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Date : 20070411

Dossier : A‑565‑05

Référence : 2007 CAF 145

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

NICOLETTE HOLBROOK

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 15 mars 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 avril 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y A SOUSCRIT :                                                                                               LE JUGE MALONE

MOTIFS DISSIDENTS :                                                                                      LE JUGE NADON

 


 

Date : 20070411

Dossier : A‑565‑05

Référence : 2007 CAF 145

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

NICOLETTE HOLBROOK

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               L’appelante, Nicolette Holbrook, interjette appel du jugement (2005 CCI 671) par lequel la Cour canadienne de l’impôt (CCI) a rejeté son appel en matière d’impôt sur le revenu pour les années 1998, 1999 et 2000. La question en litige devant la CCI ainsi que dans le présent appel consiste à savoir si Mme Holbrook est tenue de payer de l’impôt sur le revenu sur les montants de pension alimentaire pour enfants qu’elle a reçus ces années‑là de son ancien conjoint, M. Gorgan.

 

[2]               Les montants de pension alimentaire pour enfants qui sont en litige ne sont pas imposables entre les mains de Mme Holbrook si, comme l’indique l’alinéa 56(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, il s’agit de montants que :

 

[…] [M. Gorgan] était [tenu] de verser [à Mme Holbrook] aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement.

became receivable by [Ms. Holbrook] from [Mr. Gorgan] under an agreement or order on or after its commencement day et before the end of the year in respect of a period that began on or after its commencement day.

 

 

[3]               Cette disposition soulève les questions suivantes :

1)      aux termes de quel accord ou de quelle ordonnance les montants étaient‑ils payables?

2)      l’ordonnance ou l’accord en question comporte‑t‑il une « date d’exécution »?

 

[4]               Ces deux questions sont de première importance pour déterminer le juste traitement fiscal des montants de pension alimentaire pour enfants une fois qu’ils sont versés. Les réponses permettent de distinguer les montants de pension alimentaire pour enfants qui tombent sous le coup des dispositions actuellement en vigueur de la Loi de l’impôt sur le revenu (le nouveau régime) de ceux qui tombent sous le coup de l’ancien régime d’inclusion/déduction (l’ancien régime). La différence est marquée. Sous l’ancien régime, les montants de pension alimentaire pour enfants étaient imposables entre les mains du bénéficiaire et déductibles par le payeur. Sous le nouveau régime, ces montants ne sont pas imposables entre les mains du bénéficiaire ou déductibles par le payeur.

 

[5]               À mon avis, le juge de première instance a commis une erreur en omettant de prendre en considération la première question.

 

[6]               L’expression « date d’exécution » est définie au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu :

 

« date d’exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

"commencement day" at any time of an agreement or order means

 

 

a) si l’accord ou l’ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

(a) where the agreement or order is made after April 1997, the day it is made; et

b) si l’accord ou l’ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(b) where the agreement or order is made before May 1997, the day, if any, that is after April 1997 et is the earliest of

(i) le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l’accord ou de l’ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(i) the day specified as the commencement day of the agreement or order by the payer et recipient under the agreement or order in a joint election filed with the Minister in prescribed form et manner,

(ii) si l’accord ou l’ordonnance fait l’objet d’une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(ii) where the agreement or order is varied after April 1997 to change the child support amounts payable to the recipient, the day on which the first payment of the varied amount is required to be made,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d’exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iii) where a subsequent agreement or order is made after April 1997, the effect of which is to change the total child support amounts payable to the recipient by the payer, the commencement day of the first such subsequent agreement or order, et

(iv) le jour précisé dans l’accord ou l’ordonnance, ou dans toute modification s’y rapportant, pour l’application de la présente loi.

(iv) the day specified in the agreement or order, or any variation thereof, as the commencement day of the agreement or order for the purposes of this Act.

 

 

[7]               Les montants de pension alimentaire pour enfants ne sont assujettis au nouveau régime que s’ils sont payables aux termes d’un accord ou d’une ordonnance dont la date d’exécution est postérieure au 1er mai 1997 inclusivement. La date d’exécution d’un accord ou d’une ordonnance établi après avril 1997 est fixée par l’alinéa a) de la définition de la « date d’exécution ». Selon cet alinéa, il s’agit de la date de l’établissement de l’accord ou de l’ordonnance. Il s’ensuit qu’un montant de pension alimentaire pour enfants payable aux termes d’un accord ou d’une ordonnance établi après avril 1997 est assujetti au nouveau régime.

 

[8]               En général, un montant de pension alimentaire pour enfants qui est payable aux termes d’un accord ou d’une ordonnance établi avant mai 1997 est assujetti à l’ancien régime. Cependant, cette règle générale comporte quatre exceptions, qui ont pour effet d’attribuer une date d’exécution postérieure à avril 1997 à un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997.

1)        La première exception s’applique si les parties à un accord ou à une ordonnance présentent un choix conjoint qui précise une date d’exécution postérieure à avril 1997 pour un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997 (le sous‑alinéa b)(i) de la définition de la « date d’exécution »). À cause de cette disposition, il est toujours loisible aux parties de convenir d’être assujetties au nouveau régime.

 

2)        La deuxième exception s’applique si un accord ou une ordonnance fait l’objet d’une modification après 1997 qui touche le montant de pension alimentaire pour enfants à payer. Dans ce cas, la date d’exécution de l’accord antérieur à mai 1997, qui est modifié, est le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois (le sous‑alinéa b)(ii) de la définition de la « date d’exécution »).

 

3)        La troisième exception s’applique s’il existe un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997 et en vertu duquel des montants de pension alimentaire pour enfants sont à payer et si un autre accord ou une autre ordonnance est établi après avril 1997, ce qui a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants à payer (le sous‑alinéa b)(iii) de la définition de la « date d’exécution »). Cette disposition peut englober un certain nombre de situations différentes. En général, elle vise à garantir qu’en cas d’augmentation du total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont à payer on ne puisse pas se soustraire au nouveau régime en faisant en sorte que le montant initial soit régi par l’accord ou l’ordonnance établi avant mai 1997 et que l’augmentation le soit par un accord ou une ordonnance établi après avril 1997.

 

4)        La quatrième exception s’applique si un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997 (ou une modification d’un accord ou d’une ordonnance établi avant 1997) précise un jour particulier, postérieur à avril 1997, comme date d’exécution de l’accord ou de l’ordonnance (le sous‑alinéa b)(iv) de la définition de la « date d’exécution »). Dans un tel cas, la date d’exécution est le jour précisé. La question de savoir si cette condition est remplie dans un cas particulier dépend de l’interprétation que l’on fait de l’accord ou de l’ordonnance, ce qui peut obliger dans certains cas à prendre en compte des éléments de preuve extrinsèques. Cette condition peut être remplie par n’importe quelle modification d’un ancien accord ou d’une ancienne ordonnance, qu’il y ait eu changement ou non du total des montants de pension alimentaire pour enfants à payer, à la condition que la date d’exécution soit précisée dans l’accord ou l’ordonnance qui fait l’objet de la modification.

 

[9]               Les quatre exceptions spécifiées à l’alinéa b) ne traitent pas expressément de la situation dans laquelle il existe un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997 et un accord ou une ordonnance établi après avril 1997, qui prescrivent dans les deux cas le paiement du même montant de pension alimentaire pour enfants, et que, d’une part, l’accord ou l’ordonnance ultérieur ne précise pas expressément une date d’exécution et, d’autre part, les parties n’effectuent pas un choix conjoint. Dans cette situation, l’accord ou l’ordonnance ultérieur peut être considéré comme une simple reconnaissance du maintien de l’obligation précisée dans l’accord ou l’ordonnance antérieur, auquel cas les montants de pension alimentaire pour enfants seraient payables aux termes de l’accord ou de l’ordonnance antérieur et l’ancien régime s’appliquerait, même après que l’accord ou l’ordonnance postérieur a été établi parce que cet accord ou cette ordonnance ne serait pas pertinent. Subsidiairement, on peut considérer que l’accord ou l’ordonnance ultérieur met fin à l’obligation relative à la pension alimentaire pour enfants qui était précisée dans l’accord ou l’ordonnance antérieur et qu’il la remplace par une nouvelle obligation en matière de pension alimentaire pour enfants, auquel cas les montants de pension alimentaire pour enfants payés après l’établissement de l’accord ou de l’ordonnance ultérieur seraient payables aux termes de cet accord ou de cette ordonnance, lequel serait assorti d’une date d’exécution postérieure à avril 1997, conformément à l’alinéa a) de la définition de la « date d’exécution ». Par conséquent, le nouveau régime s’appliquerait après que l’accord ou l’ordonnance ultérieur a été établi. En voici deux exemples.

 

[10]           Premier exemple, les parties concluent en 1996 un accord qui comporte une obligation de payer une pension alimentaire pour enfants et, en 1999, l’accord tout entier est intégré dans une ordonnance judiciaire. Cette dernière ne précise pas de date d’exécution et les parties ne font pas de choix conjoint. Si, en droit, l’obligation en matière de pension alimentaire pour enfants qui est précisée dans l’accord de 1996 peut être appliquée, l’ordonnance de 1999 peut être interprétée comme une simple reconnaissance du maintien de l’obligation existante, à moins qu’il y ait dans l’ordonnance de 1999 une disposition quelconque qui interdise cette interprétation. S’il s’agit là de la bonne manière d’interpréter l’ordonnance, il serait compatible avec le régime législatif de conclure que les montants de pension alimentaire pour enfants versés après 1999 sont payables aux termes de l’accord de 1996 plutôt que de l’ordonnance de 1999, de sorte qu’il n’y aurait pas de date d’exécution et que c’est l’ancien régime qui s’appliquerait.

[11]           Second exemple, une ordonnance provisoire en matière de pension alimentaire pour enfants est rendue en 1996 et une ordonnance définitive est prononcée en 1999, et les montants précisés sont les mêmes. En général, une ordonnance provisoire cesse d’avoir effet lorsqu’elle est remplacée par une ordonnance définitive. Dans un tel cas, il faut habituellement présumer que les paiements de pension alimentaire pour enfants qui sont faits après l’entrée en vigueur de l’ordonnance définitive le sont aux termes de cette dernière, et non de l’ordonnance provisoire, et c’est le nouveau régime qui s’appliquerait à ces paiements. Cette présomption peut être réfutée par une disposition appropriée dans l’ordonnance définitive.

 

[12]           Les faits de la présente espèce ne sont pas contestés. En 1994, une ordonnance provisoire en matière de pension alimentaire pour enfants a été rendue par la Division générale de la Cour de l’Ontario, obligeant M. Gorgan à payer à Mme Holbrook des paiements de pension alimentaire de 500 $ par mois pour chacun de leurs deux enfants à compter du 1er juin 1994. Il n’est pas contesté que l’ordonnance provisoire a donné lieu à une obligation exécutoire de verser une pension alimentaire pour enfants. Cette obligation subsisterait tant que l’ordonnance provisoire demeurerait en vigueur.

 

[13]           En avril 1998, les parties ont conclu un accord de séparation qui visait manifestement à régler toutes les questions en suspens, et à survivre à n’importe quel jugement de divorce. Aux termes de cet accord, M. Gorgan était tenu de payer une pension alimentaire pour enfants de 1 000 $ par mois (500 $ par enfant) à compter du 1er mai 1998. Sur ce montant, la somme de 836 $ est qualifiée de montant de base aux termes des Lignes directrices fédérales sur les pension alimentaires pour enfants, DORS/97‑175, et la somme de 164 $ est qualifiée de dépenses spéciales et extraordinaires. Le 28 mai 1999, la Cour de l’Ontario a rendu un jugement de divorce obligeant M. Gorgan à payer un montant de pension alimentaire pour enfants de 1 000 $ par mois à compter du 1er mai 1998, réparti comme suit : 873 $ au titre du montant de base aux termes des Lignes directrices et 127 $ au titre des dépenses spéciales et extraordinaires.

 

[14]           Si je comprends bien l’accord de séparation, ce dernier prescrit une obligation en matière de pension alimentaire pour enfants de 1 000 $ par mois en lieu et place de l’obligation établie aux termes de l’ordonnance provisoire, qui a cessé d’avoir effet une fois que l’accord de séparation est entré en vigueur. Si l’accord avait simplement eu pour but de reconnaître et de maintenir les obligations que créait l’ordonnance provisoire, il n’y aurait aucune raison de préciser que le versement des montants mensuels établis aux termes de l’accord débuterait le 1er mai 1998. Je conclus que tous les paiements de pension alimentaire pour enfants qui étaient à payer à Mme Holbrook le 1er mai 1998 le sont aux termes de l’accord de séparation et non de l’ordonnance provisoire. Comme cet accord a été conclu après avril 1997, sa date d’exécution est le jour où il a été établi, en avril 1998. Par conséquent, tous les montants de pension alimentaire pour enfants payables après le 1er mai 1998 inclusivement sont assujettis au nouveau régime et ne sont pas imposables entre les mains de Mme Holbrook.

 

[15]           Dans les circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner si le jugement de divorce daté de 1999 comporte une date d’exécution car les montants de pension alimentaire pour enfants payables à Mme Holbrook étaient déjà assujettis au nouveau régime aux termes de l’accord de séparation. Cependant, s’il n’y avait pas eu d’accord de séparation, j’aurais conclu que le jugement de divorce était une ordonnance définitive qui mettait fin à l’ordonnance provisoire en date du 28 mai 1999, de sorte que les montants de pension alimentaire pour enfants payables à compter du 1er juin 1999 inclusivement auraient été assujettis au nouveau régime.

 

[16]           Le juge de première instance a décidé que tous les montants de pension alimentaire pour enfants payables à Mme Holbrook étaient assujettis à l’ancien régime. Il est arrivé à cette conclusion parce qu’il a jugé qu’il était tenu de suivre la décision que la présente Cour a rendue dans l’affaire Kennedy c. Canada, 2004 CAF 437. Selon son interprétation, cet arrêt établit le principe selon lequel, quand le montant d’une obligation en matière de pension alimentaire pour enfants est précisé dans un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997, il est impossible que le nouveau régime s’applique, sauf s’il existe un accord ou une ordonnance qui modifie le total des montants de pension alimentaire pour enfants payables.

 

[17]           Selon moi, l’arrêt Kennedy n’établit pas un tel principe. L’existence de ce présumé principe est fondé sur le sous‑alinéa (iii) de la définition de la « date d’exécution » qui figure au paragraphe 56.1(4) (cité plus tôt), lequel établit une date d’exécution pour « un accord ou une ordonnance subséquent » établi après avril 1997 qui change le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables. Dans Kennedy, il y avait eu une ordonnance provisoire en matière de pension alimentaire pour enfants en 1991, suivie d’un procès‑verbal de règlement conclu en 1991 qui prescrivait les mêmes paiements, plus un rajustement au titre du coût de la vie. En septembre 1997, une ordonnance finale intégrant les conditions énoncées dans le procès‑verbal de règlement avait été rendue. Non seulement les montants n’avaient‑ils pas été changés, mais l’obligation avait continué d’être fondée sur le procès‑verbal de règlement de 1991. Cette obligation avait été confirmée par l’ordonnance judiciaire, et non remplacée.

 

[18]           Il n’est pas question dans l’arrêt Kennedy de la situation dans laquelle un accord ou une ordonnance postérieur à avril 1997 met fin à l’obligation en matière de pension alimentaire pour enfants qui est précisée dans un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997 et la remplace par une nouvelle obligation. Dans cette situation, il n’est pas pertinent de se demander si un changement a été apporté au montant de pension alimentaire pour enfants payables car l’accord ou l’ordonnance établi avant mai 1997 a cessé d’avoir effet.

 

[19]           On a laissé entendre dans l’argumentation que le sous‑alinéa (iii) de la définition de la « date d’exécution » que donne le paragraphe 56.1(4) est inutile s’il est conclu qu’un accord ou une ordonnance établi après avril 1997 qui ne modifie pas le total des montants de pension alimentaire pour enfants payables aux termes d’un accord ou d’une ordonnance établi avant mai 1997 comporte une « date d’exécution ». C’est là un argument auquel je ne souscris pas. Selon moi, on respecterait l’intention du législateur, de même que celle des parties quand elles ont conclu l’accord ultérieur ou celle du tribunal quand il a rendu l’ordonnance ultérieure, en demandant si l’accord ou l’ordonnance ultérieur éteint et remplace l’obligation en matière de pension alimentaire pour enfants établie dans l’accord ou l’ordonnance antérieur, ou s’il la maintient. Si l’accord ou l’ordonnance antérieur éteint et remplace l’obligation antérieure, le fait de conclure que l’accord établi après 1997 est assorti d’une « date d’exécution », au sens de l’alinéa a) de la définition donnée au paragraphe 56.1(4), ne cause pas d’injustice.

 

[20]           Pour ces motifs, je ferais droit à l’appel avec dépens devant la présente Cour ainsi que devant la Cour canadienne de l’impôt, j’annulerais le jugement de la Cour canadienne de l’impôt, je ferais droit à l’appel en matière d’impôt sur le revenu de Mme Holbrook pour les années 1998, 1999 et 2000 et je renverrais l’affaire au ministre pour nouvelle cotisation, conformément aux présents motifs.

 

 

« K. Sharlow »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

B. Malone, juge »

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.

 


LE JUGE NADON (motifs dissidents)

[21]           Je ne puis souscrire à la décision de ma collègue, la juge Sharlow. À mon avis, il convient de rejeter l’appel.

 

[22]           La question en litige dans le présent appel découle de modifications législatives qui ont été apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu en 1996 (la Loi de 1996 modifiant l’impôt sur le revenu, L.C. 1997 ch. 25, art. 9). Avant ces modifications, les paiements de pension alimentaire pour enfants qui étaient versés aux termes d’une ordonnance judiciaire ou d’un accord écrit étaient imposables entre les mains du bénéficiaire et déductibles par le payeur (l’ancien régime). Cependant, à la suite des modifications en question, ces paiements n’ont plus été taxables ou déductibles (le nouveau régime).

 

[23]           Les modifications offrent aux parties ayant conclu un accord ou une ordonnance judiciaire en matière de pension alimentaire pour enfants sous l’ancien régime un certain nombre de moyens de faire en sorte que les paiements soient assujettis au nouveau régime. Même si la définition de la « date d’exécution » qui figure à l’alinéa 56.1(4)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu comporte quatre scénarios qui font que les paiements de pension alimentaire pour enfants versés aux termes d’un accord ou d’une ordonnance judiciaire établi avant mai 1997 tombent sous le coup du nouveau régime, il suffit pour moi de traiter du scénario présenté au sous‑alinéa (iii), qui, à mon avis, est le seul pertinent en l’espèce.

 

[24]           L’unique question qui se pose dans le présent appel consiste à savoir s’il y a une « date d’exécution » au sens de la définition légale donnée au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (cette disposition est citée plus tôt, au paragraphe 6 des motifs de la juge Sharlow).

 

[25]           D’après la juge Sharlow, étant donné qu’au 1er mai 1998 les paiements de pension alimentaire pour enfants étaient payables aux termes d’un accord de séparation daté d’avril 1998, c’est‑à‑dire un accord établi après avril 1997, qui mettait fin à l’ordonnance antérieure en matière de pension alimentaire pour enfants et qui la remplaçait, il existe une « date d’exécution », au sens de l’alinéa a) de la définition légale. Cela amène ma collègue à conclure que le 28 avril 1998 est la « date d’exécution » et que, de ce fait, tous les paiements de pension alimentaire pour enfants versés à partir du 1er mai 1998 tombent sous le coup du nouveau régime et ne sont donc pas imposables entre les mains de l’appelante. Autrement dit, selon mon interprétation de la démarche de ma collègue, comme l’accord de séparation du 28 avril 1998 est, aux termes de l’alinéa a), un « …accord établi après avril 1997 », la date d’exécution, pour l’application de cet alinéa, est le 28 avril 1998, c’est‑à‑dire la date à laquelle l’accord a été établi.

 

[26]           À mon humble avis, au vu des faits qui nous sont soumis cette conclusion n’est pas correcte.

 

[27]           Disons tout d’abord qu’il est indubitable qu’une ordonnance provisoire est une ordonnance qui peut créer une obligation de verser des paiements de pension alimentaire pour enfants. Cela ressort on ne peut plus clairement de l’arrêt de la présente Cour Kennedy c. Canada, 2004 CAF 437, dans lequel le juge Sexton, rédigeant l’opinion unanime de la Cour, a décrété que l’obligation de payer une pension alimentaire pour enfants est le résultat d’une ordonnance provisoire établie en 1991 au sujet de la garde des enfants et de la pension alimentaire à leur verser (voir le paragraphe 12 des motifs, dans Kennedy, précité).

 

[28]           Dans la présente affaire, je n’hésite aucunement à conclure, à l’instar du juge de première instance, que l’ordonnance provisoire du 22 juin 1994 a créé l’obligation dans laquelle se trouve l’ancien conjoint de verser une pension alimentaire pour enfants. Je suis donc d’avis, contrairement à ma collègue, que la disposition applicable qui permet de trancher l’appel est l’alinéa b) de la définition de la « date d’exécution » qui est donnée au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, et non pas l’alinéa a).

 

[29]           Par conséquent, la véritable question qu’il nous faut trancher est celle de savoir si l’accord de séparation d’avril 1998 ou, du reste, le jugement de divorce daté de mai 1999 a pour effet de changer, comme l’indique le sous‑alinéa b)(iii) de la définition de la « date d’exécution », « le total des montants de pension alimentaire pour enfants » que l’ancien conjoint doit payer à l’appelante. Selon moi, il ne peut y avoir qu’une seule réponse à cette question, et c’est non.

 

[30]           Il est évident que ni l’accord de séparation ni le jugement de divorce n’ont changé de quelque façon les paiements de pension alimentaire pour enfants que l’ancien conjoint devait payer à l’appelante. Les paiements sont restés les mêmes : 1 000 $ par mois pour les deux enfants issus du mariage. Eu égard au libellé du sous‑alinéa (iii) de la définition légale, c’est la seule conclusion possible.

 

[31]           J’ajouterais qu’il importe peu de savoir si les paiements de pension alimentaire pour enfants, qui ont commencé le 1er mai 1998, sont devenus payables aux termes de l’accord de séparation plutôt que de l’ordonnance provisoire de juin 1994. La question pertinente consiste toutefois à savoir si l’accord conclu après avril 1997 a eu pour effet de changer les paiements de pension alimentaire pour enfants que l’ordonnance provisoire de 1994 avait créés. Comme je l’ai dit plus tôt, la réponse est non.

 

[32]           Il n’y a donc pas de « date d’exécution » aux termes de l’alinéa b) de la définition légale et, de ce fait, les paiements de pension alimentaire pour enfants tombent sous le coup de l’ancien régime et sont donc imposables entre les mains de l’appelante.

 

[33]           Avant de conclure, je me dois de signaler que si ma collègue a raison de penser qu’il n’y a pas eu d’ordonnance rendue avant mai 1997 au sens de l’alinéa b) de la définition légale, cela signifie que le sous‑alinéa b)(iii) n’a aucun sens. En d’autres termes, chaque fois qu’un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997 est annulé et remplacé par un accord ou une ordonnance établi après avril 1997, il y a une « date d’exécution » pour l’application de la disposition, et ce, que l’accord ultérieur a pour effet ou non de changer les montants de pension alimentaire pour enfants.

 

[34]           Je suis donc convaincu qu’en concluant que les nouvelles cotisations d’impôt du ministre pour les années d’imposition 1998, 1999 et 2000 étaient correctes et en rejetant de ce fait l’appel de l’appelante contre ces cotisations, le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur.

 

[35]           Je suis donc d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

 

 

 

« M. Nadon »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                A‑565‑05

 

APPEL D’UN JUGEMENT DU JUGE E.A. BOWIE DATÉ DU 25 OCTOBRE 2005, No 2005 CCI 671

 

INTITULÉ :                                                               NICOLETTE HOLBROOK
c.
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 15 MARS 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LA JUGE SHARLOW

 

Y A SOUSCRIT :                                                       LE JUGE MALONE

MOTIFS DISSIDENTS :                                          LE JUGE NADON

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 11 AVRIL 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ron C. Peterson

POUR L’APPELANTE

 

Margaret J. Nott

John W. Grant

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ron C. Peterson

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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