Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20070312

 

Dossier : A‑562‑05

 

Référence : 2007 CAF 103

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

 

MONSIEUR LE JUGE PAUL COSGROVE

intimé

et

 

L’ASSOCIATION CANADIENNE DES JUGES DES COURS SUPÉRIEURES

LA CRIMINAL LAWYERS’ ASSOCIATION

LE CONSEIL CANADIEN DES AVOCATS DE LA DÉFENSE

L’AVOCAT INDÉPENDANT

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ONTARIO

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU NOUVEAU‑BRUNSWICK

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA NOUVELLE‑ÉCOSSE

intervenants

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 11 décembre 2006.

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 12 mars 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE SEXTON

                                                                                                                               LE JUGE EVANS


 

 

 

 

Date : 20070312

 

Dossier : A‑562‑05

 

Référence : 2007 CAF 103

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

 

MONSIEUR LE JUGE PAUL COSGROVE

intimé

et

 

L’ASSOCIATION CANADIENNE DES JUGES DES COURS SUPÉRIEURES

LA CRIMINAL LAWYERS’ ASSOCIATION

LE CONSEIL CANADIEN DES AVOCATS DE LA DÉFENSE

L’AVOCAT INDÉPENDANT

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ONTARIO

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU NOUVEAU‑BRUNSWICK

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA NOUVELLE‑ÉCOSSE

intervenants

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               La partie II de la Loi sur les juges, L.R.C. 1985, ch. J‑1 (les articles 58 à 71), crée le Conseil canadien de la magistrature (le Conseil), qui comprend le juge en chef du Canada, tous les juges en chef et juges en chef adjoints des cours supérieures, ainsi que certains juges principaux des cours supérieures. Entre autres choses, la partie II de la Loi sur les juges habilite le Conseil à ouvrir des enquêtes sur les plaintes se rapportant à la conduite de juges des juridictions supérieures.

[2]               La plupart des plaintes portant sur la conduite de juges sont déposées en vertu du paragraphe 63(2) de la Loi sur les juges et sont sujettes à une procédure d’examen préalable qui, dans la grande majorité des cas, conduit à la décision selon laquelle aucune enquête facultative ou obligatoire n’est justifiée. Cependant, si le ministre fédéral de la Justice ou le procureur général d’une province prie le Conseil, conformément au paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges, de mener une enquête pour savoir si le juge devrait être destitué pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 65(2)a) à d), la procédure d’examen préalable appliquée aux plaintes relevant du paragraphe 63(2) n’est pas engagée.

[3]               La Cour fédérale a jugé que le paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges est inconstitutionnel dans la mesure où il donne aux procureurs généraux des provinces le pouvoir légal d’obliger le Conseil à ouvrir une enquête sur la conduite d’un juge d’une juridiction supérieure sans la procédure d’examen préalable qui s’applique aux plaintes déposées en vertu du paragraphe 63(2). Les motifs de ce jugement sont publiés : Cosgrove c. Conseil canadien de la magistrature, 2005 CF 1454.

[4]               La Cour est saisie d’un appel interjeté contre ce jugement. Pour les motifs qui suivent, j’accueillerais l’appel.

[5]               Par commodité, les présents motifs sont structurés de la manière suivante :

Paragraphe

1. Note préliminaire sur la terminologie............................................................................................ 6

2. Les faits...................................................................................................................................... 7

3. La norme de contrôle................................................................................................................ 25

4. Les conclusions de fait.............................................................................................................. 26

5. L’indépendance judiciaire et la conduite des juges..................................................................... 29

6. Les procureurs généraux des provinces ont‑ils un rôle à jouer

..... dans l’examen de la conduite des juges?.................................................................................. 33

7. La constitutionnalité du paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges............................................... 37

a) Le critère objectif......................................................................................................... 38

b) L’application du critère objectif..................................................................................... 42

(i) L’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867............................................ 43

(ii) Le contexte historique de la partie II de la Loi sur les juges.......................... 45

(iii) L’article 71 de la Loi sur les juges............................................................... 49

(iv) La procédure applicable à la plainte d’un procureur général

........ aux termes du paragraphe 63(1)................................................................ 50

(v) La procédure d’examen préalable applicable aux plaintes ordinaires aux termes du paragraphe 63(2)................................................................................................................ 66

(vi) Examen....................................................................................................... 75

8. Conclusion............................................................................................................................... 85

1. Note préliminaire sur la terminologie

[6]               Le jugement dont appel est interjeté traite de la constitutionnalité du paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges, uniquement au regard des procureurs généraux des provinces. Le ministre fédéral de la Justice est d’office le procureur général du Canada (paragraphe 2(2) de la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. 1985, ch. J‑2). Par conséquent, lorsque je devrai, dans les présents motifs, me référer à l’ensemble des personnes qui ont le droit, en application du paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges, d’obliger le Conseil à ouvrir une enquête sur la conduite d’un juge d’une juridiction supérieure, j’emploierai l’expression « procureurs généraux ». Lorsqu’il sera nécessaire de faire une distinction, j’emploierai le mot « ministre » ou l’expression « procureur général du Canada », pour parler du ministre fédéral de la Justice ou du procureur général du Canada, et l’expression « procureur général provincial » pour parler du procureur général d’une province.

2. Les faits

[7]               Le juge Cosgrove est un juge de la Cour supérieure de l’Ontario. Il a été nommé à la Cour de comté de l’Ontario en 1984. En 1989, il est devenu juge de la Cour de l’Ontario (Division générale) lorsque fut réorganisé l’appareil judiciaire ontarien. Le nom de cette cour a depuis été modifié, et il s’agit maintenant de la Cour supérieure de l’Ontario.

[8]               Le juge Cosgrove a présidé un nombre considérable d’instances durant sa carrière de juge, y compris de nombreuses affaires civiles et criminelles auxquelles était partie le procureur général de l’Ontario.

 

[9]               De 1997 à 1999, le juge Cosgrove a présidé le procès pour meurtre engagé contre Julia Elliott. Conformément à l’usage observé en Ontario, ce sont des avocats travaillant pour le procureur général de l’Ontario qui avaient la responsabilité de la poursuite dans cette affaire. Mme Elliott était elle aussi représentée par un avocat.

 

[10]           Au cours du procès, l’avocat de Mme Elliott a sollicité trois fois une suspension de l’instance. Les deux premières requêtes ont été rejetées. La troisième a été accordée le 7 septembre 1999, le juge Cosgrove ayant conclu qu’il avait été porté atteinte plus de 150 fois aux droits garantis à Mme Elliott par la Charte canadienne des droits et libertés. Il a aussi ordonné à la Couronne du chef de l’Ontario de payer les frais de justice engagés par Mme Elliott depuis l’introduction de l’instance.

[11]           Les personnes à l’origine des atteintes aux droits de Mme Elliott, selon ce qu’avait constaté le juge Cosgrove, étaient 11 procureurs de la Couronne et hauts fonctionnaires du ministère du Procureur général de l’Ontario. Les motifs du juge Cosgrove sont publiés : R. c. Elliott (1999), 105 O.T.C. 241.

[12]           Ce sont les avocats employés par le procureur général de l’Ontario, là encore conformément à l’usage, qui ont fait appel de la décision du juge Cosgrove. L’avocat de Mme Elliott (qui n’était pas celui qui l’avait représentée à son procès) a admis que les conclusions du juge Cosgrove selon lesquelles il y avait eu violations de la Charte et abus de la procédure ne pouvaient pas être maintenues et que la condamnation de la Couronne aux dépens n’était pas justifiée, mais il a fait valoir que la suspension de l’instance était légitime parce que l’avocat qui avait représenté Mme Elliott à son procès était incompétent et que c’était ses actes à lui, et non ceux de procureurs de la Couronne ou autres fonctionnaires, qui étaient à l’origine des atteintes aux droits fondamentaux de Mme Elliott. La Cour d’appel de l’Ontario n’a pas retenu cet argument. Le 4 décembre 2003, l’appel de la Couronne a été accueilli, la suspension d’instance à été annulée et la tenue d’un nouveau procès a été ordonnée, pour les motifs résumés ci‑après (R. c. Elliott (2003), 179 O.A.C. 219, 181 C.C.C. (3d) 118, 114 C.R.R. (2d) 1, au paragraphe 166) :

[traduction]

[166] Nous concluons cette partie de nos motifs comme nous l’avons commencé. La preuve n’étaye pas la plupart des conclusions du juge de première instance selon lesquelles il y avait eu contravention à la Charte. Les quelques contraventions du genre qui ont été établies, par exemple la non‑communication de certains éléments de preuve, auraient été corrigées avant que ne débute le procès lui‑même si le juge de première instance n’avait pas suspendu l’instance. Le juge de première instance a commis de nombreuses erreurs de droit portant sur l’application de la Charte. Il a tiré, contre les procureurs de la Couronne et les policiers, des conclusions d’inconduite qui n’étaient ni justifiées ni étayées. Il a abusé de ses pouvoirs en matière d’outrage au tribunal et a donné son feu vert à des investigations portant sur des aspects qui étaient étrangers aux points véritables soulevés dans cette affaire.

 

[13]           Le 23 avril 2004, le procureur général de l’Ontario écrivait au Conseil pour le prier, conformément au paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges, d’ouvrir une enquête sur la conduite adoptée par le juge Cosgrove durant le procès Elliott. Se fondant sur des documents issus du procès et de l’appel, le procureur général de l’Ontario a exprimé l’avis que la conduite du juge Cosgrove tout au long du procès avait à ce point miné la confiance du public dans l’administration de la justice en Ontario que le juge Cosgrove s’était rendu inapte à remplir utilement ses fonctions, au sens du paragraphe 65(2) de la Loi sur les juges.

[14]           L’avis exprimé par le procureur général de l’Ontario était censément fondé sur le critère de l’inaptitude à occuper la charge de juge, un critère énoncé dans la Décision de 1990 du Comité d’enquête du Conseil sur la plainte du procureur général de la Nouvelle‑Écosse à propos de la conduite de la Commission royale sur la poursuite engagée contre Donald Marshall fils (décision publiée : (1990), 40 R.D.U.N.B. 212) :

La conduite reprochée porte‑t‑elle si manifestement et si totalement atteinte aux notions d’impartialité, d’intégrité et d’indépendance de la justice qu’elle ébranle suffisamment la confiance de la population pour rendre le juge incapable de s’acquitter des fonctions de sa charge?

 

[15]           En accord avec les usages du Conseil, le juge Cosgrove s’est vu remettre une copie de la plainte, ainsi qu’une lettre décrivant certains aspects de la procédure qui suivrait, notamment la nomination d’un comité d’enquête et la nomination d’un avocat indépendant.

[16]           Le 27 avril 2004, le Conseil publiait un communiqué de presse annonçant que, à la requête du procureur général de l’Ontario, une enquête serait menée à propos de la conduite adoptée par le juge Cosgrove dans le procès Elliott. Le juge Cosgrove ne fut pas consulté avant la publication du communiqué de presse. Le communiqué de presse fut largement commenté dans les médias.

[17]           Entre le 7 septembre 1999, date à laquelle le juge Cosgrove a rendu sa décision suspendant le procès Elliott, et le 23 avril 2004, date à laquelle le procureur général de l’Ontario a déposé sa plainte, le juge Cosgrove a instruit plusieurs affaires civiles et criminelles mettant en cause le procureur général de l’Ontario, notamment deux affaires au cours desquelles des personnes, qui avaient agi comme procureurs de la Couronne dans le procès Elliott, ont comparu à titre d’avocats. Dans aucune de ces affaires, le juge Cosgrove n’a été prié de se récuser.

[18]           À la suite de pourparlers postérieurs au 27 avril 2004 entre le juge Cosgrove et le juge en chef de la Cour supérieure de l’Ontario, il a été décidé que le juge Cosgrove ne siégerait plus dans aucune affaire jusqu’à la conclusion de l’enquête.

 

[19]           Peu après que la plainte du procureur général de l’Ontario fut reçue par le Conseil, un comité d’enquête a été constitué. Le président du comité est le juge en chef Lance Finch, de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique. Les autres membres sont le juge en chef Allan Wachowich, de la Cour du banc de la Reine de l’Alberta, le juge en chef Michael MacDonald, de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse, M. John Nelligan, c.r., du Barreau de l’Ontario, et Mme Kirby Chown, du Barreau de l’Ontario. M. Earl Cherniak, c.r., a été nommé avocat indépendant du comité d’enquête.

[20]           Le juge Cosgrove a présenté au comité d’enquête une requête contestant la constitutionnalité du paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges, au motif que, selon lui, cette disposition porte atteinte au principe d’indépendance judiciaire, un principe qui jouit d’une protection constitutionnelle. Le 16 décembre 2004, le comité d’enquête, dans des motifs écrits, a rejeté la requête.

[21]           Le 20 janvier 2005, le juge Cosgrove déposait devant la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision du comité d’enquête qui avait rejeté sa contestation constitutionnelle. En application du paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, le procureur général du Canada était désigné comme défendeur dans cette demande. Le 26 octobre 2005, la Cour fédérale faisait droit à la demande de contrôle judiciaire. L’ordonnance renferme ce qui suit :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.         La décision du comité d'enquête en date du 16 décembre 2004 est annulée.

3.         La Cour déclare que, dans la mesure où il confère au procureur général d'une province le droit d'obliger le Conseil canadien de la magistrature à enquêter sur la conduite d'un juge, le paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges ne remplit pas les conditions minimales garantissant le respect du principe de l'indépendance judiciaire, et est en conséquence invalide.

4.         La Cour déclare en outre que le comité d'enquête n'a pas compétence pour mener l'enquête.

5.         Il n'a pas été demandé de dépens, et il n'en est pas adjugé.

 

 

[22]           Le procureur général du Canada, représentant la Couronne du chef du Canada, a fait appel de l’ordonnance de la Cour fédérale. Par commodité, je désignerai l’appelant par l’expression « la Couronne ».

[23]           Les procureurs généraux de l’Ontario, du Nouveau‑Brunswick et de la Nouvelle‑Écosse, ainsi que l’avocat indépendant, interviennent à l’appui de l’appel interjeté par la Couronne.

[24]           La Criminal Lawyers’ Association, le Conseil canadien des avocats de la défense et l’Association canadienne des juges des cours supérieures interviennent à l’appui de la position du juge Cosgrove.

3. La norme de contrôle

[25]           La juge de la Cour fédérale a conclu que la norme de contrôle applicable à la décision du comité d’enquête relative à la question constitutionnelle soulevée dans cette affaire est la norme de la décision correcte, et que la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait du comité d’enquête est la norme de la décision manifestement déraisonnable. Je partage son avis. Aucune autre norme de contrôle n’a été proposée.

4. Les conclusions de fait

[26]           Les faits non contestés sont résumés ci‑après. Seules deux conclusions du comité d’enquête peuvent être qualifiées de conclusions de fait.

[27]           D’abord, le comité d’enquête n’a trouvé aucune raison d’affirmer que le procureur général de l’Ontario s’est fondé sur le paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges dans un but illégitime. Cette conclusion n’est pas contestée (il semble d’ailleurs qu’aucune allégation de cette nature n’a été faite à l’encontre du procureur général de l’Ontario).

[28]           Deuxièmement, le comité d’enquête n’a trouvé aucune raison d’affirmer que les juges des juridictions supérieures sont intimidés par le fait qu’un procureur général puisse obliger le Conseil à enquêter sur leur conduite. Cette conclusion visait à dissiper les doutes suscités par le juge Cosgrove concernant le possible effet paralysant du paragraphe 63(1) sur un juge d’une juridiction supérieure à qui l’on demande de rendre une décision défavorable au procureur général. Cependant, l’avocat du juge Cosgrove a fait valoir, et je partage son avis, que cette conclusion importe peu parce que la question de savoir s’il y a ou non atteinte inconstitutionnelle à l’indépendance judiciaire dépend d’un critère objectif et non de l’idée que s’en fait tel ou tel juge.

5. L’indépendance judiciaire et la conduite des juges

[29]           L’indépendance judiciaire est essentielle pour garantir la primauté du droit dans une société démocratique. Le comité d’enquête a d’ailleurs dit en l’espèce que l’indépendance judiciaire est l’élément le plus important du principe de primauté du droit dans une société démocratique, et qu’elle est suivie de près par la nécessité d’un barreau indépendant (décision du comité d’enquête, paragraphe 26). Je partage cet avis.

[30]           L’indépendance judiciaire est un droit fondamental des justiciables, qui leur garantit que les juges prononceront sur les causes dont ils sont saisis à l’abri de toute ingérence, réelle ou apparente, notamment de l’ingérence de quiconque représentant le pouvoir exécutif ou le pouvoir législatif : voir l’arrêt Beauregard c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 56, paragraphe 21, et l’arrêt R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114, page 139.

 

[31]           Le juge Strayer avait exposé ce principe comme il suit dans le jugement Gratton c. Conseil canadien de la magistrature (1re inst.), [1994] 2 C.F. 769, au paragraphe 16 (cité avec approbation dans l’arrêt Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, [1997] 3 R.C.S. 3, au paragraphe 329) :

Qu’il suffise de dire que l’indépendance judiciaire fait partie intégrante de notre société libre et démocratique. Elle est reconnue et sauvegardée par la Constitution et les conventions constitutionnelles, par les lois et par la common law. Elle sert essentiellement à permettre aux juges de rendre des décisions en conformité avec leur conception du droit et des faits, sans avoir à craindre de subir eux‑mêmes des conséquences fâcheuses. Cela s’impose pour assurer au public que, tant en apparence qu’en réalité, leurs causes seront jugées, leurs lois interprétées et leur Constitution appliquée sans distinction de personnes. La garantie aux juges de pouvoir rester en poste sans subir d’ingérence irrégulière dans l’exercice de leurs fonctions est indispensable à l’indépendance de la justice […] Mais il importe tout autant de se rappeler que la protection de l’inamovibilité [traduction] « vise à profiter non pas aux juges, mais bien aux justiciables ».

[32]           Cependant, l’indépendance judiciaire ne veut pas dire que la conduite des juges est à l’abri du droit de regard du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif. Au contraire, un régime adéquat d’examen de la conduite des juges est essentiel si l’on veut préserver la confiance du public dans la magistrature : arrêt Moreau‑Bérubé c. Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), [2002] 1 R.C.S. 249, page 285.

6. Les procureurs généraux des provinces ont‑ils un rôle à jouer dans l’examen de la conduite des juges?

[33]           L’une des questions soulevées dans la présente affaire est de savoir si les procureurs généraux des provinces ont ou devraient avoir un rôle à jouer dans l’examen de la conduite des juges des juridictions supérieures, étant donné que, en application de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867, les juges des juridictions supérieures sont nommés par le gouverneur en conseil. On a souligné, dans les arguments, qu’il n’est pas établi que les procureurs généraux des provinces étaient investis de telles attributions avant l’entrée en vigueur du paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges. À supposer que cela soit juste, il ne s’ensuit pas nécessairement que les procureurs généraux des provinces ne peuvent pas, en vertu du droit, intervenir dans l’examen de la conduite des juges des juridictions supérieures.

[34]           Selon la Constitution canadienne, les cours supérieures des provinces sont les descendantes des Cours royales de justice et elles sont donc des cours investies d’une compétence naturelle dans tous les domaines sauf dans la mesure où une autre instance est validement désignée par la loi : Hunt c. T&N plc, [1993] 4 R.C.S. 389; Procureur général du Canada c. Law Society of British Columbia, [1982] 2 R.C.S. 307. Pareillement, les procureurs généraux, collectivement, sont les descendants du procureur général d’Angleterre (voir l’article 135 de la Loi constitutionnelle de 1867, l’article 5 de la Loi fédérale sur le ministère de la Justice, l’alinéa 5d) de la Loi sur le ministère du Procureur général, L.R.O. 1990, ch. M.17, et les dispositions analogues d’autres lois provinciales se rapportant à la charge de procureur général). Les assemblées législatives des provinces ont le pouvoir exclusif de légiférer quant à l’administration de la justice dans la province (paragraphe 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867).

[35]           Un important aspect du rôle constitutionnel traditionnel du procureur général d’Angleterre consiste à protéger l’intérêt public dans l’administration de la justice. Au Canada, ce rôle est maintenant partagé par l’ensemble des procureurs généraux – les procureurs généraux des provinces au sein de leurs provinces respectives, et le procureur général du Canada, dans les affaires relevant de la compétence du gouvernement fédéral.

[36]           L’intérêt public dans une procédure efficace d’examen de la conduite des juges est un aspect de l’intérêt public dans l’administration de la justice. Par conséquent, il me semble conforme aux principes constitutionnels canadiens que les procureurs généraux des provinces prennent part à l’examen de la conduite des juges des juridictions supérieures de leurs provinces respectives.

7. La constitutionnalité du paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges

[37]           Il est légitime que les procureurs généraux des provinces jouent un rôle dans l’examen de la conduite des juges, mais la question qui est posée en l’espèce est de savoir si le rôle particulier conféré aux procureurs généraux des provinces par le paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges compromet l’indépendance judiciaire.

a) Le critère objectif

[38]           La question de savoir si une disposition législative donnée est inconstitutionnelle parce qu’elle porte atteinte à l’indépendance judiciaire doit être examinée d’une manière objective et pragmatique. La question qu’il faut se poser, pour reprendre les motifs exposés par le juge de Grandpré dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, page 394, est de savoir si une personne raisonnable et sensée, connaissant les faits et circonstances du dossier, considérant l’affaire d’une manière réaliste et pratique, et l’ayant étudiée dans tous ses détails, serait fondée à craindre que la disposition législative en question ne porte atteinte à l’impartialité d’un juge. Ce critère vise à minimiser l’effet des perceptions subjectives et des sensibilités individuelles, ainsi que la prise en compte de possibilités lointaines ou fondées sur des conjectures, tout en reconnaissant l’importance pour le public de savoir qu’il peut compter sur l’impartialité des juges.

 

[39]           Les trois conditions essentielle de l’indépendance judiciaire, reconnues dans l’arrêt Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673, sont l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance institutionnelle dans les questions administratives qui ont un effet direct sur l’exercice des fonctions judiciaires. Parmi ces trois conditions de l’indépendance judiciaire, celle qui nous intéresse ici est l’inamovibilité. La raison de cela, c’est que l’un des résultats possibles d’une enquête menée en vertu de la Loi sur les juges est que le Conseil peut recommander au ministre la destitution du juge concerné et que le ministre peut souscrire à cette recommandation et lancer la procédure parlementaire requise pour la destitution du juge.

 

[40]           L’histoire a aussi montré qu’une enquête demandée par un procureur général en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges peut conduire à la démission du juge. Depuis 1977, les procureurs généraux ont présenté sept demandes d’ouverture d’enquête en vertu du paragraphe 63(1). Quatre d’entre elles ont été suivies d’une recommandation de non‑destitution du juge concerné. L’une d’elles (l’enquête Marshall de 1990) concernait cinq juges, dont deux ont démissionné avant le début de l’enquête. Sur les trois enquêtes restantes, deux ont conduit à la démission du juge avant que l’enquête ne commence, et la troisième à la démission du juge après une recommandation de destitution.

[41]           La question qu’il faut poser est la suivante : Une personne raisonnable et sensée, connaissant les faits et circonstances, considérant l’affaire d’une manière réaliste et pratique, et l’ayant étudiée dans tous ses détails, aurait‑elle raison de craindre que le paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges compromette l’impartialité d’un juge parce que cette disposition oblige le Conseil à ouvrir une enquête à la requête d’un procureur général provincial, et cela sans engager la procédure d’examen préalable qui s’applique aux plaintes portant sur la conduite de juges déposées en vertu du paragraphe 63(2)?

b) L’application du critère objectif

[42]           La personne raisonnable hypothétique qui doit examiner cette question comprendrait le rôle d’un juge d’une juridiction supérieure, les principes constitutionnels applicables (dont ceux qui sont résumés ci‑dessus, et la disposition constitutionnelle qui garantit l’inamovibilité des juges des juridictions supérieures), le contexte historique et législatif, comment et dans quelles circonstances un juge peut être destitué, enfin les rôles que peuvent jouer les procureurs généraux et le Conseil dans les enquêtes relatives aux plaintes touchant la conduite des juges. Les propos qui suivent abordent ce qui, selon moi, représente les aspects pertinents des points susmentionnés.

(i) L’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867

[43]           Pour bien comprendre le principe de l’inamovibilité des juges des juridictions supérieures, il faut d’abord examiner la Loi constitutionnelle de 1867, laquelle donne aux juges des cours supérieures la plus haute garantie possible d’inamovibilité. Le paragraphe 99(1) de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit notamment ce qui suit :

99. (1) […] les juges des cours supérieures resteront en fonction durant bonne conduite, mais ils pourront être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des Communes.

99. (1) . . . the Judges of the Superior Courts shall hold office during good behaviour, but shall be removable by the Governor General on Address of the Senate and House of Commons.

 

 

[44]           La Loi constitutionnelle de 1867 ne prévoit aucune ligne directrice quant à la procédure à suivre, ou quant aux principes à appliquer, lorsque le Sénat et la Chambre des communes sont invités à examiner si la conduite d’un juge justifie sa destitution. Il est généralement admis que c’est au ministre qu’il revient de présenter la question au Sénat et à la Chambre des communes mais il semble que, dans les rares cas où la conduite d’un juge a été mise en cause, les détails de la procédure ont été conçus en fonction des nécessités du moment.

(ii) Le contexte historique de la partie II de la Loi sur les juges

[45]           L’absence de directives quant à la forme et quant au fond a créé de réelles difficultés à la fin des années 60 dans une aftaire qui concernait le juge Léo Landreville : voir Landreville c. Canada, [1973] C.F. 1223 (la décision Landreville n° 1); Landreville c. Canada, [1977] 2 C.F. 726 (la décision Landreville n° 2); Landreville c. Canada, [1981] 1 C.F. 15 (la décision Landreville n° 3); Martin L. Friedland, A Place Apart: Judicial Independence and Accountability in Canada (Toronto : Conseil canadien de la magistrature, 1995), page 88; et William Kaplan, Bad Judgment: The Case of Mr. Justice Leo A. Landreville (Toronto : University of Toronto Press, 1996). Ce précédent a conduit le ministre, en 1971, à proposer l’adoption de ce qui est aujourd’hui la partie II de la Loi sur les juges.

[46]           L’enquête sur la plainte déposée contre le juge Landreville fut menée en vertu de la Loi sur les enquêtes (aujourd’hui L.R.C. 1985, ch. I‑11) par un juge à la retraite de la Cour suprême. Le commissaire est arrivé à la conclusion que le juge Landreville était inapte à exercer ses fonctions. Le rapport du commissaire fut déposé à la Chambre des communes en août 1966. Plus tard cette année‑là, un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes fut nommé pour [traduction] « enquêter et faire rapport sur l’opportunité de présenter une adresse » en vue de démettre de ses fonctions le juge Landreville. Ce comité présenta un rapport en avril 1967, dans lequel il recommandait que soit engagée une procédure de destitution, fondée, du moins en partie, sur le rapport du commissaire. L’affaire n’avait pas encore été soumise au Parlement quand le juge Landreville démissionna en 1967.

[47]           M. Landreville déposa plus tard une demande devant la Cour fédérale en vue de faire annuler le rapport du commissaire. Après examen de la demande, le juge Collier rendit un jugement déclaratoire disant que le commissaire avait commis une erreur de droit parce qu’il avait tiré une conclusion qui outrepassait son mandat et parce qu’il n’avait pas donné un avis suffisant d’une certaine allégation d’inconduite comme il y était tenu par l’article 13 de la Loi sur les enquêtes (voir la décision Landreville n° 2, page 759). Le juge Collier écrivait aussi que le commissaire n’avait pas pris acte des antécédents personnels de M. Landreville d’une manière totalement objective. M. Landreville engagea plus tard des poursuites pour obtenir la rente qui ne lui avait pas été versée lors de sa démission. La Cour fédérale jugea que le gouverneur en conseil n’avait pas correctement étudié sa demande de paiement d’une rente (voir la décision Landreville n° 3). Un compromis fut finalement conclu avec M. Landreville, qui reçut un paiement à titre gracieux.

[48]           La procédure suivie dans l’affaire Landreville pourrait faire l’objet de nombreuses critiques, mais il me semble que la racine du problème était l’absence d’une procédure équitable et détaillée applicable aux enquêtes sur les plaintes concernant la conduite des juges des juridictions supérieures. La solution retenue fut l’adoption, en 1971, de la partie II de la Loi sur les juges. Comme je l’ai dit plus haut, ces dispositions créaient le Conseil et habilitaient celui‑ci à mener des enquêtes sur la conduite des juges et à présenter ses recommandations au Parlement.

(iii) L’article 71 de la Loi sur les juges

[49]           Je m’arrête un instant ici pour souligner que le pouvoir du gouverneur général de démettre un juge de ses fonctions à la requête conjointe du Sénat et de la Chambre des communes ne dépend nullement de ce qui est fait ou de ce qui n’est pas fait selon la partie II de la Loi sur les juges. L’article 71 de la Loi sur les juges est clair sur ce point. Cela signifie, selon moi, qu’il est théoriquement possible pour un juge d’être destitué même si la procédure d’enquête prévue par la partie II de la Loi sur les juges n’est jamais engagée. En pratique cependant, et compte tenu en particulier des enseignements de l’affaire Landreville, il me semble improbable que le législateur puisse être conduit à recommander la destitution d’un juge sans pouvoir invoquer le solide fondement qui est susceptible d’être obtenu par une enquête menée en vertu de la partie II de la Loi sur les juges, ou son équivalent fonctionnel.

(iv) La procédure applicable à la plainte d’un procureur général aux termes du paragraphe 63(1)

[50]           La procédure suivie dans une enquête portant sur la conduite d’un juge d’une juridiction supérieure est exposée en partie dans la Loi sur les juges, et en partie dans le Règlement administratif du Conseil canadien de la magistrature sur les enquêtes, DORS/2002‑371 (le Règlement administratif sur les enquêtes), pris par le Conseil en vertu de l’alinéa 65(3)c) de la Loi sur les juges. Dans les propos qui suivent, je résume les dispositions et règles régissant la procédure d’enquête qui me semblent applicables à la présente affaire. Cependant, il convient d’abord de prendre note des limites posées au pouvoir discrétionnaire d’un procureur général d’exercer, selon le paragraphe 63(1), le pouvoir de contraindre le Conseil à mener une enquête.

[51]           La contrainte la plus importante, d’après moi, découle du rôle constitutionnel traditionnel des procureurs généraux en tant que gardiens de l’intérêt public dans l’administration de la justice. Les procureurs généraux sont, de par la Constitution, tenus d’exercer leur pouvoir discrétionnaire de bonne foi, objectivement, impartialement, et d’une manière conforme à l’intérêt public : Krieger c. Law Society of Alberta, [2002] 3 R.C.S. 372; l’honorable Ian G. Scott, « Law, Policy and the Role of the Attorney General: Constancy and Change in the 1980s », (1989), 39 U.T.L.J. 109, page 122; l’honorable J.C. McRuer, Royal Commission of Inquiry into Civil Rights, Rapport n° 1, vol. 2, ch. 62 (Toronto : Imprimeur de la Reine, 1968), page 945; l’honorable R. Roy McMurtry, « The Office of the Attorney General », dans D. Mendes da Costa, éditeur, The Cambridge Lectures (Toronto : Butterworths, 1981), page 7. Les procureurs généraux ont droit à l’avantage d’une présomption réfutable selon laquelle ils rempliront cette obligation.

[52]           Une deuxième contrainte se trouve dans le paragraphe 63(1) lui‑même. La lecture que je fais de cette disposition, c’est qu’un procureur général a le droit de demander l’ouverture d’une enquête sur la conduite d’un juge en application du paragraphe 63(1), mais uniquement si cette conduite est suffisamment grave pour justifier la destitution du juge pour l’un des motifs précisés dans les alinéas 65(2)a) à d). Dans le Rapport du Conseil canadien de la magistrature au ministre de la Justice, en application du paragraphe 65(1) de la Loi sur les juges, concernant M. le juge Jean‑Guy Boilard, de la Cour supérieure du Québec (2003), le Conseil écrivait (à la page 3) qu’il peut refuser de mener une enquête demandée en vertu du paragraphe 63(1), ou que le comité d’enquête peut refuser de poursuivre une enquête, si la requête présentée par un procureur général n’allègue pas un cas de mauvaise foi ou d’abus d’autorité, et si elle ne révèle à première vue aucun argument défendable en faveur d’une destitution. À mon avis, ce principe (que j’appellerai la règle Boilard) est un rappel opportun du principe général selon lequel un tribunal administratif, qui est maître de sa propre procédure, peut refuser d’aller de l’avant dans toute affaire qui échappe à son mandat ou qui constitue un abus de sa procédure.

 

[53]           Il est vrai qu’un procureur général, tout en agissant de bonne foi, peut présenter une requête dont le fondement est contestable. La preuve en est que ce ne sont pas toutes les enquêtes sollicitées par les procureurs généraux qui débouchent sur une recommandation de destitution et que, dans au moins un cas, la requête ne révélait pas même une apparence de fondement. Cependant, la question de savoir si la conduite d’un juge, dans un cas donné, justifie sa destitution peut donner lieu à des divergences de vues entre personnes raisonnables et bien informées. La possibilité qu’un procureur général se méprenne sur la gravité de la conduite d’un juge ne présente guère de lien avec la question de savoir si le paragraphe 63(1) est ou non constitutionnel.

[54]           Je passe maintenant à la procédure d’enquête elle‑même. L’enquête est menée en premier lieu par un comité d’enquête, qui a le pouvoir d’une juridiction supérieure de citer des témoins et de les obliger à comparaître devant lui et à produire des documents.

[55]           Le comité d’enquête se compose d’un nombre impair de membres. La majorité d’entre eux sont des membres du Conseil nommés par le président ou le vice‑président du comité sur la conduite des juges. Les autres, nommés par le ministre, peuvent être des avocats ayant été membres du barreau d’une province pendant au moins 10 ans. Le comité d’enquête ne peut pas comprendre une personne qui est membre de la même juridiction que le juge qui fait l’objet de l’enquête. Le président ou le vice‑président du comité sur la conduite des juges désigne le président du comité d’enquête.

[56]           Le président ou le vice‑président du comité sur la conduite des juges nomme aussi au comité d’enquête l’avocat indépendant, qui doit être membre du barreau d’une province depuis au moins 10 ans et dont la compétence et l’expérience sont reconnues au sein de la communauté juridique. Il appartient à l’avocat indépendant de présenter l’affaire au comité d’enquête, notamment en présentant des observations sur les questions de procédure ou de droit qui sont soulevés lors de l’audience. L’avocat indépendant doit agir avec impartialité et conformément à l’intérêt public.

[57]           La procédure du comité d’enquête doit se dérouler d’une manière conforme au principe de l’équité. Le juge visé par l’enquête doit recevoir un avis raisonnable de l’objet de l’enquête ainsi que de la date et du lieu de l’audience, et il doit avoir la possibilité, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocat, d’être entendu à l’audience, de contre‑interroger les témoins et de produire des preuves utiles à sa décharge. Il incombe à l’avocat indépendant de donner au juge un préavis suffisant de toutes les plaintes ou allégations qui sont étudiées par le comité d’enquête, afin qu’il puisse pleinement y répondre.

[58]           Toute audience du comité d’enquête doit être ouverte au public, sauf si le comité d’enquête est d’avis que l’intérêt public et la bonne administration de la justice requièrent le huis clos, en totalité ou en partie, à moins d’ordre contraire du ministre. Le comité d’enquête peut interdire la publicité de tout renseignement ou document qui lui est présenté s’il est d’avis que telle publicité serait contraire à l’intérêt public.

[59]           Le comité d’enquête remet au Conseil un rapport dans lequel il consigne les résultats de l’enquête et ses conclusions sur la question de savoir si la destitution du juge devrait être recommandée. Une copie du rapport est remise au juge, à l’avocat indépendant et à toute autre personne ou entité qui avait l’intérêt pour agir devant le comité d’enquête. Si l’audience s’est déroulée publiquement, le rapport est rendu public.

[60]           Dans les 30 jours qui suivent la réception du rapport du comité d’enquête, ou dans tel autre délai que peut autoriser le Conseil, le juge peut présenter des observations écrites au Conseil à propos du rapport. L’avocat indépendant doit recevoir une copie des observations écrites présentées par le juge au Conseil, et il peut, dans les 15 jours qui suivent, présenter au Conseil une réponse écrite.

[61]           Si le juge fait une déclaration au Conseil, la déclaration est faite en public, sauf si le Conseil estime que l’intérêt public s’y oppose. L’avocat indépendant doit être présent et le Conseil peut l’inviter à faire sa propre déclaration en réponse à celle du juge.

[62]           Le Conseil examine le rapport du comité d’enquête et, le cas échéant, les observations écrites ou la déclaration du juge ou de l’avocat indépendant. Les membres du comité d’enquête ne participent pas aux délibérations du Conseil.

[63]           Le Conseil remet au ministre un rapport sur ses conclusions et lui communique le dossier de l’enquête. Une copie du rapport est remise au juge. Si le Conseil est d’avis que le juge en cause est inapte à remplir utilement ses fonctions pour l’un ou l’autre des motifs énoncés au paragraphe 65(2) de la Loi sur les juges (à savoir a) âge ou invalidité; b) manquement à l’honneur et à la dignité, c) manquement aux devoirs de sa charge; d) situation d’incompatibilité, qu’elle soit imputable au juge ou à toute autre cause), le Conseil peut, dans son rapport au ministre, recommander la destitution du juge.

[64]           Comme je l’explique plus haut, le Conseil n’a pas le pouvoir de destituer un juge. La destitution ne peut être prononcée que par le gouverneur général, à la requête conjointe du Sénat et de la Chambre des communes. Si la question de la destitution doit être soumise au Parlement, cette tâche revient au ministre. Il est loisible au ministre de soumettre la question au Parlement ou de n’en rien faire. Comme tous les actes d’un procureur général, le pouvoir du ministre en la matière est limité par l’obligation constitutionnelle d’agir de bonne foi, objectivement, d’une manière impartiale et selon ce qu’exige l’intérêt public. En l’absence d’une preuve contraire, il est présumé que le ministre s’acquittera de cette obligation.

[65]           Je voudrais souligner cinq aspects de la procédure d’enquête qui, considérés ensemble, montrent que l’enquête, une fois commencée, est équitable pour le juge qui en fait l’objet :

1)      Le juge est informé des allégations du plaignant, et l’occasion lui est donnée d’y réagir et de se faire entendre.

2)      L’enquête est confiée au départ à un groupe de juges et d’avocats d’expérience, et leur recommandation est étudiée de façon indépendante par un groupe élargi composé de juges en chef, de juges en chef adjoints et d’autres juges principaux des juridictions supérieures. On a ainsi l’assurance que les divers aspects sont examinés par plusieurs spécialistes qui viennent d’horizons différents et dont les connaissances et expériences collectives non seulement conviennent pour la tâche à accomplir, mais également constituent la meilleure ressource disponible car ils connaissent les principes constitutionnels applicables et ce en quoi consiste le travail d’un juge.

3)      Sur le fond et sur la forme, le déroulement de l’enquête bénéficie de l’intervention de l’avocat indépendant, qui est tenu d’agir d’une manière impartiale et dans l’intérêt public, ce qui comprend nécessairement l’intérêt du public dans la préservation de l’indépendance judiciaire. Je souligne en passant que c’est l’avocat indépendant qui avait plaidé en faveur du rejet sommaire de la demande d’enquête présentée par le procureur général dans l’affaire Boilard (susmentionnée).

4)      Le procureur général qui sollicite une enquête n’est pas tenu de plaider contre le juge, et il n’exerce aucun rôle officiel dans la conduite de l’enquête.

5)      Le résultat de la procédure est un rapport et une recommandation adressés au ministre, qui doit décider si l’affaire sera soumise au Parlement. Le ministre, en sa qualité de procureur général du Canada, est tenu d’étudier cette question de bonne foi, d’une manière objective et impartiale, et en tenant compte de l’intérêt public, et il est présumé agir de la sorte.

(v) La procédure d’examen préalable applicable aux plaintes ordinaires aux termes du paragraphe 63(2)

[66]           Je décrirai maintenant la procédure d’examen préalable qui est suivie lorsqu’une plainte est déposée en vertu du paragraphe 63(2) de la Loi sur les juges, c’est‑à‑dire la procédure qui est omise lorsque c’est un procureur général qui sollicite la tenue d’une enquête en application du paragraphe 63(1).

[67]           Une plainte relevant du paragraphe 63(2) (que j’appellerai « plainte ordinaire ») peut être déposée par quiconque, y compris par un juge en chef (c’était le cas dans l’affaire Gratton, précitée). Un procureur général peut lui‑même recourir au paragraphe 63(2) plutôt qu’au paragraphe 63(1), et il peut vraisemblablement le faire pour déposer une plainte concernant la conduite d’un juge qui ne justifiera pas nécessairement une destitution pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 65(2)a) à d).

[68]           Le Conseil ne publie pas en principe les plaintes ordinaires ou le résultat du dépôt de telles plaintes, à moins que ne soit établi un comité d’enquête. Cependant, le plaignant n’est pas tenu de préserver le caractère confidentiel de la plainte, et ce n’est pas nécessairement ce qu’il fera.

[69]           Une plainte ordinaire est soumise à une procédure à plusieurs niveaux qui permet de déterminer si une enquête s’impose. La procédure est exposée en détail dans la Marche à suivre pour le traitement des plaintes déposées au Conseil canadien de la magistrature et concernant des juges nommés par le pouvoir fédéral.

[70]           Au premier niveau, la plainte est examinée par le directeur exécutif du Conseil, qui se demandera si elle justifie l’ouverture d’un dossier. Aucun dossier n’est ouvert si la plainte est manifestement irrationnelle ou si elle constitue un abus évident de la procédure de dépôt des plaintes. Si un dossier est ouvert, la plainte passe au deuxième niveau.

[71]           Au deuxième niveau, la plainte est renvoyée au président (ou au vice‑président) du comité sur la conduite des juges. Le président peut disposer de la plainte sommairement si elle dépasse le mandat du Conseil (par exemple, une plainte qui vise à faire examiner la décision d’un juge plutôt que la conduite du juge), ou si elle est insignifiante, vexatoire ou déposée dans un objet illégitime, si elle est manifestement sans fondement ou s’il ne convient pas de l’examiner de façon plus approfondie. Si la plainte n’est pas rejetée sommairement, le président peut demander des renseignements complémentaires au plaignant, au juge, ou au juge en chef dont le juge relève. La plainte peut être rejetée, réglée à la faveur de mesures correctives, ou renvoyée à un comité. Si elle est renvoyée à un comité, elle passe au troisième niveau.

[72]           Au troisième niveau, la plainte est examinée par un comité de trois à cinq juges (à qui il faut ajouter un juge qui est membre de la même juridiction que celui qui fait l’objet de la plainte, ainsi que le président du comité sur la conduite des juges). Le juge est informé de la constitution du comité, il reçoit les renseignements qui ne lui ont pas déjà été communiqués et il est invité à y répondre. Si la plainte n’est pas jugée suffisamment sérieuse pour justifier une enquête, elle peut être réglée à ce stade au moyen d’une lettre d’explications, ou encore d’une recommandation en faveur de mesures correctives. Si le comité juge la plainte assez sérieuse pour justifier la tenue d’une enquête, il recommande au Conseil d’établir un comité d’enquête. La plainte passe alors au quatrième niveau.

[73]           Au quatrième niveau, le Conseil étudie la recommandation du comité et décide si la tenue d’une enquête est ou non justifiée. Le juge a la possibilité de présenter des observations au Conseil sur les raisons pour lesquelles la plainte devrait ou non être étudiée davantage. Si la tenue d’une enquête est justifiée, la procédure du comité d’enquête décrite ci‑dessus est suivie.

[74]           D’après l’expérience du Conseil, la grande majorité des plaintes ordinaires sont rejetées sommairement. Sur le petit nombre restant, presque toutes sont réglées rapidement au moyen de mesures correctives ou d’une lettre d’explications. Seul un pourcentage minuscule de plaintes ordinaires font état d’une conduite qui justifie la tenue d’une enquête, et très rares sont celles qui conduisent à une recommandation de destitution.

(vi) Examen

[75]           La manière dont un justiciable ordinaire pourrait considérer le pouvoir d’un procureur général d’obliger le Conseil à mener une enquête sur la conduite d’un juge a été décrite dans ses moindres détails par l’avocat des intervenants, la Criminal Lawyers’ Association et le Conseil canadien des avocats de la défense. Il a évoqué le cas hypothétique d’un prévenu qui est poursuivi devant une juridiction supérieure par les avocats travaillant pour le procureur général, lorsque le prévenu sait que le procureur général peut demander la tenue d’une enquête en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges, et que le prévenu est donc en position de nuire au juge plus qu’il ne pourrait le faire en déposant une plainte ordinaire en vertu du paragraphe 63(2). On a fait valoir qu’un justiciable ordinaire pourrait fort bien craindre que le juge hésite à admettre une contestation de l’à‑propos d’une intervention de l’avocat de la Couronne ou autres personnes employées par le procureur général.

[76]           À mon avis, cet exemple est vicié, surtout parce qu’il présume que la question constitutionnelle pertinente est examinée en fonction du point de vue subjectif d’un justiciable, plutôt qu’en fonction du critère objectif évoqué plus haut. Plus précisément, l’exemple donné ne prend pas en compte le principe constitutionnel selon lequel un procureur général ne doit pas exercer le pouvoir que lui confère le paragraphe 63(1) pour « nuire au juge », ni la présomption selon laquelle le procureur général n’agira pas d’une manière irrégulière. L’exemple donné ne tient pas non plus compte du fait qu’une plainte portée contre un juge, et manifestement sans fondement, quelle que soit sa forme ou quel que soit son auteur, n’est guère susceptible de causer un dommage durable. Si elle est sans fondement, elle sera tout probablement rejetée, soit sommairement, soit après enquête.

[77]           En pratique, la procédure d’examen préalable qui est suivie pour une plainte ordinaire relevant du paragraphe 63(2) de la Loi sur les juges est avantageuse du point de vue du juge, et cela pour trois raisons. D’abord, elle permet la résolution d’une plainte sans publicité. Deuxièmement, elle permet le rejet sommaire d’une plainte qui est sans fondement. Troisièmement, elle permet la résolution rapide d’une plainte à l’aide de mesures correctives, sans que soit créé un comité d’enquête. J’examinerai successivement chacun de ces aspects.

[78]           Publicité. Grand cas a été fait de l’argument, avancé devant la Cour, selon lequel, en l’espèce, la publicité qui a accompagné la plainte déposée par le procureur général de l’Ontario, et dont la conséquence inévitable a été que le juge Cosgrove n’était plus en mesure de siéger une fois l’affaire rendue publique, a été préjudiciable ou potentiellement préjudiciable pour la réputation du juge Cosgrove. Il ne fait aucun doute qu’une plainte rendue publique concernant la conduite d’un juge est plus difficile pour un juge qu’une plainte qui n’a pas été rendue publique. Cependant, il me semble que, dans le débat sur la constitutionnalité du paragraphe 63(1), le risque que comporte la publicité ne devrait avoir guère de poids.

[79]           Les procédures judiciaires ou quasi judiciaires se déroulent publiquement sauf circonstances extraordinaires. C’est en principe le cas pour les enquêtes menées en vertu de la Loi sur les juges, même si le Conseil a le pouvoir de conduire sa procédure à huis clos si cela est justifié par l’intérêt public et par la bonne administration de la justice. Simultanément, il faut savoir que, dans l’affaire Elliot, le procès et l’appel avaient suscité une publicité considérable avant que le procureur général ne demande la tenue d’une enquête. En tout état de cause, le risque que comporte la publicité existe même pour les plaintes ordinaires, étant donné qu’un plaignant n’est nullement empêché, s’il le souhaite, de rendre public le fait qu’une plainte a été déposée.

[80]           Rejet sommaire. La procédure d’examen préalable applicable aux plaintes ordinaires a en partie pour fonction de faciliter le rejet sommaire de plaintes qui, à première vue, sont dépourvues de fondement. S’agissant d’une demande d’enquête présentée par un procureur général en application du paragraphe 63(1), cette fonction est favorisée par la règle Boilard, qui a pour effet d’autoriser le rejet sommaire d’une plainte déposée par un procureur général si la plainte est manifestement sans fondement ou si elle ne révèle pas une conduite justifiant une destitution. La différence est qu’une plainte ordinaire qui est sans fondement peut être rejetée avant que ne soit créé un comité d’enquête, tandis que, selon la règle Boilard, la plainte d’un procureur général pourra être rejetée dès le départ par le comité d’enquête lui‑même, soit avant, soit après le début de ses travaux, ou elle pourra être rejetée ultérieurement par le Conseil. Ces différences sont, à mon avis, insignifiantes.

 

[81]           Mesures correctives. Il me semble que la possibilité d’une résolution accompagnée de mesures correctives ne sera probablement pas un facteur à considérer dans les cas où la conduite d’un juge justifierait la destitution de celui‑ci. Si un procureur général demande la tenue d’une enquête en application du paragraphe 63(1) en alléguant une conduite qui ne justifierait pas une destitution, la règle Boilard entrerait en jeu, et il n’y aurait pas de recommandation de destitution. Au cas où la conduite justifierait une destitution, il ne peut pas y avoir d’objection valide à la création d’un comité d’enquête du seul fait qu’un plaignant ordinaire pourrait se contenter d’une solution moindre.

[82]           Selon moi, les différences entre les deux procédures de traitement des plaintes sont relativement mineures au regard des éléments suivants : la garantie constitutionnelle d’inamovibilité qui est accordée aux juges des juridictions supérieures, le rôle constitutionnel des procureurs généraux et la présomption selon laquelle ils agiront en conformité avec leurs obligations constitutionnelles, la protection substantielle conférée par la nomination d’un avocat indépendant au comité d’enquête, enfin les garanties procédurales exposées dans la Loi sur les juges, dans le Règlement administratif sur les enquêtes et dans les règles de pratique du Conseil.

 

[83]           Je reviens à la question posée ci‑dessus : Une personne raisonnable et sensée, connaissant les faits et circonstances du dossier, considérant l’affaire d’une manière réaliste et pratique, et l’ayant étudiée dans tous ses détails, aurait‑elle raison de craindre que le paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges compromette l’impartialité d’un juge parce que cette disposition oblige le Conseil à ouvrir une enquête à la demande d’un procureur général provincial, sans que soit engagée la procédure d’examen préalable qui s’applique aux plaintes déposées en vertu du paragraphe 63(2) et portant sur la conduite des juges? Mon analyse m’oblige à répondre par la négative. Je suis d’avis que le paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges est constitutionnel.

[84]           Je n’ai pas oublié l’argument selon lequel le paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges ne peut se justifier au motif qu’il ne présente aucun intérêt pratique. Cet argument procède de l’idée selon laquelle un procureur général pourrait déposer, en vertu du paragraphe 63(2), une plainte ordinaire qui fera l’objet d’une enquête si elle franchit l’étape de l’examen préalable. Peut-être que la procédure de traitement des plaintes ne serait pas sensiblement affaiblie si le paragraphe 63(1) était abrogé. Cependant, cela ne veut pas dire que le paragraphe 63(1) est inconstitutionnel.

8. Dispositif

[85]           J’accueillerais l’appel, j’annulerais le jugement de la Cour fédérale, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire et je renverrais la présente affaire au comité d’enquête.

[86]           La Couronne n’a pas sollicité de dépens, et il ne sera donc adjugé aucun dépens.

 

« K. Sharlow »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

J. Edgar Sexton, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

John M. Evans, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                       A‑562‑05

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

c.

MONSIEUR LE JUGE PAUL COSGROVE

et

L’ASSOCIATION CANADIENNE DES JUGES DES COURS SUPÉRIEURES

LA CRIMINAL LAWYERS’ ASSOCIATION

LE CONSEIL CANADIEN DES AVOCATS DE LA DÉFENSE

L’AVOCAT INDÉPENDANT

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ONTARIO

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU NOUVEAU‑BRUNSWICK

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA NOUVELLE‑ÉCOSSE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              LE 11 DÉCEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                           LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                        LE JUGE SEXTON

                                                                           LE JUGE EVANS

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 12 MARS 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Donald J. Rennie                                                                POUR L’Appelant

Kathryn Hucl

Christine Mohr

 

Chris G. Paliare                                                                  pour l’intimé

Richard P. Stephenson


Earl A. Cherniak, c.r.                                                          pour l’intervenant,

                                                                                          l’avocat indépendant

 

Robert E. Charney                                                              pour l’intervenant,

S. Zachary Green                                                               le procureur général de l’Ontario

 

Gaetan Migneault                                                                pour l’intervenant,

                                                                                          le procureur général du nouveau‑Brunswick

 

James Eamon                                                                     pour l’intervenante,

                                      L’association canadienne des juges des cours supérieures

 

Alan D. Gold                                                                      pour lES intervenantS,

Matthew Barteaux                                                              LA CRIMINAL LAWYERS’ association et le conseil canadien des avocats de la défense

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                               POUR L’Appelant

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Paliare Roland Rosenberg Rothstein                                    POUR L’INTIMÉ

Toronto (Ontario)

 

Lerners LLP                                                                       POUR L’INTERVENANT,

Toronto (Ontario)                                                               L’AVOCAT INDÉPENDANT

 

Le procureur général de l’Ontario, POUR L’INTERVENANT,

Toronto (Ontario)                                                               LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ontario

 

Le procureur général du                                                      POUR L’INTERVENANT,

Nouveau‑Brunswick,                                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU

fredericton (Nouveau‑Brunswick)                                      NOUVEAU‑brunswick

 

Le procureur général de                                                      POUR L’INTERVENANT,

la Nouvelle‑Écosse,                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE

halifax (Nouvelle‑Écosse)                                                  LA Nouvelle‑Écosse

 

gowling lafleur henderson                                                 POUR L’INTERVENANTE,

calgary (Alberta)                                                                L’association canadienne des juges des cours supérieures

 

Gold & associates                                                             POUR Les INTERVENANTs,

toronto (Ontario)                                                               la criminal lawyers’ association et le conseil canadien des avocats de la défense

 

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