Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20070516

Dossier : A‑59‑07

Référence : 2007 CAF 187

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

 

ENTRE :

ABBOTT LABORATORIES et ABBOTT LABORATORIES LIMITED

appelantes

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et APOTEX INC.

intimés

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 18 avril 2007

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 mai 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LE JUGE NADON

Y A SOUSCRIT :                                                                                    LA JUGE DESJARDINS

 

MOTIFS CONCOURANTS

(SAUF SUR LA QUESTION DE LA COMPÉTENCE) :                                   LE JUGE NOËL

 


Date : 20070516

Dossier : A‑59‑07

Référence : 2007 CAF 187

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

 

ENTRE :

ABBOTT LABORATORIES et ABBOTT LABORATORIES LIMITED

appelantes

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et APOTEX INC.

intimés

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL (motifs concourants (sauf sur la question de la compétence))

 

[1]                     Il s’agit de l’appel interjeté de l’ordonnance par laquelle la juge Heneghan de la Cour fédérale (2006 CF 1558) a rejeté une demande visant à interdire au ministre de la Santé (le ministre), en application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement), de délivrer un avis de conformité à Apotex Inc. (Apotex ou l’intimée) en ce qui concerne les lettres patentes canadiennes no 2,387,361 (le brevet 361) au motif que la revendication pertinente dudit brevet n’est pas une revendication admissible.

[2]                     Abbott Laboratories et Abbott Laboratories Ltd. (Abbott ou les appelantes) demandent à la Cour d’annuler cette décision et de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer, avant l’expiration du brevet 361, l’avis de conformité demandé par l’intimée.

 

[3]                     Si l’avis de conformité en question n’a pas encore été délivré, c’est parce que la Cour fédérale devait se prononcer sur une autre demande d’interdiction concernant le même brevet dans les jours suivant l’audition du présent appel.

 

[4]                     Les appelantes vendent de la clarithromycine, qui est à la fois un antibiotique et l’ingrédient médicamenteux du Biaxin, médicament vendu dans le commerce. L’intimée entend commercialiser une version générique de la clarithromycine.

 

[5]                     La clarithromycine est polymorphe : il en existe plusieurs formes cristallines, dont certaines ont été inventées par Abbott. Plusieurs des brevets d’Abbott, dont le brevet 361 qui est en litige, visent des composés de la clarithromycine, ainsi que trois de ses formes cristallines, en l’occurrence la forme 0, la forme I et la forme II.

 

[6]                     Le brevet 361 a été déposé le 19 décembre 1997, la date de la revendication étant le 17 janvier 1997. Le monopole que confère ce brevet concerne l’utilisation de la forme 0 pour obtenir la forme II par chauffage à haute température. La version générique de la clarithromycine qu’il est envisagé de commercialiser consiste à reproduire le procédé de conversion de la forme 0 en forme II.

 

[7]                     L’intimée a déposé, conformément au Règlement, un avis d’allégation dans lequel elle alléguait notamment que le brevet 361 n’était pas admissible à l’inscription au registre des brevets, n’a pas été contrefait et n’était pas valide pour cause d’évidence et d’antériorité. Le 7 octobre 2003, Abbott a déposé une demande sollicitant une ordonnance interdisant au ministre de délivrer à Apotex l’avis de conformité demandé par celle‑ci, d’où la décision qui fait l’objet du présent appel.

 

[8]                     Le délai de suspension prévu à l’alinéa 7(1)e) du Règlement, qui aurait normalement pris fin le 7 octobre 2005 (c’est‑à‑dire 24 mois après le dépôt de la demande), a été prorogé, en vertu de l’alinéa 7(5)b) du Règlement, jusqu’au 30 décembre 2006.

 

[9]                     La juge Heneghan a rejeté la demande présentée par Abbott. Selon les motifs du jugement, qui sont datés du 11 janvier 2007, une version confidentielle des motifs a été publiée le 29 décembre 2006. Il ressort cependant du dossier que cette version confidentielle a en fait été signée le 30 décembre 2006 (dossier d’appel, vol. I, onglet 1, p. 44).

 

[10]                 La juge Heneghan a statué que la revendication 31 du brevet 361 n’est pas une revendication pour l’utilisation du médicament et n’est donc pas admissible en vertu du Règlement. Pour tirer cette conclusion, la juge Heneghan s’est fondée sur la décision Eli Lilly and Co. et al. c. Apotex Inc. et al. (1996), 68 C.P.R. (2d) 126, à la page 128, dans laquelle la Cour a conclu que, pour être visée par la définition de « médicament » qui figure à l’article 2 du Règlement, « une substance doit être destinée à servir ou être susceptible de servir à l’un ou plusieurs des usages médicaux précis énumérés. La transformation chimique ou la synthèse en une autre substance qui peut elle‑même servir de médicament ne fait pas partie de ces usages » (motifs, par. 129).

 

[11]                 La juge de première instance a statué que la forme 0, telle qu’elle est employée dans le brevet 361, fait fonction non pas de médicament mais d’intermédiaire. Cela étant, la revendication 31 n’est pas une revendication pour l’utilisation d’un médicament (motifs, par. 132 à 134). Ayant conclu que la revendication 31 n’était pas admissible en vertu du Règlement, la juge Heneghan n’a pas examiné les allégations subsidiaires de l’intimée fondées sur l’invalidité du brevet.

 

[12]                 En l’espèce, les appelantes contestent la manière dont la juge Heneghan a interprété la revendication 31. Elles font valoir que, correctement interprétée, la revendication 31 est une revendication pour l’utilisation du médicament et que la juge Heneghan a commis une erreur de droit en statuant que la revendication 31 n’était pas admissible.

 

[13]                 Les appelantes demandent à la Cour, dans l’hypothèse où elles obtiendraient gain de cause sur la question de l’admissibilité de la revendication, de se prononcer sur la question de la validité du brevet et de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer l’avis de conformité demandé par Apotex. Selon elles, bien que la juge Heneghan n’ait pas examiné la question de la validité, il ne convient pas de renvoyer sur ce point l’affaire à la Cour fédérale étant donné que le délai réglementaire, qui a été prorogé, est maintenant expiré et que la Cour fédérale ne serait plus en mesure de rendre l’ordonnance qu’elles sollicitent.

LA COMPÉTENCE DE LA COUR

[14]                 Apotex a soulevé une objection préliminaire à l’audition du présent appel. Elle soutient en effet que, une fois expiré le délai réglementaire, la Cour d’appel fédérale, tout comme la Cour fédérale, n’a plus compétence pour rendre une ordonnance d’interdiction. En l’espèce, le délai prévu est échu à la fois parce que la juge Heneghan a rejeté la demande présentée par Abbott (voir le paragraphe 7(4)) et parce que le délai de 24 mois, prorogé en vertu de l’alinéa 7(5)b), est lui aussi expiré.

 

[15]                 L’avocat d’Abbott a soutenu que cet argument ne peut être invoqué en l’espèce car il a déjà été avancé devant la Cour d’appel fédérale, qui l’a rejeté dans le cadre de l’arrêt Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), [2004] A.C.F. no 708; 2004 CAF 154, le juge en chef Richard ayant dit ce qui suit, au nom de la Cour (aux paragraphes 30 et 31) :

[30]         Avant de conclure, je tiens à aborder brièvement l’argument formulé par l’intimée Pharmascience au sujet de la compétence de notre Cour. Selon Pharmascience, notre Cour ne peut entendre le présent appel, car le Règlement sur les AC ne prévoit pas d’appel d’une ordonnance rejetant une demande fondée sur l’alinéa 6(5)a) du Règlement sur les AC.

 

[31]         Je ne puis souscrire à l’argument de l’intimée. L’article 27.1 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel, devant la Cour d’appel fédérale, des jugements définitifs et des jugements interlocutoires rendus par la Cour fédérale. Il faudrait une disposition très claire pour empêcher l’exercice du droit d’appel prévu par la loi en question.

 

[16]                 Selon l’avocat d’Apotex, il est difficile de savoir quel était, précisément, l’argument auquel la Cour répondait dans ce bref extrait de son arrêt et, par conséquent, on ne saurait affirmer qu’elle s’est effectivement prononcée sur l’argument que l’intimée invoque en l’espèce. C’est également mon avis.

 

[17]                 L’essentiel de l’argument invoqué par Apotex est exposé aux paragraphes 19 et 20 de son mémoire des faits et du droit :

[traduction]

19.          Les circonstances décrites à l’article 7 du Règlement sont claires et interdisent effectivement au ministre de délivrer un avis de conformité. Par exemple, une fois expiré le délai de 24 mois prévu à l’alinéa 7(1)e), la Cour n’a plus compétence pour proroger davantage la période d’interdiction. La levée de cette interdiction ne dépend aucunement de la décision que la Cour pourrait rendre à l’égard d’une des questions soulevées dans le cadre de la demande.

 

20.          De plus, si la demande d’interdiction déposée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement est retirée ou fait l’objet d’un désistement, ou est « rejetée par le tribunal qui en est saisi », le délai de 24 mois, qui suspend la mesure ministérielle, cesse automatiquement de s’appliquer en vertu du paragraphe 7(4). Cela veut dire qu’aux termes du paragraphe 7(4), dès le rejet d’une demande d’interdiction, ni la Cour fédérale ni la Cour d’appel fédérale ne demeurent compétentes, en vertu du Règlement, pour rendre une ordonnance d’interdiction concernant les brevets qui fondent le droit de déposer la demande en question. Le Règlement ne contient aucune disposition permettant de redonner effet au délai de 24 mois retardant la délivrance d’un avis de conformité, à partir du moment où ce délai a cessé de s’appliquer en vertu du paragraphe 7(4) et ce délai ne peut pas être prorogé en attendant l’issue de l’appel. La formule « rejetée par le tribunal qui en est saisi », qui figure au paragraphe 7(4) du Règlement, interdit expressément toute prorogation du délai réglementaire en attendant l’issue de l’appel interjeté du rejet d’une demande.

 

[18]                 L’article 7 du Règlement prévoit :

7. (1) Le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive des dates suivantes :

a) [Abrogé, DORS/98‑166, art. 6]

b) la date à laquelle la seconde personne se conforme à l’article 5;

c) sous réserve du paragraphe (3), la date d’expiration de tout brevet inscrit au registre qui ne fait pas l’objet d’une allégation;

d) sous réserve du paragraphe (3), la date qui suit de 45 jours la date de réception de la preuve de signification de l’avis d’allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c) à l’égard de tout brevet inscrit au registre;

e) sous réserve des paragraphes (2), (3) et (4), la date qui suit de 24 mois la date de réception de la preuve de présentation de la demande visée au paragraphe 6(1);

f) la date d’expiration de tout brevet faisant l’objet d’une ordonnance rendue aux termes du paragraphe 6(1).

(2) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si, à l’égard de chaque brevet visé par une demande au tribunal aux termes du paragraphe 6(1) :

 

a) soit le brevet est expiré;

b) soit le tribunal a déclaré que le brevet n’est pas valide ou qu’aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l’utilisation du médicament ne seraient contrefaites.

(3) Les alinéas (1)c), d) et e) ne s’appliquent pas à l’égard d’un brevet si le propriétaire de celui‑ci a consenti à ce que la seconde personne utilise, fabrique, construise ou vende la drogue au Canada.

(4) L’alinéa (1)e) cesse de s’appliquer à l’égard de la demande visée au paragraphe 6(1) si celle‑ci est retirée ou fait l’objet d’un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi.

(5) Lorsque le tribunal n’a pas encore rendu d’ordonnance aux termes du paragraphe 6(1) à l’égard d’une demande, il peut :

a) abréger le délai visé à l’alinéa (1)e) avec le consentement de la première personne et de la seconde personne, ou s’il conclut que la première personne n’a pas, au cours de l’instance relative à la demande, collaboré de façon raisonnable au règlement expéditif de celle‑ci;

b) proroger le délai visé à l’alinéa (1)e) avec le consentement de la première personne et de la seconde personne, ou s’il conclut que la seconde personne n’a pas, au cours de l’instance relative à la demande, collaboré de façon raisonnable au règlement expéditif de celle‑ci. DORS/98‑166, art. 6 et 9.

 

 

7. (1) The Minister shall not issue a notice of compliance to a second person before the latest of

 

(a) [Repealed, SOR/98‑166, s. 6]

 

(b) the day on which the second person complies with section 5,

 

(c) subject to subsection (3), the expiration of any patent on the register that is not the subject of an allegation,

 

(d) subject to subsection (3), the expiration of 45 days after the receipt of proof of service of a notice of any allegation pursuant to paragraph 5(3)(b) or (c) in respect of any patent on the register,

(e) subject to subsections (2), (3) and (4), the expiration of 24 months after the receipt of proof of the making of any application under subsection 6(1), and

 

(f) the expiration of any patent that is the subject of an order pursuant to subsection 6(1).

 

(2) Paragraph (1)(e) does not apply if at any time, in respect of each patent that is the subject of an application pursuant to subsection 6(1),

(a) the patent has expired; or

(b) the court has declared that the patent is not valid or that no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed.

 

 

(3) Paragraphs (1)(c), (d) and (e) do not apply in respect of a patent if the owner of the patent has consented to the making, constructing, using or selling of the drug in Canada by the second person.

(4) Paragraph (1)(e) ceases to apply in respect of an application under subsection 6(1) if the application is withdrawn or discontinued by the first person or is dismissed by the court hearing the application.

(5) If the court has not yet made an order under subsection 6(1) in respect of an application, the court may

(a) shorten the time limit referred to in paragraph (1)(e) on consent of the first and second persons or if the court finds that the first person has failed, at any time during the proceeding, to reasonably cooperate in expediting the application; or

 

(b) extend the time limit referred to in paragraph (1)(e) on consent of the first and second persons or, if the court finds that the second person has failed, at any time during the proceeding, to reasonably cooperate in expediting the application. SOR/98‑166, ss. 6, 9.

 

 

[19]                 Dans l’arrêt Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., [2001] A.C.F. no 17 (Pfizer), la Cour a analysé l’effet du paragraphe 7(4) sur un appel interjeté ultérieurement. Dans cette affaire, la brevetée faisait appel du rejet de sa demande d’interdiction et demandait à la Cour d’appel d’annuler les avis de conformité délivrés dans l’intervalle par le ministre. Se prononçant au nom de la Cour, le juge en chef Isaac s’est exprimé en ces termes :

[17]         Les demandes d’interdiction fondées sur le Règlement sont bien différentes des procédures en contrefaçon de brevet. Le régime établi par le Règlement a été décrit de façon détaillée dans des jugements antérieurs de la présente Cour (voir, p. ex., Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), (1993), 51 C.P.R. (3d) 329, jugement du juge Mahoney, J.C.A., Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social et al.) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302, jugement du juge Hugessen, J.C.A., Hoffmann‑La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (1996), 70 C.P.R. (3d) 206, jugement du juge Stone, J.C.A., Merck Frosst Canada Inc. c. Apotex Inc. (1997), 72 C.P.R. (3d) 170, jugement du juge Strayer, J.C.A.).

 

[...]

 

[19]         Cet avantage unique conféré aux titulaires de brevet est assorti d’un corollaire, soit la nécessité que les procédures fondées sur l’article 6 soient traitées rapidement au moyen d’une demande sommaire de contrôle judiciaire conformément à l’intention du Parlement. C’est ce qui ressort clairement des remarques que le juge Strayer a formulées dans l’arrêt Merck Frosst, précité (p. 177) :

 

Pour résumer, la suspension de nature législative est une mesure extraordinaire qui se démarque des droits que le droit général des brevets reconnaît habituellement au défendeur. Elle doit donc être appliquée de façon stricte, conformément à son libellé. Il ne fait aucun doute que la période de 30 mois visait en partie à inciter les parties et la Cour à instruire de façon expéditive la demande d’interdiction.

 

[20]         J’aimerais maintenant commenter quelques‑uns des arguments que les appelantes ont invoqués. Elles soutiennent que la Cour d’appel fédérale est habilitée, en vertu de l’article 52 de la Loi sur la Cour fédérale, à faire ce que le juge de première instance aurait dû faire, en l’occurrence, rendre l’ordonnance d’interdiction. Cet argument suppose que le paragraphe 7(4) du Règlement a pour effet de lever le délai de suspension de 30 mois prévu à l’alinéa 7(1)e) uniquement lorsque la Cour d’appel a rendu un jugement définitif au sujet de la demande d’interdiction. Cette supposition est fausse, compte tenu des commentaires que la présente Cour a formulés dans l’arrêt Hoffman Laroche, précité, au paragraphe 196, selon lesquels les mots « rejetée par le tribunal » du paragraphe 7(4) du Règlement signifient [traduction] « rejetée par la Section de première instance de la Cour fédérale ». Je ne vois aucune raison de m’éloigner de l’interprétation donnée à ces mots dans cet arrêt.

[21]         Il s’ensuit que, dès que la Section de première instance a rejeté la demande d’interdiction présentée par les appelantes, le ministre a eu le droit de délivrer les ADC à Apotex et à Nu‑Pharm à l’égard du fluconazole, comme il l’a fait. La délivrance de ces ADC a mis un terme à toute tentative de poursuivre la demande d’interdiction fondée sur le Règlement, parce que le recours prévu dans celui‑ci (procédure sommaire) a été épuisé. Comme l’a dit le juge Décary, J.C.A., dans l’arrêt Merck Frosst Canada, précité, au paragraphe 4, [traduction] « il est bien évident que l’appel est théorique, le ministre ayant fait ce qu’il est autorisé à faire en vertu du paragraphe 7(1) du Règlement, c’est‑à‑dire qu’il a délivré un avis de conformité ».

[22]         À mon humble avis, cette interprétation du Règlement ne crée aucune injustice. Les appelantes ont bénéficié d’une injonction interlocutoire presque automatique pendant une période de 30 mois. Si elles avaient voulu interjeter appel devant la présente Cour sur la question de l’interdiction, elles auraient pu présenter leur demande et leur appel de façon expéditive dans le délai de 30 mois prévu à l’alinéa 7(1)e) du Règlement, mais elles ne l’ont pas fait. La possibilité pour les appelantes d’interjeter appel à l’intérieur de ce délai aurait peut‑être existé uniquement si le ministre n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire et délivré les ADC. Cependant, c’est une situation que l’autorité réglementaire a envisagée en formulant le Règlement comme elle l’a fait. À mon avis, il serait erroné de notre part de modifier cette situation en évitant de rendre une décision au sujet de la question du caractère théorique de l’appel.

 

[20]                 L’avocat d’Abbott fait à juste titre remarquer que, dans l’arrêt Pfizer (précité), l’avis de conformité avait déjà été délivré. Selon lui, c’est la délivrance de cet avis de conformité plutôt que l’expiration du délai réglementaire de 30 mois (devenu depuis 24 mois) qui a porté la Cour à conclure qu’elle ne pouvait pas accorder le redressement qui lui était demandé.

 

[21]                 Lorsqu’une requête visant à obtenir une ordonnance d’interdiction est rejetée et que le ministre délivre l’avis de conformité avant que l’appel soit entendu, on ne peut plus, de toute évidence, faire appel à la compétence de la Cour pour interdire la délivrance de l’avis de conformité. C’est ce qui a amené la Cour, dans l’affaire citée par le juge en chef Isaac dans l’extrait cité plus haut et dans plusieurs autres affaires tranchées depuis, à refuser d’entendre les appels interjetés de décisions par lesquelles la Cour fédérale a rejeté des requêtes visant à obtenir des ordonnances d’interdiction.

 

[22]                 Je ne considère toutefois pas que les motifs du juge en chef Isaac se fondent sur le fait que l’avis de conformité avait déjà été délivré. Il affirme, il est vrai, que la délivrance des avis de conformité « a mis un terme à toute tentative de poursuivre la demande d’interdiction » et que « [l]a possibilité pour les appelantes d’interjeter appel à l’intérieur de ce délai aurait peut‑être existé uniquement si le ministre n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire et délivré les ADC ». Cependant, son analyse repose essentiellement sur l’intention clairement exprimée de voir la requête en interdiction aboutir avant l’expiration du délai réglementaire.

[23]                 L’avocat d’Apotex a également attiré notre attention sur une décision antérieure de la Section de première instance de la Cour fédérale, Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (1997), 72 C.P.R. (3rd) 453, dans laquelle le juge Rothstein (maintenant juge à la Cour suprême du Canada) a conclu que la Section de première instance (l’actuelle Cour fédérale) ne peut plus, après l’expiration du délai réglementaire, rendre une ordonnance d’interdiction. Dans cette affaire, le délai réglementaire était arrivé à son terme avant que la demande puisse être entendue. Cela s’est produit parce que la Cour d’appel avait annulé la prorogation de délai accordée par la Section de première instance « jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu sur le fond ». Lorsque Merck a de nouveau demandé, en vertu du paragraphe 7(5) du Règlement (dans sa version de l’époque), une prorogation du délai, le juge Muldoon a formulé une question préliminaire concernant le statut d’une demande d’interdiction après l’expiration du délai réglementaire. La question a été portée devant le juge Rothstein qui, à la page 455, a défini en ces termes la question qu’il avait à trancher :

Quel est le statut d’une demande d’interdiction présentée par un breveté en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement après l’expiration du sursis réglementaire prévu à l’alinéa 7(1)e) du Règlement?

 

[24]                 Voici, pour l’essentiel, le raisonnement suivi par le juge Rothstein pour décider qu’il n’avait pas compétence pour accorder le redressement sollicité par Merck :

Rien dans le Règlement ne prévoit expressément qu’à l’expiration de ce sursis, la Cour n’a plus compétence pour proroger celui‑ci ou pour se prononcer sur la demande d’interdiction. La seule contrainte de temps expresse se trouve au paragraphe 7(5) et concerne la délivrance d’une ordonnance de prorogation. L’ordonnance de prorogation peut être rendue « lorsqu’elle [la Cour] n’a pas encore rendu d’ordonnance aux termes du paragraphe 6(1) ».

 

Bien que la Cour ne puisse ajouter des mots à une loi ou à un règlement, ceux‑ci ne peuvent être examinés de manière abstraite. Il faut tenir compte du contexte et de l’économie des dispositions en cause.

(p. 458 et 459)

[...]

 

Si ce n’était du Règlement, le fait qu’un concurrent générique puisse contrefaire un brevet ne conférerait pas au breveté le droit d’empêcher le ministre de délivrer un avis de conformité, parce qu’un tel avis ne constitue qu’une approbation ministérielle aux fins de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F‑27. En l’absence du Règlement, la question de savoir si un concurrent a le droit d’obtenir un avis de conformité ne concerne que ce concurrent et le ministre. Ainsi, seul le Règlement crée le droit du breveté d’obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à un concurrent.

(p. 459)

 

[...]

 

Il est à remarquer que même si le Règlement assujettit le ministre à une interdiction de délivrer un avis de conformité de plein droit puis sur ordre de la Cour, rien dans le Règlement ne confère à la Cour la compétence voulue pour délivrer un bref de certiorari en vue d’annuler un avis de conformité qui pourrait avoir été délivré après l’expiration du sursis réglementaire, mais que la Cour estime en fin de compte être fondée sur une allégation de non‑contrefaçon jugée non fondée. Le silence du Règlement quant au recours du breveté en cas de délivrance, après l’expiration du sursis réglementaire, d’un avis de conformité pour cause de non fondement d’une allégation implique qu’après l’expiration dudit sursis, la Cour n’a pas compétence pour accorder un recours en vertu du Règlement.

 

Cette opinion est étayée par l’objet du Règlement, qui est de procurer un mécanisme sommaire permettant de déterminer si un concurrent générique peut faire concurrence à un breveté. La période de 30 mois prévue à l’alinéa 7(1)e) a été prescrite à dessein.

 

C’est le délai à l’intérieur duquel le gouverneur en conseil a considéré qu’il serait possible de compléter l’instance en interdiction en l’absence du défaut d’une partie de collaborer de façon raisonnable au traitement expéditif de la demande d’interdiction. Dans Merck c. Apotex, précité, le juge Strayer a conclu que le Règlement vise à ce que les affaires « progresse(nt) à un rythme susceptible de permettre l’audition de la demande avant l’expiration de la période (non déraisonnable) de 30 mois ».

(p. 459 et 460)

 

[...]

 

Interpréter le Règlement comme maintenant le droit d’interdiction indéfiniment, sans égard à l’expiration du sursis réglementaire, serait contraire à la manière expéditive dont l’instance prévue au Règlement doit être conduite.

 

Ainsi que je l’ai indiqué, si le droit d’interdiction survit à l’expiration du sursis réglementaire, le Règlement devrait avoir aussi prévu un recours en cas de délivrance par le ministre d’un avis de conformité avant que la Cour n’ordonne l’interdiction, c’est‑à‑dire un bref de certiorari permettant d’annuler l’avis de conformité. Le Règlement ne prévoit aucun droit ni aucun recours semblables. Vu le sursis réglementaire prescrit, il est difficile de croire que le Règlement envisage une course entre le ministre et la Cour après expiration du sursis réglementaire sans recours pour le breveté au cas où le ministre délivre un avis de conformité pour un procédé opérant contrefaçon avant que la Cour ne délivre une ordonnance d’interdiction. (p. 459 et 460)

 

[...]

 

Pour éviter de donner l’impression qu’il s’agit d’une interprétation draconienne du Règlement, deux choses méritent d’être soulignées. Premièrement, Merck peut toujours intenter une action en contrefaçon de brevet. Dans le cadre d’une telle action, la Cour a compétence pour rendre une injonction interlocutoire ou une injonction permanente, ou accorder des dommages‑intérêts. Ainsi, Merck n’est pas dépourvue de recours. Deuxièmement, les circonstances de l’espèce sont inhabituelles. Elles sont survenues en raison de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, qui a infirmé la décision par laquelle le juge Dubé de la Section de première instance avait prorogé le délai. Même si je ne peux écarter la possibilité que d’autres situations se présentent, je n’ai aucun doute, compte tenu de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, que les requérants engagés dans des litiges concernant le Règlement s’assureront, en demandant s’il le faut une audience accélérée en vertu de la règle 327.1 des Règles de la Cour fédérale, que la Cour se prononce sur ces affaires avant l’expiration du sursis réglementaire et, au besoin, que les demandes de prorogation nécessaires en application du paragraphe 7(5) du Règlement, seront présentées bien avant l’expiration du sursis réglementaire.

(p. 461)

 

[...]

 

Dans les circonstances, je suis convaincu qu’à l’expiration du sursis réglementaire, la Cour n’a plus compétence pour délivrer une ordonnance d’interdiction en vertu du paragraphe 6(2) ni une ordonnance de prorogation en vertu du paragraphe 7(5).

(p. 461)

 

[...]

 

[25]                 Je suis d’accord avec cette conclusion ainsi qu’avec le raisonnement qui la sous‑tend.

 

[26]                 L’avocat d’Abbott souligne que le juge Rothstein s’est prononcé à l’égard de la compétence de la Cour fédérale (Section de première instance). Selon lui, la compétence de la Cour d’appel pour entendre, en vertu de l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7 (la Loi sur les Cours fédérales), les appels interjetés de jugements définitifs de la Cour fédérale n’est aucunement affectée par le raisonnement du juge Rothstein. Il soutient qu’en l’absence d’une disposition contraire, il convient de donner effet au droit d’appel prévu par la Loi sur les Cours fédérales.

 

[27]                 En toute déférence, j’estime que le raisonnement du juge Rothstein fait ressortir l’intention évidente du législateur de voir toute requête en interdiction aboutir avant l’expiration du délai réglementaire de 24 mois prévu à l’alinéa 7(1)e) du Règlement ou de toute prorogation de ce délai accordée, au cours de la période en question, en vertu du paragraphe 7(5). Le fait de permettre à ce genre de demandes de se poursuivre après l’expiration du délai réglementaire, quel que soit le tribunal saisi, est contraire à l’intention ainsi manifestée et compromet le mécanisme instauré par le gouverneur en conseil dans le cadre du Règlement.

 

[28]                 Comme l’a affirmé le juge Strayer, dans le passage cité par le juge en chef Isaac (voir le par. 19 ci‑dessus), ce délai de 24 mois devait sans doute permettre de rappeler tant aux parties qu’à la Cour, le caractère sommaire de la procédure en question et la nécessité de procéder avec célérité. La trop faible attention apportée à ce délai a fini par imprimer à cette procédure sommaire les lenteurs caractéristiques des actions en contrefaçon de brevet, qui prennent couramment plusieurs jours et parfois des semaines. En fin de compte, on finit par consacrer à ces procédures, censées être sommaires, des ressources judiciaires considérables, et cela au détriment d’autres types d’affaires qui portent pourtant sur des problèmes d’intérêt public plus importants. J’estime que l’expiration du délai de 24 mois met un terme définitif à une requête en interdiction.

 

[29]                 Étant donné que plus de 24 mois se sont écoulés depuis le dépôt, par Abbott, d’une requête visant à obtenir une ordonnance d’interdiction et étant donné aussi que l’ordonnance prorogeant ce délai est elle‑même venue à expiration le 30 décembre 2006, je conclus que la Cour d’appel fédérale, tout comme la Cour fédérale, n’a plus compétence pour rendre l’ordonnance sollicitée par Abbott.

 

[30]                 Cela étant, il n’y a pas lieu pour moi de me prononcer sur l’argument d’Apotex selon lequel il en va de même lorsqu’une requête en interdiction est rejetée par la Cour fédérale avant l’expiration du délai de 24 mois (ou du délai prorogé).

 

[31]                 Étant donné que c’est la première décision portant directement sur l’effet que l’expiration du délai réglementaire peut avoir sur la compétence de la Cour d’appel fédérale, il est prudent d’examiner néanmoins le fond de l’appel en se fondant sur l’hypothèse que la Cour a effectivement compétence pour accorder le redressement sollicité par Abbott.

 

LE BIEN‑FONDÉ DE L’APPEL

[32]                 En ce qui concerne la première question soulevée dans le cadre du présent appel, la revendication 31 est formulée en ces termes :

[traduction] L’utilisation de la forme 0 [clarithromycine] d’éthanolate dans la préparation de la forme II de la [clarithromycine] pour obtenir un antibiotique.

 

[33]                 Abbott ne conteste pas la conclusion de la juge Heneghan selon laquelle la revendication 31 n’est pas une revendication pour le « médicament en soi ». Elle pose simplement la question de savoir si la juge Heneghan a eu raison de conclure que la revendication 31 n’est pas une revendication admissible en vertu du Règlement puisqu’il ne s’agit pas (article 2) d’une « [...] revendication pour l’utilisation du médicament aux fins du diagnostic, du traitement, de l’atténuation ou de la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes ».

 

[34]                 Abbott soutient que c’est à tort que la juge Heneghan a statué que la revendication 31 n’est pas une revendication pour l’utilisation du médicament. Selon la juge de première instance, il ressort de la revendication 31 que « c’est l’utilisation de la forme 0 pour fabriquer autre chose, c’est‑à‑dire la forme II, qui est revendiquée » (motifs, par. 120). Selon Abbott, la juge de première instance a commis une erreur en n’accordant aucune importance aux mots [traduction] « pour obtenir un antibiotique » qui figurent dans la revendication 31.

 

[35]                 Abbott prétend que si l’on donne de la revendication 31 une interprétation téléologique, il s’agit d’une revendication pour l’utilisation du médicament, la revendication pouvant donc, à ce titre, figurer sur la liste des brevets. Autrement dit, s’il avait été tenu compte du membre de phrase [traduction] « pour obtenir un antibiotique », on aurait reconnu qu’il s’agissait d’une utilisation admissible.

 

[36]                 Abbott fait valoir à cet égard que la revendication 31 devrait être interprétée avec la revendication 30, qui lui est identique sauf qu’elle ne comprend pas les mots [traduction] « pour obtenir un médicament ». Selon Abbott, il convient d’accorder une signification à ces mots qui se trouvent dans la revendication 31 et, en décidant de n’en pas tenir compte, la juge Heneghan a commis une erreur de droit.

 

[37]                 Je ne crois pas que, dans son interprétation de la revendication 31, la juge Heneghan n’a pas tenu compte du membre de phrase [traduction] « pour obtenir un antibiotique ». En effet, ce membre de phrase revient à plusieurs reprises dans ses motifs. Après une lecture attentive de ses motifs, on constate qu’elle a dit que toute personne versée dans l’art aurait interprété la revendication 31 comme visant l’utilisation de la forme 0 pour obtenir la forme II, estimant que les derniers mots de la revendication n’étaient pas essentiels pour l’invention revendiquée (motifs, par. 104 et 120 à 134). Dans le cadre du présent appel, il s’agit de déterminer si la juge pouvait effectivement tirer cette conclusion. En toute déférence, j’estime qu’elle le pouvait.

 

[38]                 Selon le sens clair de la revendication 31, il s’agit de l’utilisation d’une substance (la clarithromycine de forme 0) pour obtenir une autre substance (la clarithromycine de forme II). À cette fin, il s’agit de chauffer la forme 0 à de très fortes températures (entre 70°C et 110°C).

 

[39]                 La portée des 68 revendications du brevet 361 varie, mais toutes les revendications concernent l’utilisation de la forme 0 pour obtenir la forme II. Aucune ne se présente comme revendiquant la clarithromycine de forme 0 en tant que médicament. Les revendications de la clarithromycine de forme 0 en soi et de l’utilisation de la forme 0 en tant qu’antibiotique figurent dans le brevet 2,277,274 déposé en même temps que le brevet 361 (dossier d’appel, vol. VI, p. 2270).

 

[40]                 Par contre, l’utilisation de la forme II en tant qu’antibiotique est divulguée dans le brevet 2,258,606 qui a été déposé avant le brevet 361 et dont la date de la revendication précède celle du brevet 361 (ibid.).

 

[41]                 Il convient de souligner que l’expert cité par Abbott (M. Byrn) a entièrement passé sous silence le membre de phrase [traduction] « pour obtenir un antibiotique » dans sa description de ce que revendique le brevet 361 (dossier d’appel, vol. VI, p. 2171 et 2172). Dans un même ordre d’idées, M. Atwood (qui lui aussi a témoigné comme expert pour le compte d’Abbott) ne considère pas, lui non plus, que le membre de phrase [traduction] « pour obtenir un antibiotique » est essentiel à la revendication (dossier d’appel, vol. VII, p. 2645).

 

[42]                 De plus, la seule utilisation reconnue de la forme II était en tant qu’antibiotique. C’est ce que déclare M. Byrn au paragraphe 296 de son affidavit (dossier d’appel, vol. VI, p. 2333). Il est vrai, comme le fait remarquer l’avocat d’Abbott, que la déclaration de M. Byrn concerne les comprimés de clarithromycine, mais le témoignage de M. Byrn ne permet pas de penser que la forme II utilisée pour les comprimés en question avait une autre utilisation.

 

[43]                 Même si la Cour devrait s’efforcer de donner aux revendications qui ne sont pas formulées de la même manière une interprétation qui tient compte de ces différences, la juge Heneghan était en l’occurrence parfaitement fondée à conclure que le membre de phrase [traduction] « pour obtenir un antibiotique », qui se trouve à la fin de la revendication 31, n’ajoute rien à l’invention revendiquée. Ces mots décrivent tout au plus l’utilité de la forme II obtenue au moyen de l’invention revendiquée. Il était bien connu que la clarithromycine de forme II est employée comme antibiotique. On n’ajoute à l’invention en précisant qu’il s’agit d’un antibiotique employé comme antibiotique.

 

[44]                 Je signale enfin que la juge Heneghan a parfois dit que le brevet 361 (ou certaines parties de ce brevet) ne satisfont pas « aux critères d’admissibilité pour inscription sur la liste de brevet » (voir, par exemple, le par. 134 de ses motifs). La question de l’admissibilité d’un brevet aux fins de son inscription au registre est généralement invoquée dans le cadre d’une requête distincte présentée en vertu de l’alinéa 6(5)a) du Règlement (voir Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), (2000), 3 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.), tel qu’il a été appliqué dans la décision Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 650, aux par. 59 à 64). Une telle requête ne semble cependant pas avoir été présentée dans le cadre de la présente affaire.

 

[45]                 Cela importe peu en l’espèce étant donné que la conclusion à laquelle la juge Heneghan est parvenue sur ce point est correctement exposée au paragraphe 133 de ses motifs, où elle statue que pareille revendication « n’est pas admissible sous le régime du Règlement AC ».

 

[46]                 La juge Heneghan n’ayant commis aucune erreur en tirant cette conclusion, il n’est par conséquent pas nécessaire pour nous d’examiner l’argument subsidiaire avancé par Apotex qui invoque l’invalidité du brevet 361 pour cause d’évidence et d’antériorité. S’il avait été nécessaire d’analyser cette question, il aurait fallu poursuivre l’audition du présent appel au‑delà de la journée qui y avait été affectée en urgence. Je souligne à cet égard que l’audience de la Cour fédérale a duré six jours, les débats ayant été pour l’essentiel consacrés à l’examen des antériorités et de la preuve concernant l’évidence et l’état de la technique. N’étant pas en mesure sur ce point de se fonder sur les motifs d’une décision antérieure, la Cour estime que la question de la validité relève d’un jugement de première instance.

 

[47]                 À l’audience, l’avocat d’Apotex a soutenu avec insistance que si l’examen de cette question se révélait nécessaire, l’affaire devrait être renvoyée à la juge Heneghan afin de préserver le droit d’appel des parties. Selon lui, sa cliente s’engage à ne pas soulever la question de la compétence devant la Cour fédérale afin, justement, de permettre que le dossier lui soit renvoyé. Toutefois, il ne me semble pas que ce soit la bonne manière de procéder étant donné que la compétence d’un tribunal ne saurait être affaire de consentement.

 

[48]                 Il en résulte que si la Cour d’appel fédérale n’a pas compétence pour accorder le redressement sollicité par Abbott, et si je me trompe quant à la question de l’admissibilité, l’affaire devra lui être renvoyée afin qu’elle se prononce sur l’allégation d’invalidité formulée à l’encontre du brevet 361.


 

[49]                 Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Marc Noël »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 

 


 

 

LE JUGE NADON

 

[50]                 Je conviens avec mon confrère le juge Noël, et pour les mêmes motifs que lui, que la juge Heneghan n’a commis aucune erreur en concluant que la revendication 31 du brevet 361 n’était pas une revendication pour l’utilisation du médicament, mais je ne peux pas être d’accord avec lui lorsqu’il affirme que le délai réglementaire de 24 mois étant expiré, la Cour d’appel fédérale, tout comme la Cour fédérale, n’a plus compétence pour rendre l’ordonnance sollicitée par les appelantes.

 

[51]                 La conclusion à laquelle le juge Noël est parvenu sur ce point se fonde en grande partie sur le raisonnement du juge Rothstein (maintenant juge à la Cour suprême du Canada) dans la décision Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (1997), 72 C.P.R. (3d) 453 (C.F. 1re inst.). Mon confrère se fonde en outre sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., [2001] A.C.F. no 17.

 

[52]                 À mon avis, l’arrêt Pfizer, précité, n’étaye pas la conclusion à laquelle est parvenu mon confrère. Ainsi que ce dernier le rappelle au paragraphe 17 de ses motifs, le ministre, dans l’arrêt Pfizer, précité, avait déjà délivré un avis de conformité à Apotex à l’époque où la Cour d’appel a entendu l’appel. C’est ce qui a amené le juge en chef Isaac à conclure, au nom de la Cour, que l’appel était devenu théorique étant donné que la Cour n’était plus en mesure de rendre l’ordonnance sollicitée par Pfizer, c’est-à-dire une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex. Précisons que le juge en chef Isaac n’a pas conclu qu’en raison de l’expiration du délai réglementaire, la Cour n’avait pas compétence pour rendre l’ordonnance qui lui était demandée, mais plutôt que la Cour n’exercerait pas sa compétence la question étant devenue théorique.

 

[53]                 Je ne saurais donc conclure que les motifs du juge en chef Isaac signifient qu’une procédure engagée par la première personne en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement ne peut pas se poursuivre au‑delà du délai réglementaire de 24 mois.

 

[54]                 Je passe maintenant à la décision rendue par le juge Rothstein dans l’affaire Merck, précitée, où il a conclu qu’après l’expiration du délai réglementaire de 30 mois (ramené depuis à 24 mois), la Cour ne peut plus rendre une ordonnance d’interdiction en vertu du paragraphe 6(2) du Règlement. Voici les motifs qui ont amené le juge Rothstein à tirer une telle conclusion.

 

[55]                 Premièrement, selon le juge Rothstein, le fait que le Règlement ne permettait pas à la Cour, après l’expiration du délai réglementaire, d’ordonner, par certiorari, l’annulation d’un avis de conformité délivré par le ministre portait inévitablement à conclure qu’une fois expiré le délai réglementaire, la Cour n’avait plus compétence pour accorder un redressement en vertu du Règlement. Autrement dit, que le ministre ait ou non délivré un avis de conformité, une fois le délai réglementaire expiré, la Cour n’avait plus compétence.

 

[56]                 Deuxièmement, l’objet même du Règlement permettait de conclure qu’une fois expiré le délai réglementaire, la Cour n’avait plus compétence étant donné que le Règlement prévoyait une procédure sommaire permettant de déterminer si la seconde personne pouvait effectivement commencer la commercialisation de son produit.

 

[57]                 Le juge Rothstein a par conséquent conclu que le délai réglementaire avait pour raison d’être de bien faire comprendre aux parties que, sous réserve d’une éventuelle prorogation du délai par la Cour, toute demande d’interdiction devait être menée à terme dans les délais prévus. À la page 460, le juge Rothstein a expliqué son point de vue de la manière suivante :

Interpréter le Règlement comme maintenant le droit d’interdiction indéfiniment, sans égard à l’expiration du sursis réglementaire, serait contraire à la manière expéditive dont l’instance prévue au Règlement doit être conduite.

 

                Ainsi que je l’ai indiqué, si le droit d’interdiction survit à l’expiration du sursis réglementaire, le Règlement devrait avoir aussi prévu un recours en cas de délivrance par le ministre d’un avis de conformité avant que la Cour n’ordonne l’interdiction, c’est‑à‑dire un bref de certiorari permettant d’annuler l’avis de conformité. Le Règlement ne prévoit aucun droit ni aucun recours semblables. Vu le sursis réglementaire prescrit, il est difficile de croire que le Règlement envisage une course entre le ministre et la Cour après expiration du sursis réglementaire sans recours pour le breveté au cas où le ministre délivre un avis de conformité pour un procédé opérant contrefaçon avant que la Cour ne délivre une ordonnance d’interdiction.

 

[58]                 En toute déférence, je ne peux pas souscrire au raisonnement du juge Rothstein. À mon avis, à l’expiration du délai réglementaire, ni la Cour fédérale ni la Cour d’appel fédérale ne perdent leur compétence.

 

[59]                 Commençons par reproduire les paragraphes 6(1), (2), (3) ainsi que l’article 7 du Règlement, dispositions qui, manifestement, sont essentielles à toute conclusion sur ce point :

 6. (1) La première personne peut, au plus tard quarante‑cinq jours après avoir reçu signification d’un avis d’allégation aux termes de l’alinéa 5(3)a), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer l’avis de conformité avant l’expiration du brevet en cause.

 

 (2) Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l’égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu’aucune des allégations n’est fondée.

 

 (3) La première personne signifie au ministre, dans la période de 45 jours visée au paragraphe (1), la preuve que la demande visée à ce paragraphe a été faite.

 

[...]

 

7. (1) Le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive des dates suivantes :

a) [Abrogé, DORS/98‑166, art. 6]

b) la date à laquelle la seconde personne se conforme à l’article 5;

c) sous réserve du paragraphe (3), la date d’expiration de tout brevet inscrit au registre qui ne fait pas l’objet d’une allégation;

d) sous réserve du paragraphe (3), la date qui suit de quarante‑cinq jours la date de réception de la preuve de signification de l’avis d’allégation visé à l’alinéa 5(3)a) à l’égard de tout brevet ajouté au registre;

e) sous réserve des paragraphes (2), (3) et (4), la date qui suit de 24 mois la date de réception de la preuve de présentation de la demande visée au paragraphe 6(1);

f) la date d’expiration de tout brevet faisant l’objet d’une ordonnance rendue aux termes du paragraphe 6(1).

 

 (2) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si, à l’égard de chaque brevet visé par une demande au tribunal aux termes du paragraphe 6(1) :

a) soit le brevet est expiré;

b) soit le tribunal a déclaré que le brevet n’est pas valide ou qu’aucune revendication de l’ingrédient médicinal, revendication de la formulation, revendication de la forme posologique ni revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal ne seraient contrefaites.

 (3) Les alinéas (1)c), d) et e) ne s’appliquent pas à l’égard d’un brevet si le propriétaire de celui‑ci a consenti à ce que la seconde personne utilise, fabrique, construise ou vende la drogue au Canada.

 

 (4) L’alinéa (1)e) cesse de s’appliquer à l’égard de la demande visée au paragraphe 6(1) si celle‑ci est retirée ou fait l’objet d’un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi.

 

 (5) Lorsque le tribunal n’a pas encore rendu d’ordonnance aux termes du paragraphe 6(1) à l’égard d’une demande, il peut :

a) abréger le délai visé à l’alinéa (1)e) avec le consentement de la première personne et de la seconde personne, ou s’il conclut que la première personne n’a pas, au cours de l’instance relative à la demande, collaboré de façon raisonnable au règlement expéditif de celle‑ci;

b) proroger le délai visé à l’alinéa (1)e) avec le consentement de la première personne et de la seconde personne, ou s’il conclut que la seconde personne n’a pas, au cours de l’instance relative à la demande, collaboré de façon raisonnable au règlement expéditif de celle‑ci.

 

 6. (1) A first person may, within 45 days after being served with a notice of allegation under paragraph 5(3)(a), apply to a court for an order prohibiting the Minister from issuing a notice of compliance until after the expiration of a patent that is the subject of the notice of allegation.

 

 

 (2) The court shall make an order pursuant to subsection (1) in respect of a patent that is the subject of one or more allegations if it finds that none of those allegations is justified.

 

 (3) The first person shall, within the 45 days referred to in subsection (1), serve the Minister with proof that an application referred to in that subsection has been made.

 

 

7. (1) The Minister shall not issue a notice of compliance to a second person before the latest of

 

(a) [Repealed, SOR/98‑166, s. 6]

(b) the day on which the second person complies with section 5,

(c) subject to subsection (3), the expiration of any patent on the register that is not the subject of an allegation,

 

(d) subject to subsection (3), the expiration of 45 days after the receipt of proof of service of a notice of allegation under paragraph 5(3)(a) in respect of any patent on the register,

 

(e) subject to subsections (2), (3) and (4), the expiration of 24 months after the receipt of proof of the making of any application under subsection 6(1), and

(f) the expiration of any patent that is the subject of an order pursuant to subsection 6(1).

 

 (2) Paragraph (1)(e) does not apply if at any time, in respect of each patent that is the subject of an application pursuant to subsection 6(1),

(a) the patent has expired; or

(b) the court has declared that the patent is not valid or that no claim for the medicinal ingredient, no claim for the formulation, no claim for the dosage form and no claim for the use of the medicinal ingredient would be infringed.

 

 (3) Paragraphs (1)(c), (d) and (e) do not apply in respect of a patent if the owner of the patent has consented to the making, constructing, using or selling of the drug in Canada by the second person.

 

 (4) Paragraph (1)(e) ceases to apply in respect of an application under subsection 6(1) if the application is withdrawn or discontinued by the first person or is dismissed by the court hearing the application.

 

 (5) If the court has not yet made an order under subsection 6(1) in respect of an application, the court may

 

(a) shorten the time limit referred to in paragraph (1)(e) on consent of the first and second persons or if the court finds that the first person has failed, at any time during the proceeding, to reasonably cooperate in expediting the application; or

 

(b) extend the time limit referred to in paragraph (1)(e) on consent of the first and second persons or, if the court finds that the second person has failed, at any time during the proceeding, to reasonably cooperate in expediting the application.

 

 

[60]                 Premièrement, qu’il me soit permis de donner mon avis sur le Règlement et, plus particulièrement, sur la signification du délai réglementaire de 24 mois. Ce délai a manifestement pour raison d’être d’empêcher le ministre de délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant l’expiration du délai réglementaire. Cependant, vu l’article 7 du Règlement, la première personne est clairement avertie du fait qu’elle doit mener à terme, dans le délai prévu, toute procédure qu’elle a engagée car, dans le cas contraire, le ministre pourra effectivement délivrer un avis de conformité à la seconde personne. La Cour ne peut proroger le délai réglementaire qu’avec le consentement de la première et de la seconde personne, ou si elle conclut que la seconde personne n’a pas « collaboré de façon raisonnable au règlement expéditif de [la demande] » (al. 7(5)b) du Règlement).

 

[61]                 C’est dire qu’après l’expiration du délai de 24 mois, le ministre peut délivrer un avis de conformité à une seconde personne, à moins d’y être empêché par une ordonnance d’interdiction. Mais, d’après moi, cela ne veut pas nécessairement dire qu’après l’expiration du délai réglementaire, la Cour ne peut plus rendre une ordonnance d’interdiction en vertu du paragraphe 6(1). Ainsi que je l’ai expliqué un peu plus haut dans le cadre de mon analyse des motifs du juge en chef Isaac dans l’arrêt Pfizer, précité, ce n’est pas parce qu’elle n’avait pas compétence pour le faire que la Cour a refusé de rendre l’ordonnance qui lui était demandée, mais parce que l’appel était devenu théorique étant donné que le ministre avait déjà délivré un avis de conformité.

 

[62]                 Deuxièmement, le Règlement ne contient aucune disposition prévoyant, expressément ou implicitement, qu’après l’expiration du délai réglementaire, la Cour n’a plus compétence pour rendre une ordonnance d’interdiction.

 

[63]                 Troisièmement, on ne saurait contester que l’article 7, sauf en ce qui concerne son paragraphe 5, s’adresse uniquement au ministre et prévoit expressément dans quelles conditions celui‑ci peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne. Le paragraphe 7(5) fixe les conditions dans lesquelles la Cour peut soit abréger soit proroger le délai réglementaire. Cependant, il n’y a, selon moi, rien à l’article 7 qui permette de conclure que toute procédure engagée par la première personne en vertu du paragraphe 6(1) doit nécessairement être menée à terme avant l’expiration du délai réglementaire et que la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale n’ont plus compétence à l’expiration de ce délai.

 

[64]                 Les paragraphes 6(1) et (2), par contre, portent directement sur l’ordonnance que la première personne sollicite de la Cour et ni l’une ni l’autre de ces deux dispositions ne permettent de penser que la procédure engagée à ce titre doit être menée à terme avant l’expiration du délai fixé à l’article 7.

 

[65]                 Ainsi, aucun délai n’est imposé à la Cour fédérale ou à la Cour d’appel fédérale en ce qui concerne la délivrance de l’ordonnance sollicitée par la première personne, si ce n’est que l’affaire peut effectivement devenir théorique si le ministre délivre un avis de conformité avant que l’ordonnance sollicitée soit rendue. Si, par conséquent, au terme du délai réglementaire, aucune ordonnance d’interdiction n’a été rendue, le ministre peut, selon l’article 7 du Règlement, délivrer un avis de conformité à la seconde personne. Si le ministre procède ainsi, l’affaire portée devant la Cour deviendra théorique. Toutefois, si, à l’expiration du délai de 24 mois, le ministre n’a toujours pas délivré un avis de conformité à la seconde personne, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale peuvent toujours rendre une ordonnance d’interdiction. En pareil cas, le ministre sera selon moi empêché de délivrer un avis de conformité à la seconde personne.

 

[66]                 Encore une fois, l’article 7 ne contient rien qui prévoit ou permet de croire que l’ordonnance fondée sur le paragraphe 6(1) doit être rendue avant l’expiration du délai réglementaire. J’estime par conséquent que l’ordonnance visée à l’alinéa 7(1)f) peut être rendue après l’expiration du délai réglementaire. C’est pourquoi dans l’hypothèse où, au terme du délai de 24 mois, le ministre n’a toujours pas délivré un avis de conformité à la seconde personne, il peut en être empêché par une ordonnance de la Cour.

 

[67]                 Le fondement de la conclusion à laquelle mon confrère est parvenu quant à la compétence ressort clairement des paragraphes 27 et 28 de ses motifs, que je reproduis ci‑dessous afin d’en faciliter la consultation :

[27]         En toute déférence, j’estime que le raisonnement du juge Rothstein fait ressortir l’intention évidente du législateur de voir toute requête en interdiction aboutir avant l’expiration du délai réglementaire de 24 mois prévu à l’alinéa 7(1)e) du Règlement ou de toute prorogation de ce délai accordée, au cours de la période en question, en vertu du paragraphe 7(5). Le fait de permettre à ce genre de demandes de se poursuivre après l’expiration du délai réglementaire, quel que soit le tribunal saisi, est contraire à l’intention ainsi manifestée et compromet le mécanisme instauré par le gouverneur en conseil dans le cadre du Règlement.

 

[28]         Comme l’a affirmé le juge Strayer, dans le passage cité par le juge en chef Isaac (voir le par. 19 ci‑dessus), ce délai de 24 mois devait sans doute permettre de rappeler tant aux parties qu’à la Cour, le caractère sommaire de la procédure en question et la nécessité de procéder avec célérité. La trop faible attention apportée à ce délai a fini par imprimer à cette procédure sommaire les lenteurs caractéristiques des actions en contrefaçon de brevet, qui prennent couramment plusieurs jours et parfois des semaines. En fin de compte, on finit par consacrer à ces procédures, censées être sommaires, des ressources judiciaires considérables, et cela au détriment d’autres types d’affaires qui portent pourtant sur des problèmes d’intérêt public plus importants. J’estime que l’expiration du délai de 24 mois met un terme définitif à une requête en interdiction.

 

 

[68]                 Ces passages m’inspirent deux commentaires. Le premier est que, même dans l’hypothèse où des ressources judiciaires considérables sont mises en œuvre par la première et la seconde personne « au détriment d’autres types d’affaires qui portent pourtant sur des problèmes d’intérêt public plus importants », cela ne permet néanmoins pas de conclure que l’expiration du délai réglementaire met fin à la compétence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale à l’égard d’une demande présentée en vertu du paragraphe 6(1). Deuxièmement, et j’espère être parvenu à le démontrer, rien ne permet de conclure, à la lecture du Règlement, que le législateur a manifestement voulu que toute demande d’interdiction soit tranchée avant l’expiration du délai de 24 mois.

 

[69]                 Un dernier commentaire. Si le juge Noël a raison, il sera difficile aux parties, à moins qu’elles conviennent toutes deux d’une prorogation du délai comme le prévoit l’alinéa 7(5)b), d’interjeter appel devant la Cour d’appel fédérale et impossible pour elles de se pourvoir devant la Cour suprême du Canada.

 

[70]                 Je ne peux donc pas conclure que l’ordonnance sollicitée par les appelantes ne peut pas être rendue après l’expiration du délai de 24 mois. Autrement dit, je considère que si nous nous étions prononcés différemment sur le fond de l’appel, nous aurions pu interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex.

 

[71]                 Les appelantes n’étant cependant pas parvenues à nous convaincre que la juge Heneghan a statué à tort que la revendication 31 du brevet n’est pas une revendication admissible en vertu du Règlement, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« M. Nadon »

Juge

 

 

 

« Je souscris aux présents motifs

    Alice Desjardins, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A‑59‑07

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE EN DATE DU 11 JANVIER 2007, DOSSIER T‑1847‑03

 

INTITULÉ :                                                                           Abbott Laboratories et Abbott Laboratories Limited

                                                                                                c.

                                                                                                Le ministre de la Santé et Apotex Inc.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 18 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Nadon

 

Y A SOUSCRIT :                                                                   La juge Desjardins

 

MOTIFS CONCOURANTS (SAUF SUR

LA QUESTION DE LA COMPÉTENCE) :                        LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 16 MAI 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew J. Reddon, Steven G. Mason

POUR LES APPELANTES

 

Andrew Brodkin, Richard Naiberg

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault LLP, Toronto (Ontario)                               POUR LES APPELANTES

 

Goodmans, LLP, Toronto (Ontario)                                          POUR L’INTIMÉE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.