the Act:

a) la communication, la collecte ou le traitement de renseignements;

(a) the transfer, collection or processing of information, and

b) les services administratifs, y compris ceux reliés au paiement ou au recouvrement de dividendes, d’intérêts, de capital, de créances, d’avantages ou d’autres montants, à l’exclusion des services ne portant que sur le paiement ou le recouvrement.

(b) any administrative service, including an administrative service in relation to the payment or receipt of dividends, interest, principal, claims, benefits or other amounts, other than solely the making of the payment or the taking of the receipt.

[Non souligné dans l’original.]

(emphasis added)

 

[9]               Essentiellement, le juge a conclu que les services fournis par l’appelante consistaient à distribuer ou à prendre des mesures aux fins de la distribution de parts des fonds communs de placement. « L'élément majeur des services de succursale que l'appelante fournissait à FIRI », a-t-il écrit, « est constitué du service même que FIRI s'était engagée à fournir aux Fonds aux termes de la clause c) de l'article 3.01 de l'entente-cadre de gestion » : voir le paragraphe 16 des motifs du jugement.

 

[10]           Dans les paragraphes 14 à 17 de ses motifs, le juge a fourni les justifications de sa conclusion. Nous sommes encore satisfaits que la preuve au dossier étayait sa conclusion et nous ne voyons aucune erreur qui, à cet égard, justifierait notre intervention. En ce qui a trait à la distribution de parts des Fonds, la preuve révèle que FIRI ne possédait aucune infrastructure qui lui permettait de distribuer ou de prendre des mesures aux fins de la distribution de parts des Fonds. Voilà les services financiers que fournissait l’appelante.

 

[11]           L’avocat de l’appelante a soutenu subsidiairement que les services de succursale étaient des services administratifs, exclus de la définition de services financiers. Nous n’avons pas cru nécessaire d’entendre l’intimée car nous étions convaincus que le juge n’a commis aucune erreur en rejetant la demande de l’appelante.

 

[12]           L’appelante fournissait des services qui étaient beaucoup plus que des services de soutien et des conseils. Les parties ont convenu que les services devaient être traités comme une seule fourniture de services et ne pas être divisés. Il est évident que la caractéristique dominante et, dirions-nous essentielle, de cette fourniture de services par des membres du personnel titulaires de permis conformément au régime de réglementation était la vente de valeurs mobilières pour le compte de FIRI, c’est-à-dire la distribution de parts des Fonds.

 

[13]           Enfin, l’appelante conteste la conclusion du juge selon laquelle le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable n’a pas été établi de manière à exempter l’appelante des pénalités imposées par le ministre et prévues à l’article 280 de la Loi. Le juge n’était pas convaincu que l’appelante avait pris toutes les mesures raisonnables pour déterminer l’interprétation qu’il convenait de donner à la loi.

 

[14]           Le dossier révèle la faiblesse des actions et des mesures prises par l’appelante pour se renseigner sur la signification des différentes dispositions de la Loi et en assurer le respect. D’après les faits présentés au juge, nous ne pouvons pas dire que sa conclusion est erronée.

 

[15]           L’avocat de l’appelante a allégué que le juge a commis une erreur en exigeant que l’appelante sollicite soit une décision de Revenu Canada soit une opinion indépendante. Selon lui, cela impose une norme trop élevée et modifie la nature et le critère du moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable.

 

[16]           Il soutient de plus que, dans des litiges ultérieurs, cela éliminerait complètement la possibilité d’invoquer le moyen de défense et entraînerait automatiquement l’imposition de pénalités si l’appelante devait ne pas tenir compte de la décision ou de l’opinion indépendante, et le rejet de sa cause.

 

[17]           Affirmer que le juge a exigé que l’appelante sollicite une décision ou une opinion indépendante nous paraît une qualification erronée de ce qu’il a dit. Il a simplement déclaré qu’il n’y avait pas de preuve que des mesures de la sorte avaient été prises, ce qui aurait pu aider à établir le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable.

 

[18]           Quant au fait que le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable serait écarté dans des litiges rejetés ultérieurement dans lesquels la décision ou l’opinion indépendante n’aurait pas été suivie, nous sommes convaincus que cela ne serait pas nécessairement le cas. Le moyen de défense doit être évalué au regard de tous les faits, y compris le bien-fondé de la décision ou de l’opinion indépendante, l’étendue de l’ambiguïté des dispositions législatives attaquées, et le caractère raisonnable de la conduite de l’appelante dans ces circonstances.

 

[19]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-27-06

 

(APPEL D’UN JUGEMENT DU JUGE BOWIE, COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, DATÉ DU 20 DÉCEMBRE 2005, DOSSIER : 2002-2478(GST)G)

 

INTITULÉ :                                                   LA BANQUE ROYALE DU CANADA

                                                                                    appelante

                                                                        et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

                                                                        et

 

                                                                        L’ASSOCIATION DES BANQUIERS CANADIENS

intervenante

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 14 FÉVRIER 2007

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR  :                                             (LES JUGES DÉCARY, LÉTOURNEAU et EVANS)

 

PRONONCÉS À

L’AUDIENCE PAR :                                    LE JUGE LÉTOURNEAU

 

COMPARUTIONS :

 

Ian MacGregor, c.r.

Al Meghji

 

 

POUR L’appelante

Harry Erlichman

John McLaughlin

 

John B. Laskin

Gillian Dingle

 

POUR L’intimée

 

 

POUR L’intervenante

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Osler, Hoskin & Harcourt s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR L’appelante

 

 

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

Torys s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

POUR L’intimée

 

 

POUR L’intervenante

 

 

 

 

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