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Date : 20070914

Dossier : A-372-06

Référence : 2007 CAF 287

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LA JUGE SHARLOW         

                        LA JUGE TRUDEL 

                                               

                       

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

demandeur

et

 

PARVINDER KAUR

défendeur

 

 

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 12 septembre 2007

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LA JUGE TRUDEL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                   LE JUGE EN CHEF RICHARD

    LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20070914

Dossier : A-372-06

Référence : 2007 CAF 287

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LA JUGE SHARLOW         

                        LA JUGE TRUDEL 

                                               

                       

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

demandeur

et

 

PARVINDER KAUR

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE TRUDEL

INTRODUCTION

 

[1]               Le procureur général demande le contrôle judiciaire de la décision rendue le 23 juin 2006 par M. David G. Riche, nommé juge‑arbitre en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23, par laquelle décision il a annulé la sanction pécuniaire infligée à la défenderesse, a plutôt donné un avertissement et annulé l’avis de violation parce que la sanction était non pécuniaire.

 

[2]               La question est de savoir si le juge‑arbitre a commis une erreur de droit ou a outrepassé sa compétence.

 

LES FAITS

[3]               En janvier 2001, Mme Kaur a présenté une demande pour que lui soient versées rétroactivement des prestations depuis le 31 décembre 2000.

 

[4]               Mme Kaur a fait ses déclarations de chômage au moyen du système Teledec du 15 au 28 avril 2001. D’après les dossiers, la prestataire a travaillé huit heures entre le 15 et le 21 avril, et travaillait toujours.

 

[5]               La Commission a mené une enquête et a été informée que Mme Kaur était employée chez Grocery Gateway Inc. pendant qu’elle recevait des prestations. La Commission lui a fait parvenir un questionnaire en juillet 2002 afin de déterminer la raison pour laquelle elle avait cessé de travailler, renseignement qu’elle n’avait pas fourni. La prestataire n’a pas renvoyé le questionnaire. Quant à l’employeur, il a déclaré que la prestataire avait quitté son emploi et cessé de se présenter au travail.

 

[6]               La Commission a conclu que Mme Kaur n’avait pas prouvé qu’une raison justifiait qu’elle quitte volontairement son emploi. Il en est résulté que des prestations de 3 061 $ lui ont été payées en trop.

 

[7]               La Commission a également conclu que Mme Kaur avait sciemment fourni des renseignements faux et trompeurs quand elle a omis de déclarer qu’elle avait volontairement quitté son emploi, une pénalité de 231,20 $ a donc été infligée.

 

[8]               Mme Kaur a interjeté appel devant le conseil arbitral. Devant le conseil puis devant le juge‑arbitre, Mme Kaur a soutenu qu’elle n’avait pas quitté son emploi volontairement et qu’elle était extrêmement stressée, car elle faisait l’objet d’une mesure d’expulsion. Le conseil a rejeté l’appel.

 

[9]               Mme Kaur a interjeté appel de cette décision devant le juge‑arbitre.

 

LA DÉCISION DE L’ARBITRE

[10]           L’arbitre a accueilli l’appel  en partie.

 

[11]           Il était d’avis que Mme Kaur avait bel et bien une bonne raison de quitter son emploi à ce moment. Par conséquent, il a annulé la décision du conseil à cet égard. Le procureur général ne conteste pas cette conclusion.

 

[12]           Pour ce qui est de l’omission de faire une déclaration et de la déclaration fausse et trompeuse concernant la semaine du 15 au 21 avril, le juge‑arbitre a déclaré :

Celle-ci a expliqué qu’elle faisait alors l’objet d’une mesure d’expulsion et qu’elle était extrêmement stressée. Comme elle était sous le coup d’une telle mesure, il se peut qu’elle ait agi sans réfléchir, mais il n’en demeure pas moins qu’elle a fait une fausse déclaration. Cela n’est donc pas une raison pour fermer les yeux sur le fait qu’elle a menti dans sa déclaration. Cependant, la preuve est telle que je crois que l’indulgence est de mise et que la pénalité la plus appropriée serait sans doute un avertissement et non une sanction pécuniaire.

Compte tenu des circonstances, je suis d’avis qu’il y a lieu de ramener la pénalité à un simple avertissement.

 

[13]           Le juge‑arbitre a conclu que Mme Kaur a bel et bien fait une fausse déclaration, mais il a ramené la sanction à un simple avertissement et il a décidé que l’avis de violation n’était pas nécessaire. Ces conclusions sont à l’origine de la présente demande.

 

ANALYSE

[14]           La présente affaire porte clairement sur l’interprétation de la loi par un juge‑arbitre et sa compétence. Il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence et la norme de contrôle est la décision correcte, Canada c. Sveinson, 2001 CAF 315.

 

 

[15]           En l’espèce, la Commission a conclu que Mme Kaur a fait des déclarations fausses ou trompeuses au sens du paragraphe 38(1) de la Loi quand elle a omis de déclarer qu’elle avait volontairement quitté son emploi.

 

[16]           Après avoir tiré une telle conclusion, la Commission peut infliger une pénalité conformément au paragraphe 38(2) de la Loi. En l’espèce, la pénalité a été calculée ainsi : 80 p. 100 (plutôt que 100 %, parce qu’il s’agissait d’une première infraction) des prestations hebdomadaires de Mme Kaur établie à 289 $, multiplié par le nombre de fausses déclarations (1), pour un montant de 231,20 $.

 

[17]           L’article 41 de la Loi prévoit que la Commission peut réduire ou annuler la pénalité :

41. La Commission peut réduire la pénalité infligée au titre de l’article 38 ou 39 ou annuler la décision qui l’inflige si des faits nouveaux lui sont présentés ou si, à son avis, la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait.

 

41. The Commission may rescind the imposition of a penalty under section 38 or 39, or reduce the penalty, on the presentation of new facts or on being satisfied that the penalty was imposed without knowledge of, or on the basis of a mistake as to, some material fact.

[18]           De même, l’article 41.1 de la Loi confère à la Commission le pouvoir de donner un avertissement plutôt que d’infliger une pénalité. L’article 41.1 est rédigé ainsi :

41.1 (1) La Commission peut, en guise de pénalité pouvant être infligée au titre de l’article 38 ou 39, donner un avertissement à la personne qui a perpétré un acte délictueux.

(2) Malgré l’article 40, l’avertissement peut être donné dans les soixante-douze mois suivant la perpétration de l’acte délictueux.

41.1 (1) The Commission may issue a warning instead of setting the amount of a penalty for an act or omission under subsection 38(2) or 39(2).

 

(2) Notwithstanding paragraph 40(b), a warning may be issued within 72 months after the day on which the act or omission occurred.

 

[19]           La décision de la Commission de donner un avertissement ou d’établir la pénalité à un certain montant relève d’un pouvoir discrétionnaire. Le conseil a maintenu la décision de la Commission, puis le juge‑arbitre a décidé de substituer sa propre opinion à celle de la Commission.

 

[20]           La Cour a statué en de nombreuses occasions que le droit d’un conseil arbitral ou d’un juge‑arbitre de contrôler une décision discrétionnaire de la Commission est limité.

 

[21]           L’arrêt rendu par la Cour dans Canada c. Tong, 2003 CAF 281, résume la jurisprudence sur cette question particulière. Dans cette affaire, le juge‑arbitre Riche avait conclu que « les conclusions de fait du conseil et sa décision fondée sur la loi sont correctes ». Il a néanmoins jugé qu’il y avait lieu de tenir compte du caractère temporaire des emplois de Mme Tong et de leur courte durée, à titre de facteurs atténuants, ce qui justifiait de ramener la pénalité à 50 p.100 du montant des versements excédentaires.

 

[22]           Le juge Noël écrit :

4       Il est bien établi que le juge-arbitre n’a le pouvoir de modifier la décision de la Commission ou du conseil arbitral que lorsqu’il est démontré que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire; c'est-à-dire lorsqu’elle a fondé sa décision sur un principe erroné, ou tenu compte d’aspects non pertinents ou omis de tenir compte d’aspects pertinents (Canada c. Lebreton, [1995] A.C.F. n° 1478 (C.A.F.); Canada c. Dunham, [1996] A.C.F. n° 1271 (C.A.F.)).

5       Notre Cour a jugé que cette norme s’applique à l’établissement du montant de la pénalité imposée par la Commission. Le juge-arbitre ne peut modifier le montant de la pénalité que s’il est possible de montrer que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non judiciaire ou agi de façon abusive ou arbitraire, sans tenir compte des preuves présentées (Canada c. McLean, [2001] A.C.F. n° 176 (C.A.F.); Canada c. Rumbolt, [2000] A.C.F. n° 1968 (C.A.F.)).

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[23]           Par conséquent, la Cour a conclu que le juge‑arbitre Riche a en fait procédé à une nouvelle appréciation des preuves et substitué sa propre appréciation à celle de la Commission. Le juge‑arbitre a donc excédé les pouvoirs que lui confère la Loi.    

 

[24]           Dans l’arrêt Canada c. Idemudia, [1999] A.C.F. n195 (C.A.F.), la Cour a conclu que le juge‑arbitre avait excédé sa compétence lorsqu’il a renvoyé l’affaire au conseil arbitral en lui donnant comme directive de réexaminer les pénalités dans le but de les défalquer. La Cour a affirmé que le droit de défalquer des pénalités n’est conféré qu’à la Commission (selon la Loi et les règlements), et non au conseil arbitral ou au juge‑arbitre. Il revient à la Commission de prendre une telle décision et un juge‑arbitre ou un conseil arbitral ne peut modifier une décision discrétionnaire à moins que la Commission ait agi d’une manière non judiciaire.

 

[25]           Le même raisonnement s’applique en l’espèce.

 

[26]           En l’espèce, la Commission a conclu que Mme Kaur a fait des déclarations fausses ou trompeuses au sens du paragraphe 38(1) de la Loi. La Commission a ensuite estimé qu’il convenait d’infliger une pénalité et non un avertissement. Pour calculer le montant de la pénalité, la Commission, bien qu’elle n’était au courant d’aucun facteur atténuant, a décidé de réduire la pénalité de 20 p. 100, car il s’agissait de la première fausse déclaration de Mme Kaur.

 

[27]           Afin d’établir si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, la Cour a établi, dans l’arrêt Canada c. Dunham, [1997] 1 C.F. 462 (C.A.F.), que le conseil peut s’appuyer non seulement sur les éléments de preuve dont disposait la Commission, mais également sur les éléments de preuve produits devant le conseil. Un appel d’une décision de la Commission devant un conseil arbitral constitue une nouvelle audience. D’autres éléments de preuve peuvent être introduits et le conseil doit s’appuyer sur la preuve pour prendre sa propre décision.

 

[28]           Mme Kaur a soutenu devant le conseil que son appel devait être accueilli parce que, entre autres raisons, elle était extrêmement stressée, car elle faisait l’objet d’une mesure d’expulsion.

 

[29]           Dans Dunham, le juge Marceau a écrit :

[…] je n’hésite pas à penser que ce n’est pas trahir l'intention du Parlement de dire que le Conseil arbitral n’est pas limité aux faits qui étaient devant la Commission. Il peut, en vérifiant l’exercice de la discrétion, tenir compte des faits dont il prend lui-même connaissance. Il se doit de constater qu’une considération essentielle a été ignorée, car il ne lui revient pas de substituer purement et simplement sa discrétion à celle de la Commission; c’est la discrétion de la Commission à laquelle le Parlement essentiellement se réfère. Mais cette considération essentielle ignorée, le Conseil peut la voir dans ce qu'il a pu lui-même constater. [Non souligné dans l’original.]

 

[30]           Le conseil a examiné les nouveaux éléments de preuve produits par Mme Kaur et il a décidé qu’ils ne justifiaient pas son intervention.

 

[31]           Selon ces principes, un juge‑arbitre n’a raison de réduire la pénalité que si le conseil a omis de prendre les nouveaux éléments de preuve en considération et, en fait, que si l’erreur du conseil est visée par le paragraphe 115(2) de la Loi. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

[32]           Les moyens d’appel devant un arbitre sont les suivants :

115. (2) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

 

115. (2) The only grounds of appeal are that

(a) the board of referees failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

(b) the board of referees erred in law in making its decision or order, whether or not the error appears on the face of the record; or

(c) the board of referees based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

 

[33]           Par conséquent, le juge‑arbitre ne pouvait substituer sa propre opinion à celle du conseil arbitral.

 

[34]           Selon le paragraphe 7.1(1) de la Loi, un avis de violation est donné lorsque est infligée une pénalité pour une infraction prévue au paragraphe 7.1(4) de la Loi. L’intention du législateur était de faire en sorte que toute violation du type décrit au paragraphe 7.1(4) entraîne une augmentation du nombre d’heures nécessaires pour être admissible à des prestations. Ni la Commission ni le juge‑arbitre ne dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard.

 

[35]           Il ressort clairement de l’alinéa 7.1(4)a) de la Loi qu’un avertissement donné en vertu de l’article 41.1 de la Loi est considéré comme étant une pénalité. La Cour l’a confirmé dans les arrêts Canada c. Piovesan, 2006 CAF 245, et Canada c. Maxwell, 2006 CAF 371.

 

[36]           Par conséquent, le juge‑arbitre a commis une erreur de droit et a outrepassé sa compétence quand il a décidé de ne pas donner d’avis de violation.

 

CONCLUSION

[37]           La demande de contrôle judiciaire sera accueillie sans frais et la décision du juge‑arbitre dans CUB 66301 sera annulée. L’affaire sera renvoyée au juge‑arbitre ou à un autre juge‑arbitre désigné par le juge‑arbitre en chef qui aura l’instruction de confirmer que Mme Kaur avait une bonne raison de quitter son emploi et de confirmer la pénalité et l’avertissement donnés par la Commission.

                                                                                                                    « J. Trudel »

 j.c.a.

 

« J’y souscris,

            John D. Richard, juge en chef »

 

« J’y souscris,

            Karen Sharlow, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


 

 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                A-372-06

 

INTITULÉ :                                                               PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                    c.

                                                                                    PARVINDER KAUER           

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       12 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                                    LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 14 SEPTEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Susan Keenan

POUR LE DEMANDEUR

 

Parvinder Kaur

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

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