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Date : 20070427

Dossier : A-607-06

Référence : 2007 CAF 167

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

NOVOPHARM LIMITED

appelante

et

 

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.,

SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 24 avril 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 avril 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

AUXQUELS ONT SOUSCRIT :                                                                          LE JUGE NADON

                                                                                                                                  LE JUGE RYER

 

 


Date : 20070427

Dossier : A-607-06

Référence : 2007 CAF 167

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

NOVOPHARM LIMITED

appelante

et

 

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.,

SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               Novopharm Limited interjette appel du rejet par la Cour fédérale de la requête fondée sur l’alinéa 6(5)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement ADC) qu’elle a présentée pour faire rejeter la demande d’ordonnance d’interdiction des intimées Sanofi-Aventis Canada Inc. et Sanofi-Aventis Deutschland GmbH (collectivement appelées Sanofi). Les motifs de l’ordonnance portée en appel sont publiés sous l’intitulé Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2006 CF 1547.

[2]               L’alinéa 6(5)b) permet à la Cour fédérale de rejeter une demande d’ordonnance d’interdiction au motif qu’elle est « inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement un abus de procédure ». La décision statuant sur une requête en rejet d’un acte de procédure est de nature discrétionnaire et, à ce titre, elle ne peut être infirmée en appel que si elle est entachée d’une erreur de droit ou de principe ou si le pouvoir discrétionnaire n’a pas été exercé judiciairement : voir Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2007 CAF 163, au par. 13.

[3]               Le médicament en cause est le ramipril. L’intimée Sanofi-Aventis Canada Inc. possède des avis de conformité qui lui permettent de vendre du ramipril pour certaines utilisations, sous le nom d’« Altace ». En 1993, l’utilisation du médicament a été autorisée au Canada dans le traitement de l’hypertension. D’autres utilisations ont été approuvées par la suite, mais elles ne sont pas pertinentes pour l’appel. On n’a pas allégué en l’espèce l’existence d’un brevet pour le ramipril en soi ni pour l’utilisation du ramipril dans le traitement de l’hypertension.

[4]               Les brevets canadiens numéros 2,023,089 (le brevet 089) et 2,055,948 (le brevet 948) comportent des revendications concernant de « nouvelles utilisations » du ramipril (c.‑à‑d. des utilisations autres que celles pour lesquelles le ramipril a été approuvé au Canada). Sanofi ne possède pas d’avis de conformité l’autorisant à vendre le ramipril pour l’une quelconque des autres utilisations revendiquées dans les brevets 089 ou 948.

[5]               Les brevets 089 et 948 figurent au registre des brevets en liaison avec l’Altace. L’alinéa 6(5)a) du Règlement ADC permet de contester par voie de requête une inscription au registre. Aucune requête de cette nature n’ayant été présentée à la Cour fédérale, l’appel a été tranché en considérant que les brevets en question étaient validement inscrits au registre.

[6]               En 2001, avant la délivrance des brevets 089 et 948 et avant leur inscription en liaison avec l’Altace, Novopharm a déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle en vue d’obtenir un avis de conformité pour l’utilisation de la version générique du ramipril dans le traitement de l’hypertension, dans laquelle elle désignait l’Altace comme produit de comparaison. Novopharm a l’intention de commercialiser le produit générique uniquement pour le traitement de l’hypertension. Elle ne cherche pas à obtenir un avis de conformité qui lui permettrait de vendre le produit générique pour l’une ou l’autre des nouvelles utilisations revendiquées dans les brevets 089 ou 948. D’ailleurs, cela lui serait impossible parce qu’aucune des nouvelles utilisations de l’Altace n’a été approuvée.

[7]               Dans l’avis d’allégation à l’origine de la demande d’ordonnance d’interdiction en cause, Novopharm allègue que la version du ramipril qu’elle propose ne contrefait ni le brevet 089 ni le brevet 948 parce qu’elle ne sera pas fabriquée ou vendue pour l’une quelconque des utilisations revendiquées dans ces brevets. Novopharm y affirme également qu’elle ne fera aucune déclaration relative à son produit qui pourrait inciter d’autres personnes à contrefaire les brevets. Sanofi prétend que ces allégations de non‑contrefaçon ne sont pas fondées.

[8]               Novopharm invoquait principalement deux arguments à l’appui de sa requête pour rejet de la demande d’ordonnance d’interdiction. La Cour fédérale n’en a retenu aucun. Novopharm prétend que le juge s’est trompé dans les deux cas. Je suis d’avis qu’il y a lieu de n’examiner qu’un des arguments, à savoir celui qui repose sur les arrêts Pharmascience Inc. c. Sanofi-Aventis Canada Inc., 2006 CAF 229, autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada refusée, [2007] C.S.C.R. no 362 (QL) et Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Apotex Inc., 2006 FCA 357, autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada refusée, [2007] C.S.C.R. no 5 (QL).

[9]               Ces arrêts établissent qu’est fondée l’allégation de non‑contrefaçon d’une revendication relative à l’utilisation d’un médicament, si le fabricant de médicaments génériques ne demande l’avis de conformité que pour un usage qui ne relève pas de la revendication relative à la nouvelle utilisation et si la preuve n’établit pas qu’il contrefera cette revendication en encourageant la prescription ou le recours au médicament générique par d’autres pour cette nouvelle utilisation.

[10]           L’usage « hors‑indication » de médicaments peut faire en sorte qu’une revendication en matière d’utilisation soit contrefaite autrement que par un fabricant de médicaments génériques. Par exemple, si Novopharm obtient un avis de conformité lui permettant de vendre son ramipril générique pour le traitement de l’hypertension mais qu’un médecin le prescrit ou un pharmacien le procure pour l’une des utilisations revendiquées dans les brevets 089 ou 948 (en dépit du fait qu’aucune de ces utilisations n’ait été approuvée même pour l’Altace), le médecin ou le pharmacien peuvent contrefaire lesdits brevets. Toutefois, Novopharm ne serait pas nécessairement partie à ces contrefaçons et, sans une quelconque participation de Novopharm, les violations par le médecin ou le pharmacien ne pourraient justifier le prononcé d’une ordonnance d’interdiction en vertu du Règlement ADC.

[11]           Il est possible cependant qu’un fabricant de médicaments génériques soit impliqué dans la contrefaçon par des tiers de revendications concernant une nouvelle utilisation d’un médicament, s’il les y a incités. On peut par exemple démontrer qu’il y a eu contrefaçon par incitation au moyen d’éléments de preuve se rapportant au dosage du médicament générique ou à son étiquetage ou sa mise en marché ou en établissant que la nouvelle utilisation s’infère raisonnablement de la monographie du médicament générique. Toutefois, il n’est généralement pas possible de conclure qu’il y a eu incitation à la contrefaçon à partir d’une simple mention de la nouvelle utilisation dans la monographie, par exemple, dans des explications relatives aux contre-indications ou à l’interaction médicamenteuse ou dans une bibliographie scientifique.

[12]           Novopharm soutient que son allégation de non‑contrefaçon ne peut manquer d’être déclarée fondée parce qu’elle ne demande pas l’approbation afin de commercialiser le produit en liaison avec l’une des nouvelles utilisations revendiquées dans les brevets 089 et 948 et parce qu’il n’a pas été prouvé que Novopharm incitera des tiers à utiliser son produit pour ces nouvelles fins. La Cour fédérale n’a pas retenu cet argument, estimant que la preuve relative à la contrefaçon n’était pas encore complète et que, vu l’avancement de l’instance, il ne convenait pas de priver Sanofi de la possibilité de terminer le contre‑interrogatoire sur les affidavits, même s’il était peu probable qu’il lui permette d’améliorer la preuve étayant sa demande.

[13]           À mon avis, la Cour fédérale a commis une erreur de droit en rejetant l’argument de Novopharm sur ce point. La preuve présentée dans le cadre de la demande d’ordonnance d’interdiction se composait des affidavits déposés respectivement par Sanofi et par Novopharm. La monographie du ramipril que Novopharm projette de mettre en marché était jointe à un affidavit de Sanofi. Il s’agissait d’une version expurgée, mais seulement en ce qui concernait la composition du médicament générique et certains renseignements précis en matière de recherche sur la biodisponibilité. Rien de ce qui touche l’utilisation du médicament générique n’a été expurgé. Rien dans la monographie expurgée ou dans les autres documents au dossier ne permet d’établir que Novopharm contrefera directement les brevets 089 ou 948 ou qu’elle incitera des tiers à les contrefaire. Sanofi ne soutient pas que cette preuve existe, mais elle fait valoir que le contre‑interrogatoire pourrait fournir des éléments de preuve. Selon moi, c’est un argument relevant de l’hypothèse et il aurait fallu le rejeter. Lorsqu’on écarte l’hypothétique possibilité d’un complément de preuve, on conclut obligatoirement à l’impossibilité d’accueillir la demande d’ordonnance d’interdiction du fait que l’allégation de non‑contrefaçon de Novopharm est fondée.

[14]           Suivant Novopharm, sa requête a été rejetée également parce qu’elle a été jugée tardive et, d’après elle, ce n’est pas un motif de rejet applicable au recours prévu à l’alinéa 6(5)b) du Règlement ADC. Je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si la requête prévue à l’alinéa 6(5)b) et visant le rejet d’une demande d’ordonnance d’interdiction peut être écartée pour le seul motif qu’elle est tardive. Je conviens avec le juge de première instance que Novopharm aurait pu présenter sa requête tout de suite après le dépôt des affidavits de Sanofi, bien qu’à ce moment le débat au sujet de la contrefaçon résultant d’un usage hors‑indication était encore ouvert. En outre, Novopharm a présenté sa requête peu de temps après avoir obtenu une décision favorable dans une autre affaire qui aurait pu se solder par la non‑délivrance d’un avis de conformité. Comme j’ai conclu que l’allégation de non‑contrefaçon était fondée, je ne vois aucune raison d’accorder de l’importance à la question du retard en l’espèce.

[15]           Novopharm a également invoqué l’arrêt AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2006] 2 R.C.S. 560, à l’appui de sa requête en rejet. Selon elle, cet arrêt établit que le Règlement ADC ne l’oblige pas à traiter des brevets 089 et 948 parce qu’elle n’a pu tirer profit de l’exception relative aux travaux préalables énoncée au paragraphe 55.2(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, relativement à ces brevets. La Cour fédérale a signalé que la question de la portée de l’arrêt AstraZeneca n’est pas tranchée. Étant donné les conclusions auxquelles je suis déjà parvenue, je n’exprimerai aucune opinion sur cette question.

[16]           Je suis d’avis d’accueillir l’appel avec dépens devant notre Cour et devant la Cour fédérale, d’annuler l’ordonnance de la Cour fédérale et de rendre une ordonnance faisant droit à la requête de Novopharm visant à faire rejeter la demande d’ordonnance d’interdiction de Sanofi.

 

« K. Sharlow »

J.C.A.

 

« Je souscris à ces motifs

            M. Nadon J.C.A. »

 

« Je souscris à ces motifs

            C. Michael Ryer J.C.A. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-607-06

 

APPEL DU JUGEMENT ET DE L’ORDONNANCE RENDUS LE 21 DÉCEMBRE 2006 PAR LA COUR FÉDÉRALE DANS LE DOSSIER T-1979-05

 

INTITULÉ :                                                                           NOVOPHARM LIMITED c. SANOFI-AVENTIS CANADA INC. ET AL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   24 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE SHARLOW

 

AUXQUELS ONT SOUSCRIT :                                          LE JUGE NADON

                                                                                                LE JUGE RYER

 

DATE DES MOTIFS :                                                          27 avril 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark Edward Davis

Andy Radhakant

POUR L’APPELANTE

 

 

Gunars A. Gaikis

Mark G. Biernacki

 

POUR LES INTIMÉES,

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.

ET AL

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANTE

 

 

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)

POUR LES INTIMÉES,

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.

ET AL

 

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