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Date : 20070430

Dossier : A‑212‑06

Référence : 2007 CAF 172

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

R. DAREN BAXTER

intimé

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 22 mars 2007

Jugement rendu à (Ottawa) Ontario, le 30 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                     LE JUGE RYER

Y A SOUSCRIT :                                                                                               LE JUGE DÉCARY

MOTIFS CONCOURANTS :                                                                               LE JUGE EVANS

 

 


Date : 20070430

Dossier : A‑212‑06

Référence : 2007 CAF 172

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

R. DAREN BAXTER

intimé

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RYER

[1]               Il s’agit d’un appel de la décision R. Daren Baxter c. Sa Majesté la Reine (2006 CCI 230; 2006 D.T.C. 2642), rendue par le juge Bell de la Cour canadienne de l’impôt (la CCI), accueillant l’appel de M. Baxter à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la LIR), L.R.C. 1985, ch. 1 (5e Suppl.), pour les années d’imposition 1998 et 1999. Sauf indication contraire, tous les renvois à la LIR dans les présents motifs visent les dispositions de la LIR en vigueur durant les années d’imposition en cause.

 

[2]               En 1998, M. Baxter a acquis une licence (la licence PIT) pour utiliser le programme indiciel Trafalgar (Trafalgar Index Program), logiciel servant à négocier des contrats à terme. Le coût d’acquisition de la licence PIT était de 50 000 $, payé par la remise de quatre chèques totalisant 17 500 $ et d’un billet à ordre pour le montant principal de 32 500 $. Dans ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 1998 et 1999, M. Baxter a réclamé des déductions totalisant 50 000 $ à titre de déduction pour amortissement relativement au coût d’acquisition de la licence.

 

[3]               Deux questions ont été soulevées dans le présent appel : la licence PIT que M. Baxter a acquise constituait‑elle un abri fiscal au sens du paragraphe 237.1(1) (abri fiscal), auquel cas le montant total de la déduction pour amortissement lui serait refusé?; le billet à ordre représentait‑il une éventualité, auquel cas 32 500 $ de la déduction pour amortissement lui seraient refusés?

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que le bien acquis par M. Baxter constituait un abri fiscal et qu’il y a lieu d’accueillir l’appel. En raison de cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de l’éventualité.

 

INTRODUCTION

[5]               Afin de faciliter la compréhension de mes motifs, je vais résumer mon interprétation de la définition d’abri fiscal qui s’applique aux années d’imposition en cause dans le présent appel. On trouvera au paragraphe 29 le texte intégral de l’alinéa 237.1(1)a).

 

[6]               La définition d’abri fiscal soulève essentiellement une question relativement aux acquisitions hypothétiques ou présumées par un acquéreur hypothétique ou éventuel (acquéreur éventuel). Si on y répond affirmativement, le bien constituera un abri fiscal et un certain nombre de conséquences en découleront. Il faut répondre à cette question avant la vente même du bien.

 

[7]               La question soulevée par la définition d’abri fiscal est relativement simple une fois qu’on l’a bien cernée. Mais la cerner n’est pas une mince affaire. Il faut d’abord trancher un certain nombre de questions préliminaires.

 

[8]               La définition d’abri fiscal vise tout bien offert en vente à des acquéreurs éventuels. Cependant, tout bien qui est offert en vente ne constituera pas nécessairement un abri fiscal.

 

[9]               La définition exige que des déclarations ou annonces soient faites à un moment donné relativement au bien offert en vente. En l’absence de ces déclarations ou annonces, le bien ne peut constituer un abri fiscal. Puisque le bien visé par la définition d’abri fiscal est un bien qui est présumé avoir été acquis par l’acquéreur éventuel et que des déclarations ou annonces doivent avoir été faites relativement à ce bien, les déclarations ou annonces doivent avoir été faites avant la conclusion de la vente. De plus, la définition ne précise pas qui doit faire les déclarations ou annonces ni à qui celles‑ci doivent être faites, mais je suis d’avis qu’elles doivent être faites aux acquéreurs éventuels du bien par la personne qui propose de le vendre ou une personne agissant en son nom.

 

[10]           L’objet des déclarations ou annonces est essentiellement d’indiquer le montant que l’acquéreur éventuel pourrait déduire dans le calcul du revenu au titre de ce bien par suite de son acquisition présumée, autrement dit si l’acquéreur éventuel acquiert effectivement le bien, que ce montant représente le coût d’acquisition du bien, les frais engagés en vue d’obtenir le bien (comme les coûts de forage engagés en vue d’obtenir une part dans un bien relatif au pétrole et au gaz dans une opération d’amodiation), ou un montant alloué au détenteur du bien (comme une perte attribuée à un associé détenant une participation dans une société de personnes).

 

[11]           La définition d’abri fiscal ne précise pas la forme que doivent prendre les déclarations ou annonces, ni de quelle manière elles doivent être faites. Il est clair qu’il doit y avoir une communication aux acquéreurs éventuels, les informant que chacun d’eux pourrait avoir droit à une déduction par suite de l’acquisition du bien offert en vente. La définition n’indique nullement que cette communication doit être faite par écrit.

 

[12]           La définition n’indique pas si la communication des déclarations et annonces doit avoir un but ou un effet en particulier. Il paraît évident qu’en faisant les déclarations ou annonces, directement ou par l’intermédiaire d’un représentant, le vendeur éventuel du bien chercherait à encourager ou à inciter les acquéreurs éventuels à devenir des acquéreurs réels. Cependant, puisqu’il faut répondre à la question soulevée par la définition avant la conclusion de la vente, il est impossible et sans pertinence de déterminer les effets des déclarations et annonces sur les acquéreurs éventuels.

 

[13]           Enfin, la question soulevée par la définition d’abri fiscal exige qu’on détermine une période de temps qui se termine dans les quatre ans suivant la date à laquelle l’acquéreur éventuel est réputé avoir acquis le bien.

 

[14]           Eu égard à ces éléments, la question soulevée par la définition d’abri fiscal est de savoir si, à la lumière des déclarations ou annonces communiquées à l’acquéreur éventuel, il est raisonnable de considérer, autrement dit de déterminer objectivement, qu’à la fin d’une année d’imposition quelconque de l’acquéreur éventuel se terminant dans la période de quatre ans, le montant qui a été annoncé ou communiqué à l’acquéreur éventuel comme étant déductible par suite de l’acquisition présumée est égal ou supérieur au coût de cette acquisition, déterminé à la fin de cette année d’imposition, moins le montant de tous les « avantages visés par règlement » que l’acquéreur éventuel pourrait recevoir, directement ou indirectement, au titre de ce bien. Ce calcul mathématique doit être fait au maximum quatre fois, à la fin de chaque année d’imposition de l’acquéreur éventuel dans cette période de quatre ans. Si, à un de ces moments, la réponse est affirmative, le bien constituera un abri fiscal. Si, par contre, elle est négative à chacun de ces quatre moments, le bien ne constituera pas un abri fiscal.

 

LES FAITS

Commercialisation des licences  PIT par le groupe Trafalgar

[15]           Le matériel de promotion fourni aux acquéreurs éventuels de licences PIT, y compris à M. Baxter, décrit le groupe Trafalgar comme une entreprise prospère spécialisée dans la création de logiciels de pointe en matière d’investissements donnant droit à une aide fiscale. En 1998, le groupe Trafalgar a entrepris de commercialiser le programme indiciel Trafalgar, indiquant qu’il s’agissait de [traduction] « son plus récent produit innovateur en matière d’investissements mis au point pour fournir des repères dans un monde financier volatile et incertain ».

 

[16]           Le matériel de promotion décrit le programme indiciel Trafalgar, lequel est essentiellement un logiciel de « spéculation sur séance ». Pour avoir le droit d’utiliser ce programme, les investisseurs éventuels devaient obtenir une licence PIT, conformément à une entente conclue avec TCL Trafalgar B.V. (TCL Trafalgar), membre du groupe Trafalgar constitué en société aux Pays‑Bas qui concédait des licences d’utilisation du programme indiciel Trafalgar pour son propriétaire faisant partie du groupe. Le prix d’achat plancher de la licence PIT était de 50 000 $ et augmentait par tranches de 10 000 $. Pour aider les investisseurs éventuels à acquérir les licences PIT, le groupe Trafalgar acceptait de financer 65 % du coût d’acquisition. Les investisseurs éventuels avaient aussi la possibilité de conclure un contrat de représentation avec Trafalgar Trading Limited (Trafalgar Trading), membre du groupe Trafalgar constitué en société aux Bermudes qui pouvait engager un capital initial de 2 000 $  par tranche de 10 000 $  de redevance d’utilisation, devant servir à des fins de négociation, ainsi que le  programme indiciel Trafalgar. Trafalgar Trading devait promettre, et TCL Trafalgar garantir, un rendement annuel moyen de 8 % généré grâce à l’utilisation des licences PIT pour les transactions boursières.

 

[17]           On n’a pas clairement expliqué si le groupe Trafalgar était une personne morale ou simplement le nom donné à un ensemble de sociétés. Une partie du matériel de promotion fait référence au groupe Trafalgar et certains des avis décrits au paragraphe suivant ont été adressés au groupe Trafalgar, à l’attention de M. Edward Furtak. Dans une demande présentée aux autorités des Pays‑Bas en vue d’obtenir une décision en matière d’impôt, M. Furtak était décrit comme étant la personne ayant la propriété effective de TCL Trafalgar, laquelle était désignée dans un avis juridique en matière de valeurs mobilières – le troisième avis décrit au paragraphe suivant – comme étant une société liée à Trafalgar Trading. Peu importe les ramifications du groupe Trafalgar, il est clair que la commercialisation des licences PIT était activement assurée par TCL Trafalgar et en son nom par des employés de sociétés liées ou associées à M. Furtak, ainsi que par des représentants commerciaux indépendants.

 

[18]           Afin de réaliser ses objectifs commerciaux, le groupe Trafalgar a demandé des avis à EMC Partners, American Appraisal Canada, Inc. et Fraser Milner. Ces avis ont porté sur plusieurs aspects des arrangements proposés pour la commercialisation des licences PIT. Plus précisément :

a.       dans une lettre datée du 8 octobre 1998 (« Évaluation »), EMC Partners a indiqué que la juste valeur marchande de la licence PIT de 10 000 $ était supérieure à 15 000 $ et que le programme indiciel Trafalgar constituait un bien de la catégorie 12 aux fins de la LIR et du Règlement de l’impôt sur le revenu (RIR), C.R.C., ch. 945;

b.      dans une lettre datée du 20 octobre 1998 (« Avis fiscal »), Fraser Milner a formulé l’avis que, sous réserve de certaines hypothèses qui ne sont pas en cause dans le présent appel, le contribuable canadien qui faisait l’acquisition d’une licence PIT pourrait déduire le coût total de cette licence en le répartissant sur deux années financières;

c.       dans une autre lettre datée du 20 octobre 1998, Fraser Milner a indiqué que la vente de licences PIT en vue d’utiliser le programme indiciel Trafalgar ne devrait pas nécessiter de prospectus en vertu de la législation ontarienne relative aux valeurs mobilières;

d.      dans une lettre datée du 20 novembre 1998 (« Évaluation »), American Appraisal Canada, Inc. a écrit qu’elle évaluait la juste valeur marchande d’une licence PIT de 10 000 $ à 11 700 $ et que chaque licence PIT était un logiciel aux fins de l’impôt au Canada, ce qui permettait au titulaire de licence de déduire son coût d’achat d’autres sources de revenus au cours d’une période de deux ans, conformément aux dispositions du RIR relatives à la catégorie 12.

 

[19]           M. Allan Peters, représentant indépendant qui vendait des licences PIT pour le compte de TCL Trafalgar, a déclaré que le matériel de promotion préparé par TCL Trafalgar ou une personne agissant en son nom, ainsi que les évaluations et l’avis fiscal lui ont tous été remis par TCL Trafalgar ou une personne agissant en son nom pour qu’il s’en serve dans son travail de vente. M. Peters a aussi affirmé avoir remis ces documents à certains investisseurs éventuels qu’il a contactés, peut‑être même à tous. Il a enfin témoigné avoir expliqué à ces investisseurs éventuels qu’ils pouvaient déduire le coût d’acquisition des licences PIT de leur revenu imposable.

 

[20]           M. Jeffery Dahn, particulier ayant acheté une licence PIT, a témoigné que M. Medric Cousineau, le représentant commercial indépendant qui lui a vendu la licence, lui avait remis une copie de l’avis fiscal.

 

L’achat de la licence par M. Baxter

[21]           M. Baxter est un avocat dont la pratique consistait notamment à fournir des avis en matière d’impôt sur le revenu à des dirigeants de PME. Il a reçu une trousse de documentation concernant l’achat éventuel d’une licence PIT de M. Burton Langille, représentant commercial indépendant qui les vendait pour le compte de TCL Trafalgar. M. Baxter a examiné les détails de l’investissement de la licence avec M. Bradley Langille, qui était un vieil ami et le frère du représentant commercial. M. Baxter n’a pas examiné les évaluations, mais il a examiné l’avis fiscal.

 

[22]           En évaluant la possibilité d’investissement, M. Baxter s’est fié au sens des affaires de son ami, M. Bradley Langille, qui avait apparemment passé en revue les aspects financiers de l’investissement. M. Baxter a témoigné qu’il ne comprenait pas le fonctionnement du logiciel, mais qu’il était impressionné par les projections financières favorables incluses dans le matériel de promotion. Il a déclaré qu’il savait que la licence PIT était un bien de la catégorie 12 et que son coût pouvait être déduit sur une période de deux ans. Le 31 décembre 1998, il a signé les trois documents (le contrat d’octroi de licence, le billet à ordre et le contrat de représentation, dont des copies ont été déposées devant la Cour) qui lui avaient été remis par le représentant commercial.

 

Les documents

[23]           Conformément au contrat d’octroi de licence conclu avec TCL Trafalgar, M. Baxter a reçu une licence PIT lui conférant un droit non exclusif et limité d’utiliser le programme indiciel Trafalgar pendant une période de dix ans. La clause 3 de ce contrat est formulée comme suit :

[traduction]

3.         Redevance d’utilisation

 

3.1        En contrepartie de la licence qui lui est accordée par TCL Trafalgar, le titulaire paiera à cette dernière une redevance d’utilisation selon les modalités suivantes :

 

a)         4375 $ par chèque ou mandat fait en date des présentes;

b)         4375 $ par chèque postdaté de TROIS mois après la date des présentes;

c)         4375 $ par chèque postdaté de SIX mois après la date des présentes;

d)         4375 $ par chèque postdaté de NEUF mois après la date des présentes;

e)         32 500 $ par billet à ordre.

 

3.2        Le titulaire de la licence et TCL conviennent et confirment par la présente que 5 % de la redevance d’utilisation visent des modifications de maintenance apportées pendant la durée de la licence.

 

 

[24]           Dans le billet à ordre, M. Baxter a promis de verser les 32 500 $ à TCL Trafalgar le 31 décembre 2008 ainsi que des intérêts mensuels de 5 %.

 

[25]           Dans le contrat de représentation entre M. Baxter, Trafalgar Trading et TCL Trafalgar, Trafalgar Trading a été désignée mandataire exclusive de M. Baxter pour la négociation de contrats S&P 500 à l’aide de la licence PIT que M. Baxter avait acquise en vertu du contrat d’octroi de licence pour une période de dix ans. Trafalgar Trading a convenu de verser 10 000 $ de capital dans un compte de banque à des fins de négociation, et s’est engagée à ce que le rendement annuel moyen (défini dans le contrat de représentation) généré par ces transactions, pendant la durée du contrat de représentation, ne soit pas inférieur à 8 %. Trafalgar Trading avait droit à certains honoraires pour chaque transaction et les profits du compte de négociation devaient être partagés avec M. Baxter. TCL Trafalgar avait convenu que si le rendement promis par Trafalgar Trading n’était pas obtenu, l’obligation de M. Baxter de payer le montant principal du billet à ordre serait limitée au prorata du rendement réel réalisé par Trafalgar Trading. Les clauses 2, 4.1 et 8 de ce contrat sont rédigées comme suit :

 

[traduction]

 

2.         Mandataire exclusive

 

2.1        Les parties aux présentes conviennent que Trafalgar Trading sera la mandataire exclusive du titulaire de la licence pendant la durée du présent contrat pour la négociation des contrats S&P 500 à l’aide de la licence.

 

4.         Capital initial engagé

 

4.1        Trafalgar Trading convient d’engager un capital initial de 2000 $ pour chaque tranche de 10 000 $ de redevance d’utilisation. Le capital initial engagé sera versé dans un compte de banque au pro rata des versements effectués par le titulaire de la licence conformément aux alinéas 3.1 a), 3.1 b), 3.1 c) et 3.1 d) du contrat d’octroi de licence.

 

8.         Répartition du capital engagé

 

8.1        Dans les 30 jours suivant l’expiration du présent contrat, le capital engagé sera réparti comme suit :

a)         un montant égal au capital initial engagé sera versé à Trafalgar Trading;

b)         le reliquat du capital engagé sera versé au titulaire de la licence.

8.2        Le titulaire de la licence ordonne par les présentes à Trafalgar Trading de verser à TCL Trafalgar, à partir du montant attribué au titulaire de la licence conformément à la clause 8.1 du présent contrat, un montant égal au principal non payé.

8.3        Trafalgar Trading s’engage à ce que, à l’expiration du présent contrat, le rendement annuel moyen du capital engagé généré par le programme indiciel Trafalgar ne soit pas inférieur à huit pour cent (8 %).

8.4        TCL Trafalgar convient par les présentes que, malgré les dispositions du contrat d’octroi de licence et du billet à ordre, l’obligation du titulaire de la licence de respecter les conditions du billet et de la clause 8.3 du présent contrat sera limitée au prorata de l’exécution par Trafalgar Trading de ses obligations en vertu de la clause 8.3 du présent contrat.

 

[26]           Aucune demande n’a été présentée en application du paragraphe 237.1(2) pour l’obtention d’un numéro d’inscription d’abri fiscal relativement aux licences PIT vendues par TCL Trafalgar ou pour son compte parce que TCL Trafalgar estimait qu’elles ne constituaient pas un abri fiscal.

 

[27]           Dans sa déclaration de revenus de 1998, M. Baxter a déclaré l’acquisition de la licence PIT comme étant un ajout de matériel de 50 000 $ dans une annexe de déduction pour amortissement et a réclamé 2500 $ à titre de déduction pour amortissement pour cet ajout, ainsi qu’une perte commerciale consécutive de 2500 $. Dans sa déclaration de revenus de 1999, M. Baxter a réclamé 47 500 $, soit le solde de la fraction non amortie du coût en capital de la licence PIT, à titre de déduction pour amortissement, ainsi qu’une perte commerciale consécutive de 47 500 $.

 

[28]           Dans des avis de nouvelle cotisation en date du 22 avril 2002, le ministre du Revenu national (le ministre) a établi une nouvelle cotisation pour M. Baxter et refusé la déduction pour amortissement que celui‑ci avait réclamée dans ses déclarations de revenus de 1998 et de 1999 relativement à la licence PIT.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[29]           Les dispositions suivantes de la LIR sont pertinentes pour trancher le présent appel :

 

237.1. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

[…]

 

« promoteur » Personne qui, quant à un abri fiscal et dans le cours des activités d'une entreprise :

 

a) émet ou vend l'abri fiscal ou fait la promotion de son émission, de sa vente ou de son acquisition;

 

b) agit, à titre de mandataire ou de conseiller, en ce qui concerne l'émission ou la vente de l'abri fiscal ou la promotion de son émission, de sa vente ou de son acquisition;

 

c) accepte, à titre de principal ou de mandataire, une contrepartie relativement à l'abri fiscal.

 

Au même abri fiscal peuvent correspondre plus d'un promoteur d'abris fiscaux.

 

« abri fiscal » Bien (y compris, pour plus de certitude, le droit à un revenu) pour lequel il est raisonnable de considérer, compte tenu de déclarations ou d’annonces faites ou envisagées relativement au bien que, si une personne acquérait une part dans le bien, le montant visé à l’alinéa a) serait, à la fin d’une année d’imposition qui se termine dans les quatre ans suivant le jour où la part est acquise, égal ou supérieur au montant visé à l’alinéa b) :

 

a) le total des montants représentant chacun :

 

(i) un montant ou, dans le cas d’une participation dans une société de personnes, une perte qui est annoncé comme étant déductible dans le calcul du revenu au titre de la part (y compris, si le bien est un droit à un revenu, un montant ou une perte afférent à ce droit qui est annoncé comme étant déductible) et qui pourrait être engagé ou subie par la personne ou attribué à celle‑ci pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure.

 

(ii) un autre montant qui est annoncé comme étant déductible dans le calcul du revenu ou du revenu imposable au titre de la part et qui pourrait être engagé par la personne ou attribué à celle‑ci pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure, à l’exclusion d’un montant inclus dans le calcul d’une perte visée au sous‑alinéa (i);

 

 

b) l’excédent éventuel du montant visé au sous‑alinéa (i) sur le total visé au sous‑alinéa (ii) :

 

(i) le coût de la part pour la personne à la fin de l’année, déterminé compte non tenu de l’article 143.2,

 

 

 

 

(ii) la valeur totale des avantages visés par règlement que la personne ou toute personne avec laquelle elle a un lien de dépendance pourrait recevoir, directement ou indirectement, au titre de la part.

 

 

Les actions accréditives et les biens visés par règlement ne sont pas considérés comme des abris fiscaux.

(2) Tout promoteur doit, quant à un abri fiscal, demander au ministre, sur le formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits, d'attribuer un numéro d'inscription à cet abri fiscal, sauf si demande en a déjà été faite.

(4) Nul ne peut, que ce soit à titre de principal ou de mandataire, émettre ou vendre un abri fiscal, ou accepter une contrepartie relativement à un abri fiscal, avant que le ministre n'ait attribué à cet abri fiscal un numéro d'inscription.

 

(6) Une personne ne peut demander ou déduire un montant au titre d’un abri fiscal que si elle présente au ministre un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits, incluant le numéro d’inscription attribué à l’abri fiscal.

237.1.(1) In this section,

 

 

 

"promoter" in respect of a tax shelter means a person who in the course of a business

 

(a) sells or issues, or promotes the sale, issuance or acquisition of, the tax shelter,

 

(b) acts as an agent or adviser in respect of the sale or issuance, or the promotion of the sale, issuance or acquisition, of the tax shelter, or

 

 

(c) accepts, whether as a principal or agent, consideration in respect of the tax shelter,

 

and more than one person may be a tax shelter promoter in respect of the same tax shelter.

 

"tax shelter" means any property (including, for greater certainty, any right to income) in respect of which it can reasonably be considered, having regard to statements or representations made or proposed to be made in connection with the property, that, if a person were to acquire an interest in the property, at the end of a particular taxation year that ends within 4 years after the day on which the interest is acquired,

 

 

(a) the total of all amounts each of which is

 

(i) an amount, or a loss in the case of a partnership interest, represented to be deductible in computing income in respect of the interest in the propertry (including, where the propertry is a right to income, an amount or loss in respect of that right that is represented to be deductible) and expected to be incurred by or allocated to the person for the particular year or any preceding taxation year, or

 

 

 

(ii) any other amount presented to be deductible in computing income or taxable income in respect of the interest in the property and expected to be incurred by or allocated to the person for the particular year or any preceding taxation year, other than any amount included in computing a loss described in subparagraph (i),

 

would equal or exceed

 

(b) the amount, if any, by which

 

 

 

(i) the cost to the person of the interest in the property at the end of the particular year, determined without reference to section  43.2,

 

would exceed

 

(ii) the total of all amounts each of which is the amount of any prescribed benefit that is expected to received or enjoyed, directly or indirectly, in respect of the interest in the property by the person or another person with whom the person does not deal at arm’s length,

but does not include property that is a flow‑through share or a prescribed property.

(2) A promoter in respect of a tax shelter shall apply to the Minister in a prescribed form for an identification number for the tax shelter unless an identification number therefor has previously been applied for.

(4) No person shall, whether as a principal or an agent, sell or issue, or accept consideration in respect of, a tax shelter before the Minister has issued an identification number for the tax shelter.

 

 

(6) No amount may be deducted or claimed by a person in respect of a tax shelter unless the person files with the Minister a prescribed form containing prescribed information, including the identification number for the tax shelter.

 

 

LES CONCLUSIONS DE LA CCI

La question de l’abri fiscal

[30]           La CCI a statué que M. Baxter n’avait pas acquis un abri fiscal parce que, selon elle, aucun montant n’avait été annoncé comme étant déductible et susceptible d’être engagé par M. Baxter aux fins de l’alinéa a) de la définition d’abri fiscal, de sorte que l’exigence mathématique de la définition n’était pas satisfaite.

 

[31]           La CCI a aussi conclu que le bien visé par la définition était la licence PIT que M. Baxter avait achetée, même si cette conclusion n’était pas essentielle pour sa décision.

 

[32]           Enfin , la CCI paraît avoir conclu que les déclarations ou annonces mentionnées à l’alinéa a) de la définition d’abri fiscal devaient avoir été faites au contribuable en question. Elle a toutefois souscrit à l’argument du ministre, mentionné au paragraphe 60 de sa décision, selon lequel M. Baxter « savait, compte tenu des avis juridiques qui avaient été exprimés, du matériel de promotion et des documents qu’il avait signés, que le montant de 50 000 $ qu’il avait engagé serait amorti sur une période de deux ans à titre de bien de la catégorie 12 faisant l’objet d’une déduction pour amortissement », mais elle n’a pas fait de commentaire à ce sujet.

 

ANALYSE

La question de l’abri fiscal

Introduction

[33]           La façon dont sont commercialisés les abris fiscaux a fait l’objet de nombreux commentaires d’avocats‑fiscalistes et de comptables. L’extrait qui suit, tiré d’un article rédigé par Shawn D. Porter, « The Tax Shelter Rules – Are We There Yet? », Report of Proceedings of the Forty-Eight Tax Conference, 1996 Conference Report Vol. 1, aux pages 24:12 et 24:13 (Toronto : L’Association canadienne d’études fiscales, 1997), donne un exemple typique des procédés employés pour commercialiser les abris fiscaux :

[traduction]

 

Même s’il y avait et il continue d’y avoir d’importantes préoccupations au sujet de la portée de la définition de promoteur, un abri fiscal n’est normalement déclaré que dans les situations où il y a vente d’un bien par une partie, qui est clairement un promoteur, à des investisseurs passifs (généralement des particuliers) en se servant d’une notice d’offre et de documents promotionnels. La notice d’offre et les documents promotionnels comprennent souvent un avis fiscal provenant d’un cabinet d’avocats ou d’experts‑comptables indiquant que certains montants devraient être déductibles. Le cabinet d’avocats ou d’experts‑comptables pourrait être tenu responsable s’il a été négligent dans sa préparation de l’avis fiscal. Dans bien des cas, la notice d’offre et les documents promotionnels sont au cœur de la décision de l’investisseur éventuel d’investir ou non. [Renvois omis.]

 

 

La norme de contrôle

[34]           Les parties conviennent que la question de savoir si M. Baxter a acquis un abri fiscal ou non est une question de droit et que la décision à cet égard peut être contrôlée selon la norme de la décision correcte : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235.

 

Quel est le « bien »?

[35]           La CCI a conclu que, aux fins de la définition d’abri fiscal, le bien était la licence PIT réellement acquise par M. Baxter. L’intimé a appuyé cette conclusion, alors que le ministre a essentiellement fait valoir que le bien était l’ensemble des licences PIT offertes en vente par TCL Trafalgar. À mon avis, la position du ministre est correcte.

 

[36]           Les mots « si une personne acquérait une part dans le bien » démontrent que la définition d’abri fiscal est prospective et que la personne en question est un acquéreur éventuel du bien. Cela signifie que la question de savoir si un bien constitue un abri fiscal doit être tranchée dans le contexte d’une vente présumée de ce bien à un acquéreur éventuel, et donc avant la conclusion de la vente. Cette conclusion est étayée par les paragraphes 237.1(2) et (4), qui rendent obligatoire l’acquisition d’un numéro d’inscription avant la vente d’un bien constituant un abri fiscal. Dans les circonstances de l’espèce, le terme « bien » vise les licences PIT que TCL Trafalgar proposait de vendre aux acquéreurs éventuels.

 

Qu’est-ce qui constitue des « déclarations ou annonces »?

[37]           Un bien ne peut pas constituer un abri fiscal si aucune déclaration ou annonce n’est faite concernant le montant qu’un acquéreur éventuel pourrait déduire du calcul de ses revenus par suite de l’acquisition présumée de ce bien. Par conséquent, l’existence de déclarations ou d’annonces relativement au bien est une condition nécessaire pour conclure qu’il constitue un abri fiscal.

 

[38]           Les évaluations et l’avis fiscal ont été préparés avant les ventes projetées des licences PIT par TCL Trafalgar ou une personne agissant pour son compte et en prévision de ces ventes. Chacun de ces documents, et particulièrement l’avis fiscal, traitait des conséquences fiscales découlant de l’acquisition d’une licence PIT par un investisseur éventuel. De plus, l’avis fiscal indique expressément qu’il pouvait être montré aux acquéreurs éventuels des licences PIT. Je conclus sans difficulté que les déclarations contenues dans les évaluations et l’avis fiscal, selon lesquelles le coût d’acquisition des licences PIT était entièrement déductible pour les acquéreurs éventuels sur une période de deux ans, constituent des déclarations ou annonces du type requis par la définition d’abri fiscal. Par conséquent, j’estime que l’existence de déclarations ou d’annonces faites relativement aux licences PIT a été établie.

 

[39]           Si TCL Trafalgar avait préparé et distribué un prospectus ou une notice d’offre qui contenait les explications de nature fiscale se trouvant dans les évaluations et dans l’avis fiscal, il est clair que l’exigence relative aux annonces de la définition d’abri fiscal aurait été satisfaite. Le fait que ces annonces se trouvaient dans des documents distincts, soit les évaluations et l’avis fiscal, qui accompagnaient la trousse de promotion remise aux acquéreurs éventuels des licences PIT, ne peut pas m’empêcher de conclure que l’exigence relative aux déclarations ou annonces dans la définition d’abri fiscal a été satisfaite.

 

À qui et par qui les déclarations ou annonces doivent-elles être faites?

[40]           La CCI a conclu que les déclarations ou annonces du type envisagé par la définition d’abri fiscal devaient avoir été faites à M. Baxter. L’intimé a appuyé cette conclusion, tandis que le ministre a essentiellement fait valoir que la définition d’abri fiscal n’exige pas que les déclarations ou annonces soient faites à une personne en particulier ou identifiable. À mon avis, ni l’une ni l’autre position n’est correcte.

 

[41]           La première partie de la définition d’abri fiscal exige que les déclarations ou annonces soient faites relativement au bien. La définition ne précise toutefois ni l’identité de la personne qui doit faire les déclarations ou annonces ni celle de la personne à qui elles doivent être faites. On ne sait pas si cette apparente imprécision était délibérée. Ce qui est certain, c’est qu’un bien ne peut pas constituer un abri fiscal à moins que des déclarations ou annonces du type requis par la définition d’abri fiscal aient été faites à un moment quelconque relativement au bien.

 

[42]           On pourrait avancer que l’interprétation de la définition d’abri fiscal soulève une autre incertitude parce que la partie initiale de la définition mentionne des déclarations ou annonces, mais l’alinéa a) de la définition fait référence qu’à un montant qui est annoncé comme étant déductible. Dans la décision Maya Inc. c. Canada, 2003 CCI 502, le juge Dussault a indiqué, au paragraphe 13, que le montant annoncé comme étant déductible aux fins de l’alinéa a) de la définition était le montant qui avait été « proposé » à l’acquéreur éventuel du bien.  Je suis d’accord avec cette interprétation non technique du mot « annoncé » et je conclus que l’emploi de ce mot vise uniquement à transmettre l’idée qu’on a fait connaître aux acquéreurs du bien en cause le montant visé par les déclarations ou annonces mentionnées dans la partie initiale de la définition. Ainsi, on pourrait également employer les mots [traduction] « communiqué » ou « dévoilé » pour expliquer ce que signifie le mot « annoncé » (en anglais represented) utilisé à l’alinéa a) de la définition d’abri fiscal. En effet, le sens de l’un ou l’autre de ces deux mots paraît de façon générale être compatible avec celui du mot « annoncé » utilisé dans la version française de l’alinéa a) de la définition.

 

[43]           Il ressort clairement de la première partie de la définition d’« abri fiscal » que les déclarations ou annonces doivent être faites en lien avec l’acquisition présumée du bien par l’acquéreur éventuel. L’alinéa a) de la définition faite référence à un montant annoncé comme étant déductible relativement au bien et qui pourrait être engagé par l’acquéreur éventuel. Par conséquent, je conclus que les déclarations ou annonces doivent être faites à l’acquéreur éventuel du bien.

 

[44]           Bien que ni les parties à l’appel ni la CCI dans sa décision ne se soient pas beaucoup attardées à la question de l’identité de la personne qui doit avoir fait les déclarations ou annonces, il serait raisonnable à mon avis de conclure que ce doit être chaque personne qui est un promoteur au sens du paragraphe 237.1(1) (promoteur).

 

[45]           L’avis fiscal et les évaluations contenaient des explications de nature fiscale qui constituaient des déclarations ou annonces du type requis par la définition d’abri fiscal. Ces documents ont été fournis par TCL Trafalgar ou une personne agissant en son nom aux représentants commerciaux indépendants pour qu’ils s’en servent pour vendre les licences PIT à des acquéreurs éventuels, et ceux-ci s’en sont effectivement servis à cette fin. Tous les représentants commerciaux, de TCL Trafalgar ou indépendants, étaient des promoteurs. Il est donc clair que les déclarations ou annonces en cause ont été faites, c’est-à-dire qu’un promoteur ou une personne agissant pour son compte les a fait connaître ou les a communiquées ou dévoilées à des acquéreurs éventuels de licences PIT. Par conséquent, l’exigence relative à la communication des déclarations ou annonces de la définition d’abri fiscal a été satisfaite.

 

L’exigence mathématique

[46]            La simple existence d’une annonce de nature fiscale n’est pas suffisante pour qu’un bien soit un abri fiscal. Il faut qu’il soit raisonnable de considérer, compte tenu de déclarations ou d’annonces communiquées aux acquéreurs éventuels, qu’à la fin d’une année d’imposition qui se termine dans les quatre ans suivant l’acquisition présumée du bien par l’acquéreur éventuel, le montant visé par l’alinéa a) de la définition, à savoir un montant annoncé comme étant déductible dans le calcul du revenu de l’acquéreur éventuel et qui pourrait être engagé par suite de l’acquisition présumée du bien, serait égal ou supérieur au montant visé par l’alinéa b) de la définition, à savoir le coût d’acquisition du bien pour l’acquéreur éventuel à la fin de cette année d’imposition, moins la valeur totale des avantages visés par règlement que l’acquéreur éventuel pourrait recevoir, directement ou indirectement, relativement au bien. C’est ce que je nommerai l’exigence mathématique de la définition d’abri fiscal. Cette exigence a été succinctement décrite au paragraphe 30 de la décision Maege c. Sa Majesté la Reine, 2006 CCI 117, de la Cour canadienne de l’impôt, de la façon suivante :

[…] nous pouvons réduire les dispositions qui décrivent en quoi consiste un « abri fiscal » à une équation bien simple : un abri fiscal pourrait exister si A > (B - C), où A représente le total des montants déduits dans le calcul du revenu (y compris les pertes), B représente le montant de l'investissement ou le coût et C représente le montant des avantages visés par règlement reçus […]

 

[47]           L’intimé a soutenu que, compte tenu des circonstances décrites dans l’avis fiscal, l’exigence mathématique de la définition d’abri fiscal n’a pas été respectée. Selon lui, l’avis fiscal informait M. Baxter que 5 % de la redevance d’utilisation visaient des [traduction] « modifications de maintenance apportées pendant la durée de la licence », et que ce montant serait considéré comme une charge payée d’avance, déductible sur une période de 10 ans. Ainsi, le montant maximum susceptible d’avoir été annoncé comme étant déductible en ce qui a trait à la licence PIT ne pouvait être que le reliquat de 95 % de la redevance. M. Baxter a affirmé que, dans son cas, le montant déterminé en vertu de l’alinéa a) de la définition était 95 % de 50 000 $ , c’est-à-dire 47 500 $, et le montant visé à l’alinéa b) était le plein montant de la redevance d’utilisation, soit 50 000 $, en supposant qu’il n’y avait pas d’avantage visé par règlement du type décrit au sous-alinéa b)(ii) de la définition d’abri fiscal. Il s’ensuivait, selon l’intimé, que comme le montant déterminé en vertu de l’alinéa a), soit 47 500 $, était inférieur au montant visé par l’alinéa b), soit 50 000 $ , l’exigence mathématique n’était pas respectée, de sorte que la licence PIT ne pouvait être un abri fiscal.

 

[48]           À mon avis, cet argument échoue. Il porte à tort sur l’acquisition réelle d’une licence PIT par M. Baxter, plutôt que sur l’acquisition présumée d’une licence PIT par un acquéreur éventuel, mais ce n’est pas pour cette raison qu’il doit être rejeté. À mon avis, il est faux de dire que le montant total de la redevance d’utilisation aurait constitué le coût d’acquisition d’une licence PIT pour un acquéreur éventuel. La clause 3.2 du contrat d’octroi de licence prévoit que 5 % de la redevance d’utilisation de 50 000 $, soit 2 500 $, se rapporte à des services futurs que TCL Trafalgar doit fournir à l’acquéreur éventuel d’une licence PIT. Par conséquent, ce montant ne pouvait constituer une partie du coût d’acquisition de la licence PIT, et le coût d’acquisition de ce bien pour l’acquéreur éventuel ne pouvait être que le reliquat de 47 500 $. À mon avis, il serait déraisonnable de croire que la personne qui bénéficiera des services futurs ne serait pas tenue de les payer. De plus, l’avis fiscal ne précise nulle part que le coût d’une licence PIT pour un investisseur éventuel serait fixé sans déduire le montant de la redevance d’utilisation visant les services futurs qui seraient fournis relativement à cette licence PIT. Il s’ensuit que, en supposant qu’il n’y avait pas d’avantage visé par règlement du type décrit au sous-alinéa b)(ii) de la définition d’abri fiscal, le montant déterminé en vertu de l’alinéa a) serait 47 500 $ et que c’est ce même montant qui aurait été visé par l’alinéa b). Ainsi, à mon avis, l’exigence mathématique de la définition d’abri fiscal a été satisfaite.

 

Un montant doit être « engagé »

[49]           La méthode retenue par la CCI pour trancher cette question particulière est décrite au paragraphe 61 de sa décision. Essentiellement, la CCI a estimé qu’un montant déterminé en vertu du sous‑alinéa a)(i) de la définition d’abri fiscal devait être un montant qui est annoncé comme étant déductible dans le calcul du revenu au titre de la part dans le bien et qui pourrait être engagé par la personne. La CCI a ensuite conclu, au paragraphe 62, que le montant annoncé comme étant déductible doit être annoncé à la personne qui pourrait l’engager. Comme je l’ai dit plus tôt, je suis essentiellement d’accord avec ces affirmations. La CCI a alors conclu que le montant en question était une déduction pour amortissement et, qu’elle ait été annoncée ou pas, cette déduction n’était pas un « montant » pouvant être « engagé » par quelqu’un. Sur ce point, je ne suis pas d’accord avec la CCI.

 

[50]           À mon avis, dans les circonstances de l’espèce, l’interprétation correcte du terme « montant » au sous-alinéa a)(i) de la définition devrait être le coût d’acquisition du bien présumé avoir été acquis par l’acquéreur éventuel, soit celui de la licence PIT. Ainsi, on saisit d’emblée que la deuxième exigence de la disposition, à savoir que le montant doit pouvoir être engagé, serait également satisfaite à la suite de l’acquisition présumée du bien. Au paragraphe 62 de sa décision, la CCI affirme que « la demande de déduction pour amortissement » n’est pas un montant qui peut être engagé. Même si cela est strictement parlant correct, je suis d’avis que la demande de déduction pour amortissement est simplement la méthode prévue par la loi par laquelle le coût d’un bien amortissable peut être déduit sous le régime de la LIR et du RIR. Dans les circonstances qui nous occupent, l’avis fiscal, fourni ou offert aux acquéreurs éventuels de licences PIT, précise :

 

[traduction] […] l’acquéreur pourra déduire jusqu’à 50 % du coût d’acquisition de son logiciel au cours de l’année d’imposition durant laquelle il l’a acquis et 50 % l’année suivante. [Non souligné dans l’original.]

 

Cela appuie ma conclusion selon laquelle la CCI a commis une erreur en accordant de l’importance à la méthode par laquelle le coût d’acquisition présumé d’une licence PIT devait être déduit par l’acquéreur éventuel. Les investisseurs potentiels étaient en fait informés du fait que c’est le coût d’acquisition des licences PIT qui serait déductible. Vu sous cet angle, il est clair que l’exigence formulée dans la deuxième partie du sous‑alinéa a)(i) de la définition portant qu’un montant, à savoir le coût d’acquisition présumé d’une licence PIT, doit être engagé, est facilement satisfaite par suite de l’acquisition présumée d’une licence PIT par l’acquéreur éventuel.

 

Question technique de « date » soulevée par la définition

[51]           L’intimé a plaidé que la définition d’abri fiscal soulevait une question « de date » qui était applicable pour les années d’imposition en cause dans le présent appel. Il a fait valoir que, selon la formulation des alinéas a) et b) de la définition d’abri fiscal, qui contient l’exigence mathématique, ces dispositions doivent s’appliquer aux dépenses qui sont engagées à la fin de la période de quatre ans dont fait état la première partie de la définition. Selon lui, il en découle que, comme M. Baxter a acquis sa licence PIT avant le début de cette période de quatre, le montant visé par l’alinéa a) doit être nul.

 

[52]           La prémisse initiale de cet argument contredit ma conclusion précédente selon laquelle la définition d’abri fiscal est de nature prospective et vise une acquisition présumée du bien en cause par un acquéreur éventuel. Ainsi, les déclarations ou annonces requises doivent avoir été faites relativement à l’acquisition présumée du bien par l’acquéreur éventuel, avant l’achat même du bien, et la formule mathématique doit s’appliquer en ce qui a trait à la période de quatre ans qui commence le jour de l’acquisition présumée du bien. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la formulation de la définition d’abri fiscal n’a pas le défaut que laisse entendre l’intimé.

 

Pour qui doit-il être « raisonnable de considérer »?

[53]           L’intimé a soutenu que la définition d’abri fiscal applicable aux années d’imposition en cause posait un autre problème en ce qu’elle ne fournissait aucune indication à la Cour sur la manière de traiter l’exigence relative au caractère raisonnable. Il a laissé entendre que cette exigence pourrait s’appliquer eu égard aux [traduction] « connaissances et de l’expertise en matière fiscale » de la personne à laquelle les déclarations ou annonces ont été faites.

 

[54]           Comme j’ai conclu que la personne visée par la définition d’abri fiscal est un acquéreur éventuel du bien, il n’est pas possible de tenir compte des connaissances subjectives que cette personne pourrait avoir.

 

[55]           L’intimé a aussi soulevé la question de savoir s’il pouvait être raisonnable de considérer que les déclarations ou annonces qui ont été faites permettaient d’inférer ou de conclure que l’exigence mathématique de la définition d’abri fiscal avait été satisfaite. À cet égard, l’intimé a posé la question de savoir s’il pouvait être raisonnable d’accepter les déclarations ou annonces verbales ou écrites de représentants commerciaux à cet effet. Il a plutôt fait valoir qu’il serait plus raisonnable de se fier à l’avis fiscal, qui, selon lui, aurait dû mener à la conclusion que les licences PIT ne constituaient pas des abris fiscaux parce que la dépense payée d’avance de la redevance d’utilisation (déductible sur une période de dix ans) faisait en sorte que l’exigence mathématique de la définition d’abri fiscal n’était pas satisfaite.

 

[56]           Cet argument équivaut à toute fin pratique à une concession de la part de l’intimé que l’avis fiscal satisfait à l’exigence relative aux annonces contenue dans la définition d’abri fiscal. Pour les motifs donnés précédemment, j’ai conclu que l’argument des charges payées d’avance et ne peut être accueilli pour montrer que l’exigence mathématique de la définition n’a pas été satisfaite. En fait, concernant à la question de savoir si les licences PIT offertes en vente aux investisseurs éventuels constituaient des abris fiscaux, l’avis fiscal n’énonce même pas cet argument. Le document conclut plutôt que c’est en raison de l’absence présumée d’annonces aux investisseurs éventuels que les licences PIT ne sont pas des abris fiscaux.

 

[57]           Il est incongru de prétendre que même si l’avis fiscal informait les acquéreurs éventuels de licences PIT que le coût total d’acquisition de ces licences devrait être déductible sur deux années d’imposition, cet avis ne constituait pas une déclaration ou annonce faite aux acquéreurs éventuels satisfaisant à l’exigence mathématique de la définition d’abri fiscal. Il s’ensuit, à mon avis, qu’il est raisonnable de considérer que la déclaration contenue dans l’avis fiscal, selon laquelle le coût d’acquisition des licences PIT serait déductible sur une période de deux ans pour les investisseurs éventuels, a permis de conclure que l’exigence mathématique de la définition d’abri fiscal aurait été satisfaite pour ce qui est des achats éventuels de licences PIT par des acquéreurs éventuels.

 

Conclusion

[58]           Dans les circonstances de l’espèce, TCL Trafalgar, par l’intermédiaire de ses employés ou représentants, a entrepris une campagne bien orchestrée en vue de vendre des licences PIT au public. Un argument de vente important avait trait aux intéressantes déductions fiscales auxquelles pouvaient avoir droit les acheteurs des licences. L’avis fiscal et les évaluations ont été demandés et obtenus pour fournir une confirmation indépendante que le coût d’acquisition des licences PIT serait entièrement déductible pour les acquéreurs éventuels sur une période de deux ans. TCL Trafalgar ou des personnes agissant en son nom ont fourni ces documents aux représentants commerciaux indépendants pour qu’ils s’en servent comme outil de marketing dans leur travail de vente. Dans certains cas, l’avis fiscal et les évaluations ont été remis aux acquéreurs éventuels, leur communiquant ou leur annonçant ainsi que s’ils achetaient une licence PIT, le coût d’acquisition de cette licence serait entièrement déductible sur une période de deux ans. Par conséquent, je suis d’avis que toutes les  exigences de la définition d’abri fiscal ont été satisfaites, que toutes les licences PIT vendues par TCL Trafalgar ou des personnes agissant pour son compte, y compris celle acquise par M. Baxter, étaient des abris fiscaux, et qu’un numéro d’inscription d’abri fiscal aurait dû être obtenu avant leur vente.

 

Un numéro d’inscription d’abri fiscal aurait-il aidé M. Baxter?

[59]           Il est clair que ni TCL Trafalgar ni aucun autre promoteur n’a présenté de demande au ministre en vue d’obtenir un numéro d’inscription pour les licences PIT qui étaient vendues. Comme j’ai conclu que les licences PIT mises sur le marché par TCL Trafalgar ou une personne agissant en son nom étaient des abris fiscaux, M. Baxter ne pouvait demander, en vertu du paragraphe 237.1(6), une déduction à l’égard du coût d’acquisition de sa licence PIT parce qu’il ne pouvait fournir au ministre le formulaire prescrit et le numéro d’inscription de l’abri fiscal requis par le paragraphe 237.1(6).

 

[60]           Il aurait été relativement simple pour TCL Trafalgar d’obtenir un numéro d’inscription avant de mettre les licences PIT sur le marché. En effet, comme l’indique le paragraphe 11 de la réponse modifiée à l’avis d’appel produite par le ministre, le groupe Trafalgar ou des personnes agissant en son nom déjà entrepris par le passé d’obtenir des numéros d’inscription d’abri fiscal pour la mise en marché d’autres logiciels et les ont obtenus. Si TCL Trafalgar ou une personne agissant pour son compte avait obtenu un numéro d’inscription pour la vente des licences PIT, M. Baxter n’aurait peut-être pas été visé par les dispositions du paragraphe 237.1(6). Toutefois, cela n’aurait sans doute pas réglé la question. Bien que cela ne soit pas essentiel pour ma décision, je remarque que l’existence d’un numéro d’inscription pour les licences PIT vendues par TCL Trafalgar ou une personne agissant en son nom aurait pu faire en sorte que ces licences soient visées par la définition de logiciel déterminé prévue au paragraphe 1100(20.2) du RIR, de sorte que le montant de la déduction pour amortissement admissible dans le cas de M. Baxter et des autres acheteurs de licences PIT aurait été limité, en application du paragraphe 1100 (20.1) du RIR, au revenu tiré d’une entreprise dans le cadre de laquelle les licences PIT étaient utilisées. Ces dispositions du RIR ont‑elles joué un rôle dans la décision de TCL Trafalgar de ne pas demander de numéro d’inscription d’abri fiscal relativement aux licences PIT? La question demeure ouverte.

 

 

 

La question de l’éventualité

[61]           Comme je suis parvenu à la conclusion que les licences PIT mises sur le marché par TCL Trafalgar ou une personne agissant en son nom, y compris la licence PIT acquise par M. Baxter, constituaient des abris fiscaux, je n’ai pas à traiter de cette question.

 

DÉCISION

[62]           J’accueillerais l’appel avec dépens devant la Cour et la Cour canadienne de l’impôt, j’annulerais le jugement de la Cour canadienne de l’impôt et je rétablirais les nouvelles cotisations de M. Baxter pour les années d’imposition visées par l’appel.

 

 

« C. Michael Ryer »

Juge

 

 

« Je souscris aux présents motifs

Robert Décary, juge »

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

 

LE JUGE EVANS (motifs concourants)

[63]           Je suis d’accord avec mon collègue le juge Ryer pour accueillir le présent appel. Je suis aussi d’accord avec ses motifs, sous réserve de la considération suivante au sujet de l’élément de la définition légale d’« abri fiscal » exigeant qu’il y ait des « déclarations ou annonces faites ou envisagées relativement au bien ». 

 

[64]        La décision du présent appel est fondée sur le fait que des annonces ont été faites à des investisseurs éventuels par le promoteur ou une personne agissant en son nom. Qu’une annonce ait été faite ou non à M. Baxter lui-même n’a pas d’importance pour décider, à partir des faits de l’espèce, si le bien était un « abri fiscal » au sens de l’article 237.1 de la LIR. Je suis d’accord avec cela.

 

[65]           Je souscris aussi à l’affirmation du juge Ryer, au paragraphe 36, qu’il ressort clairement des mots « si une personne acquérait une part dans le bien » que la définition d’abri fiscal est « prospective » et que, par conséquent, la décision de savoir si un bien constitue un abri fiscal doit être prise avant la vente même de ce bien. À mon avis, la nature prospective de la définition d’« abri fiscal » est aussi confirmée par les mots « déclarations ou annonces faites ou envisagées ».

 

[66]           Toutefois, mon collègue dit (au paragraphe 9, par exemple) qu’un bien ne peut pas être un abri fiscal à moins qu’une annonce soit faite. J’estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher cette question dans une affaire où il est clair que des annonces avaient été faites lorsque M. Baxter a acquis une licence. Par conséquent, je ne voudrais pas éliminer la possibilité que, dans certaines circonstances, un bien puisse constituer un « abri fiscal » même si aucune annonce n’a été faite, à la condition que le promoteur envisage d’en faire.

 

[67]           Un promoteur devrait pouvoir obtenir une décision du ministre sur la question de savoir si un bien est un « abri fiscal » à partir des annonces qu’il envisage de faire, même si aucune annonce n’a encore été faite. De même, je ne voudrais pas décider dans le présent appel si M. Baxter aurait ou non acheté un abri fiscal s’il avait acquis une licence PIT sur la foi du matériel de promotion de Trafalgar, mais avant que Trafalgar n’ait mis à sa disposition ou à celle d’autres investisseurs éventuels un avis juridique portant que le coût total d’acquisition de la licence était déductible sur une période de deux ans, à la condition que Trafalgar envisage de le faire.

 

 

__________________« John M. Evans »__________

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        A‑212‑06       

 

INTITULÉ :                                       SA MAJESTÉ LA REINE                               appelante

            c.

                                    R. DAREN BAXTER                                      intimé

 

LIEU DE L’AUDIENCE:                  TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE:                LE 22 MARS 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE RYER

 

Y A SOUSCRIT :                               LE JUGE DÉCARY

 

MOTIFS CONCOURANTS :           LE JUGE EVANS

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 30 AVRIL 2007

 

COMPARUTIONS :

 

John W. Smithers

Lynn Gillis                                            POUR L’APPELANTE

 

Edwin C. Harris, c.r.

Al Meghji                                             POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada       POUR L’APPELANTE

 

McInnes Cooper

Halifax (Nouvelle-Écosse)                    POUR L’INTIMÉ

 

Osler, Hoskin et Harcourt s.r.l              POUR L’INTIMÉ

Toronto (Ontario)

 

 

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