Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20070518

Dossier : A-439-06

Référence : 2007 CAF 197

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE SEXTON              

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

DALE MCGREGOR

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

LYNNE LAJOIE et SUSAN MCKENZIE

intimés

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 2 mai 2007

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 mai 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE LINDEN

                                                                                                                                  LE JUGE RYER

 


 

 

Date : 20070518

Dossier : A-439-06

Référence : 2007 CAF 197

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE SEXTON              

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

DALE MCGREGOR

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

LYNNE LAJOIE et SUSAN MCKENZIE

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SEXTON

[1]               Dale McGregor a participé sans succès à un concours interne visant à pourvoir des postes au sein du Service correctionnel du Canada (le Ministère). Il a été débouté des appels qu’il a par la suite interjeté devant le Comité d’appel de la Commission de la fonction publique (le Comité d’appel), en vertu de l’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33 (la LEFP), des sélections faites en vue de la nomination aux postes en question. Le juge von Finckenstein, de la Cour fédérale, a également débouté M. McGregor de sa demande de contrôle judiciaire de la décision du comité d’appel (Dale McGregor c. Procureur général du Canada et al., 2006 CF 1193).

 

[2]               M. McGregor se porte maintenant en appel devant notre Cour. Il maintient que c’est à tort que le juge von Finckenstein et le comité d’appel ont conclu que, dans le cadre d’un appel interjeté en vertu de l’article 21 de la LEFP, c’est à l’appelant qu’il incombe d’attaquer le processus de sélection. Il maintient par ailleurs que le comité d’appel ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve pour justifier ses conclusions.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter l’appel.

 

CONTEXTE

[4]               M. McGregor a participé à un concours interne visant à pourvoir le poste d’administrateur régional, Ressources humaines, Service correctionnel du Canada (SCC), pour les régions du Pacifique et de l'Ontario. Ce concours faisait suite à un appel interjeté par M. McGregor à l’égard d’un concours antérieur visant à pourvoir le même poste dans la région du Pacifique. Le jury de sélection avait évalué les candidats qui possédaient les études et l’expérience requises en leur faisant passer un examen écrit visant à vérifier leurs connaissances et il avait évalué leurs capacités et qualités personnelles au moyen d’exercices de simulation et d’une entrevue dirigée. On a également procédé à une vérification des références pour s’assurer de l’exactitude des renseignements fournis au sujet des qualités personnelles.

 

[5]               M. McGregor n’a pas réussi l’examen des connaissances et, par conséquent, il n’a pas participé aux autres éléments de la procédure d’évaluation et sa candidature a été rejetée.

 

[6]               M. McGregor a alors interjeté appel devant le comité d’appel, en vertu de l’article 21 de la LEFP, des sélections faites en vue de la nomination.

 

DÉCISIONS DES TRIBUNAUX INFÉRIEURS

1)      Décision du comité d’appel

[7]               Devant le comité d’appel, M. McGregor a allégué qu’un des candidats retenus ne répondait pas aux exigences du poste en matière d’études. Il a également soutenu qu’un avantage indu avait été conféré aux candidats retenus parce qu’ils avaient été nommés à titre intérimaire aux postes classés PE-06 ou l’équivalent avant ou après le concours initial, sur lequel portait le premier appel interjeté par M. McGregor. Enfin, M. McGregor affirmait que le déroulement du concours était entaché de nombreuses irrégularités et il a essentiellement fait valoir que le jury de sélection ne disposait pas d’éléments de preuve suffisants pour démontrer que les candidats les plus méritants avaient été choisis.

 

[8]               Le comité d’appel a rejeté toutes les allégations de M. McGregor, estimant que rien ne le justifiait d’intervenir en réponse à l’affirmation de M. McGregor suivant laquelle les candidats retenus ne satisfaisaient pas aux exigences en matière d’études ou avaient bénéficié d’un avantage indu au cours du processus de sélection. De même, le comité d’appel a estimé que le déroulement du processus de sélection n’était entaché d’aucune irrégularité. Il a expliqué qu’il incombait à M. McGregor de démontrer que le jury de sélection n’avait pas respecté le principe du mérite. Le comité d’appel a estimé que M. McGregor ne s’était pas acquitté de ce fardeau et il a par conséquent rejeté ses appels.

 

2)      Décision du juge von Fickenstein

[9]               M. McGregor a saisi la Cour fédérale d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du comité d’appel. Devant le juge von Fickenstein, M. McGregor a soutenu que le comité d’appel avait commis deux erreurs. Il a tout d’abord affirmé que le comité d’appel avait commis une erreur en l’obligeant à présenter une preuve à l’appui de ses allégations. En second lieu, M. McGregor a soutenu que le comité d’appel avait commis une erreur en concluant que le jury de sélection avait démontré qu’il disposait d’éléments de preuve suffisants pour justifier ses évaluations. Le juge von Finckenstein a jugé mal fondés les deux moyens invoqués au soutien de la demande de contrôle judiciaire.

 

[10]           Le juge von Finckenstein a souligné que le processus d’appel prévu par la LEFP est de nature contradictoire et qu’il revient à l’appelant d’établir qu'il existe une possibilité réelle que le principe du mérite n'a pas été respecté. À son avis, ce n’est qu’une fois que l’appelant s’est acquitté de ce fardeau que la charge de la preuve est déplacée sur le jury de sélection, à qui il revient alors de démontrer qu’il disposait d’éléments de preuve suffisants pour justifier ses évaluations. Au sujet des allégations de M. McGregor suivant lesquelles la notation de l’examen portant sur les connaissances était incohérente, le juge von Fickenstein a estimé qu’il n’avait rien à redire à la conclusion du comité d’appel suivant laquelle M. McGregor ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer les incohérences en question.

 

[11]           Vu cette conclusion, le juge von Fickenstein a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’argument de M. McGregor suivant lequel le jury de sélection n’avait pas présenté de preuves convaincantes pour justifier son évaluation des capacités et des qualités personnelles des candidats. M. McGregor a soutenu devant le juge von Fickenstein que, comme le seul témoin convoqué par le Ministère n’était pas en mesure de fournir des détails sur la façon dont les capacités et les qualités personnelles des candidats avaient été évaluées, il lui était impossible de contester la cohérence ou la justesse des notes accordées. Le juge von Finckenstein a toutefois signalé que, comme M. McGregor avait échoué à l’examen des connaissances, il n’avait pas été évalué à l’égard de ses capacités et qualités personnelles. Comme il avait conclu que le Comité d’appel n’avait pas commis d’erreur dans ses conclusions concernant le facteur des connaissances, le juge von Finckenstein a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les allégations de M. McGregor au sujet des deux autres facteurs à l’égard desquels il n’a pas été évalué. Le juge von Fickenstein a par conséquent rejeté la demande de contrôle judiciaire.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[12]           Le présent appel soulève trois grandes questions :

1.                  Sur qui repose la charge de la preuve dans le cas d’un appel interjeté en vertu de l’article 21 de la LEFP?

2.                  Le juge von Fickenstein a-t-il commis une erreur en refusant d’examiner l’allégation de M. McGregor suivant laquelle le jury de sélection n’avait pas respecté le principe du mérite dans la façon dont il avait évalué les capacités et les qualités personnelles des candidats?

3.                  Était-il raisonnable de la part du comité d’appel de conclure que M. McGregor n’avait pas démontré qu’il existait une réelle possibilité que le principe du mérite n’avait pas été respecté au cours du processus de sélection?

 

NORME DE CONTRÔLE

1)      Révision de la décision du comité d’appel

[13]           Les parties s’entendent sur la norme de contrôle applicable à la décision du comité d’appel. Elles reconnaissent toutes les deux, avec raison, que la norme de contrôle qui s’applique aux décisions du comité d’appel est celle de la décision correcte (Boucher c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 86, au paragraphe 7 (C.A.F.), Buttar c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 437, au paragraphe 17 (C.A.F.)). La question de savoir sur qui repose la charge de la preuve dans le cadre d’une instance est une question de droit.

 

[14]           En revanche, c’est la norme de la décision raisonnable qu’il convient d’appliquer lorsqu’il s’agit de contrôler des questions mixtes de droit et de fait, comme celle de savoir si les conclusions du comité d’appel reposaient sur la preuve (Chopra c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 374, au paragraphe 3, Davies c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 41, au paragraphe 23).

 

2)      Examen de la décision du juge von Fickenstein

[15]           En appel, la norme de contrôle applicable dépend de la nature des questions en litige. En principe, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique aux questions de droit (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, au  paragraphe 8 (Housen)). Les conclusions de fait sont pour leur part assujetties à la norme de l’erreur manifeste et dominante (arrêt Housen, au paragraphe 10). La norme de l’erreur manifeste et dominante s’applique aussi aux questions mixtes de fait et de droit, à moins que le juge de première instance n’ait clairement commis une erreur de principe isolable, auquel cas c’est la norme de la décision correcte qui s’applique (arrêt Housen, au paragraphe 37).

 

ANALYSE

1)      Fardeau de la preuve

[16]           M. McGregor affirme que l’appel interjeté devant le comité d’appel en vertu de l’article 21 de la LEFP diffère des autres appels quasi judiciaires. Il souligne que la procédure que commande le paragraphe 21(1) est une « enquête ». À son avis, cette enquête ne vise pas à protéger les droits de l’appelant, mais plutôt à s’assurer qu’on a respecté le « principe du mérite », qui exige que l’on recrute les meilleurs candidats possibles pour un poste. M. McGregor maintient donc que la charge de la preuve repose sur le ministère d’embauche. Ce n’est qu’après que le ministère d’embauche a démontré qu’il dispose d’éléments de preuve suffisants pour justifier la conclusion du comité d’appel que le principe du mérite a été respecté que la charge de la preuve est déplacée sur l’appelant, qui doit alors démontrer qu’il existe une réelle possibilité que les meilleurs candidats n’ont pas été choisis.

 

[17]           Je ne suis pas de cet avis. À mon sens, c’est à bon droit que le comité d’appel et le juge von Finckenstein ont estimé que la charge de la preuve reposait sur l’appelant dans le cadre de l’enquête prévue à l’article 21 de la LEFP. M. McGregor ne m’a pas convaincu que la LEFP exige que l’on s’écarte de la règle habituelle, selon laquelle la partie qui formule une allégation doit en rapporter la preuve. Ce principe est exposé dans Hodge M. Malek et al., éd., Phipson on Evidence, 16th ed. (London, Sweet & Maxwell, 2005) au paragraphe 6-06 (Phipson on Evidence) :

[traduction]

 

En matière de charge de persuasion, le fardeau de la preuve incombe à la partie qui fait une affirmation qui tend essentiellement à prouver l’existence d’un fait. Si, après que toutes les parties ont présenté leur preuve, celle sur qui repose la charge de la preuve ne s’en est pas acquittée, c’est elle qui doit succomber. Il s’agit d’un principe séculaire qui repose sur la logique et dont on ne devrait pas s’écarter à moins de solides raisons contraires.

Ce principe repose surtout sur le fait que celui qui cherche à se prévaloir de la loi doit d’abord établir le bien-fondé de sa cause [...]

 

 

[18]           La jurisprudence de notre Cour confirme que la charge de la preuve repose sur la partie qui interjette appel en vertu de l’article 21. Dans l’arrêt Weibe c. Canada, [1992] 2 F.C. 592, à la page 595 (C.A.F.) (Weibe), notre Cour a bien précisé que la procédure visée à l’article 21 de la LEFP est fondée sur le débat contradictoire :

Bien qu'elle soit appelée « enquête », la procédure visée à l'article 21 est des plus contradictoire en nature puisque le requérant et l'employeur soutiennent des points de vue opposés et ils sont généralement représentés par des experts dans ce genre de litige spécialisé.

 

[19]           De façon plus précise, notre Cour a expliqué, dans l’arrêt Blagdon c. Canada (Commission de la fonction publique), [1976] 1 C.F. 615, à la page 618 (C.A.F.) (Blagdon), que, dans le cadre d’une instance introduite en vertu de l’article 21, c’est à l’appelant qu’il incombe de convaincre le comité d’appel que le jury de sélection n’a pas respecté le principe du mérite :

Il convient de souligner qu'un appel de ce genre ne porte pas sur les conclusions du jury de sélection mais sur la nomination ou la nomination proposée du candidat reçu et qu'en conséquence la question principale soumise au comité d'appel est de savoir si le choix du candidat reçu a été effectué conformément au principe du mérite. Le candidat non reçu qui interjette appel de la nomination ou de la nomination proposée du candidat reçu est fondé à exposer, s'il le peut, les raisons pour lesquelles il estime que le principe du mérite n'a pas été respecté; dans ce contexte, le requérant pouvait donc essayer de démontrer en appel que l'opinion du jury de sélection, selon laquelle il ne possédait pas un dossier de sécurité satisfaisant, n'était pas fondée.

 

[20]           Dans le même ordre d’idées, dans l’arrêt Leckie c. Canada, [1993] 2 C.F. 473, à la page 481 (C.A.F.) (Leckie), le juge Décary a expliqué que c’est à l’appelant qu’il incombe de démontrer qu'il existe une « possibilité réelle » ou une « vraisemblance » que les personnes les mieux qualifiées n'ont pas été nommées :

Afin de parvenir, en vertu de l'article 21, à établir qu'il y avait violation du principe du mérite, les requérants devaient convaincre le comité d'appel que le mode de sélection choisi était « tel[-] qu'on puisse douter qu'il permette de juger du mérite des candidats » [...] c'est-à-dire qu'il permette de juger si l'on avait trouvé « les personnes les mieux qualifiées » [...] La fonction principale d'un comité d'appel étant de s'assurer que les personnes les mieux qualifiées ont été nommées, il va sans dire que l'appelant, avant même de tenter de contester le mode de sélection choisi, devrait au moins alléguer (et finalement prouver) qu'il existe la possibilité réelle ou la vraisemblance que les personnes les mieux qualifiées n'ont pas été nommées.

 

[21]           De même, dans le jugement Kaczmar c. Canada (Ministère du Revenu), [1999] A.C.F. no 1189, au paragraphe 13 (C.F. 1re inst.), le juge Pelletier a réitéré que l’enquête prévue à l’article 21 est une procédure fondée sur un débat contradictoire au cours de laquelle la tâche de l’appelant consiste à persuader le comité d’appel.

 

[22]           Selon M. McGregor, plusieurs décisions de la Cour fédérale permettent d’affirmer que c’est le jury de sélection, et non l’appelant, qui assume le fardeau de la preuve dans le cas d’un appel interjeté en vertu de l’article 21. Je ne suis cependant pas persuadé que les décisions invoquées par M. McGregor permettent de s’écarter des conclusions susmentionnées. M. McGregor se fonde en particulier sur le passage suivant du jugement Field c. Canada (Procureur général), [1995] A.C.F. no 458, au paragraphe 5 (C.F. 1re inst.) (Field) pour appuyer son argument que la charge initiale de convaincre le comité d’appel que le principe du mérite a été respecté repose sur le jury de sélection :

En l’espèce, le dossier ne fait état d’aucune preuve convaincante, orale ou écrite, indiquant la manière dont le Comité de sélection a évalué la compatibilité personnelle des candidats. En raison de l’absence d’éléments de preuve constitués et pertinents, la Commission d’appel ne pouvait pas correctement déterminer que le principe du mérite avait été respecté dans l’évaluation des candidats au sujet de leur compatibilité personnelle. En outre, le Comité d’appel a voulu rejeter sur la requérante l’obligation de prouver que ses qualités personnelles [traduction] « ... auraient dû être notées différemment de celles du candidat choisi ». Ce faisant, le Comité d’appel a dégagé le jury de sélection de l’obligation d’établir que l’évaluation des candidats avait été faite dans le respect du principe du mérite.

 

[23]           Bien qu’à première vue ce passage semble appuyer la thèse de M. McGregor, une lecture attentive de l’ensemble des motifs exposés par la juge McGillis dans le jugement Field permet de constater que cette décision n’est pas incompatible avec les arrêts Blagdon et Leckie de notre Cour. Bien que les motifs de la juge McGillis soient brefs et qu’ils n’expliquent donc pas de façon détaillée la procédure suivie lors de l’audience du comité d’appel, il semble qu’à l’audience, l’appelante ait présenté sa preuve en premier et qu’elle ait convaincu le comité d’appel « que la façon dont le jury de sélection a évalué les qualités personnelles des candidats contrevenait au principe du mérite »  (Field, au paragraphe 2). Il se peut donc que, dans le passage précité, l’« obligation » à laquelle la juge McGillis faisait allusion était d’ordre tactique. Toutefois, si elle disait que la charge de la preuve reposait sur le jury de sélection, je ne suis pas d’accord.

 

[24]           M. McGregor invoque aussi les jugements Canada (Procureur général) c. Jeethan, 2006 CF 135 (Jeethan) et Go c. Canada (Procureur général), 2004 CF 471 (Go), deux décisions dans lesquelles la Cour fédérale cite le jugement Field et affirme que c’est au jury de sélection qu’il incombe de démontrer que la sélection aux fins de la nomination a été effectuée dans le respect du principe du mérite. À la lecture de ces décisions, on ne peut affirmer avec certitude si les arrêts Jeethan et Go consacrent le principe que le fardeau de la preuve incombe au jury de sélection ou s’ils reconnaissent simplement le fait que le jury de sélection a, pour des raisons stratégiques, la charge de réfuter la preuve et les prétentions de l’appelant. Toutefois, à la lumière des décisions rendues par notre Cour notamment dans les arrêts Blagdon, Leckie et Weibe, et compte tenu des considérations pratiques déjà évoquées, c’est cette dernière interprétation qu’il convient de retenir.

 

[25]           D’ailleurs, il est difficile d’imaginer comment une affaire pourrait être jugée efficacement si l’on imposait au jury de sélection l’obligation de convaincre le comité d’appel que le principe du mérite a été respecté lors du concours. Pour exposer ses arguments, le jury de sélection serait alors contraint, sans avoir pris connaissance d’aucun des éléments de preuve de l’appelant, de présenter tous les éléments de preuve qui pourraient théoriquement servir à réfuter les allégations de l’appelant sur la façon dont le principe du mérite n’a pas été respecté. Il lui faudrait exposer dans les moindres détails chacun des aspects du processus, faire entendre tous les témoins disposant de tous les renseignements pouvant être utiles et produire tous les documents susceptibles de jeter un peu de lumière sur la procédure suivie et les décisions prises par le jury de sélection. Une telle démarche n’est pas exigée par la LEFP, et elle n’est d’ailleurs pas envisageable.

 

[26]           Ainsi que je l’ai déjà mentionné, celui qui cherche à se prévaloir de la loi doit d’abord établir le bien-fondé de sa cause. Bien que, dans les faits, il s’agisse le plus souvent d’une allégation affirmative, il n’en est pas toujours ainsi. La partie qui cherche à se prévaloir de la loi peut formuler une allégation négative comme M. McGregor le fait en l’espèce. Cela ne change en rien le fardeau de la preuve. Il repose toujours sur l’appelant. Comme on peut le lire dans Phipson on Evidence au paragraphe 6-06 :

[traduction]

 

Pour décider quelle partie fait une affirmation, il faut tenir compte de l’essence de la question et ne pas se limiter à sa formulation, car le plaideur peut modifier celle-ci à volonté. De plus, il ne faut pas confondre une allégation négative avec le simple démenti opposé à une allégation affirmative. Le sens véritable du principe est que, lorsqu’une allégation donnée, qu’elle soit affirmative ou négative, constitue un élément essentiel de la thèse d’une partie, c’est à cette dernière qu’incombe la charge d’en faire la preuve. À cet égard, un critère subsidiaire consiste à supprimer du dossier l’allégation en question. En pareil cas, la charge de la preuve repose sur la partie qui succomberait si l’on procédait de cette manière.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[27]           Pour que l’appel fondé sur l’article 21 soit utile, il faut que l’appelant axe sa preuve sur les éléments précis du processus de sélection qui démontrent, selon lui, que le principe du mérite n’ait pas été respecté. Plus la cause de l’appelant est solide, plus le ministère d’embauche élaborera ce qu’on pourrait appeler un « fardeau tactique » en vue de présenter des éléments de preuve pour réfuter ceux sur lesquels l’appelant se fonde, de crainte d’une décision défavorable. Toutefois, ce fardeau tactique ne repose pas sur la loi mais sur le simple bon sens. En tout temps, c’est sur l’appelant que repose le fardeau ultime et la charge de persuader le comité d’appel que le jury de sélection n’a pas respecté le principe du mérite (voir John Sopinka et al., The Law of Evidence in Canada, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1999), aux paragraphes 3.47 et 3.48).

 

[28]           Le fait que les enquêtes prévues à l’article 21 sont conçues de manière à s’assurer que le principe du mérite est respecté ne justifie pas de déplacer la charge de la preuve de l’appelant à l’intimé. M. McGregor s’attache à une déclaration que l’on trouve dans l’arrêt Charest c. Procureur général du Canada, [1973] C.F. 1217, à la page 1221, dans lequel notre Cour a déclaré que l'objet du droit d'appel institué par l'article 21 de la LEFP « n'est pas de protéger les droits de l'appelant, mais plutôt d'empêcher une nomination contraire au principe du mérite ». Suivant M. McGregor, cet objet justifie de déplacer le fardeau de la preuve sur le ministère d’embauche pour établir que le principe du mérite a été respecté. Je ne suis pas de cet avis.

 

[29]           Ainsi que je l’ai déjà expliqué, il n’est pas concevable d’obliger dans chaque cas le jury de sélection à démontrer que la procédure suivie respectait le principe du mérite à tous les égards. Le facteur est le même, peu importe que l’article 21 vise l’objectif d’intérêt public plus large consistant à s’assurer que le principe du mérite est respecté à l’échelle de la Fonction publique. Il n’est pas dans l’intérêt du public de consacrer d’abondantes ressources à réfuter des allégations qui ne peuvent être étayées. En tout état de cause, seuls les candidats qui ne sont pas retenus ont le droit de faire appel en vertu de l’article 21. Le processus d’appel leur permet donc de s’assurer que le processus de sélection auquel ils ont participé respectait le principe du mérite. À mon avis, on envisage la question sous un angle trop général lorsqu’on laisse entendre que le processus d’appel fait intervenir un intérêt public plus large qui justifie de transférer la charge de la preuve au ministère d’embauche.

 

[30]           Pour aider l’appelant à s’acquitter de son fardeau de la preuve, l’article 26 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (2000), DORS/2000-80 (le Règlement) lui confère des droits étendus en matière de communication des renseignements pertinents :

26. (1) L'appelant a accès sur demande à l'information, notamment tout document, le concernant ou concernant le candidat reçu et qui est susceptible d'être communiquée au comité d'appel.

 

 

(2) L'administrateur général en cause fournit sur demande à l'appelant une copie de tout document visé au paragraphe (1).

 

(3) Malgré les paragraphes (1) et (2), l'administrateur général en cause ou la Commission peut refuser de donner accès à l'information ou aux documents ou de fournir copie des documents dont l'un ou l'autre dispose, dans le cas où cela risquerait :

  

a) soit de menacer la sécurité nationale ou la sécurité d'une personne;

 

b) soit de nuire à l'utilisation continue d'un test standardisé qui appartient au ministère de l'administrateur général en cause ou à la Commission ou qui est offert sur le marché;

 

c) soit de fausser les résultats d'un tel test en conférant un avantage indu à une personne.

 

 

(4) Si l'administrateur général en cause ou la Commission refuse de donner accès à de l'information ou à des documents aux termes du paragraphe (3), l'appelant peut demander au comité d'appel d'en ordonner l'accès.

 

(5) Si le comité d'appel ordonne que l'accès soit donné à de l'information ou à des documents en vertu du paragraphe (4), cet accès est assujetti, avant et pendant l'audition, aux conditions que le comité d'appel estime nécessaires pour prévenir les situations décrites aux alinéas (3)a) à c).

 

(6) L'information ou les documents obtenus en vertu du présent article ne peuvent être utilisés que pour les besoins de l'appel.

26. (1) An appellant shall be provided access, on request, to any information, or any document that contains information, that pertains to the appelant or to the successful candidate and that may be presented before the appeal board.

 

(2) The deputy head concerned shall provide the appellant, on request, with a copy of any document referred to in subsection (1).

 

(3) Despite subsections (1) and (2), the deputy head concerned or the Commission, as appropriate, may refuse to allow access to information or a document, or to provide a copy of a document, if the disclosure might

 

 

(a) threaten national security or any person’s safety;

 

 

(b) prejudice the continued use of a standardized test that is owned by the deputy head’s departmentor the Commission or that is commercially available; or

 

 

(c) affect the results of such a standardized test by giving an unfair advantage to any individual.

 

(4) If the deputy head concerned or the Commission refuses to allow access to information or a document under subsection (3), the appellant may request that the appeal board order such access.

 

(5) If the appeal board orders access to information or a document under subsection (4), that access is subject, before and during the hearing, to any conditions that the appeal board considers necessary to prevent the situations described in paragraph 3(a) to (c) from occurring.

 

 

(6) Any information or document obtained under this section shall be used only for purposes of the appeal.

 

[31]           Dans le jugement Barton c. Canada (Procureur général), [1993] A.C.F. no 746, au paragraphe 14 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein a reconnu l’importance de permettre à l’appelant d’obtenir tous les renseignements pertinents :

Dans de telles procédures contradictoires, les parties ont le droit de se faire représenter. Cette représentation doit être effective en ce sens qu'un avocat ou un représentant doit avoir la possibilité de savoir quel témoignage sera rendu par les témoins qu'il citera. Il doit avoir la possibilité d'examiner le témoignage du témoin expert, d'organiser la preuve, de s'assurer que les éléments de preuve sont cohérents, d'insister sur leurs meilleurs traits et de préparer le témoin au contre-interrogatoire.  Il s'agit là des fonctions normales d'avocat. Sans avoir accès à tous les  renseignements pertinents et, en particulier, à tous les renseignements confidentiels sur lesquels le témoignage d'expert reposerait et sur lesquels le témoin serait contre-interrogé, l'avocat ou le représentant ne saurait, de façon appropriée, s'acquitter de la tâche de persuader la cour ou le tribunal du bien‑fondé de la cause du client.

 

            [Non souligné dans l’original.]

 

 

[32]           Je conclus donc qu’en l’espèce, il incombe à M. McGregor d’établir au moyen de preuves le bien-fondé de son allégation que le principe du mérite n’a pas été respecté. L’article 26 du Règlement fournissait à M. McGregor les moyens de bien préparer sa cause. Or, il ne l’a pas fait.

 

2)      Examen de la preuve par le comité d’appel

[33]           La question suivante à examiner est celle de savoir si le comité d’appel a commis une erreur dans son évaluation de la question de savoir si le jury de sélection avait respecté le principe du mérite. M. McGregor conteste l’évaluation que le jury de sélection a faite à la fois de l’examen des connaissances et des capacités et qualités personnelles des candidats. Je ne vois toutefois aucune raison de modifier la décision du comité d’appel pour ce motif.

 

a)      Examen des connaissances

[34]           En ce qui concerne l’examen des connaissances, M. McGregor maintient qu’il y a des incohérences entre la correction de son examen et celle des candidats retenus. L’examen était composé de neuf questions, dont trois membres du jury de sélection se sont partagé la correction. À l’audience qui s’est déroulée devant le comité d’appel, le Ministère a fait témoigner uniquement le membre du jury de sélection chargé de la correction des questions 8 et 9, M. Sylvain St-Laurent. M. St‑Laurent n’a pas pu répondre aux questions de M. McGregor au sujet de la correction des autres questions, ce qui a amené M. McGregor à faire valoir que le jury de sélection n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour établir que l’examen des connaissances avait été corrigé de façon uniforme pour tous les candidats.

 

[35]           Pour évaluer les arguments de M. McGregor au sujet de l’examen des connaissances, le comité d’appel a souligné qu’il incombait à M. McGregor de prouver que la correction était déficiente, par exemple en faisant témoigner d’autres membres du jury de sélection. Or, il ne l’a pas fait, forçant ainsi le comité d’appel à conclure que rien ne justifiait d’intervenir dans les décisions du jury de sélection.

 

[36]           Le juge von Finckenstein n’a trouvé aucune erreur dans la conclusion du comité d’appel. Son analyse de la question se trouve au paragraphe 13 de ses motifs :

[13]  Le demandeur a posé au membre du jury qui a témoigné des questions sur la manière de noter les connaissances (voir la citation au paragraphe 7 ci‑dessus). De toute évidence, rien dans les documents divulgués ne pouvait permettre d’établir une vraisemblance ou une possibilité que le principe du mérite n’a pas été observé. Bien entendu, un demandeur peut échafauder sa cause à partir du témoignage d’un membre du jury de sélection, ce qui est effectivement souvent le cas. Toutefois, en l’espèce, le membre interrogé était en fait celui qui n’avait pas participé à la correction des questions1 à 7 et qui, par conséquent, ne pouvait répondre aux questions s'y rapportant. Le demandeur a alors apparemment abandonné, au lieu de demander un ajournement et d’interroger les autres membres du jury de sélection. Il ne s'est donc pas acquitté de l'obligation d'établir la « possibilité réelle ou la vraisemblance » que le principe du mérite n’a pas été respecté comme l’exige Leckie, précité. 

 

[37]           Il m’est impossible de conclure que le juge von Fickenstein a commis une erreur en tirant cette conclusion. Ainsi que je l’ai déjà expliqué, M. McGregor avait la charge d’établir qu’il existait des incohérences dans la correction de l’examen des connaissances. Il devait par conséquent présenter des éléments de preuve suffisants pour démontrer qu’il existait « la possibilité réelle ou la vraisemblance » que le principe du mérite n’avait pas été respecté à cette étape du processus de sélection. M. McGregor ne pouvait se contenter de signaler que le jury de sélection n’avait pas invoqué suffisamment d’éléments de preuve pour justifier sa décision; il devait d’abord prouver le bien-fondé de ses propres prétentions.

 

[38]           M. McGregor a eu amplement l’occasion d’échafauder sa cause en exerçant les vastes droits que lui confère l’article 26 du Règlement en matière de communication de renseignements. Il ressort du dossier de la preuve que M. McGregor a réclamé la communication de documents et de renseignements avant l’audience du comité d’appel, et il ressort de la preuve que le Ministère a été très coopératif et a donné suite à ces demandes.

 

[39]           Un des principaux moyens que fait valoir M. McGregor pour contester les résultats de l’examen des connaissances est le fait que le Ministère n’a fait témoigner que M. St-Laurent à l’audience et qu’il n’a pas fait entendre les autres membres du jury de sélection chargés de noter les autres questions d’examen. Toutefois, dans un courriel envoyé au Ministère, M. McGregor a expressément confirmé que M. St-Laurent serait présent à l’audience du comité d’appel pour répondre aux questions et aux allégations. Malgré le fait qu’il lui était loisible de réclamer de la même façon la présence des autres membres du jury de sélection à l’audience, M. McGregor ne l’a pas fait. Il ne peut donc pas reprocher au Ministère de ne pas avoir fait entendre d’autres témoins.

 

[40]           En tout état de cause, si, à l’audience, M. McGregor estimait qu’il ne serait pas en mesure de présenter sa cause s’il ne pouvait compter sur le témoignage des autres membres du jury de sélection, il aurait pu demander un ajournement pour pouvoir interroger d’autres témoins.

 

[41]           Mme Diane Portelance, directrice par intérim de l’administration du personnel, Gestion des ressources humaines, au Ministère, explique ces concepts au paragraphe 8 de son affidavit :

[traduction]

 

J’étais chargée de préparer les documents à communiquer à M. McGregor avant l’audience du comité d’appel. Parmi ces documents se trouvait une liste contenant le nom de tous les membres du jury ayant participé aux deux concours. M. McGregor n’a jamais demandé que d’autres membres du jury que M. St‑Laurent soient présents à l’audience du comité d’appel. De plus, lorsqu’il est devenu évident à l’audience que M. St-Laurent n’était pas en mesure de répondre à toutes les questions posées par M. McGregor à la satisfaction de ce dernier, ni M. McGregor ni son délégué syndical n’ont réclamé d’ajournement, notamment pour faire entendre d’autres témoins.

 

[42]           Dans ces conditions, je ne vois aucune raison de me dissocier de la conclusion que le juge von Finckenstein a tirée sur cette question.

 

b)      Évaluation des capacités et des qualités personnelles

[43]           M. McGregor conteste également l’évaluation que le jury de sélection a faite des capacités et des qualités personnelles des candidats, une phase du processus de sélection à laquelle M. McGregor n’a pas participé. Les capacités et les qualités personnelles ont été évaluées au moyen d’une étude de cas. On a donné aux candidats deux heures pour examiner les documents, qui comprenaient des questions formulées dans quatre notes de service distinctes. On leur a ensuite demandé de faire un exposé de trente minutes suivi d’une période de questions et de réponses au cours de laquelle les membres du jury de sélection ont interrogé chacun des candidats au sujet de la teneur de son exposé. Après l’étude de cas, les candidats ont participé à une entrevue dirigée et le jury de sélection a procédé à une vérification des références.

 

[44]           Ces méthodes d’évaluation étaient conçues de manière à évaluer diverses capacités et qualités personnelles qui se rapportaient aux postes à pourvoir. Les membres du jury de sélection ont pris des notes au cours de l’évaluation. Par la suite, ils ont comparé leurs notes et discuté des forces et des faiblesses manifestées par chacun des candidats par rapport à chacun des critères d’évaluation. Ils se sont ensuite entendus sur une note à l’aide d’un barème de notation.

 

[45]           Suivant M. McGregor, M. St-Laurent devait à tout le moins expliquer le lien entre l’évaluation de chacune des capacités et la réponse donnée par le candidat au sujet de chacune des notes de service ou le lien entre les résultats de la vérification des références des candidats reçus et la façon dont ces résultats influaient sur la note attribuée pour la capacité ou la qualité personnelle évaluée. M. McGregor affirme que, sans ces éléments de preuve, il lui était impossible de contester la cohérence ou la justesse des notes attribuées aux candidats reçus.

 

[46]           Le comité d’appel a examiné les arguments présentés par M. McGregor sur cette question et a conclu qu’il n’avait pas démontré qu’il existait une « réelle vraisemblance » que le principe du mérite n’avait pas été respecté. Le juge von Finckenstein a toutefois conclu qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les arguments de M. McGregor au sujet des capacités et qualités personnelles des candidats. Il a fait observer que M. McGregor n’avait pas pris part à cette phase du processus de sélection. Compte tenu du fait qu’il avait conclu que rien ne justifiait de modifier la décision du comité d’appel au sujet de l’examen des connaissances, le juge von Fickenstein a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’évaluer les allégations de M. McGregor au sujet des autres éléments à l’égard desquels il n’avait pas été évalué.

 

[47]           À mon avis, le juge von Fickenstein a commis une erreur en estimant qu’il n’était pas nécessaire pour lui d’examiner les arguments de M. McGregor au sujet des éléments du processus de sélection relatifs aux capacités et aux qualités personnelles. Comme notre Cour l’a dit dans l’arrêt Procureur général du Canada c. Bozoian, [1983] 1 C.F. 63, à la page 66 (C.A.F.) (Bozoian), il existe deux façons d’établir qu’un concours ne s’est pas déroulé conformément au principe du mérite :

Il pourrait, par exemple, démontrer que le candidat choisi n’est certainement pas le mieux qualifié des candidats ou qu’il n’a pas satisfait aux conditions de sélection sur le plan des qualités personnelles ou sur le plan de l’admissibilité au concours. Ou encore, il pourrait contester la façon dont la sélection a été faite en vue de démontrer que la méthode de sélection elle-même était illégale, ou que, quoique légale en tant que méthode, elle n’a pas été suivie de manière à identifier le candidat le plus méritant.

 

 

[48]           Les reproches que M. McGregor formule au sujet de l’évaluation des capacités et des qualités personnelles des candidats sont fondés sur la seconde méthode mentionnée dans l’arrêt Bozoian, à savoir que la méthode de sélection n’a pas été suivie de manière à identifier le candidat le plus méritant. Le juge von Finckenstein a commis une erreur en tenant compte du fait que M. McGregor avait échoué à l’examen des connaissances et qu’il n’avait par conséquent pas participé aux autres éléments du processus de sélection. Comme M. McGregor avait choisi d’axer son appel sur la contestation du processus de sélection, il devenait sans intérêt d’analyser ses résultats au concours. La sélection des candidats admis devait respecter le principe du mérite, indépendamment des résultats personnels de M. McGregor au concours.

 

[49]           Je suis néanmoins convaincu que la conclusion du comité d’appel suivant laquelle M. McGregor n’a pas réussi à établir que le jury de sélection n’a pas respecté le principe du mérite était raisonnable.

 

[50]           M. McGregor conteste essentiellement le recours à une méthode axée sur une évaluation globale d’évaluation des candidats selon laquelle les réponses données par les candidats à chacune des quatre notes de service ont été examinées dans leur totalité pour déterminer si les candidats avaient démontré qu’ils possédaient les capacités et les qualités personnelles requises. Il maintient que le jury de sélection doit, à tout le moins, pouvoir expliquer de quelles réponses des candidats il s’est servi pour évaluer chacune des capacités et comment ces réponses ont été évaluées, pour en déterminer la justesse.

 

[51]           Toutefois, parmi les capacités et les qualités personnelles exigées pour les postes à pourvoir, il y a lieu de mentionner la capacité de diriger une équipe multidisciplinaire de ressources humaines, la capacité d'établir des partenariats et des relations de travail efficaces avec les principaux intervenants, la capacité de communiquer efficacement oralement et par écrit et la souplesse du comportement. Obliger le jury de sélection à expliquer dans les moindres détails les considérations ayant joué un rôle dans la note attribuée pour chacune des capacités et qualités personnelles évaluées rendrait le processus encore plus laborieux. Ainsi que le juge Pratte l’explique dans l’arrêt Blagdon à la page 623 :

Le simple fait que le comité d’appel, s’il avait siégé à titre de jury de sélection, serait parvenu à une conclusion différente de celle du jury de sélection ne constitue pas un motif suffisant pour accueillir l’appel. Il faut bien comprendre que l’appréciation du mérite de différentes personnes, fonction attribuée au jury de sélection, ne peut être réduite à une fonction mathématique; dans bien des cas, c’est une affaire d’opinion. Il n’y a aucune raison pour préférer l’opinion d’un comité d’appel à celle d’un jury de sélection.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[52]           À mon avis, le comité d’appel a correctement appliqué ces principes lorsqu’il a rejeté l’argument de M. McGregor, au paragraphe 43 de sa décision :

[traduction]

 

Le jury de sélection n’avait pas à justifier combien de points pouvaient être attribués relativement à chacun des outils de sélection employés pour évaluer une qualité déterminée. La raison d’être de l’évaluation globale est de permettre au jury de sélection d’examiner tous les renseignements fournis par le candidat. Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, l’évaluation ne peut être réduite à une fonction mathématique.

 

3)      Conclusion

[53]           En conclusion, le juge von Finckenstein n’a pas commis d’erreur en estimant que, dans le cadre d’une enquête menée en vertu de l’article 21 de la LEFP, le fardeau de la preuve repose sur l’appelant et non sur le ministère d’embauche. Dans le même ordre d’idées, je ne suis pas convaincu que le comité d’appel a commis une erreur en concluant que M. McGregor n’avait pas démontré que le principe du mérite n’avait pas été respecté au cours du processus de sélection.

 

DISPOSITIF

[54]           Pour les motifs que je viens d’exposer, je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

 

 

« J. Edgar Sexton »

Juge

 

« Je suis du même avis. »

     Le juge A.M. Linden

 

« Je suis du même avis. »

     Le juge C. Michael Ryer

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                      A-439-06

 

APPEL D’UNE DÉCISION RENDUE LE 5 OCTOBRE 2006 PAR LA COUR FÉDÉRALE (LE JUGE VON FINCKENSTEIN) DANS LE DOSSIER T-1808-05

 

INTITULÉ :                                                   DALE MCGREGOR c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LYNNE LAJOIE ET SUSAN MCKENZIE 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 2 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE SEXTON    

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE LINDEN

                                                                        LE JUGE RYER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE18 MAI 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Welchner

 

POUR L’APPELANT

Alexandre Kaufman

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Welchner Law Office Professional Corporation

Ottawa (Ontario)

POUR L’APPELANT

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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