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Date : 20071026

Dossier : A‑398‑07

Référence : 2007 CAF 336

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence du juge Noël

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

NORTHROP GRUMMAN OVERSEAS SERVICES CORPORATION,

LOCKHEED MARTIN CORPORATION et RAYTHEON COMPANY

 

intimées

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 23 octobre 2002.

Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario), le 26 octobre 2012.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                                           LE JUGE NOËL

 


Date : 20071026

Dossier : A‑398‑07

Référence : 2007 CAF 336

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence du juge Noël

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

NORTHROP GRUMMAN OVERSEAS SERVICES CORPORATION,

LOCKHEED MARTIN CORPORATION et RAYTHEON COMPANY

 

intimées

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE NOËL

[1]               L’intimée, Northrop Grumman Overseas Services Corporation (« Northrop Grumman ») dépose une requête dans laquelle elle demande :

a.                   une ordonnance enjoignant à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« TPSGC ») de donner effet à la recommandation formulée par le Tribunal canadien du commerce extérieur (« TCCE ») à l’appui de sa décision en date du 30 août 2007 selon laquelle les soumissions dans le cadre d’un processus d’approvisionnement soient réévaluées;

 

b.                   une ordonnance déclarant que la demande de contrôle judiciaire de ladite décision déposée par TPSGC n’a pas pour effet de la surseoir et, subsidiairement;

 

c.                   un sursis provisoire de l’exécution du contrat attribué à l’intimée, Lockheed Martin Corporation (« Lockheed Martin ») par TPSGC.

 

LES FAITS

[2]               Au moyen d’une décision en date du 30 août 2007, la TCCE a décidé que deux des trois plaintes déposées par Northrop Grumman étaient valides. Dans un exposé des motifs à l’appui de cette décision le 12 septembre 2007, le TCCE a formulé les recommandations suivantes (au paragraphe 75) :

Le Tribunal convient avec TPSGC dans son RIF que « la meilleure mesure corrective est de recommander une réévaluation des propositions concurrentes » [traduction]. Le Tribunal note que TPSGC a évalué uniformément les critères cotés R13 et R44 pour tous les soumissionnaires et que, par conséquent, ses erreurs d’évaluation auraient pu avoir une incidence sur toutes les cotes des soumissionnaires. Le marché pourrait donc avoir été adjugé au mauvais soumissionnaire, et on ne sait au juste lequel des trois soumissionnaires aurait été gagnant si les trois propositions avaient été évaluées comme il se doit. Le Tribunal recommande donc que, dans les 30 jours suivant la publication de sa décision, TPSGC réévalue les parties des propositions qui se rapportent aux critères cotés R13 et R44, pour les trois soumissionnaires, selon les indications suivantes : [...]

 

[3]               Le 19 septembre 2007, TPSGC a informé le TCCE, agissant supposément en vertu du paragraphe 30.18(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (la « Loi sur le TCCE ») et de l’article 13 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics (le « Règlement sur les marchés publics »), qu’il ne donnerait pas effet aux recommandations formulées par le TCCE. Le seul motif donné par TPSGC pour son refus de mettre en œuvre les recommandations du CTTE était que le TPSGC ne souscrivait pas à la décision rendue par le TCCE et avait l’intention de demander un contrôle judiciaire. TPSGC a depuis informé Northrop Grumman qu’il n’a aucune intention de suspendre le contrat attribué à Lockheed Martin en attendant l’issu de sa demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Le procureur général, agissant au nom de TPSGC a maintenant déposé une demande de contrôle judiciaire en l’espèce dans laquelle TPSGC attaque la décision du TCCE dans la mesure où elle fait droit à la plainte de Northrop Grumman. Le procureur général a également déposé une demande visant une décision antérieure rendue par le TCCE dans laquelle celui‑ci s’est déclaré compétent à instruire la plainte déposée par Northrop Grumman, malgré les objections de TPSGC. Cette demande est également en instance.

 

[5]               À l’appui de sa requête, Northrop Grumman soutient que TPSGC ne peut pas faire abstraction des recommandations formulées par le TCCE uniquement parce qu’il ne souscrit pas à la décision du TCCE confirmant les plaintes et elle a déposé une demande de contrôle judiciaire. Dans la mesure où TPSGC ne souhaite pas mettre en œuvre les recommandations du TCCE en attendant l’issu de sa demande de contrôle judiciaire, il doit, comme il l’a fait dans le passé, demander et obtenir un sursis de cette décision (Seprotech Systems Inc. c. Peacock Inc., [2002] A.C.F. no 1764 (CAF) est invoquée). Northrop Grumman craint qu’en ne pas tenant compte des recommandations formulées par le TCCE, TPSGC peut se placer dans la situation où il ne sera plus en mesure de donner effet aux recommandations du TCCE après l’issue de la demande de contrôle judiciaire.

 

[6]               Le procureur général s’oppose à la requête en invoquant deux motifs. En premier lieu, il soutient que les première et deuxième réparations demandées par Northrop Grumman dans sa requête ne sont pas de nature de réparation provisoire. Selon le procureur général, Northrop Grumman demande en fait une réparation définitive à l’égard de la décision de TPSGC de ne pas donner effet aux recommandations du TCCE. Vu que le paragraphe 28(1) de la Loi sur les Cours fédérales ne désigne pas le ministre de TPSGC comme un office fédéral, une commission ou un autre tribunal qui relève de la compétence de la Cour d’appel fédérale, la demande ne peut être instruite que par la Cour fédérale.

 

[7]               Subsidiairement, le procureur général fait valoir que le paragraphe 30.15(2) de la Loi sur le TCCE ne confère au TCCE que le pouvoir de formuler des « recommandations » lorsqu’il fait droit à une plainte et que l’article 30.18 autorise à TPSGC de ne pas mettre en œuvre de telles recommandations pendant que l’instruction de de sa demande de contrôle judiciaire. Même si cette pratique n’a jamais été contestée jusqu’à présent, le procureur général invoque sept cas au cours des dernières années où, en invoquant l’article 30.18, TPSGC a informé le TCCE qu’il ne mettrait pas en œuvre ses recommandations en attendant l’issue de sa demande de contrôle judiciaire.

 

[8]               Si je comprends bien la thèse du procureur général, seul TPSGC aurait l’option de passer outre l’application des recommandations du TCCE en attenant l’issue d’une demande de contrôle judiciaire. Toute autre partie à une plainte en matière d’approvisionnement qui souhaite empêcher la mise en œuvre des recommandations en attendant l’issue d’une demande de contrôle judiciaire devrait obtenir un sursis de la manière habituelle (voir par exemple, Profac Facilities Management Services Inc. c. FM One Alliance Corp., [2001] A.C.F. no 1530).

 

[9]               Lockheed Martin s’oppose également à la demande de Northrop Grumman en invoquant essentiellement les mêmes arguments que ceux présentés par le procureur général au nom de TPSGC. L’intimée, Raytheon Company, ne prend pas position.

 

DISCUSSION ET DÉCISION

[10]           En ce qui concerne d’abord la question relative à la compétence, le procureur général soutient que la Cour fédérale (plus particulièrement, la Section de première instance de la Cour fédérale, tel était son nom à l’époque) s’est déclarée compétente à l’exclusion de notre Cour dans des circonstances identiques à celles de l’espèce dans ACE/Clear Defence Inc. c. Director, National Gallery of Canada, dossier no T‑1526‑00. Dans cette affaire, le Musée des beaux‑arts du Canada avait refusé de mettre en œuvre des recommandations du TCCE en attendant l’issue de la demande de contrôle judiciaire de la décision du TCCE qu’il avait déposée devant notre Cour. ACE/Clear Defence Inc. s’est opposé au refus du Musée au moyen d’une requête déposée devant la Cour fédérale. Toutefois, cette requête n’avait pas encore été instruite au moment où notre Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire du Musée. En conséquence, elle est devenue théorique et n’a jamais été instruite. Or, cette affaire ne permet pas d’étayer la proposition présentée par le procureur général.

 

[11]           Le procureur général soutient en outre qu’un jugement déclaratoire provisoire sur un droit constitue une contradiction en soi. À cet égard, il invoque la décision du juge Hugessen dans Bande de Sawridge c. Canada, [2003] 4 C.F. 748 (au paragraphe 6) :

Si un tribunal conclut à l’existence d’un droit, une déclaration à cet effet met un terme à la question, et il ne reste plus rien à traiter dans le jugement définitif. Si, en revanche, le droit n’est pas établi de façon à satisfaire la cour, il ne peut exister aucun droit à faire déclarer l’existence d’un droit qui n’est pas prouvé.

 

[12]           Cependant, l’espèce est étrange en ce que le procureur général reconnaît lui‑même que le droit invoqué au nom de TSPGC (c’est‑à‑dire, le droit de ne pas donner effet aux recommandations du TCCE) est de nature provisoire :

[traduction]

 

En conséquence, si le procureur général n’obtient pas gain de cause en ce qui concerne son opposition à la compétence du Tribunal d’enquêter la plainte de Northrop Grumman (A‑310‑07) et n’obtient pas gain de cause dans la demande, ainsi, sous réserve d’un autre appel, selon la pratique normale de TSPGC, il effectuerait une nouvelle évaluation des exigences cotées EC 13 et EC44, conformément aux recommandations du Tribunal (mémoire des faits et du droit du procureur général, au paragraphe 53).

 

[13]           À mon humble avis, les réparations demandées par Northrop Grumman dans son avis de requête relèvent bien de la portée de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales qui, lorsqu’il est lu de concert avec le paragraphe 28(2), confère à la Cour d’appel fédérale le pouvoir de « prendre les mesures provisoires qu’elle estime indiquées avant de rendre sa décision définitive ».

 

[14]           La question de savoir si la décision du TCCE de faire droit une plainte et de formuler des recommandations continue d’être en vigueur en attendant l’issue d’une demande de contrôle judiciaire devant notre Cour est, selon moi, une question provisoire qui relève à bon droit de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales. De même, la question de savoir si un sursis d’exécution de la décision du TCCE est requis afin d’autoriser à TPSGC de ne pas tenir compte des recommandations en attendant l’issue de sa demande de contrôle judiciaire constitue également une question provisoire qui relève de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[15]           Je conclus donc que notre Cour a compétence pour accorder la réparation demandée par Northrop Grumman.

 

[16]           J’examine maintenant la question de fond à l’égard de laquelle le procureur général soutient que le pouvoir du TCCE à faire droit à une plainte est limité à la formulation de recommandations, dont TPSGC est libre de ne pas en tenir compte en attendant l’issue d’une demande de contrôle judiciaire. Les articles 30.15 et 30.18, ainsi que l’article 13 du Règlement sur les marchés publics sont invoqués pour étayer cet argument. Ces dispositions, dont le libellé invoqué par le procureur général est souligné, disposent :

LOI SUR LE TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR

 

Conclusions et recommandations

30.15 (1) Lorsqu’il a décidé d’enquêter, le Tribunal, dans le délai réglementaire suivant le dépôt de la plainte, remet au plaignant, à l’institution fédérale concernée et à toute autre partie qu’il juge être intéressée ses conclusions et ses éventuelles recommandations.

Mesures correctives

(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes :

a) un nouvel appel d’offres;

 

b) la réévaluation des soumissions présentées;

c) la résiliation du contrat spécifique;

d) l’attribution du contrat spécifique au plaignant;

e) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

Critères

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

 

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

Indemnité

(4) Le Tribunal peut, sous réserve des règlements, accorder au plaignant le remboursement des frais entraînés par la préparation d’une réponse à l’appel d’offres.

 

Mise en oeuvre des recommandations

30.18 (1) Lorsque le Tribunal lui fait des recommandations en vertu de l’article 30.15, l’institution fédérale doit, sous réserve des règlements, les mettre en oeuvre dans toute la mesure du possible.

 

Idem

(2) Elle doit en outre, par écrit et dans le délai réglementaire, lui faire savoir dans quelle mesure elle compte mettre en oeuvre les recommandations et, dans tous les cas où elle n’entend pas les appliquer en totalité, lui motiver sa décision.

 

Idem

(3) Lorsqu’elle a avisé le Tribunal qu’elle entend donner suite aux recommandations, elle doit lui indiquer, dans le délai réglementaire et par écrit, dans quelle mesure elle l’a fait.

 

 

 

 

RÈGLEMENT SUR LES ENQUÊTES DU TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR SUR LES MARCHÉS PUBLICS

 

13. Sur réception des recommandations du Tribunal faites en vertu de l’article 30.15 de la Loi, l’institution fédérale :

a) lui fait savoir par écrit, dans les 20 jours suivant la réception des recommandations, dans quelle mesure elle compte les mettre en oeuvre et, dans le cas où elle n’entend pas les appliquer en totalité, lui motive sa décision;

b) lorsqu’elle l’a avisé qu’elle entend donner suite aux recommandations, lui indique par écrit, dans les 60 jours suivant la réception de celles‑ci, dans quelle mesure elle l’a fait.

 

 

CANADIAN INTERNATIONAL TRADE TRIBUNAL ACT

 

Findings and recommendations

30.15 (1) Where the Tribunal decides to conduct an inquiry, it shall, within the prescribed period after the complaint is filed, provide the complainant, the relevant government institution and any other party that the Tribunal considers to be an interested party with the Tribunal’s findings and recommendations, if any.

Remedies

(2) Subject to the regulations, where the Tribunal determines that a complaint is valid, it may recommend such remedy as it considers appropriate, including any one or more of the following remedies:

(a) that a new solicitation for the designated contract be issued;

(b) that the bids be re‑evaluated;

(c) that the designated contract be terminated;

(d) that the designated contract be awarded to the complainant; or

(e) that the complainant be compensated by an amount specified by the Tribunal.

Criteria to be applied

(3) The Tribunal shall, in recommending an appropriate remedy under subsection (2), consider all the circumstances relevant to the procurement of the goods or services to which the designated contract relates, including

(a) the seriousness of any deficiency in the procurement process found by the Tribunal;

(b) the degree to which the complainant and all other interested parties were prejudiced;

(c) the degree to which the integrity and efficiency of the competitive procurement system was prejudiced;

(d) whether the parties acted in good faith; and

(e) the extent to which the contract was performed.

Cost of preparing response

(4) Subject to the regulations, the Tribunal may award to the complainant the reasonable costs incurred by the complainant in preparing a response to the solicitation for the designated contract.

 

Implementation of recommendations

30.18 (1) Where the Tribunal makes recommendations to a government institution under section 30.15, the government institution shall, subject to the regulations, implement the recommendations to the greatest extent possible.

Notice of intention

(2) Within the prescribed period, the government institution shall advise the Tribunal in writing of the extent to which it intends to implement the recommendations and, if it does not intend to implement them fully, the reasons for not doing so.

 

Notice of progress

(3) Where the government institution has advised the Tribunal that it intends to implement the recommendations in whole or in part, it shall further advise the Tribunal in writing, within the prescribed period, of the extent to which it has then implemented the recommendations.

 

 

 

CANADIAN INTERNATIONAL TRADE TRIBUNAL PROCUREMENT INQUIRY REGULATIONS

 

13. Where the Tribunal makes recommendations to a government institution under section 30.15 of the Act, the government institution shall:

(a) advise the Tribunal in writing, within 20 days after receipt of the recommendations, of the extent to which it intends to implement the recommendations and, if it does not intend to implement them fully, the reasons for not doing so; and

(b) where the government institution has advised the Tribunal that it intends to implement the recommendations in whole or in part, advise the Tribunal in writing, within 60 days after receipt of the recommendations, of the extent to which it has then implemented the recommendations.

 

 

[17]           À mon humble avis, ces dispositions ne permettent pas d’étayer la proposition présentée par le procureur général. Plus particulièrement, l’article 30.18 de la Loi sur le TCCE n’autorise pas à TPSGC de ne pas tenir compte des recommandations formulées par le TCCE simplement parce qu’il ne souscrit pas à la décision faisant droit à la plainte et qu’il a déposé une demande de contrôle judiciaire.

 

[18]           La Cour a eu l’occasion d’examiner la portée, l’objectif et l’effet de l’article 30.18 dans Canada (Procureur général) c. Symtron Systems Inc., [1999] 2 C.F. 514 (C.A.F.). Dans cette affaire, le juge Linden a déclaré ce qui suit au nom de la Cour (aux paragraphes 12 et 13) :

12 Enfin, le paragraphe 30.18(1) [édicté, idem] de la Loi sur le TCCE crée une sorte de mécanisme pour assurer le respect des décisions, en disposant que l’institution fédérale doit mettre en œuvre les recommandations du Tribunal « dans toute la mesure du possible ». La formule « dans toute la mesure du possible » au paragraphe 30.18(1) de la Loi sur le TCCE remplace l’expression « en principe » employée à l’alinéa 1017(1)l) de l’ALÉNA […]

 

13 Par lui‑même, ce texte semble donner à l’institution fédérale une certaine latitude pour décider si elle va se conformer à la recommandation du Tribunal et dans quelle mesure. Cependant, il appert de l’intention du législateur que les institutions fédérales sont censées respecter la recommandation du Tribunal. La formulation claire des paragraphes 30.18(2) [édicté, idem] et 30.18(3) [édicté, idem] vise à faire en sorte que le non‑respect soit embarrassant et peu fréquent. L’institution doit informer le Tribunal de ce qu’elle entend faire, puis de ce qu’elle a fait pour mettre en œuvre ses recommandations.

 

[19]           Il n’est pas nécessaire de préciser le type de motifs que TPSGC peut invoquer à bon droit en vertu de l’article 30.18 afin de justifier un refus de respecter les recommandations formulées par le TCCE. Il suffit de dire que le simple fait que TPSGC ne souscrit pas à une décision du TCCE faisant droit à une plainte et qu’il demande un contrôle judiciaire de cette décision n’est pas un motif qui est visé par la portée de cette disposition. Je ne retiens pas non plus l’argument selon lequel l’article 30.18 peut être interprété comme autorisant un sursis automatique de la mise en œuvre des recommandations du TCCE, au choix de TPSGC, lorsqu’une contestation est portée contre une décision du TCCE.

 

[20]           Je conclus donc qu’en l’absence d’invoquer à bon droit l’article 30.18, TPSGC doit, comme toute autre partie à une plainte visant des marchés publics, respecter les recommandations du TCCE. Dans la mesure où TPSGC ne peut pas invoquer à bon droit l’article 30.18 en vertu de motifs convaincants – en l’espèce, TPSGC a accepté que les recommandations formulées par le TCCE étaient appropriées si la plainte était jugée valide – et ne souhaite pas donner effet aux recommandations, il doit demander et obtenir un sursis approprié.

 

[21]           Une ordonnance sera donc rendue déclarant que la demande de contrôle judiciaire déposée par le procureur général au nom de TPSGC n’a pas pour effet de surseoir la mise en œuvre des recommandations formulées par le TCCE et ordonnant à TPSGC de respecter ces recommandations en attendant l’issue de la demande de contrôle judiciaire. Dans les circonstances, je crois qu’il est approprié d’accorder à TPSGC l’autorisation de demander un sursis de l’exécution de la décision du TCCE sous condition que cette demande soit déposée sans délai. Une ordonnance à cet effet sera prononcée.

 

[22]           Vu ce résultat, il n’est pas nécessaire de trancher la requête subsidiaire. Northrop Grumman a droit aux dépens de la présente requête sans égard de l’issue de la demande de contrôle judiciaire déposée par TPSGC.

 

 

« Marc Noël »

Juge

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A‑398‑07

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada

                                                                                                c. Northrop Grumman Overseas Services Corporation, Lockheed Martin Corporation et Raytheon Company

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 23 octobre 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      Le juge Noël

 

RENDU PAR :                                                                       Le juge Noël

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 26 octobre 2007

 

COMPARUTIONS :

Me David M. Attwater

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Barbara A. McIsaac, c.r.

 

POUR L’INTIMÉE

Northrop Grumman Overseas Services Corporation

 

Me Richard A. Wagner

Me Ian Clark

 

 

POUR L’INTIMÉE

Lockheed Martin Corporation

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Counsellor Law Offices

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

McCarthy Tétrault, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

Northrop Grumman Overseas Services Corporation

 

Ogilvy Renault, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

Lockheed Martin Corporation

 

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