Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20071106

Dossier : A-33-07

Référence : 2007 CAF 356

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Appelant

et

GEORGE FLYNN

Intimé

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 10 octobre 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2007.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                     LE JUGE PELLETIER

                                                                                                                            LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20071106

Dossier : A-33-07

Référence : 2007 CAF 356

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Appelant

et

GEORGE FLYNN

Intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               Cet appel soulève la question de l’étendue des garanties procédurales auxquelles un détenu a droit lorsqu’il se voit retirer temporairement la possibilité d’avoir des visites contacts avec sa conjointe de fait et celle de participer au programme de visites familiales privées. À ma connaissance, cette question nous est posée pour la première fois.

 

[2]               La question nous vient de la Cour fédérale où elle fut tranchée en faveur de l’intimé par voie de contrôle judiciaire. Plus précisément, il s’agit de déterminer si celle-ci s’est méprise lorsqu’elle a conclu qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale du fait qu’au moment où fut prise la décision de suspendre les visites en la forme et la manière que l’intimé les recevait jusqu’à ce moment, celui-ci n’avait pas reçu suffisamment de renseignements pour lui permettre de faire des représentations appropriées quant à la suspension.

 

[3]               L’intimé a depuis recouvré sa liberté, mais il a intenté une poursuite en justice contre l’appelant. Celle-ci est toutefois en suspens en attendant une décision définitive sur la contestation qu’il a entreprise de la décision rendue au troisième palier de grief par le Commissaire du service correctionnel du Canada. Il existe donc encore un intérêt pour les parties à ce que le présent litige soit décidé. Dans le cas de l’appelant, cet intérêt consiste également à faire délimiter les paramètres de l’obligation d’équité procédurale dans la situation qui nous occupe.

 

LES FAITS ET LES PROCÉDURES

 

[4]               L’intimé purgeait une peine d’emprisonnement à La Macaza. Dès son arrivée à cet endroit en 2002, il a pu jouir de la possibilité d’avoir des visites avec contact physique avec sa conjointe de fait. Il participait également au programme de visites familiales privées.

 

[5]               Suite à des renseignements obtenus de diverses sources d’information, l’intimé fut soupçonné de faire entrer dans l’institution des stupéfiants et de l’argent. Les visites familiales privées auraient été le moyen utilisé pour ce faire. De plus, on le soupçonnait de faire du prêt de tabac et des transactions d’argent à l’intérieur de l’établissement. Ses conversations téléphoniques furent alors mises sous écoute électronique conformément à une autorisation émise le 8 janvier 2003 : voir le dossier d’appel, volume 1, à la page 41.

 

[6]               L’enquête fut menée par le service de la sécurité préventive. Elle déboucha sur la conclusion suivante : les activités illicites de l’intimé et de sa conjointe complice posaient un risque pour la sécurité de l’établissement. De là la décision prise le 27 février 2003, par le comité des visites, de suspendre les visites contacts et la participation au programme de visites familiales privées. Celles-ci furent remplacées par des visites au « guichet », soit des visites sans contact.

 

[7]               Le 12 mars 2003, la directrice de l’établissement a confirmé la décision de suspendre de façon indéterminée les visites contacts et les visites familiales privées.

 

[8]               Il y eut contestation de la décision de la directrice par l’intimé pour manquement aux règles d’équité procédurale. Le 6 mai 2003, le grief de l’intimé fut rejeté au deuxième palier de révision. Le Sous-commissaire régional qui a rendu la décision rejetant le grief s’est dit d’avis que les motifs de la suspension avaient été fournis à l’intimé et à sa conjointe les 21 et 27 février 2003. Un mois plus tard, le troisième palier de révision confirmait la décision de la directrice pour les mêmes motifs que ceux invoqués par l’autorité décisionnelle du deuxième palier.

 

 

 

 

LA DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

 

[9]               En se fondant sur le paragraphe 90(1) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (Règlement), la Cour fédérale a conclu à l’existence d’un droit à des visites contacts à moins que la séparation des personnes ne soit nécessaire pour assurer la sécurité de l’établissement et qu’il n’existe aucune solution moins restrictive. L’article 90 se lit :

 

90. (1) Tout détenu doit, dans des limites raisonnables, avoir la possibilité de recevoir des visiteurs dans un endroit exempt de séparation qui empêche les contacts physiques, à moins que :

 

a) le directeur du pénitencier ou l'agent désigné par lui n'ait des motifs raisonnables de croire que la séparation est nécessaire pour la sécurité du pénitencier ou de quiconque;

 

 

b) il n'existe aucune solution moins restrictive.

 

  (2) Afin d'assurer la sécurité du pénitencier ou de quiconque, le directeur du pénitencier ou l'agent désigné par lui peut autoriser une surveillance du secteur des visites, par un agent ou avec des moyens techniques, et cette surveillance doit se faire de la façon la moins gênante possible dans les circonstances.

 

 

  (3) Le Service doit veiller à ce que chaque détenu puisse s'entretenir avec son avocat dans un local assurant à l'entrevue un caractère confidentiel.

90. (1) Every inmate shall have a reasonable opportunity to meet with a visitor without a physical barrier to personal contact unless

 

 

(a) the institutional head or a staff member designated by the institutional head believes on reasonable grounds that the barrier is necessary for the security of the penitentiary or the safety of any person; and

 

(b) no less restrictive measure is available.

 

 

  (2) The institutional head or a staff member designated by the institutional head may, for the purpose of protecting the security of the penitentiary or the safety of any person, authorize the visual supervision of a visiting area by a staff member or a mechanical device, and the supervision shall be carried out in the least obtrusive manner necessary in the circumstances.

 

  (3) The Service shall ensure that every inmate can meet with the inmate's legal counsel in private interview facilities.

 

[10]           Elle s’est également dite d’avis qu’il y avait eu manquement des autorités à leur obligation de divulguer que l’on retrouve à l’article 27 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (Loi). La teneur de cette disposition est la suivante :

 

27. (1) Sous réserve du paragraphe (3), la personne ou l’organisme chargé de rendre, au nom du Service, une décision au sujet d’un délinquant doit, lorsque celui-ci a le droit en vertu de la présente partie ou des règlements de présenter des observations, lui communiquer, dans un délai raisonnable avant la prise de décision, tous les renseignements entrant en ligne de compte dans celle-ci, ou un sommaire de ceux-ci.

 

 

Idem

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), cette personne ou cet organisme doit, dès que sa décision est rendue, faire connaître au délinquant qui y a droit au titre de la présente partie ou des règlements les renseignements pris en compte dans la décision, ou un sommaire de ceux-ci.

 

 

 

Exception

 

(3) Sauf dans le cas des infractions disciplinaires, le commissaire peut autoriser, dans la mesure jugée strictement nécessaire toutefois, le refus de communiquer des renseignements au délinquant s’il a des motifs raisonnables de croire que cette communication mettrait en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d’une enquête licite.

27. (1) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to make representations in relation to a decision to be taken by the Service about the offender, the person or body that is to take the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, a reasonable period before the decision is to be taken, all the information to be considered in the taking of the decision or a summary of that information.

 

Idem

 

(2) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to be given reasons for a decision taken by the Service about the offender, the person or body that takes the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, forthwith after the decision is taken, all the information that was considered in the taking of the decision or a summary of that information.

 

Exceptions

 

(3) Except in relation to decisions on disciplinary offences, where the Commissioner has reasonable grounds to believe that disclosure of information under subsection (1) or (2) would jeopardize

 

(a) the safety of any person,

 

(b) the security of a penitentiary, or

 

(c) the conduct of any lawful investigation,

 

the Commissioner may authorize the withholding from the offender of as much information as is strictly necessary in order to protect the interest identified in paragraph (a), (b) or (c).

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

 

[11]           Compte tenu des intérêts en jeu et de l’importance des renseignements non divulgués, l’omission de fournir, avant la prise de décision par la directrice de l’établissement le 12 mars 2003, des renseignements suffisants pour permettre à l’intimé « de se défendre raisonnablement » constituait, selon la Cour, un manquement à l’équité procédurale : voir les paragraphes 18, 31 et 32 des motifs de l’ordonnance de la Cour.

 

ANALYSE DE LA DÉCISION

 

Accès et participation aux programmes de visites contacts et de visites familiales privées

 

[12]           L’article 71 de la Loi, qu’il n’est pas nécessaire de reproduire, reconnaît à chaque détenu, dans les limites raisonnables fixées par règlement pour assurer la sécurité de quiconque ou du pénitencier, le droit d’entretenir des relations avec sa famille, notamment par des visites. Mais le paragraphe 90(1) du Règlement ne confère au détenu ni un droit absolu, ni un droit strict à des visites contacts. Tout au plus, si on veut parler d’un droit, peut-on parler d’un droit relatif et qualifié à une possibilité de recevoir, dans des limites raisonnables, des visites contacts : voir le texte du paragraphe 90(1). Vu sous l’angle de l’administration pénitentiaire, l’article 90 impose à cette dernière l’obligation corrélative d’offrir cette possibilité de visites contacts.

 

[13]           Ce droit est aussi sujet à suspension ou à interdiction des visites en vertu de l’article 91 du Règlement lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’au cours de la visite la sécurité de l’établissement ou d’une personne risque d’être compromise par le détenu ou le visiteur, ou encore que le détenu ou le visiteur risque de préparer ou de commettre un acte criminel. L’article 91 stipule :

 

91. (1) Sous réserve de l'article 93, le directeur du pénitencier ou l'agent désigné par lui peut autoriser l'interdiction ou la suspension d'une visite au détenu lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire :

 

 

 

a) d'une part, que le détenu ou le visiteur risque, au cours de la visite :

(i) soit de compromettre la sécurité du pénitencier ou de quiconque,

(ii) soit de préparer ou de commettre un acte criminel;

 

b) d'autre part, que l'imposition de restrictions à la visite ne permettrait pas d'enrayer le risque.

 

  (2) Lorsque l'interdiction ou la suspension a été autorisée en vertu du paragraphe (1) :

 

a) elle reste en vigueur tant que subsiste le risque visé à ce paragraphe;

 

 

b) le directeur du pénitencier ou l'agent doit informer promptement le détenu et le visiteur des motifs de cette mesure et leur fournir la possibilité de présenter leurs observations à ce sujet.

 

91. (1) Subject to section 93, the institutional head or a staff member designated by the institutional head may authorize the refusal or suspension of a visit to an inmate where the institutional head or staff member believes on reasonable grounds

 

(a) that, during the course of the visit, the inmate or visitor would

(i) jeopardize the security of the penitentiary or the safety of any person, or

(ii) plan or commit a criminal offence; and

 

 

(b) that restrictions on the manner in which the visit takes place would not be adequate to control the risk.

 

  (2) Where a refusal or suspension is authorized under subsection (1),

 

(a) the refusal or suspension may continue for as long as the risk referred to in that subsection continues; and

 

(b) the institutional head or staff member shall promptly inform the inmate and the visitor of the reasons for the refusal or suspension and shall give the inmate and the visitor an opportunity to make representations with respect thereto.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

Les paramètres de l’obligation d’équité procédurale sous l’article 90 du Règlement

 

[14]           Il est bien connu que la teneur et les paramètres de l’obligation d’équité procédurale varient selon la nature et l’importance des décisions en cause. La Cour suprême du Canada dans l’affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 21 énonçait le principe en ces termes :

 

L’existence de l’obligation d’équité, toutefois, ne détermine pas quelles exigences s’appliqueront dans des circonstances données. Comme je l’écrivais dans l’arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la p. 682, « la notion d’équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas ». Il faut tenir compte de toutes les circonstances pour décider de la nature de l’obligation d’équité procédurale : Knight, aux pp. 682 et 683; Cardinal, précité, à la p. 654; Assoc. des résidents du Vieux St-Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170, le juge Sopinka.

 

 

[15]           Dans le domaine du droit carcéral, les décisions prises par les autorités administratives sont diverses. Elles ne revêtent pas toutes la même importance. Elles génèrent aussi des conséquences d’une durée et d’une gravité variables. Elles affectent tantôt un privilège, tantôt un droit, tantôt des conditions de vie, tantôt la liberté résiduelle du détenu, pour ne nommer que quelques-uns des intérêts affectés par ces décisions. Plus souvent qu’autrement elles sont dictées par des impératifs de sécurité de l’établissement ou celle d’un groupe de personnes. L’on comprendra que l’obligation de divulguer des renseignements à un détenu peut, de ce fait, souffrir des limites et des exceptions. D’ailleurs le paragraphe 27(3) de la Loi le reconnaît expressément en permettant que certains renseignements ne soient pas communiqués.

 

[16]           Dans les affaires Gallant c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel Canada), [1989] 3 C.F. 329 et Cartier c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no. 1211, citées par la Cour fédérale dans la présente affaire, notre Cour exprimait en ces termes la nécessité d’opérer une différence de traitement des décisions administratives aux fins de délimiter l’obligation d’équité procédurale. Aux pages 342 et 343 dans l’affaire Gallant, reprise dans les motifs du juge Nadon dans l’affaire Cartier, dans ceux du juge Pelletier dans l’affaire Blass c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 220 et par le soussigné dans Le Procureur général du Canada c. Boucher, 2005 CAF 77, au paragraphe 29, le juge Marceau écrivait :

 

Il me semble que pour apprécier les conséquences pratiques du principe audi alteram partem il ne faut pas traiter de la même façon toutes les décisions administratives portant sur les détenus en milieu carcéral, qu’elles soient rendues par la Commission nationale des libérations conditionnelles en matière de révocation de libération conditionnelle ou par les comités de discipline à la suite d’infractions pénales pouvant entraîner différentes peines, jusqu’à la ségrégation, ou par les autorités carcérales approuvant, comme en l’espèce, le transfèrement des détenus d’un établissement à un autre pour des motifs d’ordre administratif et de sécurité. Ces décisions sont non seulement différentes en ce qui a trait aux droits, privilèges ou intérêts personnels visés, ce qui peut entraîner différentes normes en matière de garanties procédurales, mais également, et c’est encore plus important, quant à leurs objectifs et à leur raison d’être, ce qui ne peut qu’influer sur le genre de renseignements que le détenu doit connaître afin que sa participation au processus décisionnel ait une portée réelle. Dans le cas d’une décision visant à imposer une sanction ou une punition à la suite d’une infraction, les règles d’équité exigent que la personne accusée dispose de tous les détails connus de l’infraction. Il n’en est pas de même dans le cas d’une décision de transfèrement rendue pour le bon fonctionnement de l’établissement et fondée sur la croyance que le détenu ne devrait pas rester où il est, compte tenu des questions que soulève son comportement. Dans un tel cas, il n’y a pas de raison d’exiger que le détenu dispose d’autant de détails relatifs aux actes répréhensibles dont on le soupçonne. En effet, dans le premier cas, ce qu’il faut vérifier est la commission même de l’infraction et la personne visée devrait avoir la possibilité d’établir son innocence; dans le second cas, c’est uniquement le caractère raisonnable et sérieux des motifs sur lesquels la décision est fondée, et la participation de la personne visée doit être rendue pleinement significative pour cela, mais rien de plus. En l’occurrence, il ne s’agissait pas d’établir la culpabilité du détenu, mais de savoir si les renseignements reçus des six sources différentes représentaient des préoccupations assez importantes pour justifier son transfèrement.

 

 

[17]           Le procureur de l’appelant soumet que, dans le cas présent, la Cour fédérale, après avoir conclu que l’article 90 du Règlement conférait au détenu un droit, a erronément au plan légal octroyé à ce droit un statut et une importance démesurés. De là s’en est suivi une erreur de droit consistant en l’imposition par la Cour d’une obligation d’équité procédurale que ne requiert ni ne justifie l’article 90. De dire le procureur de l’appelant, la Cour fédérale a imposé une obligation de communiquer des renseignements plus grande que celle que la Loi et les tribunaux imposent en matière de transfèrement alors que le transfèrement est une procédure qui porte beaucoup plus à conséquences que la simple suspension de visites contacts. Je crois que l’appelant a raison sur ce point.

 

[18]           L’article 28 de la Loi confère à un détenu, en des termes relatifs comparables à ceux de l’article 90 du Règlement, le droit d’être incarcéré dans le milieu le moins restrictif possible. Tant l’article 28 de la Loi que l’article 90 du Règlement imposent à l’administration pénitentiaire une obligation à l’égard du détenu. Je reproduis l’article 28 :

 

28. Le Service doit s’assurer, dans la mesure du possible, que le pénitencier dans lequel est incarcéré le détenu constitue le milieu le moins restrictif possible, compte tenu des éléments suivants :

 

 

 

a) le degré de garde et de surveillance nécessaire à la sécurité du public, à celle du pénitencier, des personnes qui s’y trouvent et du détenu;

 

 

 

b) la facilité d’accès à la collectivité à laquelle il appartient, à sa famille et à un milieu culturel et linguistique compatible;

 

 

 

 

c) l’existence de programmes et services qui lui conviennent et sa volonté d’y participer.

28. Where a person is, or is to be, confined in a penitentiary, the Service shall take all reasonable steps to ensure that the penitentiary in which the person is confined is one that provides the least restrictive environment for that person, taking into account

 

(a) the degree and kind of custody and control necessary for

(i) the safety of the public,

(ii) the safety of that person and other persons in the penitentiary, and

(iii) the security of the penitentiary;

 

(b) accessibility to

(i) the person’s home community and family,

(ii) a compatible cultural environment, and

(iii) a compatible linguistic environment; and

 

(c) the availability of appropriate programs and services and the person’s willingness to participate in those programs.

 

 

[19]           Il est indubitable qu’une décision relative au placement d’un détenu à son arrivée en milieu carcéral est passablement plus lourde de conséquences pour lui et sa réhabilitation qu’une décision quant à des visites contacts. De même, une décision subséquente sur le transfèrement d’un détenu suite à une révision à la hausse de sa cote de sécurité, est, toujours au plan des conséquences, sans commune mesure avec une décision de suspendre temporairement des visites contacts.

[20]           De fait, la décision de transférer un détenu d’un établissement à sécurité moyenne à un établissement à sécurité maximale affecte ses conditions de vie à l’intérieur des murs et sa participation à des programmes correctionnels. Elle peut retarder sa libération conditionnelle. Lorsque, comme dans l’affaire Boucher, précitée, le transfert a lieu de Montréal à l’établissement à sécurité maximale de Port-Cartier, la possibilité même d’avoir des visites, encore moins des visites contacts, se trouve sérieusement compromise par la distance qui sépare les deux endroits. Dans le cas de l’intimé, il continuait tout de même à avoir des visites, mais sans contact.

 

[21]           Je crois que la Cour fédérale s’est aussi méprise en droit sur la portée de l’obligation d’équité procédurale lorsqu’elle a abordé la question de la suspension des visites contacts comme si l’intimé faisait face à des infractions disciplinaires. À double reprise, elle réfère au fait que l’intimé « n’avait aucune chance de se défendre à l’encontre des allégations » et que la divulgation faite ne pouvait « lui permettre de se défendre raisonnablement » : voir les paragraphes 31 et 32 des motifs de la décision.

 

[22]           En matière de transfèrement consécutif, par exemple, à des allégations de perpétration d’infractions disciplinaires, il ne s’agit pas d’apprécier la culpabilité du détenu. Il s’agit pour l’administration pénitentiaire de décider de l’opportunité d’opérer le transfèrement. Pour la Cour, son rôle consiste à déterminer si suffisamment d’informations ont été transmises au détenu « pour lui permettre de participer d’une manière significative au processus devant décider de l’opportunité d’opérer son transfèrement et de s’y opposer : voir Procureur général du Canada c. Boucher, supra, au paragraphe 28.

[23]           La question, et l’approche à cette question, sont les mêmes pour la décision de suspendre temporairement les visites contacts. Il ne s’agit pas de déterminer si, dans le cas présent, l’intimé s’est rendu coupable ou non de trafic d’argent, de prêt de tabac et de trafic de stupéfiants à l’intérieur de l’établissement, mais bien de voir s’il possédait suffisamment d’informations pour s’opposer au processus devant décider de l’opportunité de suspendre sa participation aux visites contacts et aux visites familiales privées. Ceci m’amène à préciser, d’une part, le moment où, pour les fins de l’équité procédurale, doit s’apprécier la suffisance de l’information nécessaire au détenu pour se prévaloir efficacement de son droit d’opposition. Il importe également d’autre part d’examiner, dans l’optique ci-auparavant mentionnée, l’information qui fut remise à l’intimé et à sa conjointe avant la prise de décision initiale. J’examinerai aussi l’information divulguée par la suite car elle apporte un éclairage sur la suffisance de celle remise avant que la décision de suspendre ne soit prise. Je procèderai en suivant un ordre chronologique jusqu’à la date du 6 juin 2003, soit celle où la décision au troisième palier de grief a été rendue, car c’est cette décision qui fait l’objet du contrôle judiciaire. Mais je considérerai aussi certaines informations remises à l’intimé après le 6 juin 2003 parce que la Cour fédérale a estimé que la remise de ces informations était tardive et constituait un manquement à l’équité procédurale.

 

Le moment où, pour les fins de l’équité procédurale, doit s’apprécier la suffisance de l’information à remettre au détenu pour qu’il puisse exercer son droit d’opposition

 

 

[24]           Le paragraphe 27(1) de la Loi énonce comme règle générale qu’un détenu, qui a droit de présenter des observations, doit recevoir tous les renseignements qui entrent en ligne de compte dans la prise d’une décision, et ce dans un délai raisonnable avant que celle-ci ne soit prise. En cas d’urgence comme, par exemple, pour mettre fin à une activité illicite en cours, ces renseignements peuvent et doivent être fournis après la prise de décision. Le paragraphe 27(2) de la Loi y pourvoit.

 

[25]           En l’espèce, toutefois, l’alinéa 91(2)b) du Règlement contient une règle spécifique : lorsqu’une suspension a été autorisée, le détenu et le visiteur doivent être informés promptement des motifs de la suspension. On doit également leur fournir la possibilité de présenter des observations.

 

[26]           Les autorités carcérales se sont conformées à cette disposition du Règlement. L’information relative à la décision de suspendre les visites contacts fut donnée à l’intimé et à sa conjointe les 21 et 26 février 2003, soit avant que le comité des visites ne prenne sa décision le 27 février 2003. Cet élément de fait n’est pas contesté. C’est donc à cette date, ou ultimement à la date où la directrice de l’établissement a confirmé la décision du comité des visites, que doit s’apprécier la suffisance de l’information remise à l’intimé. Cette confirmation par la directrice survint le 12 mars 2003. Le juge a situé dans le temps la prise de décision à cette date : voir les motifs de sa décision, paragraphes 18, 31 et 32.

 

[27]           Je ne vois pas d’erreur dans cette conclusion, surtout que le laps de temps entre la décision du comité et celle de la directrice est court et que rien de nouveau ou de significatif ne fut communiqué au cours de cet intervalle.

 

[28]           J’ai tenu à apporter une précision quant au moment où doit s’évaluer la suffisance de l’information pour les fins de l’équité procédurale, vu les griefs aux deuxième et troisième paliers de révision de la décision initiale et le fait que des informations additionnelles peuvent être fournies à ces étapes du processus. Car, il convient de le souligner, ces étapes ne sont qu’une révision du bien-fondé de la décision initiale. L’information additionnelle fournie à ces étapes ultérieures, si elle peut étayer le mérite de la décision révisée, ne peut suppléer à un manquement à l’équité procédurale entourant la prise de la décision initiale.

 

[29]           Cette précision apportée, j’aborde maintenant le nœud du litige, soit la suffisance de l’information.

 

La suffisance de l’information remise à l’intimé et à sa conjointe

 

a)         L’information communiquée avant la décision de la directrice de l’établissement

 

[30]           Le paragraphe 27(1) de la Loi permet à l’organisme chargé de rendre une décision de fournir au détenu, avant que la décision ne soit prise, un sommaire des renseignements qui entrent en ligne de compte dans celle-ci plutôt que les renseignements eux-mêmes. C’est l’option qui fut retenue dans le cas présent. La décision initiale de suspendre les visites contacts fut prise par le comité des visites de l’établissement le 27 février 2003 : voir dossier d’appel, volume 1, page 78, les paragraphes 16 et 17 de l’affidavit de Julie Bergevin.

 

[31]           Avant que la décision soit prise, soit plus précisément les 21 et 26 février 2003, l’intimé et sa conjointe ont chacun été informés des faits et des raisons qui ont, par la suite, amené la suspension des visites contacts, soit :

 

a)         que l’intimé avait fait l’objet d’une enquête de la sécurité préventive et d’écoute électronique;

 

b)         que l’écoute électronique avait été autorisée parce que les autorités carcérales croyaient raisonnablement que l’intimé avait fait entrer des stupéfiants par le truchement des visites familiales privées et s’apprêtait à le faire à nouveau;

 

c)         qu’il était soupçonné d’avoir participé à des actes illicites avec l’aide de sa conjointe, soit plus précisément d’avoir introduit des pilules, de l’argent et des stupéfiants dans l’établissement;

 

d)         qu’il était aussi soupçonné de prêts de tabac et de transactions d’argent dans l’établissement;

 

e)         que ces informations venaient de plusieurs sources;

 

f)          que la cellule de l’intimé avait fait l’objet d’une fouille;

 

g)         que des listes de collecte de clients y ont été trouvées comme l’avait indiqué une source d’information et que ces listes ont été saisies;

 

h)         que les résultats de l’enquête de la sécurité préventive ainsi que l’interception des communications confirmaient l’implication de l’intimé dans des activités illicites dans l’établissement;

 

i)          qu’un contrat de comportement a été remis à l’intimé, lequel a refusé de le signer;

 

j)          que ce contrat de comportement lui demandait de s’engager à ne plus « se retrouver relié au trafic de pilules (médicaments) et drogue, au trafic d’argent avec des codétenus » et à « ne pas posséder de dépanneur »;

 

k)         que la suspension des visites était temporaire et qu’elle serait réévaluée lorsque le risque de contrebande aura diminué ;

 

l)          que les visites contacts étaient remplacées par des visites au guichet, ce qui apparaissait aux autorités carcérales comme la mesure la moins restrictive dans les circonstances; et

 

m)        que l’intimé et sa conjointe pouvaient faire des représentations afin de contester la décision.

 

[32]           Ces informations sont disséminées un peu partout dans les deux volumes du dossier d’appel, mais il est possible de les consulter aux pages 41, 54 et 55, 77 à 79, 92, 132 et 133 et 147 du volume 1, ainsi qu’à la page 291 du volume 2.

 

[33]           L’intimé a admis s’être livré à des prêts de tabacs, mais a affirmé l’avoir fait pour aider les autres détenus. En rapport avec l’existence de trois boîtes chez sa conjointe, dont la présence à cet endroit a été révélée par l’écoute de ses conversations téléphoniques, l’intimé a admis avoir acheté dix (10) caisses de cigarettes de contrebande. Enfin, il a avoué avoir perdu près de 10 000 $ auprès de codétenus depuis les onze (11) mois qu’il s’est trouvé à La Macaza, ce qui corrobore les informations reçues des détenus quant aux prêts d’argent et explique les listes de collecte des clients : voir le dossier d’appel, volume 1, aux pages 72 à 74.

 

b)         L’information communiquée avant la décision rendue le 6 mai 2003 au deuxième palier de grief

 

 

[34]           Le 21 mars 2003, l’intimé a logé un grief à l’encontre de la décision de la directrice de l’établissement : voir l’affidavit de l’intimé au dossier d’appel, volume 1, pages 37 et 38, paragraphe 10. La décision fut rendue le 6 mai 2003 : ibidem, à la page 63.

 

[35]           Le 1 avril 2003, par lettre adressée à la procureure de l’intimé, ce dernier était invité à communiquer avec les agents de renseignements de sécurité ou son agent de libération conditionnelle s’il désirait obtenir à nouveau des explications concernant la suspension des visites contacts. Il s’agit d’une invitation dont l’intimé ne s’est pas prévalu : voir le dossier d’appel, volume 1, à la page 107.

 

[36]           Néanmoins, le 15 avril 2003, l’intimé s’est vu remettre par les autorités carcérales un rapport d’évaluation qui fournit des détails additionnels quant à « son implication dans différentes magouilles », pour reprendre l’expression utilisée dans le rapport : voir dossier d’appel, volume 2, aux pages 292 à 295.

 

[37]           Ce rapport fait référence à des rapports de renseignement protégé du 5 novembre 2002, 7 janvier 2003 et 29 janvier 2003 ainsi qu’un rapport de renseignement de sécurité du 17 mars 2003. Encore une fois, ces rapports relatent les activités illicites reprochées à l’intimé. Ils ne contiennent rien de nouveau, sauf qu’ils indiquent la cote de fiabilité des sources d’information, laquelle varie de source anonyme ou inconnue jusqu’à source de fiabilité totale, en passant par le niveau de fiabilité approfondi. Il s’agit là du seul élément nouveau que l’intimé ignorait.

 

[38]           Ces renseignements additionnels portés à la connaissance de l’intimé avant qu’il n’y ait adjudication de son grief au deuxième palier, celui-ci aurait pu, si cela lui apparaissait nécessaire et s’il estimait que les renseignements qu’il avait reçus relativement à la suspension étaient insuffisants, demander des précisions supplémentaires aux agents de renseignements de sécurité ou à son agent de libération conditionnelle comme la lettre du 1 avril 2003 l’invitait à le faire. Rien ne fut fait en ce sens.

 

c)         L’information communiquée avant la décision rendue le 6 juin 2003

 

[39]           Le grief de l’intimé au troisième palier de décision fut logé le 13 mai 2003, la décision rendue le 6 juin 2003. Les représentations de la procureure de l’intimé contenues dans des lettres du 28 février et 10 et 21 mars 2003 ont été portées à la connaissance de l’adjudicateur : voir dossier d’appel, volume 1, aux pages 43, 50 et 59. Leur teneur indique qu’avant la prise de décision initiale, l’intimé connaissait suffisamment bien les allégations qui pesaient en faveur d’une suspension des visites contacts pour s’y opposer ainsi que les circonstances qui y ont donné naissance.

 

d)         L’information communiquée après la décision rendue le 6 juin 2003

 

[40]           Le 8 août 2003, dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire T-997-03 présentée en Cour fédérale par l’intimé, l’appelant a déposé au dossier de la Cour une copie censurée du rapport sur les renseignements de sécurité daté du 17 mars 2003, ainsi qu’en marge de chacune des sources d’information leur cote de fiabilité. Ce dernier élément d’information apparaissait dans le rapport du 3 janvier 2003 remis à l’intimé le 15 avril 2003. Quoiqu’il en soit, ce rapport est postérieur à la prise de décision initiale confirmée par la directrice de l’établissement le 12 mars 2003.

 

[41]           La Cour fédérale s’est déclarée insatisfaite du fait qu’un rapport de renseignements protégés du 8 janvier 2003 (en fait, il est daté du 7 janvier mais signé seulement le 8 par le deuxième cosignataire) n’ait pas été remis à l’intimé. Au paragraphe 31 des motifs de la décision, la Cour écrit :

[31]    Le Rapport de renseignements protégés du 8 janvier 2003 contient des informations importantes en ce qui a trait au trafique [sic] allégué de stupéfiants par le demandeur notamment que ce dernier allait introduire du « pot » lors de sa prochaine visite « V.F.P. » et particulièrement la source de cette information. L’information provenait du détenu Lama, qui selon ses propres déclarations en voulait au demandeur. Il va sans dire que la fiabilité d’une telle preuve pourrait être jugée suspecte. Le défendeur ne dispute pas le fait que cette information a été reçue et considérée par la Directrice de l’institution avant de rendre sa décision et ne dispute pas non plus le fait que l’information ne fut pas divulguée au demandeur avant la prise de décision. Le demandeur était ignorant de cette preuve. Il n’a donc eu aucune chance de la tester ou de présenter une preuve contraire. J’ajoute que le sommaire des renseignements partagé oralement par le défendeur ne contient aucun détail qui permettrait au demandeur de questionner la fiabilité de cette preuve et de se défendre. À mon avis, le sommaire en l’instance était nettement insuffisant et ne respectait aucunement l’obligation du défendeur de remettre « un sommaire » de tous les renseignements entrant en ligne de compte. Le demandeur n’avait aucune chance équitable de se défendre à l’encontre de ces allégations, qui de toute allure, semblent avoir fondées, du moins en partie, la décision de la Directrice de l’établissement.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[42]           Avec respect, le défendeur était au courant qu’il était soupçonné de faire le trafic de stupéfiants et de se servir des visites familiales privées pour faire entrer la marchandise illicite dans l’établissement : voir ci-auparavant le sommaire des informations divulguées à l’intimé et les références aux dossiers d’appel. Il savait également avant la première décision de suspension du 27 février 2003 prise par le comité des visites de l’établissement que l’écoute de ses conversations téléphoniques avait révélé qu’il s’apprêtait à le faire à nouveau : voir plus spécifiquement au dossier d’appel, volume 1, à la page 41, l’avis d’interception des communications remis à l’intimé.

 

[43]           La Cour fédérale réfère à cette information obtenue du détenu Lama. Elle ajoute que le sommaire remis précédemment à l’intimé ne contenait « aucun détail qui permettrait [à l’intimé] de questionner la fiabilité de cette preuve et de se défendre ».

 

[44]           J’ai déjà évoqué le fait que nous ne sommes pas ici en présence d’une infraction disciplinaire et, conséquemment, d’une décision emportant déclaration de culpabilité au terme d’une audition où le détenu peut « se défendre » et présenter une défense pleine et entière. Dans l’affaire Gaudet c. Marchand, [1994] A.Q. No. 375, qui soulevait une question de transfèrement, le juge Rothman de la Cour d’appel du Québec postulait en ces termes, au paragraphe 29, les limites à l’équité procédurale :

In my respectful opinion, the authorities had no duty to provide appellant with copies of the statements given by informers, nor to afford appellant an opportunity to cross-examine these witnesses or the penitentiary authorities themselves. In a prison context, such a hearing would go considerably beyond procedural fairness into the realm of an unreasonable intrusion into the administration and security of the penitentiary.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[45]           La Cour fédérale insiste également sur la fiabilité suspecte de la preuve apportée par le détenu Lama. Il ne semble pas que l’on ait porté à la connaissance de la Cour que le terme « Lama », affublé d’un chiffre et accolé au mot « détenu », réfère au nom de code d’un détenu. De même les motifs de la décision ne permettent pas de croire que la Cour était au courant qu’il y avait plusieurs « Lama » dans cette affaire, chacun correspondant à une source d’information sur les activités illicites en cours. Ainsi, Lama 0389, auquel la Cour réfère, Lama 0121, Lama 0312, Lama 0238, Lama 0212 et Lama 0435 sont des détenus qui étaient impliqués dans des prêts d’argent ou de tabac ou qui avaient contracté des dettes d’argent ou de tabac : voir les rapports de renseignements ou d’observation au dossier d’appel, volume 2, aux pages 296, 317, 318, 379, 380 et 391. Pour la plupart des sources d’information ci-auparavant mentionnées, l’information reçue par les autorités carcérales a été vérifiée et validée. Si on y ajoute les admissions de l’intimé quant aux prêts de tabac et les listes de collectes de clients qui furent saisies dans sa cellule, je ne crois pas que la prise de décision de suspendre les visites contacts repose sur l’information d’un seul détenu dont la fiabilité pourrait être jugée suspecte.

 

e)         Conclusion sur la suffisance des informations remises à l’intimé

 

[46]           En somme, la décision de suspendre les visites contacts d’un détenu commande que les autorités carcérales fournissent au détenu suffisamment d’informations pour lui permettre de s’opposer au processus devant décider de l’opportunité de suspendre sa participation aux visites contacts ou familiales privées. Pour paraphraser le juge Marceau dans Gallant, précité, est ici en cause « uniquement le caractère raisonnable et sérieux des motifs sur lesquels la décision est fondée, et la participation de la personne visée doit être rendue pleinement significative pour cela, mais rien de plus ».

 

[47]           Pour les fins de l’équité procédurale, la suffisance des informations communiquées à l’intimé devait s’apprécier à la date où celui-ci fut appelé à ou pouvait faire ses représentations au comité des visites de l’établissement ou à la directrice de l’établissement, soit respectivement les 27 février et 12 mars 2003. La date ultime était celle où la décision du comité des visites fut confirmée par la directrice de l’établissement, soit le 12 mars 2003.

 

[48]           La Cour fédérale a fait référence au critère qui la liait, mis de l’avant par le juge Marceau dans l’affaire Gallant, mais je ne suis pas certain qu’elle ne s’en est pas inconsciemment écartée en stipulant que l’intimé n’avait aucune chance équitable de se défendre à l’encontre des allégations ou de se défendre raisonnablement. Eut-elle appliqué le bon critère ou encore appliqué correctement le critère auquel elle a référé dans l’affaire Gallant, sans méprise quant au statut des visites contacts, qu’elle aurait sans aucun doute conclu que celles-ci étaient suffisantes et que l’obligation d’équité procédurale avait été satisfaite en l’espèce. Elle aurait rejeté la demande de contrôle judiciaire.

 

CONCLUSION

 

[49]           Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens et j’annulerais la décision de la Cour fédérale rendue le 8 janvier 2007 dans le dossier T-997-03. Procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            Johanne Trudel j.c.a.

 

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-33-07

 

 

INTITULÉ :                                                   PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA v.

                                                                        GEORGE FLYNN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 10 octobre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT (A) SOUSCRIT :                               LE JUGE PELLETIER

                                                                        LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 6 novembre 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Dominique Guimond

POUR L’APPELANT

 

Me Diane Condo

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANT

 

Condo Law Office

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

 

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