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Date: 20070917

Dossier : A-515-06

Référence : 2007 CAF 289

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

SHELDON BLANK

appelant

et

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

intimé

 

 

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 12 septembre 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT  :                                                                     LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT:                                                                                              LE JUGE NOËL

LE JUGE NADON

 

 

 


Date: 20070917

Dossier : A-515-06

Référence : 2007 CAF 289

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

SHELDON BLANK

appelant

et

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

intimé

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

[1]               Suite à l’effondrement des poursuites dirigées par la Couronne contre M. Blank et sa société Gateway Industries Ltd., celui-ci a engagé une action en poursuite abusive. À l’appui de cette action, M. Blank a déposé plusieurs demandes de communication de documents en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, c. A-1 (la Loi). Le juge Russell de la Cour fédérale a statué sur la dernière de celle-ci dans la décision publiée à 2006 CF 1253, [2006] A.C.F. no 1635 (Blank c. Canada (Ministre de l’Environnement). En l’espèce, M. Blank interjette appel de cette décision pour des motifs maintenant bien connus de la Cour : il fait valoir qu’est inadéquate l’ordonnance de prélèvement du juge Russell, il allègue que la Couronne détourne le secret professionnel afin de dissimuler les preuves de ses propres malversations, et il prétend que sa demande de communication va dans le sens de l’intérêt public, même si la Couronne invoque le secret professionnel.

 

[2]               M. Blank se plaint aussi que les documents dont la communication a été ordonnée, et qui ont été communiqués dans le cadre d’autres procédures, ont été déclarés couverts par une exception dans la présente procédure lorsque ceux-ci ont perdu leur qualité de documents à protéger. Cette question a été débattue devant le juge Russell le 1er juin 2006, et il a rendu sa décision le 19 octobre 2006. La Cour suprême a entendu les plaidoiries des parties relatives à l’appel interjeté par M. Blank au sujet du secret professionnel le 13 décembre 2005, et elle a rendu son arrêt le 8 septembre 2006. Donc, à l’époque où l’affaire a été plaidée devant le juge Russell, il n’avait pas été statué sur les documents visés par le secret professionnel invoqué; voilà pourquoi la Couronne a maintenu sa position au sujet de ces documents. Les griefs de M. Blank visent la liste de documents que le Ministre de l’Environnement a transmis au Ministre de la Justice pour lesquels on avait invoqué le secret professionnel. Certains de ces documents ont été communiqués à M. Blank après que la Cour suprême eut rendu son arrêt. M. Blank est d’avis que certains des documents figurant sur la liste en question, que l’on trouve aux pages 55 à 59 du tome II du dossier d'appel, lui ont été communiqués après que la Cour suprême eut rendu son arrêt même si le juge Russell a conclu qu’ils étaient protégés.

 

[3]               On peut déjà répondre à M. Blank que si ces documents lui ont été communiqués relativement à une autre cause, il les a en sa possession; la loi a donc été respectée. Le problème de M. Blank est d’un autre ordre. Il n’est pas en mesure d’établir les renvois entre les documents qui lui ont été communiqués après que la Cour suprême eut rendu son arrêt et ceux que le juge Russell a déclaré protégés. Par conséquent, il ne peut pas avoir la certitude qu’il a tous les documents auxquels il a droit dans la présente affaire.

 

[4]               M. Blank soutient donc que le juge Russell devait passer en revue la liste des documents qui ont été transmis au ministère de la Justice et vérifier que les documents auxquels il a appliqué l’exception n’étaient pas sur cette liste. Je rejette cette prétention. Le juge Russell était tenu de statuer sur la communication des documents en cause. Il en a soigneusement fait l’inventaire et indiqué ceux qui étaient matière à controverse. Il a fait une distinction entre les documents pour lesquels était invoqué le privilège relatif au litige et ceux pour lesquels le secret professionnel était invoqué, et ceux pour lesquels on ne précisait lequel des deux privilèges était invoqué. Puis, il a passé en revue les documents controversés et il a statué sur la question de la communication de ceux-ci en se fondant sur les renseignements produits par les parties. Il a ordonné la communication de tous les documents pour lesquels on invoquait le privilège relatif au litige. Lorsque l’exception invoquée ne faisait pas de distinction entre les deux volets du privilège, il a passé en revue les documents afin de vérifier si une exception était applicable. Tout cela est soigneusement consigné dans les annexes A et B de la présente décision. Vu les circonstances, le fait que d’autres documents ont été échangés par les parties après qu’elles eurent comparu devant lui, n’avait aucune pertinence quant à la question sur laquelle il était appelé à statuer.

 

[5]               M. Blank a une conception très erronée de l’effet de l’article 25 de la Loi qui porte sur le prélèvement de passages de documents. Se fondant sur des notions d’interprétation des lois et sur le principe de la souveraineté du Parlement, il soutient que l’obligation de supprimer des renseignements protégés énoncée dans l’article 25 peut servir à restreindre l’exception fondée sur le secret professionnel. L’article 25 est sans ambiguïté :

25. Le responsable d'une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s'autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d'en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.

25. Notwithstanding any other provision of this Act, where a request is made to a government institution for access to a record that the head of the institution is authorized to refuse to disclose under this Act by reason of information or other material contained in the record, the head of the institution shall disclose any part of the record that does not contain, and can reasonably be severed from any part that contains, any such information or material.

 

 

[6]               L’article 25 est conçu pour éviter la suppression d’un document au complet au motif qu’une partie de celui-ci contient des renseignements à protéger. L’article 25 se borne à exiger que les renseignements à protéger soient supprimés du document et que le reste soit communiqué. La Cour a précisé que lorsque l’exception est contestée, le demandeur doit obtenir les renseignements qui le mettent en mesure de cerner le document en question et de contester l’exception invoquée : voir Blank c. Canada (Ministre de l’Environnement), 2001 CAF 374, [2001] A.C.F. no 1844. Cela ne comprend pas les renseignements qui dévoileraient le sujet de la communication visée par le privilège : voir Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2007 CAF 147, [2007] A.C.F. no 523, au par. 7.

 

[7]               Rien de tout cela n’étaie la thèse que l’article 25 réduit, d’une manière ou d’une autre, la portée des exceptions prévues par la Loi. Lorsque l’institution en question conclut que le document contient des renseignements protégés, elle doit alors étudier la possibilité de les supprimer de celui‑ci et d’en communiquer le reste, à condition que les portions subsistantes conservent une certaine cohérence : voir Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2005 CF 1551, [2005] A.C.F. no 1927, au par. 36. Il ne peut y avoir de conflit entre l’article 25 et les dispositions de la Loi qui prévoient des exceptions au principe de la communication des documents. L’article 25 dit simplement que les passages qui ne sont pas protégés doivent toujours être communiqués si cela est utile. Le fait que l’exception fondée sur le secret professionnel tire son origine de la common law n’a aucune incidence sur l’application de l’article 25. C’est l’exception elle-même qui compte, pas sa source.

 

[8]               Le juge Russell a passé en revue tous les documents énumérés dans l’annexe  B; il a conclu que le privilège relatif au litige invoqué n’était pas applicable et il a ordonné la communication de passages de documents pour lesquels on avait invoqué le privilège relatif au secret professionnel. Comme le juge Russell a correctement formulé le critère du prélèvement et il l’a suivi pour chacun des documents en cause, il n’est pas nécessaire que nous examinions son jugement à travers le prisme de l’opinion erronée de M. Blank quant à l’effet de l’article 25.

 

[9]               En l’espèce, M. Blank soutient, comme il l’a fait dans d’autres actions qu’il a menées devant la Cour, que la Couronne détourne le secret professionnel pour dissimuler les preuves de ses malversations. Dans le même ordre d’idées, il soutient que le juge Russell a fait erreur lorsqu’il a dit que c’est lui qui avait la charge de prouver que la communication des documents en cause s’imposait alors qu’il aurait dû respecter le principe fondamental de la loi, à savoir que c’est la communication des documents qui constitue la norme, et non pas leur suppression. Somme toute, M. Blank fait grief à la Cour de ne pas bien comprendre le problème auquel il fait face : les preuves des malversations qu’aurait commises la Couronne se trouvent dans ses dossiers qu’elle refuse de communiquer au nom du secret professionnel.

 

[10]           À deux reprises au moins, la Cour a examiné les documents pour lesquels la même thèse avait été avancée; dans les deux cas, elle a conclu qu’il n’y avait pas de motifs d’écarter le secret professionnel : voir les arrêts Blank, 2007 CAF 147, [2007] A.C.F. no 523, au par. 19 et Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2004 CAF 287, [2004] A.C.F. no 1455, au par. 64. Il ne suffit pas d’alléguer qu’il y a eu malversations et d’insister sur l’examen des documents pour lesquels la Couronne invoque une exception. C’est à M. Blank qu’incombe la charge d’établir le fondement des malversations qu’aurait commises la Couronne. À ce jour, il ne l’a pas fait.

 

[11]           M. Blank soutient aussi que la communication des documents va dans le sens de l’intérêt public; il s’agit là pour ainsi dire de la même thèse. Elle suppose que, lorsque le privilège invoqué par la Couronne fait l’objet d’une contestation, celui-ci doit être écarté puisque l’intérêt public exige que soient communiqués les documents demandés. Ce raisonnement est fondé sur la prémisse suivante : en principe, la Couronne ne peut alors jamais insister sur le respect de son privilège. Rien n’indique à la Cour que, en l’espèce, la Couronne a invoqué le privilège en question pour des raisons répréhensibles.

 

[12]           Pour ces motifs, nous sommes d’avis que le présent appel doit être rejeté avec dépens.

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord,

    Marc Noël, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

    M. Nadon, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LLB, BCL

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-515-06

 

(APPEL DE L’ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE EN DATE DU 16 OCTOBRE 2006, No T-567-05)

 

INTITULÉ :                                                                           SHELDON BLANK c. LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 12 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE NOËL

                                                                                                LE JUGE NADON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 17 SeptembRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sheldon Blank

 

 

Pour son propre compte

Dhara Drew

Duncan Fraser

Pour l’intimé

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

 

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