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Date : 20070912

Dossier : A-366-06

Référence : 2007 CAF 282

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE SEXTON

 

ENTRE :

CANADA (LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION)

appelant

et

PETER ANTHONY COLACO et SAVITA COLACO

intimés

et

 

ASSOCIATION CANADIENNE POUR L’INTÉGRATION COMMUNAUTAIRE

et ETHNO-RACIAL PEOPLE WITH DISABILITIES COALITION OF ONTARIO

 

intervenantes

 

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 12 septembre 2007

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 12 septembre 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                    LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Date : 20070912

Dossier : A-366-06

Référence : 2007 CAF 282

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE SEXTON

 

ENTRE :

CANADA (LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION)

appelant

et

PETER ANTHONY COLACO et SAVITA COLACO

intimés

et

 

ASSOCIATION CANADIENNE POUR L’INTÉGRATION COMMUNAUTAIRE

et ETHNO-RACIAL PEOPLE WITH DISABILITIES COALITION OF ONTARIO

 

intervenantes

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 12 septembre 2007)

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               Malgré les arguments détaillés et résolus des avocats de l’appelant, nous sommes d’avis que le présent appel devrait être rejeté.

 

[2]               Le juge Barnes de la Cour fédérale a déclaré que l’appelant a commis une erreur, dans le cadre de l’examen de la question de savoir si les intimés « risqu[aient] d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé » suivant le paragraphe 38(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, en omettant ou en refusant de prendre en considération leur situation financière et leur volonté de contribuer aux services sociaux dont leur fille, Jocelyn, aurait besoin dans l’avenir. Celle‑ci est atteinte d’une déficience cognitive légère qui pourrait exiger une aide limitée des services sociaux.

 

[3]               Le paragraphe 38(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit :

 

38. (1) Emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour motifs sanitaires l’état de santé de l’étranger constituant vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

38. (1) A foreign national is inadmissible on health grounds if their health condition

 

 

(c) might reasonably be expected to cause excessive demand on health or social services.

 

 

[4]               Cette disposition de la Loi exige une évaluation de l’état de santé de l’étranger et du risque que cette personne entraîne un fardeau excessif pour les services sociaux. Le concept même de « fardeau excessif » indique qu’un certain fardeau est acceptable et n’empêche pas l’admission de l’étranger au Canada.

 

[5]               À notre avis, la capacité et la volonté de l’étranger de payer les services sont des facteurs qu’il faut prendre en considération lorsqu’on évalue le risque de fardeau et l’importance de celui‑ci. Ces facteurs ne sont pas nécessairement concluants ou déterminants, mais ils doivent être pris en compte parce qu’ils peuvent influer sur l’importance du risque et du fardeau pour les services sociaux.

 

[6]               Le juge Barnes a conclu que le raisonnement exposé par la Cour suprême du Canada dans Hilewitz c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 706, s’appliquait et qu’une appréciation individualisée des besoins des intimés en matière de services sociaux, ainsi que de leur capacité de les prendre à leur charge, doit être effectuée afin de déterminer si les besoins risqueraient d’entraîner un fardeau excessif pour ces services. Nous sommes aussi de cet avis.

 

[7]               Nous croyons que les déclarations de la juge Abella contenues aux paragraphes 56 à 58 de l’arrêt Hilewitz sont appropriées en l’espèce :

56     Cela exige, me semble‑t‑il, des appréciations individualisées. Il est impossible, par exemple, de déterminer la « nature », la « gravité » ou la « durée probable » d’une maladie sans le faire à l’égard d’une personne donnée. Si le médecin agréé s’interroge sur les services susceptibles d’être requis en se fondant uniquement sur la classification de la maladie ou de l’invalidité, et non sur la façon précise dont elle se manifeste, l’appréciation devient générique plutôt qu’individuelle. L’évaluation des coûts est alors faite en fonction de la déficience plutôt qu’en fonction de l’individu. Toutes les personnes atteintes d’une déficience donnée sont alors automatiquement exclues, même celles dont l’admission n’entraînerait pas, ou ne risquerait pas d’entraîner, un fardeau excessif pour les fonds publics.

 

57     La question n’est pas de savoir si le Canada peut élaborer une politique d’immigration propre à réduire le risque que des candidats à l’immigration lui occasionnent un fardeau excessif. Il est clair qu’il peut le faire. Mais, dans les présentes affaires, la Loi est interprétée d’une manière qui fait obstacle à l’admission de toutes les personnes ayant une déficience intellectuelle, sans égard au soutien ou à l’aide de la famille et à la question de savoir si leur admission crée une probabilité raisonnable de fardeau excessif pour les services sociaux canadiens. Une telle interprétation, qui ne tient pas compte de la situation financière concrète de la famille, substitue à l’objet de la mesure législative une méthode d’évaluation à la chaîne. Il est peut-être plus efficient d’interpréter la mesure législative de cette manière, mais un argument fondé sur l’efficience ne saurait valablement justifier le non‑respect des exigences de cette mesure. La Loi requiert des appréciations individuelles. Cela signifie que l’interprétation doit être centrée sur la personne, et non sur la commodité administrative.

 

58          Le critère législatif est clair : pour qu’une personne se voit refuser l’admission, on doit avoir conclu que son état de santé « entraînerait » ou « risquerait d’entraîner » un fardeau excessif pour le public. Ce critère correspond à une probabilité raisonnable, non à une faible possibilité. Il doit être probable, eu égard à la situation de la famille, que les éventualités envisagées se réaliseront. Voir Hiramen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] A.C.F. no 74 (QL) (C.A.), et Badwal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] A.C.F. no 1022 (QL) (C.A.), deux arrêts dans lesquels le juge MacGuigan a exposé les motifs.

[L’italique se retrouve dans l’original.]

 

[8]               Si des travailleurs qualifiés comme les intimés peuvent démontrer que leur admission au Canada ne risque raisonnablement pas d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux, il n’y a aucune raison, à notre avis, de les exclure pour ce motif.

 

[9]               L’appel sera rejeté et une réponse affirmative sera donnée à la question proposée aux fins de certification qui était rédigée comme suit :

[traduction] Le raisonnement suivi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hilewitz et de Jong s’applique-t-il aux personnes qui présentent une demande d’immigration au Canada en qualité de travailleurs qualifiés?

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

Traduction certifiée conforme

 

D. Laberge, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                       A-366-06

 

INTITULÉ :                                                      CANADA (LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION)

                                                                           c.

                                                                           PETER ANTHONY COLACO ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              LE 12 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :  LES JUGES LINDEN, LÉTOURNEAU ET SEXTON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :          LE JUGE LÉTOURNEAU

 

COMPARUTIONS :

 

Martin Anderson

Catherine Vasilaros

 

POUR L’APPELANT

 

Cecil L. Rotenberg

Mario D. Bellissimo

 

Debra M. McAlister

POUR LES INTIMÉS

 

 

POUR LES INTERVENANTES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

Ormston, Bellissimo, Rotenberg

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

 

POUR LES INTIMÉS

ARCH Disability Law Centre

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES INTERVENANTES

 

 

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