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Date : 20070315

Dossier : A-3-07

Référence : 2007 CAF 111

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SEXTON

 

ENTRE :

NISSAN CANADA INC.

appelante

et

BMW CANADA INC.

BAYERISHE MOTOREN WERKE AKTIENGESELLSCHAFT

 

intimées

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 15 mars 2007

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 15 mars 2007

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                              LE JUGE SEXTON

 


Date : 20070315

Dossier : A-3-07

Référence : 2007 CAF 111

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SEXTON

 

ENTRE :

NISSAN CANADA INC.

appelante

et

BMW CANADA INC.

BAYERISHE MOTOREN WERKE AKTIENGESELLSCHAFT

 

intimées

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE SEXTON

[1]               Les intimées dans le présent appel, BMW Canada Inc. et Bayerishe Motoren Werke Aktiengesellschaft (collectivement BMW), ont demandé le réexamen de l’ordonnance rendue hier qui accordait la suspension de l’instance jusqu’à ce que la requête principale en suspension soit entendue, ce qui pourrait se faire, comme les parties s’accordent pour le reconnaître, jeudi ou vendredi prochain.

 

[2]               Dans un jugement daté du 7 mars 2007, le juge suppléant MacKay a accordé une injonction en faveur de BMW contre Nissan Canada Inc. (Nissan) dans les termes suivants :

[traduction]

4.   La demande d’injonction et la demande de remise ou de destruction sous serment de ce qui peut contrevenir à l’injonction sont accueillies ainsi qu’il suit :

 

a.   il est interdit à la défenderesse, à ses dirigeants, préposés, mandataires et employés ainsi qu’à toute autre personne sur laquelle elle exerce une autorité d’accomplir ce qui suit :

 

i.                     d’appeler de quelque façon, y compris par l’emploi des marques de commerce M et M6 en liaison avec des automobiles, des pièces ou des accessoires d’automobiles, l’attention du public sur ses marchandises de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre ces marchandises et celles des demanderesses, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi;

ii.                    d’annoncer, de promouvoir, d’offrir en vente ou de vendre des automobiles ou des pièces et accessoires d’automobiles en liaison avec les marques de commerce M et M6;

 

b.   la défenderesse doit remettre aux demanderesses ou détruire sous serment tous les écrits, les factures, les matériaux d’emballages, les affiches, le matériel promotionnel, le matériel de vente, les imprimés, enregistrements, films ou autres matériels qui se trouvent en sa possession, sous sa garde ou sous son contrôle et qui pourraient aller à l’encontre de l’injonction accordée aux présentes, plus particulièrement le matériel qui comporte la lettre M ou le symbole M6 comme marque de commerce.

 

5    Le jugement déclaratoire, l’injonction et l’ordonnance de remise ou destruction prennent effet aujourd’hui. Les avocats des parties doivent se consulter sur toute question relative à leur application; et ils peuvent s’adresser à la Cour sur tout point sur lequel ils sont incapables de s’entendre.

 

[3]               Dans une requête datée du 13 mars 2007, Nissan a demandé la suspension de l’exécution du jugement jusqu’à l’audition de son appel. Nissan a également demandé une suspension provisoire jusqu’à ce que la requête principale en suspension soit entendue, demande à laquelle j’ai fait droit dans une ordonnance rendue hier. Après le prononcé de l’ordonnance, BMW a demandé le réexamen de l’ordonnance conformément à l’alinéa 397(1)b) des Règles des Cours fédérales. J’ai accepté de réexaminer le dossier et les parties ont présenté des observations orales dans le cadre de la requête en réexamen. Toutefois, seule Nissan a déposé des observations écrites, et je suis donc obligé de me prononcer sur la requête sans avoir eu l’avantage de prendre connaissance d’observations écrites de BMW. Je ne reproche pas à l’avocat de BMW cette absence de documents parce que celui-ci n’a pas eu, je crois, suffisamment de temps pour les préparer. Je dois néanmoins me prononcer sur l’affaire.

 

[4]               Nissan a déposé un affidavit contenant des preuves du préjudice irréparable qu’elle subira si la suspension n’est pas accordée.

 

[5]               L’avocat de BMW a pris des dispositions pour contre-interroger lundi l’auteur de l’affidavit déposé par Nissan. Le contre-interrogatoire ne peut avoir lieu plus tôt parce que le déposant se trouve au Japon.

 

[6]               Comme je l’ai mentionné, les parties ont convenu que l’audition de la requête principale pourrait avoir lieu jeudi ou vendredi et la Cour est disposée à accéder à leur demande.

 

[7]               Nissan a décrit dans ses documents le préjudice irréparable qu’elle subira si la suspension n’est pas accordée :

[traduction] À la suite de l’ordonnance du juge MacKay, NCI sera tenue de détruire immédiatement toutes les brochures concernant le modèle 2007 Infiniti G35, celles du modèle 2007 Infiniti M et celles du modèle 2007 Infiniti All Line qu’elle a actuellement en inventaire.

 

Des salons de l’automobile sont prévus pour les deux prochains mois aux dates suivantes :

                Québec – 5 au 11 mars

                Calgary – 14 au 19 mars

                Salon de l’automobile d’Ottawa – 22 au 25 mars

                Salon de l’automobile de Vancouver – 31 mars au 8 avril

 

À la suite du jugement, NCI a retiré toutes les brochures susceptibles d’être non conformes à ce jugement et n’en a plus à remettre à ses clients potentiels au salon de Québec. La même situation se reproduira pour les salons de l’automobile de Calgary, d’Ottawa et de Vancouver si la Cour n’accorde pas la suspension de l’instance. NCI avait prévu distribuer environ 25 000 brochures aux salons de Québec, de Calgary et de Vancouver.

 

Il est impossible d’imprimer à temps de nouvelles brochures pour les salons des mois de mars et avril. Il faut environ six semaines pour concevoir et imprimer de nouvelles brochures, et cela coûte environ 85 000 $.

 

L’absence de brochures pour un salon de l’automobile constitue un problème grave. Les clients potentiels fréquentent les salons et prennent les brochures des véhicules qui les intéressent. Si NCI n’a pas ces brochures, elle ne pourra pas rester en contact avec ses clients.

 

Le fait de ne pas avoir de brochures à distribuer dans un salon de l’automobile aura un effet négatif sur les clients de Nissan et sur l’image positive qu’avaient les clients éventuels de Nissan qui paraissait être un constructeur automobile bien structuré et bien organisé. L’image négative de Nissan se traduira également par une perception négative des produits Nissan et Infiniti, qui étaient considérés auparavant comme des produits bien construits et fiables; il sera impossible d'évaluer l’effet que cela pourrait avoir sur les ventes de Nissan.

 

De plus, NCI sera tenue de prendre les mesures suivantes pour respecter l’ordonnance du juge MacKay :

 

(1)   mettre hors service et réviser le site Web destiné à aider les concessionnaires, qui contient des documents (p. ex., manuel de service) qui ne sont pas distribués au public mais qui peuvent être consultés par les propriétaires et les consommateurs, ce qui risque de compromettre la sécurité des clients de Nissan;

(2)   mettre hors service et réviser le site Web infiniti.ca;

(3)   mettre hors service et réviser complètement tous les systèmes informatiques de façon à supprimer les références à M6 (abréviation de transmission manuelle à six vitesses);

(4)   détruire l’inventaire qu’elle a en sa possession et cesser d’utiliser les documents préparés par des tiers : réimpression d’articles de revue;

(5)   détruire les documents Energuide qu’elle a en sa possession et informer le gouvernement qu’elle ne peut plus participer à la distribution de documents faisant référence à M ou M6;

(6)   détruire, réviser et réimprimer les documents non distribués au public mais qui peuvent être vus par les propriétaires ou les consommateurs, comme les bulletins de service technique, les manuels de service, les guides de commande des produits reliés au véhicule (VPOG), les manuels des agents des ventes, les listes de prix pour les véhicules Infiniti M et G et les listes de prix pour les véhicules Nissan munis d’une transmission manuelle à six vitesses (M6);

(7)   remettre ou détruire les dossiers - factures que le gouvernement l’oblige à conserver.

 

L’ordonnance du juge MacKay a une application large de sorte que sont visés des véhicules qui n’étaient pas visés par le litige ainsi que des références à M6 pour les boulons utilisés pour la réparation des véhicules.

 

Pour mettre en œuvre ces mesures, NCI sera obligée de fermer son site Web, de retirer ses brochures des salons de l’automobile, de retirer les documents affichés sur ses sites Web publics et dans des bases de données privées, comme l’information relative au service. Le message général transmis au public sera que Nissan/Infiniti connaît des problèmes qui ont désorganisé l’entreprise et l’ont rendue incapable d’assurer le service à la clientèle. Dans un marché très compétitif, ce genre de message nuira à la réputation de Nissan et de ses marques et il lui sera impossible de savoir exactement quel sera l’effet à long terme de ces mesures (perte de ventes, perte de recettes, perte de clients).

 

Le maintien du statu quo permettrait à NCI de continuer à commercialiser les véhicules M35 et M45 comme elle l’a fait depuis leur mise en marché.

 

 

[8]               Je suis convaincu, d’après ces éléments de preuve, que Nissan subirait un préjudice irréparable si la suspension n’était pas accordée.

 

[9]               Dans une ordonnance datée du 16 décembre 2005, le juge von Finckenstein a refusé d’accorder l’injonction interlocutoire demandée par BMW, car il a conclu que BMW n’avait pas établi qu’elle subirait un préjudice irréparable. En réponse à une question que j’ai posée à l’avocat de BMW à l’audience quant à savoir si BMW subirait un préjudice irréparable si une suspension provisoire était ordonnée jusqu’à ce que la requête principale en suspension soit entendue la semaine prochaine comme prévu, l’avocat de BMW a répondu négativement.

 

[10]           Quant à la question de la prépondérance des inconvénients, il est évident que Nissan subira un préjudice beaucoup plus grave dans le cas d’un refus de suspendre l’instance que celui que subira BMW si la suspension est accordée. Nissan devra prendre de nombreuses mesures pour mettre en œuvre le jugement du juge suppléant MacKay, alors qu’il suffira pour BMW de préserver le statu quo qui existe depuis 2005 environ. Cette dernière a obtenu du juge suppléant MacKay une réparation sous forme de dommages‑intérêts.

 

[11]           À mon avis, Nissan a établi qu’il existe une question sérieuse à juger. Le critère préliminaire à remplir sur ce point n’est pas très exigeant, comme l’a indiqué la juge Sharlow dans Apotex Inc. c. Sanofi‑Aventis Canada Inc. et al., 2007 CAF 7, au paragraphe 26 :

Le premier critère est souvent considéré comme étant très peu exigeant, de sorte qu’il n’est habituellement pas nécessaire ou souhaitable d’examiner les motifs d’appel en profondeur. Par contre, je ne peux pas m’empêcher de souligner qu’il y a des motifs d’appel sérieux dans la présente affaire.

 

[12]           On peut se demander si la décision du juge suppléant MacKay de faire droit à l’action en commercialisation trompeuse est compatible avec sa conclusion concernant la preuve et son rejet de la demande de BMW fondée sur une violation d’une marque de commerce et la diminution de l’achalandage.

 

[13]           Il est également possible de se demander si la conclusion du juge de première instance selon laquelle BMW a établi un achalandage en utilisant la lettre M seule dans les annonces publicitaires concernant ses voitures est compatible avec sa conclusion que la lettre M est également utilisée par un certain nombre d’autres constructeurs automobiles pour désigner des modèles :

M. Duval a toutefois produit des éléments de preuve démontrant que de nombreux autres constructeurs d’automobiles utilisent la lettre M dans leurs logos (notamment Mazda, Mercury et Maybach utilisent tous des lettres M stylisées dans le logo de leurs marques déposées). D’autres constructeurs utilisent la lettre M conjointement avec des lettres ou des chiffres pour faire référence à des catégories ou à des modèles particuliers de véhicules (par exemple Chrysler, Ferrari, Acura, Mazda et Mercedes‑Benz). La lettre M est également employée avec des chiffres ou des lettres dans les accessoires de plusieurs voitures et, dans certaines de ces combinaisons, elle est un symbole indiquant que le véhicule ainsi marqué est doté d’une boîte de transmission manuelle. En bref, la lettre M est employée par de nombreux constructeurs d’automobiles pour désigner des modèles ou des véhicules équipés d’une manière particulière. (Motifs du juge suppléant MacKay, au paragraphe 32)

 

[14]           À mon avis, si Nissan devait prendre immédiatement toutes les mesures demandées par le juge suppléant MacKay, une bonne partie de la réparation qu’elle sollicite risquerait fort de devenir théorique. Étant donné que cette affaire doit être entendue très prochainement, il semble approprié d’ordonner une suspension provisoire.

 

[15]           Pour ces motifs, je refuse de modifier l’ordonnance rendue le 14 mars 2007.

 

[16]           Aucune des parties n’a demandé de dépens et aucuns ne seront adjugés.

 

 

« J. Edgar Sexton »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-3-07

 

INTITULÉ :                                                                           Nissan Canada Inc.

                                                                                                c.

                                                                                                BMW Canada Inc. et al.

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      LE JUGE SEXTON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 15 mars 2007

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Carol Hitchman

Warren Sprigings

 

POUR L’APPELANTE

 

 

Ronald E. Dimock

POUR LES INTIMÉES

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hitchman & Sprigings

Toronto (Ontario)

 

 

POUR L’APPELANTE

 

Dimock Stratton LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉES

 

 

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