Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20070615

Dossiers : A-471-06

A-472-06

Référence : 2007 CAF 238

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

 

ENTRE :

GILLES BÉGIN

Appelant

et

RADIO BASSE-VILLE (CKIA FM)

Intimée

 

 

 

 

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 13 juin 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 juin 2007.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                       LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                                                                             LE JUGE NADON

 


 

Date : 20070615

Dossiers : A-471-06

A-472-06

Référence : 2007 CAF 238

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

 

ENTRE :

GILLES BÉGIN

Appelant

et

RADIO BASSE-VILLE (CKIA FM)

Intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               L’appelant a logé deux appels (A-471-06 et A-472-06) à l’encontre de deux décisions rendues par le juge Beaudry de la Cour fédérale (juge) dans les dossiers T-235-06 et T-275-06.

 

[2]               Conformément à une ordonnance de notre collègue le juge Décary, le dossier A-471-06 fut désigné dossier principal et les deux appels furent entendus en même temps. Aussi copie des présents motifs rendus dans le dossier A-471-06 sera-t-elle déposée dans le dossier A-472-06 au soutien du jugement formel qui y sera rendu.

 

[3]               L’appelant s’est représenté seul en Cour fédérale lors des procédures en contrôle judiciaire ainsi qu’en appel devant nous. À l’audience, nous lui avons expliqué le rôle que, dans les procédures de contrôle judiciaire, le juge était appelé à jouer à l’égard de la contestation de la décision de l’arbitre nommé en vertu de l’article 242 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985) ch. L-2 (Code). Nous avons également précisé les limites de nos pouvoirs d’intervention en appel.

 

Les procédures en Cour fédérale

 

[4]               L’appelant a contesté par voie de contrôle judiciaire une ordonnance d’un arbitre qui lui était favorable et qui contenait les conclusions suivantes à l’encontre de l’intimée :

 

ORDONNE à l’employeur de verser à titre d’indemnité de départ l’équivalent de deux mois de salaire, déductions faites des sommes perçues de l’assurance-chômage par le plaignant et de toutes autres déductions normalement faites sur le salaire et ce, à compter du 7 mars 2004;

 

ORDONNE à l’employeur de verser la somme de 490,00 $ représentant les jours ouvrables de congés fériés dus au plaignant, soit 7 jours pendant la période de Noël 2003;

 

LE TOUT AVEC INTÉRÊT AU TAUX LÉGAL À COMPTER DU 7 MARS 2004;

 

 

[5]               Pour sa part, l’intimée s’en est prise, également par voie de contrôle judiciaire, à l’ordonnance de l’arbitre qui lui imposait le versement d’une indemnité de départ et le paiement de congés fériés.

 

La décision de la Cour fédérale

 

[6]               D’emblée je dois dire que la décision arbitrale que le juge était appelé à réviser n’était pas d’une grande clarté.

 

[7]               Le juge a compris de cette décision que l’arbitre avait conclu que l’appelant n’a pas été congédié injustement ou par voie détournée, mais plutôt qu’il avait démissionné de son emploi.

 

[8]               De fait, l’appelant a démissionné le 20 février 2004 comme le reconnaissent l’arbitre et le juge : voir le paragraphe 49 de la décision de l’arbitre et le paragraphe 15 de la décision du juge.

 

[9]               En outre, l’arbitre a reconnu que l’intimée, qui vivait des difficultés financières sérieuses, était justifiée, dans l’application de ses droits de gérance, de procéder à un réaménagement administratif requis par sa situation financière. Il s’est dit d’avis que le réaménagement administratif n’avait rien d’humiliant et de dégradant comme l’alléguait l’appelant dans un document qu’il a qualifié de très émotif.

 

[10]           Enfin, l’arbitre a conclu qu’il n’y avait rien dans la période de deux ou trois semaines en litige qui constituait du harcèlement ou un congédiement déguisé. Je reproduis les paragraphes 109 à 112 de la décision qui renferment ces conclusions :

 

[109]   Si l’on tient compte de son retour au travail tout récent soit le 2 décembre, il a donc effectué pour près de 3 à 4 000 $ de ventes réalisées ou en voie de l’être, et on peut supposer qu’étant un peu rouillé cette situation ne pouvait que s’améliorer et est difficilement conciliable avec l’affirmation que l’objectif de 56 000 $ était totalement irréalisable. De plus, le document qui a été déposé sous (E-45) fait beaucoup d’affirmations qui n’ont pas nécessairement été étayées par témoignage et qu’il faut prendre avec une certaine retenue;

 

[110]   Ce document constitue un panégyrique, très émotif, qui englobe d’une manière générale tout le conflit de 2003 avec les faits des trois dernières semaines de 2003, alléguant qu’il s’agit d’une continuité;

 

Je ne peux suivre le plaignant dans cette voie;

 

[111]   Compte tenu de l’évolution de son travail des deux premières semaines et demie en décembre 2003, j’estime que (E-27) constitue un réaménagement à l’intérieur de son contrat de travail qui n’a rien d’humiliant et de dégradant et qui ne vient pas à l’encontre de l’application des droits de gérance de l’intimée, compte tenu du réaménagement administratif qui avait été fait pendant la période d’absence du plaignant, compte tenu du rapport produit en juillet 2003 sur la nécessité de réorienter les ventes de l’intimée, compte tenu également que le plaignant s’est adapté immédiatement à cette tâche qui était la sienne auparavant mais sur laquelle on mettait plus d’accent sur ses ventes pour la survie de l’emploi. J’estime que le plaignant aurait dû continuer à exercer son emploi, voir si ses soupçons se seraient avérés fondés en ce qui concerne la fourniture d’équipement, et d’outils de toutes sortes pouvant faciliter la réalisation de ses objectifs et confronter son employeur le cas échéant, avec la non réalisation de ces objectifs causé par le manque de collaboration de son employeur;

 

[112]   Il n’y a rien dans la période de deux ou trois semaines qui soutient la notion d’harcèlement ni celle de congédiement déguisé :

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[11]           Ce sont des conclusions que l’arbitre a d’ailleurs reprises dans les considérants suivants au soutien de sa décision :

 

5.   DÉCISION

 

En vertu de ces considérations, il y a lieu de disposer du grief de la façon suivante :

 

CONSIDÉRANT les modifications apportées par l’employeur à l’intérieur des tâches imparties au plaignant;

 

CONSIDÉRANT qu’il s’agit de l’exercice des droits de gérance de l’employeur;

 

CONSIDÉRANT qu’en dépit de ces modifications dans son milieu de travail le plaignant a fonctionné d’une manière acceptable pendant les deux ou trois semaines suivant son retour au travail en décembre 2003;

 

CONSIDÉRANT que ces modifications étaient dues à des changements administratifs, en raison de difficultés financières de l’entreprise survenues entre mai 2003 et le retour du plaignant en décembre 2003;

 

CONSIDÉRANT que les modifications des conditions de travail du plaignant sont à l’intérieur de sa même sphère d’activités, sont permises et tolérables, et que le plaignant n’était pas justifié de quitter son emploi en février 2004 sous prétexte de congédiement déguisé;

 

CONSIDÉRANT que la conduite du plaignant entre son retour au travail et son départ de facto démontre une attitude négative alimentée principalement par le désir de raviver le débat du printemps 2003;

 

CONSIDÉRANT qu’indépendamment de tous ces faits et eu égard à la doctrine et la jurisprudence, le plaignant peut ne pas vouloir exercer ces nouvelles tâches, bien qu’il s’agisse de l’exercice de droit de gérance et qu’il peut être justifié de quitter son emploi;

 

CONSIDÉRANT qu’il y a cependant lieu de lui accorder un préavis de départ;

 

 

[12]           Malgré ces conclusions, l’arbitre a accueilli en partie la plainte formulée par l’appelant et, tel que déjà mentionné, lui a octroyé une indemnité de départ et le paiement de congés fériés.

 

[13]           Sur cet aspect de la décision de l’arbitre, le juge a retenu qu’il y avait une incompatibilité dans le fait de conclure à une démission volontaire et, du même souffle, d’accorder une indemnité de départ puisque, selon le paragraphe 242(4) du Code, celle-ci ne peut être accordée qu’en cas de congédiement injuste :

 

242.

 

[…]

 

(4) S’il décide que le congédiement était injuste, l’arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l’employeur :

 

 

 

 

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié;

 

 

 

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

 

c) de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

242.

 

 

(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

 

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

 

(b) reinstate the person in his employ; and

 

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

 

 

[14]           Enfin, le juge a maintenu la décision de l’arbitre quant au paiement des congés fériés et l’intimée a choisi de ne pas porter cette question en appel.

 

 

 

Analyse de la décision du juge de la Cour fédérale

 

[15]           Je me suis attardé quelque peu à résumer les conclusions les plus importantes de l’arbitre afin de permettre une meilleure compréhension du rôle que le juge devait assumer en matière de contrôle judiciaire.

 

[16]           Le juge a eu raison de relever une incohérence dans la décision de l’arbitre qui conclut à une démission de la part de l’appelant, mais accueillit tout de même en partie la plainte de congédiement injuste déposée par l’appelant. C’est donc à bon droit qu’il a annulé l’ordonnance de paiement d’une indemnité de départ.

 

[17]           Malgré les représentations écrites et orales de M. Bégin, je ne suis pas convaincu que le juge a commis une erreur qui justifie notre intervention. Comme il était saisi de questions mixtes de fait et de droit, à l’exception de celle relative à l’interprétation du paragraphe 242(4) du Code, ses pouvoirs d’intervention à l’endroit de la décision de l’arbitre, étaient limités par la norme de contrôle stricte applicable en l’espèce. Il ne pouvait substituer son appréciation des faits et de la preuve à celle de l’arbitre. Il s’est d’ailleurs bien gardé de se livrer à un tel exercice.

 

[18]           L’appelant reproche au juge de ne pas avoir fait droit à sa demande de paiement pour ses congés de maladie accumulés. L’arbitre a examiné cette question. Il a fait référence aux conditions applicables aux congés de maladie que l’on retrouve dans le Protocole établissant les conditions de travail des employés de CKIA FM 88,3 (Radio Basse-Ville) : voir le dossier d’appel, volume 2, aux pages 247 et suivantes.

 

[19]           L’article 16.3 du Protocole énonce que « les journées de maladie non utilisées durant l’année de référence sont non cumulables et ne seront en aucun temps monnayables » : ibidem, à la page 254. L’arbitre a donc rejeté la demande de l’appelant à cet égard. Il n’y avait, à mon avis, aucune matière à intervention de la part du juge.

 

[20]           Pour ces motifs, je rejetterais les appels dans les dossiers A-471-06 et A-472-06, mais avec un seul jeu de dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

            J. Richard j.c. »

 

« Je suis d’accord

            M. Nadon j.c.a. »

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                                  A-471-06 et A-472-06

 

 

INTITULÉ :                                                   GILLES BÉGIN c. RADIO BASSE-VILLE

                                                                        (CKIA FM)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 13 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                        LE JUGE NADON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 15 juin 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Gilles Bégin

 

POUR L’APPELANT

Me Laval Dallaire

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Gagné, Letarte

Québec (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.