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 Date : 20070306

Dossier : A-278-05

Référence : 2007 CAF 89

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE MALONE

                        LE JUGE RYER       

                       

 

ENTRE :

Procureur général du Canada

demandeur

et

Trust Business Systems

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 6 février 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 mars 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

LE JUGE RYER

 


 

Date : 20070306

Dossier : A-278-05

Référence : 2007 CAF 89

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE MALONE

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

Procureur général du Canada

demandeur

et

 

Trust Business Systems

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE

I.  Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (Tribunal) en date du 13 mai 2005 (référence : [2005] T.C.C.E. nº 33), qui confirmait deux plaintes de marché public formulées par Trust Business Systems (Trust).  Les deux marchés publics ont été passés par le ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (Travaux publics) au nom du ministère des Pêches et des Océans pour l’acquisition de certaines composantes de remplacement à être installées dans le Système d’information sur la navigation maritime (INNAV).

[2]               Le Système d’information INNAV, établi dans la ville de Québec, surveille et contrôle la navigation maritime en connectant quinze centres de la Garde côtière. Ces centres couvrent la côte est, les Grands Lacs et 90 % des eaux intérieures du Canada. Le système a été institué en 1995 et a été élaboré grâce à une série de procédures de passation de marché public ouvertes et concurrentielles. Il fonctionne de la même façon qu’un système de contrôle de la circulation aérienne, mais adapté pour la voie maritime.

 

[3]               La question fondamentale dans le présent appel est de savoir si Travaux publics a violé les dispositions de l’Accord sur le commerce intérieur (ACI) lors de la procédure de passation du marché public en limitant l’acquisition de composantes de remplacement à des fabricants particuliers (p. ex. Hewlett Packard, Cisco Systems Inc. et NEC) et en n’autorisant pas la prise en compte de produits équivalents qui, selon les allégations de Trust, seraient compatibles et plus économiques et efficaces.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

II. Les faits

 

[5]               Le 15 février 2005, Travaux publics a publié une demande de propositions (DP) pour l’invitation nº F7047-040176/A (la première DP). La date de clôture initiale était le 3 mars 2005, qui a par la suite été reportée au 8 mars 2005. Le 17 février 2005, le ministère a publié une DP pour l’invitation nº T8211-040003/A (la deuxième DP), dans laquelle Travaux publics demandait  des quantités supplémentaires de quelques composantes énumérées dans la première DP. La date de clôture pour cette invitation était le 7 mars 2005. 

[6]               Les deux DP comportaient l’énoncé de travaux suivant : 

 

[traduction] 3 serveurs Proliant, 2 postes de travail HP xw6200, d’autres composantes, moniteurs NEC et équipement Cisco. Aucun produit substitut ne sera considéré pour des raisons de comptabilité. Ceci constitue un rehaussement. L’équipement actuel joue un rôle crucial en ce qui a trait à la surveillance des navires lors de leur déplacement sur le fleuve St-Laurent. L’utilisation d’un produit substitut pourrait placer la Garde côtière canadienne en très mauvaise position. 

 

[7]               Rien n’empêchait Trust de soumettre une proposition en utilisant les produits de marque mentionnés par Travaux publics.

 

[8]               Le 28 février 2005, Trust a envoyé plusieurs courriels au sujet de chacune des invitations à Travaux publics, dans lesquels elle contestait le fait qu’aucune des DP ne comportait une disposition permettant des produits équivalents. Plus précisément, Trust a demandé à Travaux publics de supprimer la disposition « aucun produit substitut »  dans les DP et a demandé un diagramme de réseau. Trust n’a pas reçu de nouvelles de Travaux publics jusqu’au 7 mars 2005, moment où elle a été avisée que ses demandes de renseignements avaient été transmises au conseiller juridique principal.  Le 8 mars 2005, Trust a reçu une lettre de Travaux publics indiquant qu’elle n’était pas un fournisseur potentiel au sens de l’ACI et que par conséquent, Travaux publics ne répondrait pas à ses demandes de renseignements ni à ses objections. Le même jour, la première DP a pris fin.

 

[9]               Travaux publics a adjugé un contrat à Compugen, un des deux soumissionnaires conformes, le 9 mars 2005 pour la première DP et le 15 mars 2005 pour la deuxième DP.

 

[10]           Le 22 mars 2005, Trust a déposé deux plaintes auprès du Tribunal pour les deux DP. Plus précisément, Trust a soutenu que Travaux publics :

1.       a contrevenu à l’ACI et à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en ne respectant pas sa propre procédure relative au traitement des demandes de renseignements pendant l’étape de l’invitation;

2.       a contrevenu à l’ALENA en ne lui fournissant pas les renseignements qu’elle avait demandés en vue de faire une soumission; 

3.       a contrevenu à l’ALENA et à l’ACI en limitant les marchés publics à des produits de marque et en n’autorisant pas de produits équivalents.

 

[11]           Le 8 avril 2005, Travaux publics a déposé une requête auprès du Tribunal demandant de rejeter les deux plaintes de Trust au motif que Trust n’était pas un fournisseur potentiel en vertu de l’ACI. Dans ses documents, Travaux publics se fonde sur des renseignements tirés d’une procédure de passation de marché public antérieure à l’égard d’une plainte déposée par Trust en 2004. Cette plainte avait été retirée avant la fin de l’audience le 25 février 2005, seulement trois jours avant le dépôt de la plainte en cause en l’espèce. 

 

[12]           Le 25 avril 2005, le Tribunal a rejeté la requête de Travaux publics en indiquant que les motifs seraient communiqués à une date ultérieure. Le 13 mai 2005, le Tribunal a rendu sa décision en réponse aux plaintes de Trust et le 18 mai 2005, il a communiqué ses motifs à l’égard de ces deux plaintes ainsi que de la requête en rejet de Travaux publics.

 

III. La décision du tribunal

 

[13]           Le Tribunal a conclu que Trust répondait à la définition relativement peu rigoureuse de « fournisseur potentiel » de l’ACI; plus précisément, que Trust avait la capacité financière, technique et commerciale de satisfaire aux exigences des marchés publics en question. Donc, le Tribunal était en mesure de commencer son enquête sur le bien-fondé des plaintes de Trust. 

 

[14]           Le Tribunal a conclu qu’il n’y avait eu aucune violation de l’ALENA (voir motifs au paragraphe 22).

 

[15]           S’agissant de l’allégation de Trust selon laquelle Travaux publics n’a pas respecté sa propre procédure relative au traitement des demandes à l’étape de l’invitation, le Tribunal a conclu que Travaux publics était uniquement tenu de répondre aux questions soulevées par Trust à l’égard de la deuxième DP. Tel que prévu dans les documents d’appel d’offres, les soumissionnaires qui présentaient une demande à Travaux publics au moins quatre jours civils avant la date de clôture pouvaient s’attendre raisonnablement à recevoir une réponse. Comme les questions à l’égard de la deuxième invitation ont été soumises plus de quatre jours civils avant la date de clôture, Travaux publics a contrevenu à l’alinéa 504(3)c) de l’ACI. Cette disposition exige que l’établissement du calendrier du processus d’appel d’offres ne soit pas structuré de façon à empêcher les fournisseurs de présenter des soummissions.

 

[16]           Quant à la question de savoir si Travaux publics a agi de façon inappropriée en ne fournissant pas à Trust les renseignements dont elle avait avait besoin pour présenter une soummission (p. ex. un diagramme de réseau), le Tribunal a conclu que Travaux publics a également contrevenu à l’alina 504(3)c) en ne fournissant pas à Trust, et à tous les fournisseurs potentiels, des renseignements que Trust jugeait nécessaires pour présenter une soummission.

 

[17]           Enfin, en ce qui concerne la plainte de Trust selon laquelle Travaux publics a limité de façon incorrecte les marchés publics à certaines marques, le Tribunal a conclu que cette façon de faire contrevenait à l’alinéa 504(3)b) et aux paragraphes 506(7) et 506(9) de l’ACI.  Le Tribunal a estimé que les documents d’appel d’offres auraient pu être rédigés de façon à permettre les propositions de produits équivalents. Le Tribunal a également conclu que Travaux publics a contrevenu à l’alinéa 504(3)g) de l’ACI en raison de l’insuffisance d’éléments de preuve permettant de conclure que l’objet réel de l’exigence « aucun produit substitut » visait à maintenir la sécurité publique ou encore à protéger la vie humaine, animale ou végétale ainsi que l’environnement.

 

V. Norme de contrôle

 

[18]           La Cour suprême a toujours affirmé qu’il faut déterminer la norme appropriée selon l’approche pragmatique et fonctionnelle (voir Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226). Les facteurs à prendre en considération dans l’application de la méthode pragmatique et fonctionnelle sont biens connus :  (1) la présence ou l’absence d’une clause privative ou d’un droit d’appel; (2) l’expertise du tribunal; (3) l’objet de la loi et de la disposition particulière; et (4) la nature de la question.

 

[19]           Les décisions du Tribunal en matière de marchés publics ne sont pas protégées par une clause privative. Ce facteur de l’analyse pragmatique et fonctionnelle, bien qu’il ne soit pas déterminant à lui seul, indique qu’il convient de faire preuve d’une retenue moindre à l’égard du Tribunal (voir Canada (Procureur général) c. McNally Construction Inc., 2002 CAF 184).  

 

[20]           La question suivante dans l’analyse pragmatique et fonctionnelle est de savoir si l’organisme décisionnaire a une plus grande expertise que l’instance de révision à l’égard de la question considérée. Cette expertise peut provenir du savoir spécialisé sur un sujet ou elle peut provenir de l’expérience et de l’aptitude à trancher des questions particulières.  L’expertise est le facteur le plus important de l’approche pragmatique et fonctionnelle et aussi longtemps que la décision contestée relève de cette expertise, ce facteur joue fortement en faveur de la plus grande retenue à l’endroit des décisions du Tribunal. À mon avis, il n’y a aucun doute que le Tribunal est un tribunal spécialisé en matière de marchés publics (McNally, précité, au paragraphe 19).

 

[21]           La deuxième étape exige l’examen de l’objet du Tribunal et de sa loi constitutive. Le Tribunal doit s’assurer que les marchés publics sont effectués de façon accessible et équitable. Cette responsabilité découle de l’ALENA et de l’ACI, chacun de ces accords exigeant que le Canada offre un accès libre et équitable aux marchés publics du gouvernement pour les biens et services. Toutefois, les litiges concernant un marché public sont principalement bipartites par nature et ne font guère intervenir de grandes considérations politiques ou économiques au-delà de l’objectif général qui est d’assurer que le marché public soit équitable et accessible. De plus, l’objet des litiges en matière de marchés publics est souvent impossible à distinguer de celui des litiges en passation des marchés dans le secteur privé, un domaine d’expertise traditionnel des cours supérieures. Par conséquent, l’objet du Tribunal dans le cadre de la prise de décisions en matière de marchés publics est un facteur qui joue en faveur de la retenue moindre.

 

[22]           La quatrième étape de l’approche pragmatique et fonctionnelle exige l’examen de la nature de la décision. Les questions dont la Cour est saisie supposent l’application de l’ACI aux faits de l’espèce, les faits étant d’importance primordiale. Ce type de questions demande un plus haut degré de retenue. (Voir Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226)

 

[23]           Pour ces motifs, après examen des divers facteurs de l’approche pragmatique et fonctionnelle, je conclus qu’ils militent en faveur de l’adoption de la norme de la décision manifestement déraisonnable, qui exige une déférence plus grande, c’est-à-dire qu’à moins que la décision du Tribunal ne soit clairement irrationnelle, elle doit être maintenue.

 

VI. Analyse

 

Question préliminaire : Le demandeur est-il, parce que les délais sont prescrits, forclos d’attaquer  la décision du Tribunal selon laquelle Trust est un fournisseur potentiel en vertu de l’ACI?

 

[24]           La question soulevée dans la requête en rejet de Travaux publics était de savoir si Trust était un fournisseur potentiel ou non. Cette question était reliée au droit substantiel de Trust de déposer une plainte et relevait de la compétence du Tribunal en vertu de l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93-602. Si Trust n’était pas un fournisseur potentiel, le Tribunal n’aurait pas eu compétence et n’aurait pu procéder à une enquête.

 

[25]           La décision du Tribunal de rejeter la requête de Travaux publics a été rendue le 25 avril 2005; toutefois, Travaux publics n’a déposé son avis de demande de contrôle judiciaire que le 13 juin 2005. Selon le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 (LCF), une demande de contrôle judiciaire doit être présentée dans les 30 jours suivant une décision ou une ordonnance d’un tribunal administratif fédéral. 

 

[26]           Le paragraphe 18.1(2) de la LCF est rédigé comme suit :

18.1(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder

[Je souligne]

 

18.1(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days

[Emphasis added]

 

[27]           Il a été statué que le terme « première communication » exige de l’instance décisionnelle qu’elle accomplisse un acte positif pour communiquer sa décision aux parties directement touchées (voir Atlantic Coast Scallop Fisherman’s Assn c. Canada (Ministre des Pêches et Océans) (1995), 189 N.R. 220 (C.A.F.), au paragraphe 7).  Le fait d’attendre les motifs ne constitue pas une excuse acceptable pour le défaut de déposer une demande dans les délais prescrits (voir Westinghouse Canada Inc. c. Canada (Tribunal canadien du commerce extérieur) (1989), 104 N.R. 191 (C.A.F.); Goodwin c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), 2005 CF 1185 (1re inst.) (2005), 279 F.T.R. 100; Berkeley c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2001 CFPI 35, (2001) 103 A.C.W.S. (3d) 584 (1re inst.)).

 

[28]           Dans l’arrêt Canada c. Berhad, 2005 CAF 267, le juge Létourneau a écrit que le délai de trente jours pour présenter des demandes de contrôle judiciaire est dans l’intérêt public et vise à faire en sorte que les décisions administratives acquièrent un caractère définitif et apportent la tranquillité d’esprit à ceux qui observent la décision ou qui veillent à ce qu’elle soit observée. Au paragraphe 60, il a dit ceci :

L'importance de cet intérêt public est reflétée dans les délais relativement brefs qui sont imposés à quiconque veut contester une décision administrative - un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle la décision est communiquée, ou tel autre délai que la Cour peut accorder sur requête en prorogation de délai. Ce délai n'est pas capricieux. Il existe dans l'intérêt public, afin que les décisions administratives acquièrent leur caractère définitif et puissent aussi être exécutées sans délai, apportant la tranquillité d'esprit à ceux qui observent la décision ou qui veillent à ce qu'elle soit observée, souvent à grands frais. [Je souligne]

 

[29]           Par conséquent, lorsque le Tribunal a rendu sa décision sur la requête le 25 avril 2005, le demandeur devait, suivant le paragraphe 18.1(2) de la LCF, déposer son avis de demande de contrôle judiciaire dans un délai de trente jours en raison du fait, le droit substantiel de Trust de déposer une plainte ayant été définitivement tranché. Comme le demandeur n’a pas agi dans le délai accordé, il est maintenant forclos de contester cette décision. Les précédents invoqués par le demandeur, Ernst Zündel et la Canadian Association for Free Expression Inc., [2000] 4 C.F. 255, et R. c. Seaboyer; R. c. Gayme, [1991] 2 R.C.S. 577, peuvent faire l’objet d’une distinction parce qu’ils traitent de questions interlocutoires contrairement aux questions susceptibles d’apporter une solution définitive à l’instance.

 

[30]           Bien qu’une décision sur la question du statut de Trust à titre de fournisseur potentiel soit prescrite, l’approche du Tribunal à l’égard de cette question importante est troublante. Selon le dossier, Travaux publics craignait que Trust ne soit pas en mesure de satisfaire aux exigences de la définition de fournisseur à l’article 518 de l’ACI. Bien que Travaux publics ait pu fonder ces préoccupations sur son expérience avec Trust lors d’un marché public antérieur, cette expérience est survenue à la fin de l’année 2004, c’est-à-dire quelques mois seulement avant le 22 mars 2005, date à laquelle Trust a déposé sa plainte reliée à la première DP. À mon avis, l’importance accordée par  Travaux publics à cette expérience relativement récente était entièrement raisonnable et la preuve découlant de cette expérience présentée par Travaux publics aurait dû être prise en considération par le Tribunal.

 

[31]           Au paragraphe 25 de sa décision, le Tribunal a dit que la définition de « fournisseur potentiel » est relativement peu rigoureuse. Toutefois, il ne semble pas que le Tribunal ait des éléments de preuve qui auraient corroboré sa conclusion que Trust répondait à la définition, aussi peu rigoureuse soit-elle.  Par exemple, aucun élément de preuve n’a été présenté au Tribunal quant à la capacité financière de Trust. En réalité, le représentant de Trust a informé la Cour que son ancien conseiller juridique a été congédié en raison des difficultés financière découlant des honoraires juridiques demandés par ce dernier.

 

[32]           De plus, en ce qui concerne les « soi-disant » alliances industrielles, la preuve consistait tout au plus dans les déclarations de deux sociétés affirmant que Trust était autorisée à vendre leurs produits. On pouvait difficilement interpréter ces documents comme des alliances et, en réalité, il ne s’agissait vraisemblablement pas de contrats ayant force exécutoire. Le manque de preuve quant à la capacité de Trust est amplement démontré par l’importance accordée par le Tribunal à la simple déclaration de Trust qu’elle avait les moyens d’accepter des marchés publics beaucoup plus importants que ceux en l’espèce. Rien au dossier n’appuie cette déclaration. L’admission par le Tribunal de cette déclaration à titre de preuve de la capacité de Trust à répondre aux exigences de la définition de fournisseur à l’article 518 révèle le non-respect d’une norme même peu élevée, et pouvait très bien constituer une conclusion de fait manifestement déraisonnable.

 

[33]           Les observations qui précèdent ne signifient pas qu’il faille interdire la participation des petites entreprises au processus d’acquisition. Au contraire, elles visent seulement à confirmer les obligations du Tribunal de se pencher, de façon objective et raisonnable, sur la question à savoir si une entreprise donnée répond aux exigences légitimes de la définition de fournisseur, c’est-à-dire une personne en mesure d’exécuter un marché public. 

 

Question 1 : Le Tribunal a-t-il commis une erreur en concluant que Travaux publics n’était pas parvenu à démontrer que sa définition de produits particuliers dans la DP (ne permettant pas l’utilisation de produits substituts) était acceptable?

 

[34]           Alors que l’ACI établit un principe général de non-discrimination entre les fournisseurs ou les biens dans tout marché public (article 401), il prévoit des exceptions à cette règle générale pour des objectifs légitimes opérationnels. Ces objectifs figurent aux articles 200 et 400 ainsi qu’à l’alinéa 506(11)e) de l’ACI.

[35]           Ces trois articles sont rédigés comme suit : 

Article 200 : « objectif légitime » L'un des objectifs suivants, poursuivis sur le territoire d'une Partie :

          a.  la sécurité du public;

          …

           c.  la protection de la vie ou de la santé des

           humains, des animaux ou des végétaux;

 

           d. la protection de l'environnement

           …

 

compte tenu notamment, s'il y a lieu, des facteurs géographiques fondamentaux, dont les facteurs climatiques, des facteurs technologiques ou liés à l'infrastructure, ou des justifications scientifiques.

 

 

 

Article 404 : Lorsqu'il est établi qu'une mesure est incompatible avec l'article 401, 402 ou 403, cette mesure est néanmoins permise par le présent accord si les conditions suivantes sont réunies :

 

  1. la mesure a pour objet la réalisation d'un objectif légitime;
  2. la mesure n'a pas pour effet d'entraver indûment l'accès des personnes, des produits, des services ou des investissements d'une Partie qui ne nuisent pas à la poursuite de cet objectif légitime;
  3. la mesure ne restreint pas le commerce plus qu'il n'est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;
  4. la mesure ne crée pas une restriction déguisée du commerce.

 

Article 506(11) : Une entité d'une Partie peut, dans les circonstances suivantes, utiliser des procédures de passation des marchés publics différentes de celles décrites aux paragraphes 1 à 10, à la condition que ce ne soit pas dans le but d'éviter la concurrence entre les fournisseurs ou d'exercer de la discrimination contre les fournisseurs des autres Parties :

  1. lorsque le respect des dispositions du présent chapitre qui concernent le caractère ouvert des appels d'offres réduirait la capacité d'une Partie à maintenir la sécurité ou l'ordre public, ou encore à protéger la vie ou la santé des humains, des animaux ou des végétaux;

Article 200: Legitimate objective means any of the following objectives pursued within the territory of a Party:

 

                     (a)  public security and safety;

              …

              (c)   protection of human, animal or plant       

              life or health;

             

              (d)   protection of the environment;

              ...

considering, among other things, where appropriate, fundamental climatic or other geographical factors, technological or infrastructural factors, or scientific justification.

 

 

Article 404: Where it is established that a measure is inconsistent with Article 401, 402 or 403 [articles dealing with non-discrimination], that measure is still permissible under this Agreement where it can be demonstrated that:

a.                    the purpose of the measure is to achieve a legitimate objective;

b.                   the measure does not operate to impair unduly the access of persons, goods, services or investments of a Party that meet that legitimate objective;

c.                    the measure is not more trade restrictive than necessary to achieve that legitimate objective; and

d.                   the measure does not create a disguised restriction on trade.

 

 

Article 506(11) An entity of a Party may use procurement procedures that are different from those described in paragraphs 1 through 10 in the following circumstances, provided that it does not do so for the purpose of avoiding competition between suppliers or in order to discriminate against suppliers of any other Party:

e.                    where compliance with the open tendering provisions set out in this Chapter would interfere with a Party's ability to maintain security or order or to protect human, animal or plant life or health;

 

 

 

[36]           Dans l’arrêt Xwave Solution Inc. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux) 2003 CAF 301, 310 N.R. 164 (C.A), le juge Evans a dit qu’il existe des exceptions à la règle générale voulant que celui qui avance une allégation doive en établir la preuve. Dans des circonstances où il serait injuste d’imposer au plaignant une charge de preuve dont il est impossible de s’acquitter, la charge peut être imposée à la partie à l’encontre de laquelle l’allégation est faite. Selon le juge Evans, cette exception est justifiée lorsqu’une seule des parties, par exemple, a accès à des précisions et à des connaissances pertinentes (aux paragraphes 39 et 40).

 

[37]           En réponse aux deux plaintes en cause en l’espèce, Travaux publics assumait le fardeau de la preuve s’agissant des objectifs opérationnels légitimes et il a porté à l’attention du Tribunal ses propres objectifs précisés dans l’énoncé des travaux (voir paragraphe 6, supra) ainsi qu’une correspondance détaillée entre James Harrison, directeur de l’ingénierie d’INNAV, et un fonctionnaire de Travaux publics en date du 8 avril 2005 (dossier du demandeur, volume 1, pages 206 à 208).

 

[38]           Le fondement de l’exigence « aucun produit substitut » et l’importance d’INNAV étaient expliqués dans la correspondance de M. Harrison. Voici quelques-unes des fonctions opérationnelles d’INNAV :

[traduction]

(a)   il localise et surveille les navires se déplaçant dans les eaux canadiennes et fournit de des renseignements de navigation à ces navires leur permettant ainsi de naviguer en toute sécurité et d’éviter des collisions, accidents ou autres incidents majeurs;

(b)   en évitant les collisions de navires dans les eaux côtières et intérieures, il réduit le danger pour la sécurité des passagers et des équipages ainsi que le dommage causé à l’environnement suite à un déversement de carburant ou le risque que la cargaison constitue une menace importante pour le public;

(c)   il informe les navires d’autres dangers maritimes potentiels, tels que des ponts, aides à la navigation défectueuses et travaux de dragage;

(d)   il reste à l’affût de l’approche de navires non identifiés ou suspects, ce qui est d’importance cruciale pour les agences de sécurité et d’immigration, ainsi que pour les partenaires internationaux du Canada.

 

[39]           Selon M. Harrison, compte tenu de la portée des fonctions opérationnelles d’INNAV, le système doit toujours fonctionner à un degré élevé de préparation opérationnelle, avec une tolérance minimale pour les défectuosités du système ou autres pannes. Il doit fonctionner et fournir de l’information pour la sécurité, l’expédition et autres intérêts en temps réel sans interruption et sans aucun risque de défaillances. Il doit aussi fournir des outils normalisés, uniformes et fidèles afin qu’un agent du système de communications et de trafic maritimes soit en mesure, en tout temps, de visualiser l’image complète de la navigation dans sa zone de responsabilité.  

 

[40]           Par conséquent, les exigences opérationnelles d’INNAV ont été formulées de façon à ce qu’aucune pièce du système ne soit hors d’uage pour une période de plus de trente minutes à la fois (ou un total de quatre heures par année). Advenant une défectuosité ou autre nécessité de remplacer un élément du système, il doit y avoir un niveau de confiance élevé eu égard aux pièces de rechange qui doivent être disponibles et fonctionner sans interruption dans le réseau existant. Il n’y aurait pas de temps pour des essais, des modifications ou des reconfigurations de tout produit qui serait équivalent, d’où l’interdiction de substituts aux produits spécifiés.

 

[41]           Le Tribunal a rejeté les prétentions de Travaux publics selon lesquelles le contenu des DP est justifié en vertu de l’alinéa 506(11)e), ajoutant que le ministère ne répondait pas à une exigence opérationnelle légitime tel que le prescrit l’article 404.  Le Tribunal s’est exprimé comme suit 

TPSGC a tenté d'exempter les marchés publics en vertu des alinéas 506(11)e) et 506(12)a) de l'ACI. Toutefois, le Tribunal constate que ces exemptions ne feraient qu'excuser des procédures d'appel d'offres discriminatoires plutôt que des spécifications techniques discriminatoires. Bien que ces dispositions chevauchent en partie l'article 404, le Tribunal ne dispose pas de suffisamment d'éléments de preuve pour conclure que l'objet réel de l'exigence « aucun produit substitut » visait à maintenir la sécurité publique, ou encore à protéger la vie humaine, animale ou végétale ainsi que l'environnement plutôt qu'à éviter les obligations découlant de l'ACI. En outre, TPSGC n'a pas réussi à convaincre le Tribunal que la discrimination à l'égard des produits équivalents ne bloque pas indûment l'accès des personnes ou des produits et services qui parviendraient au même objectif légitime. Au contraire, il semble, pour le Tribunal, que la restriction soit indûment et inutilement restrictive. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC n'a pas été en mesure de montrer que la contravention de l'alinéa 504(3)b) est acceptable; il doit également conclure que Trust a été exclue de l'appel d'offres de façon injustifiable, en contravention avec l'alinéa 504(3)g). [Je souligne].

En ce qui concerne cette contravention à l'article 506 de l'ACI, le Tribunal a examiné le bien-fondé des revendications de TPSGC relativement à l'alinéa 506(11)e). Il prend note du chapeau du paragraphe 506(11) qui accorde à une entité acheteuse le droit d'utiliser des procédures de marché public qui diffèrent, entre autres, des paragraphes 506(7) et 506(9), « à la condition que ce ne soit pas dans le but d'éviter la concurrence entre les fournisseurs ou d'exercer de la discrimination contre les fournisseurs ». Si cette condition est remplie, l'entité acheteuse doit alors montrer, conformément à l'alinéa 506(11)e), que l'observation des dispositions concernant le caractère ouvert des appels d'offres réduirait la capacité à maintenir la sécurité, ou encore à protéger la vie des humains, des animaux ou des végétaux, ou l'environnement. Le Tribunal est d'avis que le raisonnement de TPSGC ne s'applique à aucune de ces conditions. Le Tribunal n'est pas convaincu que l'établissement d'un processus de qualification qui favorise certaines marques aux dépens de produits équivalents ne visait pas à défavoriser les produits équivalents ou leurs fournisseurs. Comme il a été mentionné, les produits équivalents auraient pu, semble-t-il, satisfaire aux exigences de rendement du MPO, peut-être même à un meilleur prix. En fait, le Tribunal est d'avis que TPSGC n'était pas en mesure de montrer qu'un processus de qualification ouvert aurait un effet négatif sur la capacité du MPO à maintenir la sécurité, ou encore à protéger la vie des humains, des animaux ou des végétaux, ou l'environnement. (Les motifs du Tribunal aux paragraphes 56 et 59).

 

[42]           L’analyse du Tribunal concernant l’alinéa 506(11)e) de l’ACI est fondée sur sa conclusion selon laquelle la description de produits particuliers est faite dans le but d’éviter la concurrence entre les fournisseurs ou la discrimination. Tel que mentionné précédemment, les énoncés de travail des DP et la correspondance de M. Harrison indiquent clairement que des biens particuliers étaient requis pour le système INNAV et pour les exigences opérationnelles légitimes. En résumé, aucun élément de preuve ne permettait au Tribunal de conclure que la description de produits particuliers dans les DP avait été faite dans le but d’éviter la concurrence et la discrimination entre les fournisseurs. Selon mon analyse, il est manifestement déraisonnable pour le Tribunal d’inférer une intention de Travaux publics d’éviter la concurrence ou la discrimination des fournisseurs sans aucun élément de preuve permettant d’étayer cette intention.

 

[43]           À mon avis, l’interprétation qu’a donnée le Tribunal de l’alinéa 506(11)e) de l’ACI, en plus de négliger la preuve des objectifs légitimes opérationnels, est clairement irrationnelle et donc manifestement déraisonnable. Dans ce dossier, rien ne permettait au Tribunal de conclure à la violation de l’alinéa 504(3)g), c’est-à-dire à l’exclusion injustifiée d’un fournisseur dans un appel d’offres.

 

Question 2 : Y a-t-il violation de l’alinéa 504(3)c) de l’ACI?

[44]           Au cours de son analyse, le Tribunal a examiné l’alinéa 504(3)c) de l’ACI.  Cette disposition prévoit ce qui suit :

Article 504(3) : Sauf disposition contraire du présent chapitre, sont comprises parmi les mesures incompatibles avec les paragraphes 1 et 2 :

 

           c.     l'établissement du calendrier du

                   processus d'appel d'offres de façon à

                  empêcher les fournisseurs de présenter

                  des soumissions;

 

Article 504(3): Except as otherwise provided in this Chapter, measures that are inconsistent with paragraphs 1 and 2 include, but are not limited to, the following

c.          the timing of events in the tender process so as to prevent suppliers from submitting bids;

 

 

 

[45]           Le Tribunal a conclu, s’agissant de la deuxième DP, que Travaux publics a violé cette disposition de l’ACI en ne fournissant pas des renseignements pertinents à Trust, l’empêchant ainsi de présenter une soumission. Cette violation découle de la conclusion du Tribunal portant que Travaux publics n’a pas répondu aux questions de Trust de façon opportune concernant la possibilité d’autoriser des produits équivalents dans la deuxième DP et ne lui a pas fourni un diagramme de réseau. 

 

[46]           Il y a violation de l’alinéa 504(3)c) lorsque Travaux publics n’est pas en mesure de  démontrer que les produits de marque étaient nécessaires pour atteindre les objectifs légitimes opérationnels conformément à l’article 404. Ayant déjà déterminé que Travaux publics a démontré un objectif légitime opérationnel (voir paragraphe 40, supra), Travaux publics, selon mon analyse, n’était pas tenu de répondre aux questions posées par Trust. Par conséquent, l’interprétation qu’a donnée le Tribunal de l’alinéa 504(3)c) de l’ACI est manifestement déraisonnable.

 

Question 3 : Le Tribunal a-t-il commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 506(9) de l’ACI?

[47]           Le paragraphe 506(9) de l’ACI prévoit ce qui suit :

Article 506(9) : Si un marché public exempté, en vertu du paragraphe 11 ou 12 ou de l'article 507 ou 508, des obligations prévues par le présent chapitre fait l'objet d'un appel d'offres public dans un quotidien ou au moyen d'un système électronique d'appel d'offres, l'avis d'appel d'offres doit indiquer les restrictions applicables et souligner les pratiques non conformes au présent article ou à l'article 504.

Article 506(9): If a procurement exempted from the obligations of this Chapter under paragraph 11 or 12 or Article 507 or 508 is publicly tendered in a daily newspaper or on an electronic tendering system, the tender notice shall indicate the restrictions and highlight the practices that do not conform with this Article or Article 504.

 

 

[48]           Le demandeur prétend que le Tribunal a commis une erreur en concluant que les deux DP ne renvoyaient pas de façon claire et adéquate à l’alinéa 506(11)e) et ne justifiaient pas la non-observation de l’article 504.  Au paragraphe 57, le Tribunal a dit ce qui suit :    

Le Tribunal est d'avis que les DP ne renvoient pas de façon claire et adéquate aux alinéas 506(11)e) et 506(12)a) et ne justifient pas la non-observation de l'article 504. Par conséquent, il conclut que TPSGC a contrevenu au paragraphe 506(9).

 

 

 

[49]           Travaux publics soutient qu’il a répondu aux deux exigences en identifiant expressément les produits particuliers qui seraient acceptés et en indiquant qu’aucun substitut ne serait pris en considération. Le ministère prétend également que le paragraphe 506(9) n’exige pas qu’il invoque spécifiquement le paragraphe 506(11) ou qu’il justifie sa non-observation de l’article 504.  

 

[50]           À ce jour, la jurisprudence n’a pas établi une interprétation claire des obligations énoncées au paragraphe 506(9). En soi, le paragraphe semble seulement exiger qu’un avis de l’exclusion soit donné aux fournisseurs potentiels. Plus particulièrement, aux termes du paragraphe 506(9), les DP doivent indiquer les restrictions et les pratiques qui ne s’y conforment pas ou qui contreviennent à l’article 504. Il n’est nullement spécifié dans la disposition que l’exclusion doit être justifiée.

 

[51]            Dans l’interprétation de dispositions similaires, le Tribunal a procédé à une analyse du sens ordinaire de l’article et n’y a pas relevé d’exigences supplémentaires. Par exemple, dans Trac Industries Ltd. (Re), [1997] T.C.C.E. nº 121 [Trac], le Tribunal devait interpréter le paragraphe 508(1) qui permet de soustraire un marché public aux fins de développement régional et économique. Plus particulièrement, l’alinéa 508(1)c) à l’étude est rédigé comme suit :

c. un avis des marchés publics ainsi exclus indiquant le détail des circonstances exceptionnelles est donné par une ou plusieurs des méthodes précisées au paragraphe 506(2);

 

c.  notice of all such excluded procurements is provided by one or more of the methods specified in Article 506(2) and the notice provides details of the exceptional circumstances;

 

[52]           Dans son analyse, le Tribunal a conclu que les obligations imposées à Travaux publics conformément à cette disposition sont minimales. Au paragraphe 14, le Tribunal a dit ce qui suit :

Bien qu’il ne s’agisse clairement pas là d’une exigence, le Tribunal est d’avis que le gouvernement doit, à chaque fois que des exclusions seront invoquées en vertu des dispositions de l’ALENA, de l’AMP ou de l’ACI concernant les marchés publics, veiller à ce qu’il soit fait mention de telles exclusions dans tous les documents relatifs à l’appel d’offres. Cela nécessite peu d’efforts et peut garantir que les fournisseurs potentiels, qui pourraient s’engager dans le processus d’appel d’offres sans avoir pris connaissance ou sans être au courant de l’avis qui a été publié, connaissent pleinement l’existence de telles exclusions.

 

 

 

[53]           En l’espèce, interprétant l’obligation imposée à Travaux publics au paragraphe 506(9), le Tribunal a estimé que le ministère devait se référer clairement à l’alinéa 506(11)e) et justifier la non-observation de l’article 504 (supra, au paragraphe 48). Toutefois, selon mon analyse, le Tribunal n’était aucunement fondé à déduire ces exigences de la lecture du paragraphe 506(9). Rien au paragraphe 506(9) n’indique que Travaux publics était tenu de spécifier que ses DP étaient exemptées conformément au paragraphe 506(11) ni, à la face même de la disposition, d’invoquer cette disposition dans ses DP ou de justifier sa non-observation de l’article 504. 

 

[54]           Souscrivant à l’analyse du tribunal dans Trac, je suis d’avis que les exigences imposées par le paragraphe 506(9) n’imposent également à Travaux publics qu’une norme peu élevée. Conformément à ce paragraphe, Travaux publics a identifié les restrictions des DP puisque seuls les postes de travail HP, les moniteurs NEC et l’équipement Cisco étaient acceptés. De plus, Travaux publics a spécifié ne pas considérer des substituts pour des raisons de compatibilité, ce qui souligne les pratiques non conformes au paragraphe. Ainsi, les fournisseurs potentiels connaissent les exclusions; les propres objections de Trust aux exclusions démontrent que les DP mentionnaient de façon claire que les pratiques de Travaux publics n’étaient pas conformes. Par conséquent, je ne peux que conclure, suivant une interprétation correcte du paragraphe 506(9), que Travaux publics a respecté ce paragraphe et n’y a pas contrevenu. Par conséquent, l’interprétation qu’a donnée le Tribunal du paragraphe 506(9) est manifestement déraisonnable.

 

 

 

Question 4 : Y a-t-il violation du paragraphe 506(7) de l’ACI?

[55]           Le paragraphe 506(7) de l’ACI prévoit :

Une entité peut limiter les offres aux produits, services ou fournisseurs qualifiés avant la clôture de l'appel d'offres. Cependant, le processus de qualification doit lui-même être compatible avec l'article 504. Au moins une fois l'an, une invitation à se qualifier doit être publiée au moyen de la méthode prévue à l'alinéa 2a) ou b) ou distribuée aux fournisseurs dont le nom figure sur la liste prévue à l'alinéa 2c).

 

 

[56]           En concluant que Travaux publics a violé cette disposition de l’ACI, le Tribunal a dit que, à son avis,

en l'espèce, TPSGC a en fait limité le marché public à certaines marques de produits, qu'il a qualifiées avant la clôture de l'appel d'offres. Ainsi, le processus de qualification allait lui-même à l'encontre de l'article 504, ce qui constitue donc une contravention au paragraphe 506(7).

 

 

[57]           Essentiellement, le Tribunal a conclu qu’il y a eu violation de ce paragraphe puisque  Travaux publics a contrevenu à l’article 504. Toutefois, faute de violation de l’article 504, comme c’est le cas en l’espèce, le Tribunal ne pouvait conclurer à la violation du paragraphe 506(7), et par conséquent, il a commis une erreur manifestement déraisonnable dans son interprétation du paragraphe 506(7).

 

VII. Conclusion

 

[58]           Vu l’analyse qui précède, Travaux publics a fixé un objectif légitime en vertu de l’article 404 et une exception valide au principe général de non-discrimination ainsi qu’il est prévu à l’alinéa 506(11)e) de l’ACI. Pour ces motifs, les conclusions du Tribunal quant aux violations des alinéas 504(3)b), 504(3)g) et des paragraphes 506(7) et 506(9) sont invalides car elles sont fondées sur des erreurs manifestement déraisonnables. 

 

[59]           Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire et d’annuler la décision rendue par le Tribunal le 13 mai 2005, avec dépens en faveur du demandeur.

 

 

« B. Malone »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

    M. N. »

 

"Je souscris aux présents motifs

    CMR »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Mylène Borduas


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-278-05

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada c.

                                                                                                Trust Business Systems

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 6 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Malone

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge Nadon

                                                                                                Le juge Ryer

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 6 mars 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Derek Rasmussen

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Philip Weedon

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS  INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

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