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Date : 20071102

Dossier : A-323-06

Référence : 2007 CAF 354

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Demandeur

et

MARTINE BÉGIN

Défenderesse

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 31 octobre 2007.

Jugement rendu à Québec (Québec), le 2 novembre 2007.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                               LE JUGE NOËL

                                                                                                                            LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20071102

Dossier : A-323-06

Référence : 2007 CAF 354

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Demandeur

et

MARTINE BÉGIN

Défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Question en litige

 

[1]               Réduit à sa plus simple expression et dépouillé de ses artifices, le débat se résume ainsi : le conseil arbitral (conseil) a-t-il eu raison d’appliquer l’exception de l’article 24 du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS 96-332 (Règlement) aux fins du calcul du taux des prestations d’assurance-emploi demandées par la défenderesse? Le juge-arbitre a confirmé la décision du conseil (CUB 66024).

 

[2]               L’article 24 se lit :

 

24. Lorsque la période d’emploi à laquelle se rapporte la rémunération assurable déclarée sur le relevé d’emploi coïncide partiellement avec la période de base du prestataire, la Commission répartit, sauf si celui-ci ou son employeur lui présente la preuve du montant de la rémunération assurable effectivement gagnée au cours de la période de base, le montant de la rémunération assurable — compte non tenu de la rémunération assurable payée ou payable le 1er janvier 1997 ou après cette date en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi — proportionnellement sur cette période d’emploi, en partant du principe que le prestataire a gagné la même rémunération assurable pour chacun des sept jours de chaque semaine.

24. Where a period of employment for which insurable earnings have been reported on the record of employment falls partially within the claimant's rate calculation period, the Commission shall, unless presented by the claimant or the employer with evidence of the amount of insurable earnings actually earned in the rate calculation period, allocate the amount of insurable earnings, excluding insurable earnings paid or payable on or after January 1, 1997 by reason of lay-off or separation from employment, proportionately over that period of employment, on the basis that the claimant earned the same amount of insurable earnings for each of the seven days of each week.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[3]               La partie soulignée réfère à l’exception. Selon que cette exception trouve application ou non, le montant de prestations hebdomadaires auquel a droit la défenderesse est de 413 $ ou 381 $ respectivement.

 

 

Bref résumé des faits

 

[4]               La défenderesse est enseignante. Elle a exercé son droit de retrait préventif dans le cadre du programme « Pour une maternité sans danger ». Pour la période du 7 septembre 2004 au 23 avril 2005, elle a reçu des prestations de la Commission sur la santé et la sécurité au travail : voir dossier du demandeur, page 38.  Elle a, par la suite, fait établir une période de prestations à son profit à compter du 24 avril 2005.

 

[5]               Sa demande de prestations d’assurance-emploi faite, la Commission de l’assurance-emploi (Commission), en conformité avec l’article 14 de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (Loi), a procédé à la détermination du taux de prestations hebdomadaires payables à la défenderesse.

 

[6]               Dans le cadre de cet exercice, le Règlement contient dans sa Partie I des dispositions relatives à la répartition de la rémunération assurable aux fins du calcul de l’article 14 de la Loi.

 

[7]               L’article 23 du Règlement ainsi que l’article 24 préalablement cité établissent la méthode de répartition. Je reproduis l’article 23 pour une meilleure compréhension du débat :

 

23. (1) Pour l’application de l’article 14 de la Loi, la rémunération assurable est répartie de la façon suivante :

 

a) la rétribution, y compris la paie des jours fériés, autre que la rétribution visée à l’alinéa b), qui est versée pour une période de paie est attribuée de la manière

suivante :

(i) la rétribution versée pour le travail accompli au cours de la période de paie est répartie sur cette période proportionnellement aux heures travaillées chaque jour de la période,

(ii) la rétribution versée pour une période de congé est attribuée à cette période selon le taux d’indemnisation de rémunération pour cette période,

(iii) la rétribution versée pour une période de congé sous forme d’une somme forfaitaire déterminée en fonction d’un critère autre que la durée de cette période est répartie proportionnellement sur toute la période;

 

b) la paie d’heures supplémentaires, les primes de quart de travail, les rajustements de salaire, les augmentations de salaire rétroactives, les primes, les gratifications, les crédits de congés de maladie non utilisés, les primes de rendement, l’indemnité de vie chère, l’indemnité de fin d’emploi, l’indemnité de préavis et la paie de vacances qui n’est pas versée à l’égard d’une période de paie sont répartis proportionnellement sur la période de paie au cours de laquelle ils sont versés;

 

c) toute autre rétribution qui n’est pas versée à l’égard d’une période de paie et qui n’est pas visée par les alinéas a) et b) est répartie proportionnellement sur la période de paie au cours de laquelle elle est versée;

 

d) la rétribution qui n’est pas versée pour les raisons visées au paragraphe 2(2) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations est attribuée ou répartie selon les alinéas a) à c) de la même manière que si elle avait été effectivement versée dans le cours normal des affaires.

 

  (1.1) Lorsque l’assuré est en congé sans solde, a quitté volontairement son emploi ou est licencié, ou dans le cas de la cessation de son emploi, la rétribution mentionnée à l’alinéa (1)b) est répartie proportionnellement sur la dernière période de paie pour laquelle un salaire, un traitement ou des commissions ont été versés sur une base régulière.

 

  (2) Lorsque l’assuré exerce un emploi assurable aux termes d’un contrat à durée fixe et que la rémunération assurable à cet égard n’est pas versée sur une base régulière, la rémunération assurable versée en vertu de ce contrat est répartie, indépendamment des modalités de versement, proportionnellement sur la durée du contrat.

 

  (3) Lorsque la rétribution de l’assuré se compose uniquement de commissions ou d’un salaire assorti de commissions versées à intervalles irréguliers, la rémunération assurable versée au cours de la période d’emploi ou les 52 dernières semaines, selon la période la plus courte, est répartie proportionnellement sur cette période, compte non tenu des semaines pour lesquelles l’assuré est en congé sans solde pour l’une des raisons mentionnées au paragraphe 12(3) de la Loi.

 

 

  (4) Dans les cas non visés aux paragraphes (1) à (3), la rémunération assurable de l’assuré versée au cours de la période d’emploi ou des 52 dernières semaines, selon la période la plus courte, est répartie proportionnellement sur cette période.

 

 

  (5) L’employeur peut faire une estimation de la rémunération assurable de l’assuré pour la période de paie en cours au moment du licenciement ou de la cessation d’emploi, si cette rémunération ne peut être déterminée avec exactitude.

23. (1) For the purposes of section 14 of the Act, insurable earnings shall be allocated in the following manner:

 

(a) remuneration, including statutory holiday pay, other than the remuneration referred to in paragraph (b), paid in respect of a pay period shall be allocated in the following manner:

(i) if the remuneration is paid in respect of work performed during the pay period, it shall be allocated to that pay period in proportion to the hours worked during each day of the period,

(ii) if the remuneration is paid in respect of a period of leave, it shall be allocated to that period at the rate at which the period was compensated,

(iii) if the remuneration is paid in respect of a period of leave in the form of a lump-sum payment calculated on a basis other than the length of the period of leave, it shall be allocated proportionately over the whole period;

 

(b) overtime pay, shift premiums, pay adjustments, retroactive pay increases, bonuses, gratuities, accumulated sick leave credits, incentive payments, cost of living allowances, separation payments, and wages in lieu of notice and vacation pay not paid in respect of a pay period shall be allocated proportionately over the pay period in which they are paid;

 

 

 

 

(c) any other remuneration not paid in respect of a pay period and not covered by paragraphs (a) and (b) shall be allocated proportionally over the pay period in which it is paid; and

 

 

(d) remuneration that remains unpaid for reasons described in subsection 2(2) of the Insurable Earnings and Collection of Premiums Regulations shall be allocated under paragraphs (a) to (c) in the same manner as if it had actually been paid in the normal course of business.

 

 

  (1.1) Where an insured person is on unpaid leave or has quit their employment or been terminated or laid off, the remuneration referred to in paragraph (1)(b) shall be allocated proportionately over the last pay period for which regular salary, wages or commissions are paid.

 

 

 

  (2) Where an insured person is employed in insurable employment on the basis of a contract for a fixed term and their insurable earnings under the contract are not paid on a regular basis, the insurable earnings shall, regardless of the basis on which they are paid, be allocated proportionately over the term of the contract.

 

 

  (3) Where the remuneration of an insured person consists solely of commissions or of salary and irregularly paid commissions, the person's insurable earnings paid in the period of employment or in the last 52 weeks, whichever is shorter, shall be allocated proportionately over the shorter of the period of employment and the last 52 weeks, as applicable, excluding weeks for which the insured person is on unpaid leave of absence from employment for one of the reasons referred to in subsection 12(3) of the Act.

 

  (4) Where an insured person has insurable earnings to which none of subsections (1) to (3) apply, the insurable earnings paid in the period of employment or in the last 52 weeks, whichever is shorter, shall be allocated proportionately over the shorter of the period of employment and the last 52 weeks, as applicable.

 

  (5) Where the insurable earnings of an insured person for a pay period that is running at the time the insured person is laid off or separated from employment cannot be ascertained with accuracy, the employer may estimate the person's insurable earnings for that period.

 

 

[8]               Tel que déjà mentionné, la défenderesse est enseignante. Elle était rémunérée hebdomadairement, mais payée à toutes les deux semaines. Elle touchait des sommes relativement similaires (entre 1 545 $ et 1 669 $). Toutefois, pour la période de paie du 13 au 30 juin 2004, elle a reçu un rajustement de paie pour l’année entière, soit un montant substantiel correspondant à une paie de 35 unités au lieu d’une paie normale fondée sur 10 unités. Elle a donc touché, de ce fait, 5 584,65 $ ainsi que divers ajustements pour un montant total brut de 7 541,83 $. Ces ajustements se composent de suppléments ou de primes pour les jours de travail effectué.

 

[9]               La Commission, s’appuyant sur le paragraphe 23(2) et l’article 24 du Règlement, a réparti la somme de 7 541,83 $ proportionnellement sur la durée du contrat.

 

[10]           Se servant de l’exception de l’article 24 et du relevé d’emploi fourni par l’employeur où cette somme de 7 541,83 $ y apparaissait dans les dernières semaines de la période de base, la défenderesse a soumis qu’elle rencontrait les termes de l’exception, c’est-à-dire « sauf si… l’employeur… présente la preuve du montant de la rémunération assurable effectivement gagnée au cours de la période de base » (je souligne). C’est cette preuve qu’elle dit avoir présentée lors de l’audition devant le conseil arbitral.

 

Analyse de la décision du conseil arbitral et du juge-arbitre

 

[11]           Le demandeur soutient que l’article 24 ne s’applique séquentiellement qu’après l’application du paragraphe 23(2) du Règlement et que, si l’on procède à la répartition selon ce paragraphe comme on se doit de le faire, l’exception de l’article 24 ne saurait être invoquée.

 

[12]           Le procureur de la défenderesse soutient que c’est plutôt le paragraphe 23(1) qui trouve ici application pour la répartition de la rémunération assurable. Quoiqu’il en soit, dit-il, que l’on applique le paragraphe 23(1) ou le paragraphe 23(2), l’article 24 contient une exception et la défenderesse rencontre la lettre et l’esprit de cette exception. Le conseil arbitral n’a pas commis d’erreur en y faisant droit.

 

[13]           Je crois que la solution au litige quant à l’applicabilité de l’exception de l’article 24 réside dans les termes mêmes de cet article qui sont d’ailleurs compatibles avec ceux du paragraphe 23(2) et l’intention législative recherchée par ces deux dispositions.

 

[14]           De fait l’article 24 réfère à de la rémunération assurable effectivement gagnée au cours de la période de base. Le texte anglais parle de «  insurable earnings actually earned in the rate calculation period ».

 

[15]           Or, les montants des 20 unités additionnelles et des divers ajustements, qui ont été faits et qui constituent de la rémunération assurable, ont été versés durant la période de base, mais ils n’ont pas tous été effectivement gagnés durant cette période. Cette rémunération a été gagnée durant la durée du contrat pour chaque jour de travail effectué.

 

[16]           Conséquemment, l’exception de l’article 24 ne pouvait s’appliquer pour permettre, comme l’ont fait le conseil et le juge-arbitre, de comptabiliser exclusivement dans la période de base des montants de rémunération assurable gagnée hors cette période.

 

[17]           L’article 24 du Règlement s’applique lorsque, comme en l’espèce, il n’y a pas coïncidence entre la période d’emploi et la période de base du prestataire. La période d’emploi à laquelle se rapportait la rémunération assurable était de 27 semaines, la période de base, de 14 semaines. Mais son objectif n’est pas d’inclure dans la période de base la rémunération assurable gagnée hors cette période. Son objectif est plutôt de faire coïncider les deux périodes en stipulant une répartition assurable proportionnellement sur la période d’emploi.

 

 

 

Conclusion

 

[18]           Pour ces motifs, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire et j’annulerais la décision du juge-arbitre. Je retournerais l’affaire au juge-arbitre en chef, ou au juge-arbitre qu’il désigne, pour qu’il la décide à nouveau en tenant pour acquis

 

a)         que le taux de prestations hebdomadaires a été correctement déterminé par la Commission en application de l’article 14 de la Loi et du Règlement; et

 

b)         que l’appel de la Commission à l’encontre de la décision du conseil arbitral doit être accueilli.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            Marc Noël j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            Johanne Trudel j.c.a. »

 

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-323-06

 

 

INTITULÉ :                                                   LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                        c.  MARTINE BÉGIN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 31 octobre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NOËL

                                                                        LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 2 novembre 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Carole Bureau

Me Chantale Labonté

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Gaétan Guérard

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

SEDR-CSQ

Charny (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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