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Date : 20070911

Dossier : A-290-06

Référence : 2007 CAF 279

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

PAMELA SACHS, SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN, COMPOSANTE D’AIR CANADA, COMITÉ DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ AU TRAVAIL DE LA SECTION LOCALE 4004 (TORONTO)

 

appelants

et

 

 

AIR CANADA

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 11 septembre 2007.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 11 septembre 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                    LA JUGE SHARLOW

 

 


Date : 20070911

Dossier : A-290-06

Référence : 2007 CAF 279

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

PAMELA SACHS, SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE,

DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN, COMPOSANTE D’AIR CANADA, COMITÉ DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ AU TRAVAIL de la SECTION LOCALE 4004 (TORONTO)

 

appelants

et

 

AIR CANADA

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 11 septembre 2007)

LA JUGE SHARLOW

[1]               La fusion d’Air Canada et des Lignes aériennes Canadien International Limitée, le 4 janvier 2000, et le regroupement de leurs employés syndiqués respectifs qui en a découlé, a causé un certain nombre de difficultés. L’une d’elles, apparemment non résolue, demeure la mise en application de certaines modifications apportées au manuel de sécurité en vol. Ces modifications sont au coeur du présent appel.

[2]                Les appelants croyaient et croient encore que les modifications apportées au manuel de sécurité en vol présentent certains risques pour la santé et la sécurité du personnel de cabine. Les appelants ont déposé des plaintes conformément au processus de règlement interne des plaintes prévu à l’article 127.1 du Code canadien du travail. Celles-ci n’ayant pas été réglées à la satisfaction des appelants, elles ont été renvoyées à l’agent de santé et de sécurité suivant le paragraphe 127.1(8).

[3]               Voici le libellé des paragraphes 127.1(9), (10) et (11) du Code canadien du travail, prévoyant les pouvoirs de l’agent de santé et de sécurité :

(9) L’agent de santé et de sécurité saisi de la plainte fait enquête sur celle-ci ou charge un autre agent de santé et de sécurité de le faire à sa place.

(9) The health and safety officer shall investigate, or cause another health and safety officer to investigate, the complaint referred to the officer under subsection (8).

 (10) Au terme de l’enquête, l’agent de santé et de sécurité :

a) peut donner à l’employeur ou à l’employé toute instruction prévue au paragraphe 145(1);

b) peut, s’il l’estime opportun, recommander que l’employeur et l’employé règlent à l’amiable la situation faisant l’objet de la plainte;

c) s’il conclut à l’existence de l’une ou l’autre des situations mentionnées au paragraphe 128(1), donne des instructions en conformité avec le paragraphe 145(2).

 (10) On completion of the investigation, the health and safety officer

(a) may issue directions to an employer or employee under subsection 145(1);

(b) may, if in the officer’s opinion it is appropriate, recommend that the employee and employer resolve the matter between themselves; or

(c) shall, if the officer concludes that a danger exists as described in subsection 128(1), issue directions under subsection 145(2).

(11) Il est entendu que les dispositions du présent article ne portent pas atteinte aux pouvoirs conférés à l’agent de santé et de sécurité sous le régime de l’article 145.

(11) For greater certainty, nothing in this section limits a health and safety officer’s authority under section 145.

 

[4]               Les paragraphes 145(1) et (2) du Code canadien du travail sont ainsi rédigés :

145. (1) S’il est d’avis qu’une contravention à la présente partie vient d’être commise ou est en train de l’être, l’agent de santé et de sécurité peut donner à l’employeur ou à l’employé en cause l’instruction :

a) d’y mettre fin dans le délai qu’il précise;

b) de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu’il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

145. (1) A health and safety officer who is of the opinion that a provision of this Part is being contravened or has recently been contravened may direct the employer or employee concerned, or both, to

(a) terminate the contravention within the time that the officer may specify; and

(b) take steps, as specified by the officer and within the time that the officer may specify, to ensure that the contravention does not continue or re-occur.

[…]

[…]

(2) S’il estime que l’utilisation d’une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l’accomplissement d’une tâche constitue un danger pour un employé au travail, l’agent :

a) en avertit l’employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu’il précise, à la prise de mesures propres :

(i) soit à écarter le risque, à corriger la situation ou à modifier la tâche,

(ii) soit à protéger les personnes contre ce danger;

b) peut en outre, s’il estime qu’il est impossible dans l’immédiat de prendre les mesures prévues à l’alinéa a), interdire, par instruction écrite donnée à l’employeur, l’utilisation du lieu, de la machine ou de la chose ou l’accomplissement de la tâche en cause jusqu’à ce que ses instructions aient été exécutées, le présent alinéa n’ayant toutefois pas pour effet d’empêcher toute mesure nécessaire à la mise en oeuvre des instructions.

(2) If a health and safety officer considers that the use or operation of a machine or thing, a condition in a place or the performance of an activity constitutes a danger to an employee while at work,

(a) the officer shall notify the employer of the danger and issue directions in writing to the employer directing the employer, immediately or within the period that the officer specifies, to take measures to

(i) correct the hazard or condition or alter the activity that constitutes the danger, or

(ii) protect any person from the danger; and

(b) the officer may, if the officer considers that the danger or the hazard, condition or activity that constitutes the danger cannot otherwise be corrected, altered or protected against immediately, issue a direction in writing to the employer directing that the place, machine, thing or activity in respect of which the direction is issued not be used, operated or performed, as the case may be, until the officer’s directions are complied with, but nothing in this paragraph prevents the doing of anything necessary for the proper compliance with the direction.

[5]               L’agent de santé et de sécurité, M. Jacques Servant, a décidé de ne pas donner à l’employeur  les instructions prévues au paragraphe 145(1) ou (2). Il a plutôt, en ce qui a trait à deux des plaintes, accepté « une promesse de conformité volontaire » d’Air Canada quant à l’établissement et à la formation de comités locaux de santé et de sécurité au travail. Les autres plaintes ont été rejetées.

[6]               La décision de M Servant est exposée dans une lettre en date du 7 mai 2001, dont les extraits essentiels sont ainsi rédigés (Cahier d’appel, à la page 310) :

[traduction] En tant qu’inspecteur de santé et de sécurité, nous sommes préoccupés par le comité local sur la santé et la sécurité au travail. Notre enquête révèle que les membres des comités en milieu de travail manquent de connaissances et de formation. Le SCFP a formé les représentants des employés, alors qu’Air Canada ne forme pas les représentants de l’employeur. Pour comprendre l’intention du législateur, le counselling et la formation doivent être donnés simultanément. Un bon programme de formation est la clé de la création d’un comité efficace en milieu de travail. Les membres du comité en milieu de travail doivent bien comprendre leur rôle et leurs responsabilités sur le plan administratif. La loi exige que les comités établissent des règles et des procédures relatives au mandat des membres et à leur fonctionnement.

Pour faire en sorte que la santé et la sécurité au travail soient partie intégrante du processus général de prise de décision de la société, les cadres de chacun des services doivent être conscients que les décisions concernant des changements à bord des aéronefs sont susceptibles d'avoir des incidences sur le travail de l'équipage et de créer des dangers dans leur lieu de travail. Les décisions et les initiatives doivent être discutées avec le comité des politiques. Ces préoccupations ont été transmises à Air Canada, qui a été invitée à donner des promesses de conformité volontaire.

 

Nous n'avons pu trouver aucune preuve démontrant qu’Air Canada a contrevenu à son devoir général, en tant qu'employeur, de veiller à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail. En fait, en obligeant son personnel à suivre le Manuel des agents de bord dans lequel les mesures de sécurité et d'urgence sont précisées, l'employeur démontre qu'il remplit les obligations que l'article 124 met à sa charge.

 

[7]               Selon les appelants, l’enquête sur les plaintes déposées était partiale et accusait des lacunes à plusieurs égards, et, par conséquent, la décision prise par M. Servant est viciée. Les parties ont convenu, pour les fins du présent appel, que la Cour présumerait que les plaintes sont fondées. Les appelants ont déposé un avis d’appel de la décision en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail, qui prévoit :

146. (1) Tout employeur, employé ou syndicat qui se sent lésé par des instructions données par l’agent de santé et de sécurité en vertu de la présente partie peut, dans les trente jours qui suivent la date où les instructions sont données ou confirmées par écrit, interjeter appel de celles-ci par écrit à un agent d’appel.

146. (1) An employer, employee or trade union that feels aggrieved by a direction issued by a health and safety officer under this Part may appeal the direction in writing to an appeals officer within thirty days after the date of the direction being issued or confirmed in writing.

 

[8]               Un agent d’appel, M. Douglas Malanka, a examiné l’affaire et a conclu que la loi ne lui conférait pas compétence pour connaître de l’appel de la décision d’un agent de santé et de sécurité de ne pas donner d’instructions en application de l’article 145. Les appelants ont déposé une demande de contrôle judiciaire de cette décision. Le 1er juin 2006, je juge Hughes a rejeté la demande de contrôle judiciaire des appelants mais leur a accordé une prorogation de délai afin qu’ils puissent déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent de santé et de sécurité, M. Servant (2006 CF 673). Les appelants interjettent maintenant appel de la décision du juge Hughes.

[9]               Les appelants soutiennent que la décision du juge Hugues est fondée sur une mauvaise interprétation du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail, et qu’il a fait preuve d’une trop grande retenue à l’égard de la décision de M. Malanka sur la question de l’interprétation de cette disposition. Subsidiairement, les appelants soutiennent que si le paragraphe 146(1) a été correctement interprété par le juge Hughes et M. Malanka, il porte alors atteinte à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et devrait recevoir une interprétation extensive qui permettrait aux appelants de poursuivre l’appel à l’encontre de la décision de M. Servant de ne pas donner d’instructions.

[10]           Nous sommes tous d’accord sur la justesse de l’interprétation du paragraphe 146(1) retenue par le juge Hughes et par M. Malanka. Le paragraphe 146(1) du Code canadien du travail confère à l’employeur, à l’employé ou au syndicat le droit d’interjeter appel de toute instruction donnée par l’agent de santé et de sécurité en conformité avec l’article 145, mais il ne confère à personne le droit d’interjeter appel d’une décision de ne pas donner d’instructions.  Il est inutile d’examiner la question de la norme qui a été appliquée ou aurait dû l’être par le juge Hughes dans son contrôle de la décision de M. Malanka.

[11]           À notre avis, l’argument des appelants selon lequel le paragraphe 146(1) du Code canadien du travail contreviendrait à l’article 7 de la Charte n’est pas fondé. Il est bien établi que le droit d’appel n’est pas garanti par la Constitution, même dans les affaires ayant des conséquences importantes sur la vie, la liberté et la sécurité de la personne (Kourtessis c. Canada (Ministre du Revenu national),  [1993] 2 R.C.S. 52 (le juge La Forest); Charkaoui c. Canada (Cioyenneté et Immigration), [2007] 1 R.C.S. 350, au paragraphe 136; Huynh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] 2 C.F. 976; Canada (Secrétaire d’État) c. Luitjens (1992) 142 N.R. 173 (C.A.F.)). L’article 7 de la Charte n’oblige pas le législateur à accorder un droit d’appel à l’encontre d’une décision d’un agent de santé et de sécurité. Néanmoins, le législateur a prévu le droit d’interjeter appel d’une instruction donnée par un agent de santé et de sécurité en conformité avec l’article 145. Rien ne nous permet de conclure que, par l’effet de l’article 7 de la Charte, l’existence de ce droit limité d’appel signifie qu’il doit également y avoir un droit d’appel à l’encontre de la décision d’un agent de santé et de sécurité de ne pas donner une telle instruction.

[12]           L’appel sera rejeté avec dépens.

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                         A-290-06

 

Appel d’une ordonnance du juge Hughes de la Cour fédérale, en date du 1er juin 2006. Dossier no: T-776-02.

           

INTITULÉ :                                       PAMELA SACHS, SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN, COMPOSANTE D’AIR CANADA, COMITÉ DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ AU TRAVAIL DE LA SECTION LOCALE 4004 (TORONTO)

appelants

                                                            et

                                                        

                                                            AIR CANADA

Intimée

           

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                Le 11 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                  LES JUGES DÉCARY, SEXTON & SHARLOW      

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE

 PAR :                                                 LA JUGE SHARLOW                           

 

COMPARUTIONS :

 

Beth Symes

Ben Millrad

 

POUR LES APPELANTS

 

Fred W. Headon

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Symes et Street

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LES APPELANTS

 

Air Canada

Dorval (Québec)

 

POUR L’INTIMÉE

 


Date : 20070911

Dossier : A-290-06

 

Toronto (Ontario), le 11 septembre 2007

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE SEXTON  

                        LA JUGE SHARLOW         

                                   

                                   

 

ENTRE :

PAMELA SACHS, SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN, COMPOSANTE D’AIR CANADA, COMITÉ DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ AU TRAVAIL DE LA SECTION LOCALE 4004 (TORONTO)

 

 

appelants

et

AIR CANADA

intimée

 

 

 

JUGEMENT

           

            L’appel est rejeté avec dépens.

« Robert Décary »

j.c.a.

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

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