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Date : 20070503

Dossier : A-243-06

Référence : 2007 CAF 176

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

ENVOY RELOCATION SERVICES

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario) le 28 mars 2007

Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 3 mai 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                   LE JUGE EVANS

Y A SOUSCRIT :                                                                              LE JUGE EN CHEF RICHARD

 

MOTIFS DISSIDENTS :                                                                                           LE JUGE RYER

 

 


 

 

Date : 20070503

Dossier : A-243-06

Référence : 2007 CAF 176

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

ENVOY RELOCATION SERVICES

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE EVANS

A.        INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le Procureur général du Canada en vue de faire annuler la décision révisée, datée du 26 avril 2006, dans laquelle le Tribunal canadien du commerce extérieur (le « TCCE » ou le « Tribunal ») a recommandé que l’on accorde à Envoy Relocation Services (« Envoy ») la moitié des frais qu’elle a engagés pour la préparation de ses propositions, qui n’ont pas été retenues, concernant deux marchés publics.

 

[2]               Au dire du Procureur général, la décision de recommander d’accorder à Envoy une indemnité quelconque, à part les dépens découlant de la présentation de sa plainte au Tribunal, est manifestement déraisonnable. Ce n’est pas à cause de l’erreur que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« TPSGC ») a commise en évaluant l’article 2.2.4.2 de l’annexe « D » de ses propositions qu’Envoy n’a pas obtenu les marchés en question. En conséquence, vu que la violation, par TPSGC, d’une clause contractuelle figurant dans la demande de propositions (la « DP ») n’a causé aucune perte à Envoy, celle-ci n’avait pas droit à une indemnité couvrant les frais liés à la préparation de ses propositions, une dépense que sont tenus de supporter les soumissionnaires non retenus et qui doit passer aux profits et pertes.

 

[3]               À mon avis, on ne peut pas dire que la décision du TCCE est manifestement déraisonnable, vu que la loi lui confère un large pouvoir d’appréciation en matière de mesures réparatrices; il s’agit non seulement de rendre justice entre les parties, mais aussi d’appuyer le rôle de réglementation que joue le TCCE dans la procédure de passation des marchés publics. Je ne suis pas convaincu non plus que le TCCE a commis une erreur susceptible de contrôle dans la façon dont il a interprété sa loi habilitante. Je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

 

B.        FAITS ET PROCÉDURE

[4]               La présente affaire comporte de nombreux faits qu’il est utile d’explorer brièvement. Les deux marchés en question avaient trait à la prestation de services de réinstallation aux Forces canadiennes, ainsi qu’à la Gendarmerie royale du Canada et au gouvernement du Canada. D’après Envoy, la valeur estimée de ces deux marchés est de plus de 563 millions de dollars, tandis que TPSGC cite un chiffre un peu supérieur à 154 millions de dollars. Le 2 novembre 2004, TPSGC a adjugé les deux marchés à Services de relogement Royal LePage Limitée.

 

[5]               Le 18 février 2005, Envoy a déposé une plainte auprès du TCCE en vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47 (la « Loi sur le TCCE »), alléguant que trois erreurs avaient été commises au cours du processus d’évaluation des propositions. La seule plainte que le TCCE a retenue était que TPSGC avait violé une clause de la DP en soustrayant des points au moment d’évaluer la section 2.2.4.2 des propositions d’Envoy parce que les informations que cette dernière avait données dans cette section de sa proposition concernant l’un des deux marchés ne concordaient pas avec celles qu’elle avait données dans la même section de sa proposition relative à l’autre contrat. L’article 2.2.4.2 avait une indication maximale de 80 points sur un total de 1 000.

 

[6]               Dans la décision datée du 16 mai 2005, le TCCE a accueilli la plainte d’Envoy, au motif que la DP n’envisageait pas que l’évaluation des propositions serait fondée sur la comparaison des propositions faites par un soumissionnaire pour les marchés en question. À titre de réparation, le TCCE a recommandé, conformément aux paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE, qu’une nouvelle équipe d’évaluation réévalue l’article 2.2.4.2 des propositions de tous les soumissionnaires. Dans ses motifs, il a justifié cette recommandation en ces termes :

34. En l'espèce, la preuve ne dénote pas l'absence de bonne foi, mais il y a eu une entorse grave aux méthodes d'évaluation, et cette entorse a peut-être influé sur l'adjudication des deux contrats et pourrait donc avoir porté préjudice à toutes les parties en cause dans l'invitation. TPSGC, de par sa responsabilité de rédiger l'énoncé de travail et de choisir les clauses particulières à inclure dans la DDP, est en mesure de déterminer les règles détaillées qui, outre le cadre général de passation de marchés défini par les accords commerciaux, régissent chaque procédure de passation des marchés publics. Lorsqu'il ne suit pas ses propres règles, il porte préjudice à l'intégrité de la procédure de passation des marchés publics dans son ensemble.

 

[…]

 

36. Le Tribunal n’accueille pas la demande de remboursement des dépenses engagées par Envoy pour la préparation de ses propositions. En recommandant [de réévaluer la section 2.2.4.2 dans toutes les propositions des soumissionnaires], le Tribunal vise à faire en sorte que les propositions d’Envoy soient soumises au processus d’évaluation qui était prévu lorsqu’elle a engagé les frais lis à leur préparation.

[Non souligné dans l’original.]

 

[7]               En faisant droit à la demande de contrôle judiciaire présentée par le Procureur général, la Cour a confirmé la conclusion du TCCE selon laquelle il y avait eu violation d’une clause de la DP au stade de l’évaluation de la section 2.2.4.2 figurant dans les propositions d’Envoy. Cependant, la Cour a annulé la mesure de réparation que le TCCE avait recommandée : Canada (Procureur général) c. Envoy Relocation Services, 2005 CAF 13.

 

[8]               Le raisonnement de la Cour était le suivant : étant donné que la seule erreur relevée par le TCCE résidait dans l’évaluation de la section 2.2.4.2 des propositions d’Envoy, il n’était pas justifié d’exiger que l’on réévalue cette même section dans les propositions des autres soumissionnaires. En outre, étant donné que la réévaluation de cette section dans les propositions d’Envoy laisserait de toute façon à Royal LePage plus de points qu’à Envoy, il était inutile de réévaluer la section 2.2.4.2 dans les propositions d’Envoy. La Cour s’est donc exprimée en ces termes (au paragraphe 3) :

[…] l’étendue du recours doit donc s’en tenir à la réparation pécuniaire qu’Envoy demande dans sa plainte.

 

En conséquence, la Cour a annulé l’ordonnance du TCCE et a renvoyé l’affaire pour que le Tribunal fixe la nouvelle mesure réparatrice conformément aux motifs susmentionnés.

 

[9]               La réparation pécuniaire demandée par Envoy dans sa plainte comportait une indemnité pour perte de profits, le remboursement des frais liés à la préparation de ses propositions (experts et avocats compris), de même que les dépens liés à la préparation et à l’instruction de la plainte.

 

C.        LA DÉCISION CONTESTÉE

[10]           Après avoir exposé les observations des parties, le TCCE a réitéré (au paragraphe 24 de ses motifs) la conclusion qu’il avait tirée dans sa décision précédente (au paragraphe 34), à savoir « qu’il y avait eu une infraction grave des méthodes d’évaluation, laquelle avait porté préjudice à l’intégrité de la procédure de passation de marchés publics dans son ensemble », des facteurs dont le TCCE se doit de tenir compte aux termes des alinéas 30.15(3)a) et c), et que « la mesure corrective devrait refléter la gravité des conséquences de l’infraction de TPSGC ».

 

[11]           Dans la décision contestée en l’espèce, le TCCE a fait remarquer (au paragraphe 25) que la décision de la présente Cour l’empêchait de recommander une mesure corrective « qui procure à Envoy l’avantage du processus d’évaluation auquel elle s’attendait au moment de préparer ses trois propositions… ». Le TCCE a dit qu’il appliquerait plutôt « l’autre possibilité de démarche pour placer Envoy dans la position où elle se serait trouvée si elle avait su de quelle manière TPSGC évaluerait la section 2.2.4.2… » (au paragraphe 26).

 

[12]           Le TCCE a conclu qu’au vu de la pondération élevée (75 %) accordée aux aspects techniques des propositions, y compris à la section 2.2.4.2, Envoy aurait raisonnablement tenu compte de cette section avec beaucoup de sérieux, ignorant si l’évaluation de cette dernière ferait la différence entre remporter les marchés ou les perdre. En outre, le TCCE a conclu que si Envoy avait su que les évaluateurs compareraient les soumissions d’une manière contraire aux clauses de la DP, elle aurait quand même soumissionné mais elle aurait évité toute apparence d’incohérence, soit en structurant différemment ses propositions, soit en n’en présentant qu’une seule.

 

[13]           Le TCCE a résumé comme suit sa décision (au paragraphe 30) :

[…] compte tenu de la gravité de l’infraction des méthodes d’évaluation, qui justifie une indemnisation importante, le Tribunal est d’avis qu’un montant égal à 50 p.100 des frais engagés par Envoy pour la préparation de sa soumission est le montant d’indemnisation qui s’impose.

 

Les frais raisonnables devaient être calculés après que les parties aient eu la possibilité de présenter leurs observations au TCCE. L’avocat d’Envoy a indiqué à l’audience tenue devant nous que sa cliente estimait avoir dépensé une somme totale de 1,4 million de dollars pour la préparation de ses propositions. En outre, le TCCE a accordé à Envoy la somme de 500 $ pour les frais qu’elle avait engagés en prévision du réexamen de la décision originale.

 

D.        LE CADRE LÉGISLATIF APPLICABLE

[14]           Les pouvoirs de réparation dont dispose le TCCE en rapport avec la présente espèce sont énoncés à l’article 30.15 de la Loi sur le TCCE :

[…]

 

30.15(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes  :

a) un nouvel appel d’offres;

b) la réévaluation des soumissions présentées;

c) la résiliation du contrat spécifique;

d) l’attribution du contrat spécifique au plaignant;

e) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

 

 

30.15(2) Subject to the regulations, where the Tribunal determines that a complaint is valid, it may recommend such remedy as it considers appropriate, including any one or more of the following remedies :

(a) that a new solicitation for the designated contract be issued;

(b) that the bids be re-evaluated;

(c) that the designated contract be terminated;

(d) that the designated contract be awarded to the complainant; or

(e) that the complainant be compensated by an amount specified by the Tribunal.

 

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants  :

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

 

(3) The Tribunal shall, in recommending an appropriate remedy under subsection (2), consider all the circumstances relevant to the procurement of the goods or services to which the designated contract relates, including

(a) the seriousness of any deficiency in the procurement process found by the Tribunal;

(b) the degree to which the complainant and all other interested parties were prejudiced;

(c) the degree to which the integrity and efficiency of the competitive procurement system was prejudiced;

(d) whether the parties acted in good faith; and

(e) the extent to which the contract was performed.

 

(4) Le Tribunal peut, sous réserve des règlements, accorder au plaignant le remboursement des frais entraînés par la préparation d’une réponse à l’appel d’offres.

 

(4) Subject to the regulations, the Tribunal may award to the complainant the reasonable costs incurred by the complainant in preparing a response to the solicitation for the designated contract.

 

30.16(1) Les frais relatifs à l’enquête — même provisionnels — sont, sous réserve des règlements, laissés à l’appréciation du Tribunal et peuvent être fixés ou taxés.

 

[…]

 

30.16(1) Subject to the regulations, the Tribunal may award costs of, and incidental to, any proceedings before it in relation to a complaint on a final or interim basis and the costs may be fixed at a sum certain or may be taxed.

 

E.        QUESTIONS EN LITIGE ET ANALYSE

1. La norme de contrôle

[15]           Les questions d’interprétation des lois qui ne relèvent pas du champ de compétence du TCCE sont susceptibles d’un contrôle judiciaire; la norme est celle de la décision correcte : arrêt Canada (Procureur général) c. McNally Construction Inc., 2002 CAF 184, au paragraphe 16. Aux fins de la présente demande, je postulerai que cette norme s’applique à l’interprétation du TCCE quant aux paragraphes 30.15(2) et (3).

 

[16]           Cependant, la décision manifestement déraisonnable est la norme de contrôle qui s’applique aux conclusions de fait que tire le TCCE (Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, alinéa 18.1(4)d)) de même qu’aux autres questions qui relèvent de sa compétence : voir, par exemple, Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux), 2001 CAF 241, au paragraphe 15.

 

[17]           L’exercice par le tribunal administratif spécialisé du large pouvoir discrétionnaire de réparation qui lui est conféré relève directement de son champ de compétence : voir l’arrêt Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 1 R.C.S. 369, au paragraphe 58. À mon avis, cela vaut également pour le TCCE.

 

[18]           Le droit est bien fixé : le demandeur qui veut convaincre le tribunal saisi de la demande de contrôle que la décision du tribunal administratif spécialisé est manifestement déraisonnable a un lourd fardeau. Selon cette norme de contrôle, a dit le juge Iacobucci dans l’arrêt Law Society of New Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 52, il doit établir que la décision administrative « est à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir ».

 

2. La décision du TCCE était-elle manifestement déraisonnable?

[19]           L’avocat du Procureur général a soutenu qu’étant donné l’absence de lien de causalité entre le manquement [traduction] « sans conséquence » de TPSGC à la DP et la perte qu’Envoy est censée avoir subie, la recommandation d’accorder une indemnité quelconque (à part les dépens liés à la plainte) donnerait lieu à un profit inattendu pour Envoy. Il était donc manifestement déraisonnable que le TCCE recommande que TPSGC indemnise Envoy de la moitié de la somme considérable que celle-ci avait engagée dans le cadre de la préparation de ses propositions.

 

[20]           En fin de compte, on fait valoir que, en droit, le TCCE ne pouvait pas accorder une « indemnité » en vertu du paragraphe 30.15(2) pour quelque perte que ce soit que TPSGC avait causée à Envoy en négligeant d’évaluer l’article 2.2.4.2 de ses propositions d’une manière conforme à la DP. Étant donné qu’Envoy n’avait subi aucune perte en raison du manquement de TPSGC, à l’exception du coût minime du maintien de sa plainte, le TCCE n’aurait pas dû recommander quelqu’indemnité que ce soit.

 

[21]           Je rejette cette prétention. L’argument du Procureur général suppose qu’en recommandant une réparation pécuniaire, le TCCE doit fixer le montant à payer, si montant il y a, en se reportant aux principes de common law en matière de dommages-intérêts pour rupture de contrat. Cet argument fait toutefois abstraction du fait que le TCCE, à l’instar de nombreux autres tribunaux administratifs spécialisés, joue un rôle de réglementation dans le cadre du processus administratif. Pour que l’organisme puisse s’acquitter de la mission qui lui est confiée dans l’intérêt public, les tribunaux appelés à exercer le contrôle judiciaire ne doivent pas présumer que le législateur voulait que l’organisme faisant l’objet d’un contrôle exerce ses pouvoirs de réparation en se fondant sur les mêmes bases que celles sur lesquelles les tribunaux exercent des pouvoirs analogues pour régler des différends exclusivement régis par le droit privé.

[22]           Bien qu’il exerce des fonctions de nature essentiellement juridictionnelle lorsqu’il fait enquête sur les plaintes de soumissionnaires de marchés publics dont la proposition n’a pas été retenue et qui disent avoir été traités inéquitablement, le TCCE doit exercer ses pouvoirs en vue de, notamment, préserver la confiance des soumissionnaires éventuels en l’intégrité du système de passation des marchés publics. La perte de confiance aurait un effet préjudiciable sur l’aspect concurrentiel du processus d’appel d’offres. Il ne faut donc pas postuler que le pouvoir qu’a le TCCE de recommander l’indemnisation ne peut être exercé qu’en fonction des principes de common law.

 

[23]           Il est pertinent de noter à cet égard que le législateur a employé le terme générique « indemnité » au paragraphe 30.15(2), et non le terme « dommages-intérêts », qui a une connotation nettement plus juridique. Il n’a pas non plus précisé que le plaignant a droit seulement à une « indemnité » pour une perte due à une rupture de contrat, ou une autre conduite irrégulière, de la part de TPSGC.

 

[24]           Par ailleurs, le législateur impose au TCCE, lorsque celui-ci recommande la mesure corrective appropriée qui figure au paragraphe 30.15(2), de tenir compte de tous les facteurs pertinents, y compris de ceux qui sont énumérés au paragraphe 30.15(3), cette liste n’étant pas exhaustive. En l’espèce, la Cour avait déjà décidé que la mesure corrective qui convenait était une réparation pécuniaire. Par conséquent, lorsque l’affaire a été renvoyée au TCCE pour réexamen de la mesure de réparation, il lui suffisait seulement de quantifier l’indemnité.

 

[25]           En faisant ce calcul, le TCCE faisait par là une recommandation de mesure corrective en vertu du paragraphe 30.15(2) et était donc tenu de prendre en compte les facteurs énumérés au paragraphe 30.15(3). La mesure corrective indiquée définie à l’alinéa 30.15(2)e) veut que le plaignant obtienne une indemnité « dont il [le TCCE] précise le montant ».

 

[26]           Les facteurs qui sont énumérés au paragraphe 30.15(3) et dont il faut tenir compte sont assez éloignés des principes selon lesquels les tribunaux accordent des dommages‑intérêts pour rupture de contrat, en ce sens que le TCCE, lorsqu’il recommande la mesure corrective indiquée, doit tenir compte non seulement du préjudice causé au plaignant, mais aussi de considérations systémiques.

 

[27]           Il ressort très clairement de l’alinéa 30.15(3)c) que le TCCE doit fixer la mesure corrective de façon à, notamment, s’assurer que l’on ne dissuade pas les soumissionnaires éventuels d’engager dorénavant les frais non recouvrables relatifs à la préparation de propositions. Cet alinéa impose au TCCE de tenir compte de « l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication » par les irrégularités constatées dans la procédure de passation des marchés publics.

 

[28]           À mon avis, d’autres facteurs, à savoir la gravité des irrégularités (alinéa 30.15(3)a)), l’ampleur du préjudice causé à tout autre intéressé (alinéa 30.15(3)b)) et la bonne foi des parties (alinéa 30.15(3)d)), indiquent aussi que la manière de recommander la mesure corrective appropriée diffère des principes qui motivent le choix de la mesure réparatrice indiquée en common law, y compris des dommages-intérêts, dans le cas de rupture de contrat. Bien sûr, cela ne veut pas dire que lorsque le plaignant allègue une perte de profits ou un manque à gagner, le TCCE ne doit pas tenir compte aussi des principes bien connus du droit privé en matière de contrats en vue de quantifier l’indemnité qui convient : voir les Lignes directrices sur les indemnités dans une procédure portant sur un marché public du TCCE.

 

[29]           L’évaluation erronée a tout de même causé à Envoy quelques égratignures. Elle avait investi ses ressources dans la préparation des propositions en se fiant à la DP, et elle s’attendait raisonnablement à ce que ces dernières soient évaluées de manière conforme aux clauses de la DP. L’erreur de TPSGC, de même que la décision de la Cour, à savoir que la recommandation du TCCE de réévaluer l’article 2.2.4.2 dans les propositions de tous les soumissionnaires n’était pas appropriée, ont trahi cette attente. Le fait que la perte de cette chance ne soit pas indemnisable en dommages-intérêts en common law ne veut pas forcément dire que le TCCE ne peut pas recommander qu’Envoy soit indemnisée. Dans l’exercice de ses pouvoirs de réparation, le TCCE a besoin de souplesse s’il veut pouvoir répondre au problème particulier qui lui est soumis.

 

[30]           On fait valoir que les critères législatifs n’étayent pas la décision du TCCE. En particulier, dit-on, vu l’absence de lien entre les irrégularités dans la procédure de passation des marchés publics et le fait qu’Envoy n’a pas emporté les marchés, rien dans la preuve ne confirmait la conclusion du TCCE selon laquelle les irrégularités étaient « graves » au sens de l’alinéa 30.15(3)b).

 

[31]           Je rejette cette prétention. Les motifs du TCCE ne sont pas très étoffés, mais depuis sa décision originale ce dernier a maintenu que, dans la présente affaire, l’« entorse » à la procédure d’évaluation était grave. Il a signalé dans sa décision antérieure (au paragraphe 34) que cette entorse avait peut-être influé sur l’adjudication des contrats : la section mal évaluée constituait 8 % du pointage total, un pourcentage qui, en d’autres circonstances, pouvait fort bien être décisif quant à l’issue du concours. Par ailleurs, l’erreur était survenue au cœur même des méthodes d’évaluation.

 

[32]           Autrement dit, le fait que TPSGC ne se soit pas conformé à la DP constituait le genre d’erreur qui devait donner lieu à une indemnisation importante, faute de quoi cela dissuaderait les soumissionnaires de répondre à des DP ultérieures. Comme l’a conclu le TCCE dans sa décision antérieure (au paragraphe 34), l’erreur constatée dans la méthode d’évaluation « porte préjudice à l’intégrité de la procédure de passation des marchés publics dans son ensemble ». À mon avis, le fait qu’Envoy n’a peut-être pas perdu les marchés à cause de l’entorse commise ne veut pas nécessairement dire qu’il était manifestement déraisonnable que le TCCE ait conclu que l’entorse était grave.

 

[33]           Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu non plus qu’il était manifestement déraisonnable que le TCCE, en examinant s’il convenait de recommander le remboursement de la totalité ou d’une partie des dépenses liées à la préparation des propositions, se poser la question de savoir si Envoy aurait présenté une proposition si elle avait su que l’erreur allait se produire.

[34]           Par contre, je ne souscris pas à l’argument d’Envoy voulant que lorsque la Cour a renvoyé l’affaire au TCCE en précisant que la mesure corrective (« le recours ») s’en tienne « à la réparation pécuniaire qu’Envoy demande dans sa plainte » (au paragraphe 3), elle a ainsi imposé au TCCE de recommander une indemnité pécuniaire excédant les frais qu’Envoy avait engagées en déposant sa plainte. À ce moment-là, la Cour n’avait pas à se prononcer sur une indemnité pécuniaire quelconque;  la question consistait plutôt à savoir si la réévaluation des propositions constituait la mesure corrective indiquée.

 

[35]           Enfin, je remarque que le paragraphe 30.15(4) confère au TCCE le pouvoir d’accorder - et non de recommander simplement - le remboursement des frais raisonnables qu’engage le plaignant en préparant sa réponse à une DP. Lorsqu’il exerce ce pouvoir, le TCCE n’est pas tenu de tenir compte de la liste des facteurs énumérés au paragraphe 30.15(3). Le TCCE s’est déjà prévalu de ce pouvoir par le passé pour accorder le remboursement des frais liés à la préparation d’une proposition au plaignant qui avait obtenu gain de cause après annulation du marché en question et reprise du processus d’appel d’offres : David M. Attwater, Procurement Review : A Practitioner’s Guide, édition à feuilles mobiles (Scarborough, Ont. : Carswell, 2001), section 2.27.1.

 

[36]           Pour des raisons non évidentes à mes yeux, le TCCE ne s’est pas appuyé, pour rendre sa décision dans cette affaire sur le paragraphe 30.15(4). Quoi qu’il en soit, l’existence de ce pouvoir discrétionnaire spécifique mais non encore organisé dans l’arsenal des mesures correctives dont dispose le TCCE me conforte dans ma conclusion qu’il n’était pas manifestement déraisonnable ou, par ailleurs, erroné en droit de statuer que le remboursement partiel des frais engagés par Envoy pour la préparation de ses soumissions était une mesure corrective appropriée dans les circonstances particulières et, à ce jour, uniques de l’affaire.

 

F.        CONCLUSION

[37]           Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

« John M. Evans »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

J. Richard, juge en chef »

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, trad. a., LL.L


LE JUGE RYER (motifs dissidents)

 

Introduction

[38]           Le présente procédure de contrôle judiciaire a trait aux dispositions visant les plaintes de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e suppl.) ch. 47 (la « Loi sur le TCCE ») qui se rapportent à la procédure de passation de marchés publics de fournitures ou de services qui ont été ou seront accordés par certaines institutions gouvernementales. Les dispositions applicables de la Loi sur le TCCE sont reproduites ci-après à l’annexe « A ». Sauf indication contraire, toutes les dispositions législatives mentionnés dans les présents motifs sont tirées de cette Loi.

 

[39]        J’ai lu avec intérêt les motifs du juge Evans et, ceci dit avec tout le respect que je lui dois, je suis arrivé à une conclusion différente. Pour les raisons qui suivent, je suis d’avis qu’il ne convient d’accorder à Envoy que des frais de 500 $.

 

[40]           Dans ses motifs, le juge Evans a bien résumé l’historique de la plainte d’Envoy devant le Tribunal et la présente Cour.

 

[41]           Il est important de signaler que l’objet de la plainte déposée en vertu du paragraphe 30.11(1), comme celle d’Envoy dans les circonstances de l’espèce, est de nature essentiellement contractuelle en ce sens que la plainte en question doit porter sur des aspects de la procédure de passation de marchés publics qui se rapportent à un « contrat spécifique », une expression définie à l’article 30.1. Nul ne conteste qu’en l’espèce les marchés sous-jacents correspondent à cette définition. Sans cela, le Tribunal n’aurait pas pu examiner la plainte.

 

[42]           En règle générale, lorsque le Tribunal, aux termes du paragraphe 30.15(2), donne gain de cause au plaignant et qu’il recommande la prise de mesures correctives, le paragraphe 30.15(3) l’oblige à tenir compte de tous les facteurs intervenant dans le marché qui a donné lieu à la plainte, y compris les facteurs énumérés aux alinéas 30.15(3)a) à e).

 

[43]           À mon avis, la Cour a fixé le genre de mesures correctives que le Tribunal pouvait accorder à Envoy quant elle a déclaré, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Envoy Relocation Services, 2006 CAF 13 (« Envoy 2006 »), que « [l’]étendue du recours doit donc s’en tenir à la réparation pécuniaire qu’Envoy demande dans sa plainte ». Je ne suis donc pas d’accord avec le juge Evans lorsqu’il dit qu’en rendant la décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire, le Tribunal ne faisait toujours que « recommander que soient prises des mesures correctives » pour l’application du paragraphe 30.15(2). Il s’ensuit selon moi qu’étant donné que les « mesures correctives » avaient déjà été fixées, il n’était plus justifié de prendre en considération le paragraphe 30.15(3).

 

[44]           L’indemnisation figure dans l’alinéa 30.15(2)e). Le juge Evans semble convenir que cette disposition s’applique en l’espèce, mais nous ne semblons toutefois pas nous entendre sur le mode de fixation du montant de l’indemnisation.

 

[45]           En toute déférence, je ne suis pas d’accord avec le juge Evans lorsqu’il indique que le terme « indemnité », dans l’alinéa 30.15(2)e), est de nature générique. Selon moi, l’« indemnité » résulte de l’« indemnisation », et « indemnisation » est un terme qui a un sens juridique établi. Les principes juridiques d’« indemnisation » sont bien établis en matière de droit relatif aux dommages‑intérêts pour rupture de contrat. Je suis d’avis qu’il convient de se fonder sur ces principes de façon générale car, après tout, la procédure de passation de marchés publics qui est à l’origine de la plainte en litige est essentiellement de nature contractuelle, et cette plainte est liée à un « contrat spécifique ».

 

[46]           Selon le paragraphe 1.2 des Lignes directrices sur les indemnités dans une procédure portant sur un marché public du Tribunal canadien du commerce extérieur (les « Lignes directrices sur les indemnités »), que le Tribunal a adoptées, lorsque celui-ci a décidé de recommander le versement d’une indemnité, ni la Loi sur le TCCE ni son règlement d’application ne lui indiquent de quelle façon en fixer le montant précis. Le Tribunal a donc adopté les Lignes directrices sur les indemnités afin d’informer les parties des principes dont il tiendrait compte pour accorder l’indemnité. Bien qu’elles ne le disent pas de cette manière, les Lignes directrices sur les indemnités reprennent un certain nombre de principes juridiques bien établis qui ont été construits en matière de dommages-intérêts dans les causes contractuelles. Dans les Lignes directrices sur les indemnités, absolument rien n’indique qu’il faut se fonder sur les dispositions du paragraphe 30.15(3) pour fixer le montant d’une indemnité quelconque.

 

[47]           Les Lignes directrices sur les indemnités ne lient pas la présente Cour, mais il s’agit selon moi d’un instrument utile pour déterminer la juste façon d’interpréter le terme « indemnité » au regard de l’alinéa 30.15(2)e); telle est la question centrale que la Cour est appelée à trancher dans la présente procédure de contrôle judiciaire.

 

La norme de contrôle

[48]           Le juge Evans convient que, en ce qui concerne l’interprétation des paragraphes 30.15(2) et (3) la norme de la décision correcte est applicable, mais il signale que la question en litige en l’espèce a trait à l’exercice, par un tribunal administratif spécialisé, d’un vaste pouvoir discrétionnaire en matière de mesures réparatrices. Il conclut donc que la décision du Tribunal doit être contrôlée selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

[49]           À mon avis, la question en litige dans le présent appel est la qualification juridique du montant qui peut être accordé en vertu de l’alinéa 30.15(2)e) au plaignant qui obtient gain de cause. Cette décision préliminaire est une question de droit tout à fait distincte qui n’est ni scientifique, ni technique et qui relève simplement du droit général des mesures réparatrices. Cette décision ne relève pas du champ de compétence spécialisé du Tribunal, mais habituellement de celui des tribunaux. C’est donc dire, selon moi, que cette décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Canada (Sous-ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 100, au paragraphe 33).

 

Analyse

 

[50]           Le droit est bien fixé : en matière d’interprétation des lois, il faut suivre l’approche que la Cour suprême a exposée dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 :

[I]l faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

 

[51]           L’alinéa 30.15(2)e) prévoit le versement d’une indemnité au plaignant à qui le Tribunal donne gain de cause. Au paragraphe 23 de ses motifs, le juge Evans a fait les observations suivantes :

Il est pertinent de noter dans ce contexte que le législateur a employé le mot générique « indemnité » au paragraphe 30.15(2), et non le terme « dommages-intérêts », qui est plus distinctivement juridique. Il n’est pas non plus spécifié qu’un plaignant a droit seulement à une « indemnité » pour une perte due à une rupture de contrat, ou une autre conduite irrégulière, de la part de TPSGC.

 

En toute déférence, l’interprétation proposée du terme « indemnité » fait abstraction du sens bien établi qu’a ce mot en common law. Le Black’s Law Dictionary définit le mot « indemnisation » (en anglais : compensation) comme suit :

[traduction] Paiement de dommages-intérêts ou toute autre mesure qu’un tribunal ordonne de faire à une personne ayant causé préjudice à autrui. En principe, l’indemnisation dédommage pleinement la victime.

 

Il ressort clairement de cette définition que le montant ne constitue une indemnisation que s’il peut être montré qu’il été versé par le payeur au bénéficiaire dans le but de dédommager pleinement ce dernier du préjudice que le payeur lui a causé.

 

[52]           Cette interprétation du terme « indemnisation » cadre avec l’approche que suit le tribunal qui décide que des dommages-intérêts constituent la réparation appropriée pour une rupture de contrat en common law. (Voir Waddams, S.M. The Law of Damages, 2e éd. (Toronto : Canada Law Book Inc., 1991).) Cette interprétation concorde également avec les Lignes directrices sur les indemnités, et plus particulièrement les sections 3.1.2 et 3.2.2, dont voici le texte :

3.1.2 Pour déterminer le montant de l'indemnité à recommander, le Tribunal tentera, dans la mesure qu'il estime indiqué dans les circonstances et compte tenu de toute autre mesure corrective qu'il a recommandée, de placer la partie plaignante dans la position où cette dernière se serait trouvée, n'eut été l'infraction du gouvernement.

 

3.2.2 Caractère lointain des dommages-intérêts - Aucune indemnité n'est accordée à la partie plaignante relativement à une perte que le Tribunal estime trop lointaine. Une infraction peut causer à la partie plaignante une perte d'un gain prévu qui ne découle pas de façon immédiate de l'infraction et qui se rattache à une transaction distincte. D'une façon générale, une perte peut être considérée comme trop lointaine lorsqu'elle ne découle pas naturellement d'une infraction du gouvernement ou lorsque le gouvernement ne pouvait raisonnablement pas savoir que l'infraction causerait une telle perte à la partie plaignante.

 

Bien qu’elles ne soient pas contraignantes ou décisives en soi, les Lignes directrices sur les indemnités font partie du cadre juridique de la disposition et elles constituent donc un important facteur dont il faut tenir compte. Dans l’arrêt Nowegijick c. R., [1983] 1 R.C.S. 29, le juge Dickson de la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit, à la page 37 :

Les politiques et l’interprétation administratives ne sont pas déterminantes, mais elles ont une certaine valeur et, en cas de doute sur le sens de la législation, elles peuvent être un « facteur important ».

 

 

[53]           La jurisprudence va aussi dans le sens d’une interprétation de l’alinéa 30.15(2)e) qui correspond aux principes de la common law qui régissent la fixation de l’indemnité. L’application des principes de common law concernant l’octroi d’une réparation pour rupture de contrat se retrouve dans toute la jurisprudence du Tribunal. Par exemple, le passage suivant, extrait de Conair Aviation, une division de Conair Aviation Ltd. (Re) [1991] C.I.T.T. no 8, est souvent repris par le Tribunal dans ses motifs de jugement :

En se demandant selon quels principes le montant du dédommagement devrait être établi, le Tribunal a décidé d’invoquer ceux qui régissent l’évaluation des dommages-intérêts dans la common law. Il est évident que des dommages peuvent être évalués dans des causes portant sur des appels d’offres, auxquels ressemblent bien entendu les procédures de passation des marchés publics en question dans la présente affaire.

 

(Voir aussi les décisions Mechron Energy Ltd., dossier C.I.T.T. no PR-95-001 et Spacesaver Corporation, dossier C.I.T.T. no PR-98-028.)

 

[54]           En outre, dans la décision Cougar Aviation Ltd c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux), [2006] A.C.F. no 1946, une décision rendue par la Cour concernant une demande de contrôle judiciaire consécutive à une décision du Tribunal, le juge Evans a dit, au paragraphe 27 de cette décision, que la procédure d’adjudication des marchés publics du gouvernement fédéral demeure en grande partie régie par le droit privé des contrats. Au paragraphe 42 de cette même décision, il a fait les observations suivantes :

J'estime donc qu'il n'y a rien dans la nature du contexte décisionnel qui justifie d'exclure l'obligation habituelle de la common law suivant laquelle ceux à qui s'appliquent l'obligation d'agir avec équité doivent éviter tout comportement qui suscite une crainte raisonnable de partialité. Et, comme le texte de l'Accord se prête à une interprétation qui est compatible avec la common law, c'est cette interprétation qui devrait être retenue.

[55]           Je suis d’avis que ce raisonnement s’applique autant à la question qui est en jeu en l’espèce, c’est-à-dire l’interprétation appropriée du terme « indemnité », qu’en rapport avec l’application de l’obligation d’équité en common law dont il était question dans l’arrêt Cougar Aviation. Il se peut fort bien que le Tribunal joue un rôle de réglementation dans la procédure générale de passation de marchés publics, mais il n’y a rien à l’alinéa 30.15(2)e) qui donne à penser que le Tribunal a le pouvoir de faire plus qu’accorder une réparation sous forme d’indemnisation, telle qu’on la conçoit dans le contexte de son sens bien reconnu en common law. En outre, comme le terme « indemnité » - la réparation prévue à l’alinéa 30.15(2)e) - est susceptible d’être interprété d’une manière conforme à la common law, ainsi que le signale le juge Evans dans l’arrêt Cougar Aviation, c’est de cette façon qu’il convient de l’interpréter. Le Tribunal commettrait donc une erreur susceptible de contrôle en ordonnant le paiement d’une somme à titre d’indemnité, aux termes de l’alinéa 30.15(2)e), à moins que tous les éléments de common law que comporte ce terme ne soient présents. En particulier, il serait erroné d’ordonner à une partie de payer un montant au plaignant pour quelque chose d’autre que le préjudice réel que cette partie lui cause.

 

[56]           Dans l’arrêt Envoy 2006, la présente Cour a dit que TPSGC avait manqué à l’une de ses obligations dans la procédure de passation de marchés publics, mais que ce manquement n’avait pas pu avoir d’incidence sur l’issue de la procédure d’appel d’offres. Autrement dit, ce n’est pas à cause du manquement de TPSGC qu’Envoy a perdu les contrats qu’elle briguait. N’étant pas parvenue à décrocher ces contrats, Envoy, à l’instar de tous les autres soumissionnaires non retenus, n’a rien obtenu en échange des frais qu’elle avait engagés en préparant les propositions. Cependant, par suite de l’attribution, par le Tribunal, de la moitié des frais liés à ces propositions, Envoy s’est retrouvée dans une situation meilleure que si le manquement de TPSGC n’avait pas eu lieu. En conséquence, cette attribution allait au-delà du versement d’une indemnité et excédait donc le pouvoir du Tribunal.

 

[57]           La décision que la Cour suprême a rendue dans l’affaire Sa Majesté la Reine c. The Martel Building Ltd., 2000 C.S.C. 60, va dans le sens de ma conclusion. Dans cette affaire, la Cour a déclaré que même si le ministère en question, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, avait manqué à son obligation de traiter équitablement tous les soumissionnaires, le soumissionnaire non retenu – Martel - n’avait pas droit à des dommages-intérêts. Au paragraphe 102, la Cour a déclaré ce qui suit :

Pour être susceptible d’indemnisation, la perte doit avoir été causée par le manquement à l’obligation contractuelle en cause. Comme nous l’avons mentionné précédemment, la seule inexécution du contrat A consiste dans l’ajout à la soumission de Martel des coûts d’installation du système de sécurité. Toutefois, nous arrivons à la conclusion que l’absence d’un lien de causalité exclut l’adjudication de dommages‑intérêts relativement à cette inexécution du contrat A. Nous concluons également que le manquement du ministère n’est pas la cause de la perte, par Martel, de son attente raisonnable de se voir adjuger le contrat B. Même si les coûts afférents au système de sécurité étaient soustraits du montant de la soumission de Martel (ou également ajoutés à celui de la soumission de la Standard Life), l’écart entre les deux soumissions demeurerait important.

 

On se souviendra que, dans la décision Conair Aviation, le Tribunal a conclu que les causes d’appel d’offres étaient semblables et pertinentes aux causes relatives à la passation de marchés publics dont elle était saisie (voir le paragraphe 15, infra.)

 

[58]           Plus récemment, la juge Sharlow, dans l’arrêt Med-Emerg International Inc. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux) 2006 CAF 147 (il s’agissait là aussi d’une procédure de contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal), s’est prononcée dans le même sens que la jurisprudence Martel. Dans cette affaire, le Tribunal avait jugé que TPSGC avait manqué à une obligation concernant le processus de passation de marchés publics. Cependant, le Tribunal n’avait pas accordé de réparation au plaignant car il avait conclu que, de toute manière, le plaignant n’aurait pas été capable de l’emporter sur le soumissionnaire retenu et ne se serait donc pas vu adjuger le contrat.

 

[59]           Plus précisément, il convient de relever les observations de la juge Sharlow au sujet des mesures réparatrices subsidiaires demandées dans l’affaire Med-Emerg, c’est-à-dire les profits perdus et les frais liés à la préparation de la soumission, qui sont les mesures dont il est question en l’espèce. Au paragraphe 29 de ses motifs, la juge Sharlow a indiqué ce qui suit :

[É]tant donné la conclusion du TCCE comme quoi aucune des erreurs commises dans le processus d'adjudication n'avait porté préjudice à Med-Emerg, aucune des mesures subsidiaires demandées par elle n'aurait pu se justifier.

 

 

[60]           Les jurisprudences Martel et Med-Emerg vont dans le sens de mon opinion : dans le cas d’un manquement à une exigence de la procédure de passation de marchés publics, il ne convient pas d’indemniser un plaignant qui n’a pas subi de perte à cause de ce manquement.

 

[61]           Dans la décision visée en l’espèce, le Tribunal a réitéré sa conviction que le manquement de TPSGC aux méthodes d’évaluation avait porté préjudice (et je présume que cela veut dire : « fait du tort ») à « l’intégrité de la procédure de passation de marchés publics dans son ensemble ». Ensuite, au paragraphe 32 de sa décision, le Tribunal a recommandé que l’on « verse à Envoy une indemnisation », non pas pour le préjudice que TPSGC aurait causé à Envoy, mais apparemment pour le préjudice que TPSGC a causé à « l’intégrité de la procédure de passation de marchés publics dans son ensemble ». À mon avis, il est incongru et donc manifestement déraisonnable d’accorder de l’argent à Envoy, une partie non lésée par un manquement, pour l’indemniser d’un préjudice que ce manquement a manifestement causé à « l’intégrité de la procédure de passation de marchés publics dans son ensemble ».

 

[62]           Au paragraphe 22 de ses motifs, le juge Evans a justifié l’indemnisation en faisant valoir que le Tribunal, en agissant de la sorte, exerçait ses pouvoirs :

[…] en vue de, notamment, préserver la confiance des soumissionnaires éventuels en l’intégrité du système de passation de marchés publics. Une perte de confiance aurait un effet préjudiciable sur la compétitivité du processus d’appel d’offres. Il ne faudrait donc pas présumer que le pouvoir qu’a le TCCE de recommander une indemnisation ne peut être exercé qu’en fonction des principes de common law.

 

 

En toute déférence, cela semble vouloir dire que l’indemnité est accordée à Envoy pour accorder réparation d’un préjudice causé aux « soumissionnaires éventuels ». Je ne peux donc dire qu’une telle mesure puisse être considérée à juste titre comme une indemnité.

 

[63]           Je suis d’avis que la décision du Tribunal accorde à Envoy un montant qui excède le montant de toute perte qu’Envoy a subie par suite du manquement aux méthodes d’évaluation des propositions que TPSGC, a-t-il été conclu, a commis. Une telle décision équivaut donc à une attribution de dommages-intérêts punitifs.

 

[64]           Le juge McIntyre, de la Cour suprême du Canada, a défini la nature des dommages‑intérêts punitifs dans l’arrêt Vorvis c. Insurance Corporation of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 1085, et plus précisément aux pages 1104 et 1105 :

Il se pose des problèmes en common law chaque fois qu'on fait appel au concept des dommages‑intérêts punitifs. L'attribution de dommages-intérêts punitifs exige que :

 

[traduction] … un tribunal civil … impose ce qui constitue en fait une amende pour un comportement qui, selon lui, mérite d'être puni, pour ensuite remettre cette amende non pas au trésor public, mais au demandeur particulier qui, par définition, sera « surindemnisé ». [Waddams, p. 563.]

 

[…]

 

Cependant, tous les tribunaux et les auteurs de doctrine reconnaissent que l'attribution de dommages-intérêts punitifs doit toujours se faire après mûre réflexion et que le pouvoir discrétionnaire de les accorder doit être exercé avec une très grande prudence. Comme je l'ai déjà mentionné, les dommages‑intérêts punitifs ne sont pas de nature indemnitaire.

 

Et, ajoute-t-il aux pages l107 et 1108 :

 

De plus, il n'est possible d'accorder des dommages-intérêts punitifs qu'à l'égard d'un comportement qui justifie une peine parce qu'il est essentiellement dur, vengeur, répréhensible et malicieux. Je ne prétends pas avoir énuméré tous les qualificatifs aptes à décrire un comportement susceptible de justifier l'attribution de dommages-intérêts punitifs, mais de toute façon, pour que de tels dommages‑intérêts soient accordés, il faut que le comportement soit de nature extrême et mérite, selon toute norme raisonnable, d'être condamné et puni.

[65]           Peu importe que le Tribunal soit habilité ou non à accorder des dommages-intérêts punitifs, je suis d’avis que ce dernier n’a pas tenté de le faire dans sa décision, et de toute façon, une telle mesure n’était pas indiquée, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, comme il est dit dans l’arrêt Vorvis, les dommages-intérêts punitifs « ne sont pas de nature indemnitaire » et on ne pourrait donc pas dire que l’attribution d’une « indemnisation » englobe des dommages-intérêts punitifs. Deuxièmement, cet arrêt enseigne que des dommages-intérêts punitifs ne peuvent être accordés qu’en cas de conduite dure, vengeresse, répréhensible et malicieuse. En l’espèce, même si le Tribunal a indiqué que le manquement était grave, rien n’indique que TPSGC a agi de mauvaise foi. Il serait donc incongru de conclure qu’une conduite qui n’équivalait pas à de la mauvaise foi était néanmoins dure, vengeresse, répréhensible et malicieuse. Il s’ensuit, selon moi, que la décision du Tribunal d’attribuer ce qui ne peut être qualifié que de dommages-intérêts punitifs à Envoy, en l’absence d’une conduite de TPSGC qui justifie l’imposition d’une peine ou qui soit par ailleurs dure, vengeresse, répréhensible ou malicieuse, ne peut être que manifestement déraisonnable et donc indéfendable.

 

[66]           Lorsque le Tribunal a des doutes quant à l’intégrité du système de passation de marchés publics à la suite de ce qui est, selon lui, une conduite irrégulière de la part d’un organisme de passation de marchés publics, l’article 30.19 lui donne expressément le pouvoir d’en faire part à un haut responsable du ministère compétent. Le texte de cet article est le suivant :

30.19(1) Le Tribunal peut faire des commentaires ou des observations à l’administrateur général d’une institution fédérale concernant toute question qui, à son avis, requiert l’attention de celui-ci en ce qui touche la procédure des marchés publics.

 

(2) L’«administrateur général » d’une institution fédérale est, dans le cas d’un ministère ou d’un département d’État, la personne en ayant de plein droit le statut et, dans celui de tout autre organisme, le premier dirigeant en titre ou en fonction.

 

Je suis d’avis que, dans les circonstances, il aurait été nettement préférable que le Tribunal exprime ses préoccupations à l’égard du manquement, par TPSGC, à la procédure de passation de marchés publics en recourant à la voie prévue à l’article 30.19, plutôt que d’attribuer un montant à Envoy à titre d’indemnisation d’une perte que celle-ci n’a pas subie à cause de ce manquement.

 

[67]           La mesure que le Tribunal a prise est injuste pour les autres soumissionnaires non retenus qui ont pris part au même processus qu’Envoy. En outre, une telle mesure peut fort bien avoir pour effet d’encourager ces soumissionnaires à engager une poursuite pour tenter de démontrer que le processus de passation de marchés publics est entachée d’une légère imperfection et, ainsi, récupérer en tout ou en partie la totalité des frais engagés dans la préparation de leurs propositions infructueuses.

 

[68]           Je conviens, avec le juge Evans, que le montant que le Tribunal a accordé à Envoy n’était pas un montant fixé en vertu du paragraphe 30.15(4). C’est ce qui ressort du paragraphe 32 de la décision du Tribunal, où il indique qu’il recommande « à titre de mesure corrective, que TPSGC verse à Envoy une indemnisation » égale à la moitié des frais qu’elle a engagés pour la préparation de ses propositions. C’est donc dire que la juste interprétation du paragraphe 30.15(4) n’est pas une question qui s’avère pertinente à l’égard du présent contrôle judiciaire. Cependant, je suis d’avis que le pouvoir que cette disposition particulière confère au Tribunal ne justifie pas que l’on interprète le terme « indemnité » d’une manière qui soit incompatible avec son sens juridique ordinaire consacré par la jurisprudence relative aux dispositions pertinentes de la Loi sur le TCCE, les méthodes administratives pertinentes du Tribunal et les principes ordinaires qui ont trait aux dommages‑intérêts pour rupture de contrat.

 

Conclusion

[69]           En accordant à Envoy la moitié des frais que celle-ci a engagés pour la préparation de ses propositions, le Tribunal a commis une erreur de droit et a excédé la compétence que lui confère l’alinéa 30.15(2)e). Par ailleurs, si la norme de contrôle de la décision du Tribunal n’est pas la décision correcte, je conclus que la décision du Tribunal d’accorder à Envoy la moitié des frais qu’elle a engagés pour préparer ses propositions est manifestement déraisonnable. De ce fait, j’annulerais la décision du Tribunal et je renverrais l’affaire à ce dernier pour qu’il rende une nouvelle décision conformément aux présents motifs, à savoir qu’il ne faut accorder à Envoy que la somme de 500 $ pour les frais engagés en rapport avec les observations faites au Tribunal après la décision que la présente Cour a rendue dans Envoy 2006.

 

« C. Michael Ryer »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, trad. a., LL.L


 

ANNEXE « A »

 

30.1 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 30.11 à 30.19.

 

 « contrat spécifique » Contrat relatif à un marché de fournitures ou services qui a été accordé par une institution fédérale — ou pourrait l’être — , et qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d’une catégorie réglementaire.

 

 « institution fédérale » Ministère ou département d’État fédéral, ainsi que tout autre organisme, désigné par règlement.

 

 « plainte » Plainte déposée auprès du Tribunal en vertu du paragraphe 30.11(1).

 

30.1 In this section and in sections 30.11 to 30.19,

 

"complaint" means a complaint filed with the Tribunal under subsection 30.11(1);

 

"designated contract" means a contract for the supply of goods or services that has been or is proposed to be awarded by a government institution and that is designated or of a class of contracts designated by the regulations;

 

"government institution" means any department or ministry of state of the Government of Canada, or any other body or office, that is designated by the regulations.

 

30.11 (1) Tout fournisseur potentiel peut, sous réserve des règlements, déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte.

 

30.11 (1) Subject to the regulations, a potential supplier may file a complaint with the Tribunal concerning any aspect of the procurement process that relates to a designated contract and request the Tribunal to conduct an inquiry into the complaint.

 

30.15(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes  :

 

30.15(2) Subject to the regulations, where the Tribunal determines that a complaint is valid, it may recommend such remedy as it considers appropriate, including any one or more of the following remedies :

 

a) un nouvel appel d’offres;

 

(a) that a new solicitation for the designated contract be issued;

 

b) la réévaluation des soumissions présentées;

 

(b) that the bids be re-evaluated;

 

c) la résiliation du contrat spécifique;

 

(c) that the designated contract be terminated;

 

d) l’attribution du contrat spécifique au plaignant;

 

(d) that the designated contract be awarded to the complainant; or

 

e) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

 

(e) that the complainant be compensated by an amount specified by the Tribunal.

 

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants  :

 

(3) The Tribunal shall, in recommending an appropriate remedy under subsection (2), consider all the circumstances relevant to the procurement of the goods or services to which the designated contract relates, including

 

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

 

(a) the seriousness of any deficiency in the procurement process found by the Tribunal;

 

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

 

(b) the degree to which the complainant and all other interested parties were prejudiced;

 

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

 

(c) the degree to which the integrity and efficiency of the competitive procurement system was prejudiced;

 

d) la bonne foi des parties;

 

(d) whether the parties acted in good faith; and

 

e) le degré d’exécution du contrat.

 

(e) the extent to which the contract was performed.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                    A-243-06

 

 

INTITULÉ :                                                                   LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                        c.

                                                                                        ENVOY RELOCATION SERVICES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                            OTTAWA (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                           LE 28 MARS 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                        LE JUGE EVANS

 

Y A SOUSCRIT :                                                          LE JUGE RICHARD

 

MOTIFS DISSIDENTS :                                             LE JUGE RYER

 

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 3 MAI 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Derek Rasmussen

 

POUR LE DEMANDEUR

Ronald Lunau

Catherine Beaudoin

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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