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Date : 20070529

Dossier : A-465-06

Référence : 2007 CAF 211

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE SEXTON

 

ENTRE :

L’ADMINISTRATION PORTUAIRE DE NANAIMO

appelante

et

L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA,

KENMORE AIR HARBOUR INC., 547471 BC LTD.

(ANCIENNEMENT AMIGO AIRWAYS CORPORATION) et

SEAIR SEAPLANES LTD.

 

intimés

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 29 mai 2007

Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 29 mai 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                 LE JUGE SEXTON

 


Date : 20070529

Dossier : A-465-06

Référence : 2007 CAF 211

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE SEXTON

 

ENTRE :

L’ADMINISTRATION PORTUAIRE DE NANAIMO

appelante

et

L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA,

KENMORE AIR HARBOUR INC., 547471 BC LTD.

(ANCIENNEMENT AMIGO AIRWAYS CORPORATION) et

SEAIR SEAPLANES LTD.

 

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 29 mai 2007)

 

LE JUGE SEXTON

[1]               Le présent appel est interjeté en raison de l’imposition de certains droits par passager de la part de l’Administration portuaire de Nanaimo (l’APN) aux exploitants d'hydravion offrant des services aux passagers qui souhaitent entrer dans le port de Nanaimo ou le quitter.

 

[2]               Les exploitants d’hydravion (les plaignants) ont déposé une plainte auprès de l’Office des transports du Canada (l’Office) alléguant qu’il y avait discrimination injustifiée entre eux et les autres services de transport de passagers qui utilisaient les installations portuaires. Les plaignants ont allégué que cette manière de faire avait créé un désavantage et un avantage injustifiés entre eux et les autres transporteurs avec qui ils concurrençaient.

 

[3]               Le droit par passager pour entrer dans le port de Nanaimo ou le quitter qui était imposé aux plaignants était de 1,50 $. Les plaignants ont allégué que les autres transporteurs ne payaient pas de droits ou qu’ils payaient des droits moins élevés que ceux qui leur étaient imposés.

 

[4]               L’Office a conclu que les droits imposés aux plaignants étaient injustement discriminatoires et « qu'une approche plus raisonnable consisterait à traiter tous les utilisateurs sur le même pied d'égalité » en « impos[ant] à tous les passagers le même droit ». Pour en arriver à cette conclusion, l’Office a procédé à un examen approfondi des différents droits imposés à l’égard des différents transporteurs.

 

Norme de contrôle

a) Disposition privative

 

[5]               L’article 31 de la Loi sur les transports du Canada (la LTC) énonce que la décision de l’Office sur une question de fait relevant de sa compétence est définitive.

 

[6]               Le paragraphe 41(1) de la LTC prévoit que la décision de l’Office est seulement susceptible d’appel sur une question de droit ou de compétence.

 

[7]               Compte tenu de ces dispositions, il conviendrait de faire preuve de retenue à l’égard des décisions de l’Office.

 

b) L’expertise du décideur

 

[8]               L’Office est un tribunal administratif qui possède une vaste expertise, ce qui indique aussi qu’une retenue s’imposerait.

 

c) L’objet de la Loi maritime du Canada (la LMC)

 

[9]               Le but législatif de la LMC est de donner les pouvoirs nécessaires à l’Office pour qu’il administre un système complexe et technique, entre autres, de gestion des plaintes concernant les droits fixés par les administrations portuaires, ce qui indique qu’il faudrait faire preuve de retenue.

 

d) La nature de la question en litige

 

[10]           La question qui se pose dans le présent appel porte sur la conclusion de l’Office fondée sur la preuve établissant que le tarif actuel des droits par passager de l’APN était injustement discriminatoire, ce qui indique aussi qu’une retenue s’imposerait.

 

[11]           En ce qui a trait aux questions de fait, nous concluons que la révision de la décision de l’Office devrait se faire selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

[12]           En ce qui concerne les questions mixtes de fait et de droit, la norme applicable devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

[13]           Pour ce qui est des questions de droit, la norme applicable est celle de la décision correcte.

 

[14]           Il nous est impossible de conclure que les conclusions de fait tirées par l’Office étaient manifestement déraisonnables.

 

[15]           La question de savoir ce qui constitue une « discrimination injustifiée » est une question de fait et de droit. L’appelante a allégué que l’Office avait commis une erreur dans son interprétation de cette expression. Nous ne sommes pas d’accord. L’Office a indiqué ce qui suit au paragraphe 72 de sa décision :

Même si l'article 50 de la LMC permet d'établir une distinction au chapitre des droits entre les catégories d'utilisateurs, l'Office est d'avis que lorsque les catégories d'utilisateurs se livrent une concurrence directe entres elles, un concurrent ne peut être favorisé ou défavorisé injustement par rapport à un autre concurrent. Si le concept selon lequel un traversier rapide, BC Ferries et un exploitant d'hydravion se classent dans des catégories différentes d'utilisateurs est accepté et que les passagers transportés par chacun d'entre eux sont utilisés à titre de base pour établir un droit, ces passagers devraient recevoir le même traitement. L'Office est d'avis que le fait que l'APN a fixé un « droit par passager » pour les exploitants de services de traversier rapide moins élevé que celui qu'elle a fixé pour les exploitants d'hydravion et qu'elle a fixé un « droit par passager » beaucoup moins élevé pour BC Ferries que ceux qu'elle a fixés pour ces deux usagers a introduit un avantage et un désavantage injustifiés entre des concurrents directs. L'Office conclut que cette situation a introduit un autre élément de discrimination injustifiée dans les « droits par passager ».

 

Il nous est impossible de conclure que cette conclusion était déraisonnable.

 

[16]           L’appelante a allégué que l’Office avait commis une erreur de droit en omettant d’interpréter la LMC comme permettant à l’APN d’imposer des droits sur une base commerciale en tenant compte des coûts de fourniture de services. Elle présente cet argument du fait que l’Office a indiqué que les droits par passager devraient être fixés de façon équitable et, par conséquent, que les passagers devraient être traités sur le même pied d’égalité. Nous n’acceptons pas l’argument de l’appelante. L’Office a reconnu que les droits pouvaient être fixés en tenant compte des réalités commerciales, mais a indiqué que si l’APN prévoyait fixer des droits qui n’étaient pas liés aux coûts, elle devrait alors le faire de façon non discriminatoire. Selon notre interprétation des motifs de l’Office, ceux-ci laissaient la possibilité à l’APN de fixer un tarif fondé non pas sur les droits par passager, mais plutôt sur des pratiques commerciales, notamment les coûts. Par exemple, il pourrait être question de fixer de manière différente les droits pour les traversiers, par rapport aux droits pour les hydravions, c’est-à-dire en fonction des coûts engendrés par l’APN pour la fourniture de divers moyens de transport. Cependant, si l’APN insiste pour conserver les droits par passager comme base pour établir ses tarifs, elle doit alors le faire de façon équitable. À ce titre, l’Office a indiqué ce qui suit :

 

[42] À titre de question de politique générale, l'Office conclut que la discrimination concernant les droits (ou l'avantage ou le désavantage concernant les droits) devient injustifiée (ou déraisonnable) lorsque les droits ne sont pas fonctionnellement et rationnellement reliés aux coûts de fourniture du service, ou comme dans la décision Adventure Tours, ne font pas partie intégrante de la stratégie économique générale établie de l'administration portuaire. À ce dernier égard, par exemple, le membre Tulk a conclu qu'il était commercialement acceptable pour l'Administration portuaire de St. John's de donner aux exploitants de bateaux d'excursion le choix entre louer un kiosque du quai 7 ou payer un droit par passager pour l'utilisation du quai 7 à titre de solution raisonnable pour la viabilité commerciale du quai 7.

 

 

 

[43] L'Office conclut que le contraire de « droits injustifiés » est droits « équitables » ou « justifiables ». Dans le contexte des articles 49 à 53 de la LMC, cela signifie que les droits doivent, à tout le moins, faire partie d'un plan financier convaincant, un plan accepté comme une pratique commerciale générale qui, lorsqu'un port est concerné, établi un équilibre entre la viabilité commerciale du port, la sécurité, la sûreté et l'équité envers les utilisateurs portuaires. Si les éléments de preuve, dans tout cas particulier, démontrent que les droits en question sont fixés au hasard ou de façon arbitraire, même s'ils sont établis avec la meilleure intention possible, ils peuvent contrevenir à l'article 50 de la LMC.

 

 

 

[…]

 

 

 

[74] Après s'être penché sérieusement sur la situation de l'APN, où il est impossible d'établir une relation directe entre certains coûts et divers utilisateurs portuaires et où il est difficile d'évaluer le fardeau relatif imposé à l'APN par ces différents utilisateurs, l'Office est d'avis qu'une approche plus raisonnable consisterait à traiter tous les utilisateurs sur le même pied d'égalité. Autrement dit, si une administration portuaire est confrontée à ce genre de situation et qu'elle doit se concentrer sur les volumes de passagers transportés par les différents utilisateurs à titre de base pour produire d'autres revenus, les passagers devraient tous être traités sur le même pied d'égalité. Cette approche a été proposée par les plaignants et elle vise à imposer à tous les passagers le même droit, peu importe le type de services de passagers utilisé. Une telle approche serait aussi un moyen direct de produire d'autres revenus, dans le but de couvrir les manques à gagner. De plus, cette approche n'entraînera pas un avantage ou un désavantage injustifié.

 

                                                                             [Non souligné dans l’original.]

 

 

[17]           Pour ces motifs, nous rejetterions l’appel et adjugerions les dépens aux intimés, sauf à l’Office des transports du Canada qui n’a pas demandé les dépens.

 

 

 

« J. Edgar Sexton »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B, trad.


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-465-06

INTITULÉ :                                                                           L’ADMINISTRATION PORTUAIRE DE NANAIMO c. L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     VANCOUVER

                                                                                                (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 29 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LES JUGES DÉCARY, LINDEN ET

                                                                                                SEXTON

 

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                               LE JUGE SEXTON

 

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 29 MAI 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Simon Wells                                                                             POUR L’APPELANTE
Ryan Garrett

Andray Renaud                                                                        POUR LES INTIMÉS
Ron Ashley
Robert W. Grant


 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Davis & Compagnie LLP
Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES INTIMÉS

Heenan Blaikie LLP
Vancouver (Colombie-Britannique)

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