Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20070511

Dossier : A-71-06

Référence :   2007 CAF 186

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

SKANDER TOURKI

appelant

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

intimé

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 7 février 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11mai 2007.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LE JUGE NOËL

                                                                                                                    LE JUGE PELLETIER


 

Date : 20070511

Dossier : A-71-06

Référence : 2007 CAF 186

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

SKANDER TOURKI

appelant

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE DESJARDINS

[1]               Il s’agit d’un appel de la décision de la Cour fédérale (J. Harrington) (2006 FC 50) rejetant l’action instituée par l’appelant, M. Tourki, en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, c. 17 (la Loi). Le juge Harrington a conclu entre autres que dans le contexte d’une action fondée sur l’article 30 de la Loi, la Cour fédérale n’a pas compétence pour réviser la décision du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) de confirmer la confiscation d’une somme d’argent saisie aux termes de la Loi, la procédure appropriée étant la demande de contrôle judiciaire.

Les faits

[2]               Le 5 juillet 2003, l’appelant est monté à bord d’un vol Montréal-Paris. La société privée qui était responsable du point de contrôle de sécurité avait avisé les douanes que M. Tourki leur avait affirmé que sa serviette contenait 25 000 $ en espèces suite à la vente d’une automobile. Avant le départ de l’avion, deux agents ont prié M. Tourki de descendre. Une fouille de sa personne et de ses bagages a révélé une serviette de billets représentant une somme de 102 642,33$ Can. Les billets furent saisis et confisqués par une agente de douanes. Le ministre confirma subséquemment la confiscation.

 

[3]               L’appelant a institué une action fondée sur l’article 30 de la Loi. Il a contesté la décision du ministre selon laquelle l’appelant avait contrevenu à l’article 12 de la Loi, ainsi que la décision du ministre de confirmer la confiscation des billets. L’appelant a aussi contesté la validité des articles 12, 15, 16, 18, 19 et 22 à 29 de la Loi prétendant que ceux-ci sont incompatibles avec les articles 7, 8 et 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).

 

[4]               Le premier juge a rejeté l’action. Il a conclu que dans le contexte d’une action fondée sur l’article 30 de la Loi, la Cour fédérale n’a pas compétence pour réviser la décision du ministre de confirmer la confiscation des espèces. En plus, le premier juge fut d’avis que l’appelant avait contrevenu à l’article 12 de la Loi en omettant de déclarer aux douanes l’exportation d’une somme d’argent supérieure à 10 000 $. Il a conclu également que la Loi ne portait pas atteinte aux droits protégés par les articles 7, 8 et 11d) de la Charte.

 

Les dispositions législatives pertinentes

[5]               Je reproduis d’abord les articles pertinents de la Loi.

Objet

3. La présente loi a pour objet :

a) de mettre en oeuvre des mesures visant à détecter et décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de recyclage des produits de la criminalité et aux infractions de financement des activités terroristes, notamment :

 

(i) imposer des obligations de tenue de documents et d’identification des clients aux fournisseurs de services financiers et autres personnes ou entités qui se livrent à l’exploitation d’une entreprise ou à l’exercice d’une profession ou d’activités susceptibles d’être utilisées pour le recyclage des produits de la criminalité ou pour le financement des activités terroristes,

 

(ii) établir un régime de déclaration obligatoire des opérations financières douteuses et des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets,

 

(iii) constituer un organisme chargé de l’examen de renseignements, notamment ceux portés à son attention en application du sous-alinéa (ii);

 

b) de combattre le crime organisé en fournissant aux responsables de l’application de la loi les renseignements leur permettant de priver les criminels du produit de leurs activités illicites, tout en assurant la mise en place des garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes à l’égard des renseignements personnels les concernant;

 

c) d’aider le Canada à remplir ses engagements internationaux dans la lutte contre le crime transnational, particulièrement le recyclage des produits de la criminalité, et la lutte contre les activités terroristes.

 

Déclaration

 

12. (1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l'agent, conformément aux règlements, l'importation ou l'exportation des espèces ou effets d'une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire.

 

[…]

 

(3) Le déclarant est, selon le cas :

 

 

 

a) la personne ayant en sa possession effective ou parmi ses bagages les espèces ou effets se trouvant à bord du moyen de transport par lequel elle est arrivée au Canada ou a quitté le pays ou la personne qui, dans les circonstances réglementaires, est responsable du moyen de transport;

 

[…]

 

Saisie et confiscation

18. (1) S’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l’agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets.

 

(2) Sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, l'agent restitue au saisi ou au propriétaire légitime les espèces ou effets saisis sauf s'il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu'il s'agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes.

 

 

 

 

(3) L’agent qui procède à la saisie-confiscation prévue au paragraphe (1) :

 

a) donne au saisi, dans le cas où les espèces ou effets sont importés ou exportés autrement que par courrier, un avis écrit de la saisie et du droit de révision et d’appel établi aux articles 25 et 30;

 

b) donne à l’exportateur, dans le cas où les espèces ou effets sont importés ou exportés par courrier et son adresse est connue, un avis écrit de la saisie et du droit de révision et d’appel établi aux articles 25 et 30;

 

c) prend les mesures convenables, eu égard aux circonstances, pour aviser de la saisie toute personne dont il croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle est recevable à présenter, à l’égard des espèces ou effets saisis, la requête visée à l’article 32.

 

 

Main-forte

19. L’agent peut requérir main-forte pour se faire assister dans l’exercice des pouvoirs de fouille, de rétention ou de saisie que lui confère la présente partie. Toute personne ainsi requise est autorisée à exercer ces pouvoirs.

 

 

Enregistrement des motifs

19.1 L’agent qui décide d’exercer les attributions conférées par le paragraphe 18(1) est tenu de consigner par écrit les motifs à l’appui de sa décision.

 

 

[…]

Confiscation aux termes du paragraphe 14(5)

22. (1) En cas de confiscation aux termes du paragraphe 14(5) des espèces ou effets retenus, l'agent les remet au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

 

 

 (2) En cas de saisie d'espèces ou d'effets ou de paiement d'une pénalité réglementaire aux termes du paragraphe 18(2), l'agent les remet au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

 

 

Moment de la confiscation

23. Sous réserve du paragraphe 18(2) et des articles 25 à 31, les espèces ou effets saisis en application du paragraphe 18(1) sont confisqués au profit de Sa Majesté du chef du Canada à compter de la contravention au paragraphe 12(1) qui a motivé la saisie. La confiscation produit dès lors son plein effet et n’est assujettie à aucune autre formalité.

 

Conditions de révision

24. La confiscation d’espèces ou d’effets saisis en vertu de la présente partie est définitive et n’est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 25 à 30.

 

Demande de révision

25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l'article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l'agent qui les a saisis ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie.

 

 

 

Signification du président

26. (1) Le président signifie sans délai par écrit à la personne qui a présenté la demande visée à l’article 25 un avis exposant les circonstances de la saisie à l’origine de la demande.

 

 

(2) Le demandeur dispose de trente jours à compter de la signification de l’avis pour produire tous moyens de preuve à l’appui de ses prétentions.

 

 

Décision du ministre

27. (1) Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent l’expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

 

 (2) Dans le cas où des poursuites pour infraction de recyclage des produits de la criminalité ou pour infraction de financement des activités terroristes ont été intentées relativement aux espèces ou effets saisis, le ministre peut reporter la décision, mais celle-ci doit être prise dans les trente jours suivant l'issue des poursuites.

 

(3) Le ministre signifie sans délai par écrit à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l’appui.

 

 

Cas sans contravention

28. Si le ministre décide qu’il n’y a pas eu de contravention au paragraphe 12(1), le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il est informé de la décision du ministre, restitue la valeur de la pénalité réglementaire, les espèces ou effets ou la valeur de ceux-ci au moment de la saisie, selon le cas.

 

 

Cas de contravention

29. (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre, aux conditions qu’il fixe :

 

 

a) soit décide de restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux-ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité;

 

 

b) soit décide de restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2);

 

 

c) soit confirme la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.

 

Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b).

 

(2) En cas de vente ou autre forme d’aliénation des espèces ou effets en vertu de la Loi sur l’administration des biens saisis, le montant de la somme versée en vertu de l’alinéa (1)a) ne peut être supérieur au produit éventuel de la vente ou de l’aliénation, duquel sont soustraits les frais afférents exposés par Sa Majesté; à défaut de produit de l’aliénation, aucun paiement n’est effectué.

 

Cour fédérale

30. (1) La personne qui a présenté une demande en vertu de l’article 25 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de la décision, en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

 

(2) La Loi sur les Cours fédérales et les règles prises aux termes de cette loi applicables aux actions ordinaires s'appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), avec les adaptations nécessaires occasionnées par les règles propres à ces actions.

 

(3) Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en a été informé, prend les mesures nécessaires pour donner effet à la décision de la Cour.

 

[Je souligne.]

Object

3. The object of this Act is

(a) to implement specific measures to detect and deter money laundering and the financing of terrorist activities and to facilitate the investigation and prosecution of money laundering offences and terrorist activity financing offences, including

 

 

 

(i) establishing record keeping and client identification requirements for financial services providers and other persons or entities that engage in businesses, professions or activities that are susceptible to being used for money laundering or the financing of terrorist activities,

 

 

 

 

(ii) requiring the reporting of suspicious financial transactions and of cross-border movements of currency and monetary instruments, and

 

(iii) establishing an agency that is responsible for dealing with reported and other information;

 

 

 

(b) to respond to the threat posed by organized crime by providing law enforcement officials with the information they need to deprive criminals of the proceeds of their criminal activities, while ensuring that appropriate safeguards are put in place to protect the privacy of persons with respect to personal information about themselves; and

 

 

 

(c) to assist in fulfilling Canada’s international commitments to participate in the fight against transnational crime, particularly money laundering, and the fight against terrorist activity.

 

 

Currency and monetary instruments

12. (1) Every person or entity referred to in subsection (3) shall report to an officer, in accordance with the regulations, the importation or exportation of currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the prescribed amount.

 

[…]

 

(3) Currency or monetary instruments shall be reported under subsection (1)

 

(a) in the case of currency or monetary instruments in the actual possession of a person arriving in or departing from Canada, or that form part of their baggage if they and their baggage are being carried on board the same conveyance, by that person or, in prescribed circumstances, by the person in charge of the conveyance;

 

[…]

 

Seizure and forfeiture

18. (1) If an officer believes on reasonable grounds that subsection 12(1) has been contravened, the officer may seize as forfeit the currency or monetary instruments.

 

 (2) The officer shall, on payment of a penalty in the prescribed amount, return the seized currency or monetary instruments to the individual from whom they were seized or to the lawful owner unless the officer has reasonable grounds to suspect that the currency or monetary instruments are proceeds of crime within the meaning of subsection 462.3(1) of the Criminal Code or funds for use in the financing of terrorist activities.

 

(3) An officer who seizes currency or monetary instruments under subsection (1) shall

 

(a) if they were not imported or exported as mail, give the person from whom they were seized written notice of the seizure and of the right to review and appeal set out in sections 25 and 30;

 

(b) if they were imported or exported as mail and the address of the exporter is known, give the exporter written notice of the seizure and of the right to review and appeal set out in sections 25 and 30; and

 

(c) take the measures that are reasonable in the circumstances to give notice of the seizure to any person whom the officer believes on reasonable grounds is entitled to make an application under section 32 in respect of the currency or monetary instruments.

 

 

Power to call in aid

19. An officer may call on other persons to assist the officer in exercising any power of search, seizure or retention that the officer is authorized under this Part to exercise, and any person so called on is authorized to exercise the power.

 

Recording of reasons for decision

19.1 If an officer decides to exercise powers under subsection 18(1), the officer shall record in writing reasons for the decision.

 

 

[…]

 

When forfeiture under s. 14(5)

 

22. (1) An officer who retains currency or monetary instruments forfeited under subsection 14(5) shall send the currency or monetary instruments to the Minister of Public Works and Government Services.

 

(2) An officer who seizes currency or monetary instruments or is paid a penalty under subsection 18(2) shall send the currency or monetary instruments or the penalty, as the case may be, to the Minister of Public Works and Government Services.

 

Time of forfeiture

23. Subject to subsection 18(2) and sections 25 to 31, currency or monetary instruments seized as forfeit under subsection 18(1) are forfeited to Her Majesty in right of Canada from the time of the contravention of subsection 12(1) in respect of which they were seized, and no act or proceeding after the forfeiture is necessary to effect the forfeiture.

 

Review of forfeiture

24. The forfeiture of currency or monetary instruments seized under this Part is final and is not subject to review or to be set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 25 to 30.

 

 

Request for Minister's decision

25. A person from whom currency or monetary instruments were seized under section 18, or the lawful owner of the currency or monetary instruments, may within 90 days after the date of the seizure request a decision of the Minister as to whether subsection 12(1) was contravened, by giving notice in writing to the officer who seized the currency or monetary instruments or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place.

 

Notice of President

26. (1) If a decision of the Minister is requested under section 25, the President shall without delay serve on the person who requested it written notice of the circumstances of the seizure in respect of which the decision is requested.

 

(2) The person on whom a notice is served under subsection (1) may, within 30 days after the notice is served, furnish any evidence in the matter that they desire to furnish.

 

Decision of the Minister

27. (1) Within 90 days after the expiry of the period referred to in subsection 26(2), the Minister shall decide whether subsection 12(1) was contravened.

 

 (2) If charges are laid with respect to a money laundering offence or a terrorist activity financing offence in respect of the currency or monetary instruments seized, the Minister may defer making a decision but shall make it in any case no later than 30 days after the conclusion of all court proceedings in respect of those charges.

 

(3) The Minister shall, without delay after making a decision, serve on the person who requested it a written notice of the decision together with the reasons for it.

 

If there is no contravention

28. If the Minister decides that subsection 12(1) was not contravened, the Minister of Public Works and Government Services shall, on being informed of the Minister’s decision, return the penalty that was paid, or the currency or monetary instruments or an amount of money equal to their value at the time of the seizure, as the case may be.

 

If there is a contravention

29. (1) If the Minister decides that subsection 12(1) was contravened, the Minister shall, subject to the terms and conditions that the Minister may determine,

 

(a) decide that the currency or monetary instruments or, subject to subsection (2), an amount of money equal to their value on the day the Minister of Public Works and Government Services is informed of the decision, be returned, on payment of a penalty in the prescribed amount or without penalty;

 

(b) decide that any penalty or portion of any penalty that was paid under subsection 18(2) be remitted; or

 

(c) subject to any order made under section 33 or 34, confirm that the currency or monetary instruments are forfeited to Her Majesty in right of Canada.

 

 

The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to a decision of the Minister under paragraph (a) or (b) on being informed of it.

 

(2) The total amount paid under paragraph (1)(a) shall, if the currency or monetary instruments were sold or otherwise disposed of under the Seized Property Management Act, not exceed the proceeds of the sale or disposition, if any, less any costs incurred by Her Majesty in respect of the currency or monetary instruments.

 

 

 

Appeal to Federal Court

30. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 25 may, within 90 days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which the person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

 

(2) The Federal Courts Act and the rules made under that Act that apply to ordinary actions apply to actions instituted under subsection (1) except as varied by special rules made in respect of such actions.

 

 

(3) The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to the decision of the Court on being informed of it.

 

 

 

[Emphasis added.]

 

La norme de contrôle

[6]               La compétence de la Cour fédérale selon l’article 30 de la Loi est une question d’interprétation de la Loi laquelle est révisable selon la norme de la décision correcte. La question de savoir si l’appelant a contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi est une question mixte de fait et de droit révisable selon la norme de l’erreur manifeste et dominante : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235.

 

La compétence de la Cour fédérale selon l’article 30 de la Loi

[7]               L’article 24 de la Loi contient la clause privative suivante :

Révision et appel

Conditions de révision

24. La confiscation d’espèces ou d’effets saisis en vertu de la présente partie est définitive et n’est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 25 à 30.

Review and Appeal

Review of forfeiture

24. The forfeiture of currency or monetary instruments seized under this Part is final and is not subject to review or to be set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 25 to 30.

 

[8]               Cet article prévoit que la confiscation d’espèces saisies peut être révisée, par voie d’action, selon l’article 30 de la Loi. La version anglaise de l’article 24 est également très explicite à ce sujet.

 

[9]               Le mot « confiscation » ("forfeiture") s’entend légalement du « retranchement d’un bien ou droit de propriété particulière sans indemnité » ("a divestiture of specific property without compensation") (Black’s Law Dictionary, 8th ed. 2004, p. 667).  Cette définition fut retenue par la Cour suprême du Canada dans R. v. Ulybel Entreprises Ltd., [2001] 2 S.C.R. 867 au paragraphe 44, qui traitait du mot « confiscation » ("forfeiture") aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, c. F-14.

 

[10]           L’article 30 de la Loi, pour sa part, stipule cependant :

Cour fédérale

30. (1) La personne qui a présenté une demande en vertu de l’article 25 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de la décision, en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

 

 

(2) La Loi sur les Cours fédérales et les règles prises aux termes de cette loi applicables aux actions ordinaires s'appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), avec les adaptations nécessaires occasionnées par les règles propres à ces actions.

 

(3) Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en a été informé, prend les mesures nécessaires pour donner effet à la décision de la Cour.

[Je souligne.]

Appeal to Federal Court

30. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 25 may, within 90 days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which the person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

 

(2) The Federal Courts Act and the rules made under that Act that apply to ordinary actions apply to actions instituted under subsection (1) except as varied by special rules made in respect of such actions.

 

 

(3) The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to the decision of the Court on being informed of it.

 

[Emphasis added.]

[11]           Cet article permet à toute personne qui a présenté une demande en vertu de l’article 25 d’en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale à titre de demandeur dans les quatre-vingt-dix jours « suivant la communication de la décision ».  La Loi ne précise pas laquelle décision. Le paragraphe 30(1) se réfère cependant à une demande en vertu de l’article 25, lequel déclare :

Demande de révision

25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l'article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l'agent qui les a saisis ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie.

 

 

 

[Je souligne.]

Request for Minister's decision

25. A person from whom currency or monetary instruments were seized under section 18, or the lawful owner of the currency or monetary instruments, may within 90 days after the date of the seizure request a decision of the Minister as to whether subsection 12(1) was contravened, by giving notice in writing to the officer who seized the currency or monetary instruments or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place.

 

[Emphasis added.]

 

[12]           L’article 25 se rapporte à la décision du ministre portant sur l’existence ou non d’une contravention au paragraphe 12(1) de la Loi. C’est donc de cette décision dont il est question au paragraphe 30(1). Cette décision du ministre est prise en vertu de l’article 27 de la Loi, qui stipule :

Décision du ministre

27. (1) Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent l’expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

 

(2) Dans le cas où des poursuites pour infraction de recyclage des produits de la criminalité ou pour infraction de financement des activités terroristes ont été intentées relativement aux espèces ou effets saisis, le ministre peut reporter la décision, mais celle-ci doit être prise dans les trente jours suivant l'issue des poursuites.

 

(3) Le ministre signifie sans délai par écrit à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l’appui.

 

 

[Je souligne.]

Decision of the Minister

27. (1) Within 90 days after the expiry of the period referred to in subsection 26(2), the Minister shall decide whether subsection 12(1) was contravened.

 

(2) If charges are laid with respect to a money laundering offence or a terrorist activity financing offence in respect of the currency or monetary instruments seized, the Minister may defer making a decision but shall make it in any case no later than 30 days after the conclusion of all court proceedings in respect of those charges.

 

(3) The Minister shall, without delay after making a decision, serve on the person who requested it a written notice of the decision together with the reasons for it.

 

[Emphasis added.]

 

[13]           Il ne fait aucun doute que le recours par voie d’action vise la décision du ministre prise en vertu de l’article 27.

 

[14]           S’il décide qu’il y a contravention au paragraphe 12(1) de la Loi, le ministre doit ensuite, proprio motu, prendre une autre décision. L’article 29 prévoit en effet ce qui suit :

Cas de contravention

29. (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre, aux conditions qu’il fixe :

 

 

a) soit décide de restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux-ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité;

 

 

b) soit décide de restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2);

 

 

c) soit confirme la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.

 

Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b).

 

(2) En cas de vente ou autre forme d’aliénation des espèces ou effets en vertu de la Loi sur l’administration des biens saisis, le montant de la somme versée en vertu de l’alinéa (1)a) ne peut être supérieur au produit éventuel de la vente ou de l’aliénation, duquel sont soustraits les frais afférents exposés par Sa Majesté; à défaut de produit de l’aliénation, aucun paiement n’est effectué.

 

[Je souligne.]

If there is a contravention

29. (1) If the Minister decides that subsection 12(1) was contravened, the Minister shall, subject to the terms and conditions that the Minister may determine,

 

(a) decide that the currency or monetary instruments or, subject to subsection (2), an amount of money equal to their value on the day the Minister of Public Works and Government Services is informed of the decision, be returned, on payment of a penalty in the prescribed amount or without penalty;

 

(b) decide that any penalty or portion of any penalty that was paid under subsection 18(2) be remitted; or

 

(c) subject to any order made under section 33 or 34, confirm that the currency or monetary instruments are forfeited to Her Majesty in right of Canada.

 

 

The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to a decision of the Minister under paragraph (a) or (b) on being informed of it.

 

(2) The total amount paid under paragraph (1)(a) shall, if the currency or monetary instruments were sold or otherwise disposed of under the Seized Property Management Act, not exceed the proceeds of the sale or disposition, if any, less any costs incurred by Her Majesty in respect of the currency or monetary instruments.

 

 

 

[Emphasis added.]

 

[15]           Cette seconde décision est-elle aussi couverte par l’article 30?

 

[16]           Dans Dokaj c. Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CF 1437, [2005] A.C.F. no 1783 (QL), la juge Layden-Stevenson a répondu à cette question par la négative. Elle affirme aux paragraphes 35 et 37 :

 

[35]   Les décisions rendues par le ministre en application des articles 27 et 29 sont des décisions distinctes. L'une a trait à la contravention, tandis que l'autre porte sur la pénalité et la confiscation. L'article 27 énonce que le ministre doit décider s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1), c'est-à-dire à l'obligation de déclarer les espèces ou effets. Le libellé est non équivoque et ne laisse aucun doute quant à sa signification. L'article 29 prévoit que, dans le cas où le ministre détermine que la personne a négligé de faire la déclaration requise, le ministre doit décider si le montant de la pénalité imposée par l'agent des douanes en application du paragraphe 18(2) était approprié, à savoir la confiscation entière des espèces ou une pénalité allant de 250 à 5 000 $. Le ministre peut confirmer la décision de l'agent des douanes eu égard à la pénalité ou ordonner la restitution d'une partie plus ou moins importante de celle-ci.

 

[…]

 

[37]  Le libellé des dispositions est clair. La Loi permet d'interjeter appel de la décision du ministre fondée sur l'article 25. Cet article vise uniquement une décision sur la question de savoir s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1), qui énonce l'obligation de faire une déclaration. Il s'ensuit que les termes « une demande » et « la décision » employés à l'article 30 renvoient à la décision du ministre en application de l'article 27. À mon avis, il s'agit de la seule interprétation raisonnable. La compétence de la Cour fédérale en vertu de l'article 30 de la Loi est donc restreinte à la révision de la décision rendue en application de l'article 27 de la Loi. Cette décision vise à déterminer s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

[35]    The decisions of the Minister pursuant to sections 27 and 29 are discrete decisions. One deals with contravention; the other deals with penalty and forfeit. Section 27 stipulates that the Minister shall decide whether subsection 12(1), i.e. the requirement to report, was contravened. The wording is unequivocal and leaves no room for doubt. Section 29 provides that, in circumstances where the Minister determines that there was a failure to report, the Minister is to review the quantum of the sanction imposed by the customs official under subsection 18(2), i.e. full forfeiture or a penalty ranging from $250 to $5,000. The Minister will either confirm the customs official's determination with respect to sanction or reduce it to some lesser penalty.

 

 

 

 

 

 

[…]

 

[37]   There is no ambiguity in the language. The Act authorizes an appeal in relation to a decision of the Minister under section 25. Section 25 relates only to a decision as to whether subsection 12(1) was contravened (the provision that imposes the obligation to report). It necessarily follows that the references to "a decision" and "the decision" in subsection 30(1) refer to the Minister's determination under section 27 of the Act. In my view, it cannot reasonably be construed in any other way. Consequently, the Federal Court's jurisdiction, pursuant to section 30 of the Act, is limited to reviewing the decision under section 27 of the Act. That decision is with respect to whether or not there was a contravention of the Act under subsection 12(1).

 

 

[17]           Je partage cette opinion. La distinction qu’elle fait entre la décision en application de l’article 27 (la contravention ou la déclaration) et celle en application de l’article 29 (la pénalité et  la confiscation) se fonde, comme elle l’a démontré, sur la jurisprudence entérinée par notre cour concernant le processus de révision et d’appel des saisies que l’on retrouve dans la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, c. 1 (2e suppl.), processus similaire à celui que l’on retrouve dans la Loi (voir Time Data Recorder International Ltd c. M.N.R., [1997] A.C.F. no. 475 (C.A.)(QL), confirmant [1993] A.C.F. no 768 (1ère inst.)(QL); Nerguizian c. M.N.R., [1996] A.C.F. no 866 (1ère inst.)(QL); He v. Canada, [2000] A.C.F. no 93 (1ère inst.)(QL).  

 

[18]           Il s’ensuit que toute contestation de la décision portant sur la pénalité et la confiscation ne peut se faire par voie d’action suivant l’article 30 de la Loi. Le recours approprié est celui de la demande de contrôle judiciaire selon l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7.

 

[19]           L’intimé a porté à notre connaissance la Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi de l’impôt sur le revenu et une autre loi en conséquence, L.C. 2006, c. 12, dont les articles 14 et 16, entre autres, sont entrés en vigueur le 10 février 2007 (Décret no. C.P. 2007-0142 (enregistrement no. TR/20-07-18)). Ces modifications n’ont aucun caractère rétroactif et ne sont pas pertinentes pour les fins de cet appel. Il n’appartient pas à la Cour, dans le contexte de cette affaire, de se prononcer sur l’effet des modifications pour l’avenir. Dans l’affaire Canada (Minister of Public Safety and Emergency Preparedness) v. Pham, 2007 FCA 141, [2007] F.C.J. No. 496 (QL), notre Cour y a apporté des commentaires (voir paragraphe 23).

 

Le paragraphe 12(1) de la Loi

[20]           L’appelant plaide qu’il n’a pas contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi. Il affirme, et l’agent de douane J.C. Prémont l’a reconnu à l’audience devant le premier juge, avoir signé une déclaration avant de quitter l’aéroport tôt le matin du 6 juillet 2007.

 

[21]           Le premier juge a pris bonne note de cette affirmation. Il a néanmoins conclu que le formulaire signé par M. Tourki ne constituait pas une déclaration pouvant satisfaire à l’obligation que lui imposait le paragraphe 12(1) de la Loi. Il était trop tard pour ce faire puisqu’il était installé dans l’avion, au sol, lorsqu’il fut intercepté.

 

[22]           Le premier juge n’a commis aucune erreur en décidant que le ministre avait raison de conclure que l’appelant avait contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi.

 

Lien entre la confiscation et la déclaration

[23]           Un des objets de la Loi est d’établir un régime de déclaration obligatoire des opérations financières douteuses et des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets (sous-alinéa 3a)(iv)). Comme l’a expliqué la juge Layden-Stevenson au paragraphe 26 de ses motifs, cet objet est mis en œuvre à la partie 2 de la Loi qui établit un régime en vertu duquel les importateurs et les exportateurs doivent déclarer aux agents des douanes toute importation ou exportation de quantités importantes d'espèces ou d'effets à destination ou au départ du Canada. L’obligation de déclarer constitue la pierre angulaire du régime de surveillance des mouvements transfrontaliers.

 

[24]           Il importe ainsi de noter que la révision de la décision du ministre, autant sur la contravention que sur la pénalité ou la confiscation, passe nécessairement par l’article 25 de la Loi. Il importe également de noter que le paragraphe 26(2), qui est relié à la demande suivant l’article 25, est le seul article de la Loi qui donne au saisi l’occasion de présenter sa preuve à la fois sur question de la contravention et sur celle de la confiscation.

 

[25]           Les articles 18 à 20 de la Loi se trouvent au titre Saisie.  La Loi dispose que s’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l’agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets (paragraphe 18(1) de la Loi). L’agent  qui décide d’exercer les attributions conférées par le paragraphe 18(1) est tenu de consigner par écrit les motifs à l’appui de sa décision (article 19.1 de la Loi). L’agent qui procède à la saisie-confiscation prévue au paragraphe 18(1) de la Loi donne au saisi un avis écrit de la saisie et du droit de révision et d’appel établi aux articles 25 et 30 de la Loi (paragraphe 18(3) de la Loi).  Sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, l’agent restitue au saisi les espèces ou effets sauf s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il s’agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes (paragraphe 18(2) de la Loi). L’agent qui a saisi les espèces ou effets en vertu de l’article 18 fait aussitôt un rapport au président de l’Agence des services frontaliers du Canada et au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada sur les circonstances de la saisie (article 20).

 

[26]           Au titre Confiscation, l’article 23 de la Loi prévoit que, sous réserve du paragraphe 18(2) et des articles 25 à 31, les espèces saisies en application du paragraphe 18(1) sont confisquées au profit de Sa Majesté du chef du Canada à compter de la contravention au paragraphe 12(1) qui a motivé la saisie. La confiscation produit dès lors son plein effet et n’est assujettie à aucune formalité (article 23 de la Loi).

 

[27]           La Loi prévoit alors, au titre Révision et appel, que la confiscation est définitive et n’est susceptible de révision que dans la mesure et selon les formalités prévues aux articles 25 à 30 de la Loi (article 24 de la Loi).

 

[28]           La Loi prévoit ensuite que le saisi ou le propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l’agent qui a saisi ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie (article 25). Le président signifie sans délai par écrit, à la personne qui a présenté la demande visée à l’article 25, un avis exposant les circonstances de la saisie à l’origine de la demande (paragraphe 26(1)). Le demandeur dispose de trente jours à compter de la signification de l’avis pour produire tous les moyens de preuve à l’appui de ses prétentions (paragraphe 26(2)). Le ministre, dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent, décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) (paragraphe 27(1)). Il dispose de plus de temps si des poursuites pénales ont été intentées (paragraphe 27(2)). À l’expiration des délais prévus par la Loi, le ministre, par écrit, signifie sans délai à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l’appui (paragraphe 27(3)). 

 

[29]           Le ministre, s’il décide qu’il y a contravention au paragraphe 12(1) de la Loi, soit : (a) décide de restituer les espèces ou effets (paragraphe 29(1)a)); (b) soit décide de restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2) (paragraphe 29(1)b)); (c) soit confirme la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada (paragraphe 29(1)c)). La Loi n’oblige pas le ministre à motiver sa décision. Elle ne dit pas non plus sur quelle base il décide. Il est certain qu’il a cependant devant lui les motifs consignés par l’agent qui a exercé les attributions conférées par le paragraphe 18(1). Il a également la preuve que lui a présentée le saisi en application du paragraphe 26(2).

 

[30]           La décision du ministre de confirmer la confiscation rend celle-ci définitive sujet à la révision judiciaire tel que dit précédemment.

 

[31]           En l’espèce, la décision du ministre sur l’article 27 et sur l’article 29 fut la suivante (d.a. vol. II, p. 273) :

Décision

 

Après avoir étudié toutes les circonstances de l’affaire, j’en conclus qu’en vertu de l’article 27 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, le motif d’infraction a valablement été retenu pour justifier la saisie des espèces.

 

En vertu de l’article 29 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, les espèces saisies sont retenues à titre de confiscation.

 

Motifs

 

Comme les espèces n’ont pas été dûment déclarées aux Douanes, elles ont été saisies à titre de confiscation. La confiscation des espèces sans conditions de mainlevées est en accord avec la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

 

La confiscation des effets en l’espèce

[32]           L’appelant plaide que le premier juge a reconnu que les biens saisis n’étaient pas le produit de la criminalité.

 

[33]           Le juge Harrington a en effet ajouté en obiter, au paragraphe 59 de ses motifs :

¶ 59      Cela dit, s'il advenait que j'aie tort et que la décision du ministre de confirmer la confiscation fasse également l'objet du présent appel, je suis d'avis, compte tenu de la preuve produite au procès, qu'il n'y a aucun motif raisonnable de soupçonner que la somme de 102 642,33 $ était, en tout ou en partie, des produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel. En formulant cette opinion, je n'ai examiné ni le fardeau de la preuve, ni la valeur probante que doit avoir une telle preuve pour qu'on puisse dire que les soupçons sont fondés sur des motifs raisonnables.

 

[34]           Vu la conclusion à laquelle il en arrivait, à savoir que la révision de la décision du ministre de confirmer la confiscation devait se faire par voie de contrôle judiciaire, le premier  juge n’avait pas à s’interroger sur le « motif raisonnable de soupçonner que… ». Ce rôle n’était pas le sien.

 

Les articles 7, 8 et 11d) de la Charte

[35]           Devant le premier juge, l’appelant a contesté la validité constitutionnelle des articles 12, 15, 16, 18, 19 et 22 à 29 de la Loi, et plus particulièrement : (1) l’obligation faite à une personne en vertu de l’article 12 de la Loi de déclarer des sommes ou devises qui ne sont pas des produits de la criminalité ou destinées au financement des activités terroristes; (2) le droit pour un agent de saisir et confisquer sur des simples soupçons des espèces qui ne constituent pas un produit de la criminalité ou qui ne doivent pas servir au financement d’activités terroristes; et (3) les pouvoirs d’ordonner la saisie et la confiscation de devises pour le seul défaut de déclarer, sur la base de simples soupçons, sans autre preuve de leur origine ou de leur destination illégale.

 

[36]           Selon l’appelant, l’article 12 de la Loi crée une présomption selon laquelle les devises non déclarées dépassant une valeur de 10,000 $ sont des produits de la criminalité ou destinées au financement d’activités terroristes, permettant que celles-ci fassent l’objet de saisie et confiscation. Cette présomption est inconstitutionnelle, ultra vires, nulle et non avenue, selon l’appelant, comme étant contraire aux articles 8 et 11d) de la Charte. Elle a pour effet d’opérer un renversement du fardeau de la preuve. De plus, il est inconcevable que le droit de confisquer puisse reposer sur de simples soupçons.

 

[37]           Devant le premier juge, l’appelant a aussi soulevé l’article 7 de la Charte en se référant à Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606. Dans cette  décision, la Cour suprême du Canada a reconnu l’existence d’un principe de justice fondamentale selon lequel les lois ne doivent pas être imprécises au point de ne pas constituer un guide suffisant pour un débat judiciaire. Devant nous, l’appelant soumet que la Loi crée une présomption qui a caractère abusif, excessif et illogique de par l’utilisation des désignations « produits de la criminalité » et de « financement d’activités terroristes », expressions qui sont « trop vagues et trop générales ».

 

[38]           L’article 8 de la Charte protège les expectatives raisonnables en matière de vie privée : Hunter c. Southam, [1984] 2 R.C.S. 145. Il s’agit d’une disposition axée sur la protection de la vie privée de la personne et non d’une garantie constitutionnelle du droit de propriété : Québec (Procureur général) c. Laroche, [2002] 3 R.C.S. 708 au paragraphe 52. Voir aussi R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281 au paragraphe 16.

 

[39]           La Cour suprême du Canada, dans R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, a statué que les dispositions relatives aux fouilles et aux perquisitions de la Loi sur les douanes, dispositions qui permettaient la fouille d’un individu si l'agent des douanes a « raisonnablement lieu de supposer » que des articles prohibés sont cachés sur lui, ne portent pas atteinte à l'article 8 de la Charte. La Cour a expliqué, au paragraphe 49 de ses motifs :

J'accepte la proposition de la poursuite que les attentes raisonnables en matière de vie privée sont moindres aux douanes que dans la plupart des autres situations. En effet, les gens ne s'attendent pas à traverser les frontières internationales sans faire l'objet d'une vérification. Il est communément reconnu que les États souverains ont le droit de contrôler à la fois les personnes et les effets qui entrent dans leur territoire. On s'attend à ce que l'État joue ce rôle pour le bien-être général de la nation. Or, s'il était incapable d'établir que tous ceux qui cherchent à traverser ses frontières ainsi que leurs effets peuvent légalement pénétrer dans son territoire, l'État ne pourrait pas remplir cette fonction éminemment importante. Conséquemment, les voyageurs qui cherchent à traverser des frontières internationales s'attendent parfaitement à faire l'objet d'un processus d'examen. Ce processus se caractérise par la production des pièces d'identité et des documents de voyage requis, et il implique une fouille qui commence par la déclaration de tous les effets apportés dans le pays concerné. L'examen des bagages et des personnes est un aspect accepté du processus de fouille lorsqu'il existe des motifs de soupçonner qu'une personne a fait une fausse déclaration et transporte avec elle des effets prohibés.

 

[Je souligne.]

 

[40]           La Cour suprême du Canada a de plus confirmé, dans R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652 au paragraphe 37, que le raisonnement dans Simmons s’applique malgré des amendements portés à la Loi sur les douanes qui permettent la fouille sur la base de motifs raisonnables de soupçonner.

 

[41]           Les dispositions de la Loi en question ne portent donc pas atteinte à l’article 8 de la Charte. Le premier juge n’a fait aucune erreur en constatant que « l’examen des bagages et des personnes est un aspect accepté du processus de fouille lorsqu’il existe des motifs de soupçonner qu’une personne a fait une fausse déclaration ou transporte avec elle des effets prohibés » et en concluant que les dispositions en cause ne sont pas déraisonnables.

 

[42]           Par ailleurs, la présomption d’innocence protégée par l’article 11d) de la Charte ne s’applique qu’à un inculpé, c’est-à-dire, un individu qui fait face à des accusations criminelles, quasi-criminelles ou de nature réglementaire: voir, par exemple, R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541 à la page 554; Schmidt c. R., [1987] 1 R.C.S. 500.

 

[43]           L’appelant n’est pas un inculpé. Il n’est accusé d’aucune infraction criminelle, quasi-criminelle ou de nature réglementaire. Que sa conduite puisse entraîner des poursuites criminelles ne permet pas pour autant de qualifier de recours pénal le mécanisme de confiscation prévu par la Loi. Le critère approprié est celui de la nature des procédures et non celui de la nature de l’acte : Martineau c. Canada (Ministre du Revenu national), [2004] 3 R.C.S. 737, au paragraphe 31. Le processus relatif à la saisie et la confiscation mis en place par la Loi est un mécanisme de recouvrement civil qui ne vise pas à punir l’individu : voir Martineau aux paragraphes 22-23; Wigglesworth à la page 560.

 

[44]           L’article 11d) de la Charte n’est donc pas engagé. Le premier juge n’a commis aucune erreur en décrivant la confiscation prévue à la Loi comme étant un mécanisme civil qui vise un objet et non une personne et en concluant que cette disposition n’a aucune application puisqu’aucune accusation n’a été portée contre M. Tourki.

 

[45]           L’article 7 n’est pas engagé non plus. Avant même que l'on puisse se demander si les droits garantis par l'article 7 ont fait l'objet d'une atteinte non conforme aux principes de justice fondamentale, il faut d'abord démontrer qu’il y a eu atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne : Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307 au paragraphe 47.

 

[46]           L’obligation de déclarer qu’impose la Loi et le mécanisme de saisie et de confiscation qu’elle prévoit n’engagent pas le droit à la vie, liberté et sécurité de la personne. Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne englobe les choix fondamentaux qu'une personne peut faire dans sa vie, et non des intérêts purement économiques ou des droits de propriété: Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927 au paragraphe 95;  Siemens c. Manitoba (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 6 au paragraphe 45.

 

[47]           Le premier juge, au paragraphe 56 de ses motifs, a conclu que « la Loi […] est tout à fait claire. Si le voyageur ne fait pas de déclaration, l’agent des douanes peut confisquer ce qui aurait dû être déclaré. C’est aussi simple que ça ». Il n’était pas nécessaire d’examiner l’argument de l’appelant basé sur l’imprécision de la Loi puisque la situation de l’appelant n’engage pas l’article 7.

 

Conclusion

[48]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

 

« Alice Desjardins »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

     Marc Noël j.c.a. »

 

 

« Je suis d’accord.

     J.D. Denis Pelletier j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-71-06

 

(APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE EN DATE DU 19 JANVIER 2006, N° DU DOSSIER (T-903-04). 

 

INTITULÉ :                                                                           SKANDER TOURKI ET LE

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 7 FÉVRIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE DESJARDINS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE NOËL

                                                                                                LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 11 MAI 2007        

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

ME JÉRÔME CHOQUETTE ET
ME JEAN-STÉPHANE KOURIE
MONTRÉAL QUÉBEC

POUR L’APPELANT

 

 

ME JACQUES MIMAR
MONTRÉAL QUÉBEC

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

CHOQUETTE BEAUPRÉ RHÉAUME
MONTRÉAL QUÉBEC

POUR L’APPELANT

 

JUSTICE CANADA
MONTRÉAL QUÉBEC

POUR L’INTIMÉ

 

 

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