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Date : 20071109

Dossier : A‑194‑07

Référence : 2007 CAF 361

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

RATIOPHARM INC.

appelante

et

WYETH, WYETH CANADA et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

 

 

Requête jugée sur dossier, sans comparution des parties

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2007

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                       LE JUGE NADON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LA JUGE SHARLOW

                                                                                                                                 LE JUGE RYER

 


 

Date : 20071109

Dossier : A‑194‑07

Référence : 2007 CAF 361

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

RATIOPHARM INC.

appelante

et

WYETH, WYETH CANADA et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]               La Cour, en vertu de l'alinéa 397(1)b) des Règles des Cours fédérales, est saisie par l'appelante, Ratiopharm Inc. (Ratiopharm), d'une requête en réexamen de son jugement du 1er août 2007, libellé comme suit :

L'appel est accueilli. L'ordonnance en date du 29 mars 2007 est annulée, et il est fait droit à la requête de Ratiopharm en rejet de la demande en interdiction. L'appel incident n'est accueilli qu'à l'égard de la partie de l'ordonnance susdite qui enjoint au ministre de radier le brevet 778 du registre des brevets. Wyeth et Wyeth Canada sont condamnées aux dépens de l'appel et de l'appel incident envers Ratiopharm. Aucuns dépens ne sont adjugés en faveur du ministre de la Santé ni contre lui.

 

 

[2]               Ratiopharm tend aussi à obtenir par la présente requête, en vertu de l'article 403 des Règles des Cours fédérales, une ordonnance portant des directives sur les dépens à l'intention de l'officier taxateur.

 

1.         Le réexamen

[3]               Nous avons rendu le jugement en question à l'issue d'une demande en interdiction que les intimées Wyeth et Wyeth Canada (Wyeth) avaient introduite après avoir reçu de Ratiopharm un avis d'allégation (AA) portant que le brevet canadien 2 199 778 (le brevet 778) était invalide et que ses capsules génériques de chlorhydrate de venlafaxine ne le contreferaient pas.

 

[4]               Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [le Règlement]  exigeait la signification de l'AA de Novopharm parce que Wyeth avait inscrit le brevet 778 au registre des brevets (que tient le ministre de la Santé sous le régime de ce règlement) relativement à ses capsules EFFEXOR XR, contenant le médicament chlorhydrate de venlafaxine, au titre de six suppléments à la présentation de drogue nouvelle qui avaient donné lieu à la délivrance d'avis de conformité (AC) respectivement en date des 14 mars 2003, 25 avril 2003, 13 juin 2003, 13 septembre 2004, 10 décembre 2004 et 1er septembre 2005.

 

[5]               Par sa demande en interdiction, Wyeth voulait empêcher le ministre de la Santé (le ministre) de délivrer un AC à Ratiopharm à l'égard de ses capsules génériques de chlorhydrate de venlafaxine.

 

[6]               Après que chacune des parties eut déposé sa preuve et contre-interrogé les auteurs des affidavits d'experts de la partie adverse, Ratiopharm a formé sous le régime de l'alinéa 6(5)a) du Règlement une requête en rejet de la demande en interdiction de Wyeth, au motif que le brevet 778 n'était pas admissible à l'inscription au registre des brevets pour les capsules EFFEXOR XR au titre des AC délivrés en réponse aux présentations sur le fondement desquelles il y avait été inscrit. Dans le cadre de cette requête, Ratiopharm demandait les dépens afférents au rejet de la demande en interdiction sur une base avocat-client.

 

[7]               Par jugement en date du 29 mars 2007, la Cour fédérale a accueilli partiellement la requête de Ratiopharm. Plus précisément, le juge saisi a rejeté la requête pour ce qui concerne les AC relatifs aux capsules EFFEXOR XR délivrés les 25 avril 2003 et 13 septembre 2004, et y a fait droit touchant les AC relatifs aux mêmes capsules délivrés les 14 mars 2003, 13 juin 2003, 10 décembre 2004 et 1er septembre 2005. Il n'a pas adjugé de dépens.

 

[8]               Ratiopharm a interjeté appel de ce jugement de la Cour fédérale le 10 avril 2007, mesure à laquelle Wyeth a répondu par le dépôt d'un appel incident. Au paragraphe 2 de son avis d'appel, Ratiopharm demandait une ordonnance rejetant intégralement la demande en interdiction, avec dépens devant notre Cour et devant la Cour fédérale. L'appel de Ratiopharm a été accueilli, et il a été fait droit à l'appel incident pour ce qui concerne la partie de la décision de la Cour fédérale qui ordonnait la radiation du brevet 778. Par suite, la demande en interdiction a été rejetée, et les dépens de l'appel et de l'appel incident ont été adjugés à Ratiopharm.

 

[9]               Ratiopharm fait valoir le silence de notre jugement sur sa demande des dépens afférents au rejet de la demande en interdiction. Invoquant l'alinéa 397(1)b) des Règles, elle soutient que nous devrions examiner de nouveau les termes de notre jugement au motif qu'« une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement », étant donné que ledit jugement, s'il règle sans ambiguïté la question des dépens de l'appel et de l'appel incident, reste muet sur ceux de la demande en interdiction.

 

[10]           Vu les faits, je conclus sans hésitation que c'est par inadvertance que nous avons omis de nous prononcer sur la question des dépens de la demande en interdiction. Comme je ne vois aucune raison de refuser ces dépens à Ratiopharm, je reformulerais comme suit notre jugement du 1er août 2007 :

L'appel est accueilli. L'ordonnance en date du 29 mars 2007 est annulée, et il est fait droit à la requête de Ratiopharm en rejet de la demande en interdiction. L'appel incident n'est accueilli qu'à l'égard de la partie de l'ordonnance susdite qui enjoint au ministre de radier le brevet 778 du registre des brevets. Wyeth et Wyeth Canada sont condamnées aux dépens de la demande en interdiction, de l'appel et de l'appel incident envers Ratiopharm. Aucuns dépens ne sont adjugés en faveur du ministre de la Santé ni contre lui.

 

 

2.         Les directives à l'officier taxateur

[11]           La deuxième partie de la requête de Ratiopharm tend à obtenir une ordonnance portant les directives suivantes sur les dépens à l'intention de l'officier taxateur :

[traduction]

 

a)         Ratiopharm a droit à la taxation de ses dépens au maximum de la colonne IV du tarif B des Règles [des] Cour[s] fédérales;

 

b)         Ratiopharm a droit aux honoraires d'un avocat principal et d'un avocat en second au titre de la requête en rejet de la demande en interdiction, de l'appel et de l'appel incident;

 

c)         Ratiopharm a droit aux frais de déplacement encourus par M. Kane Denike, directeur de son Service des brevets et des affaires juridiques et réglementaires, pour se présenter aux contre-interrogatoires menés dans le cadre de la demande en interdiction afin d'y répondre aux questions de nature scientifique des avocats.

 

 

[12]           Je commencerai l'analyse de cette question en me référant à l'arrêt de notre Cour Consorzio Del Prosciutto Di Parma c. Maple Leaf Meats, [2003] 2 C.F. 451, rendu sur une requête de l'intimée tendant à obtenir des frais supplémentaires en vertu de l'article 403 des Règles. Écrivant au nom de la majorité, le juge Rothstein (aujourd'hui membre de la Cour suprême du Canada) a énoncé dans l'exposé des motifs de cet arrêt les principes applicables aux requêtes en dépens supplémentaires. Les paragraphes 6 à 11 en sont rédigés comme suit :

[6]                Je suis convaincu, dans les circonstances de l'affaire, que l'intimée devrait se voir adjuger des dépens supplémentaires. Il s'agit d'une question de propriété intellectuelle concernant des clients avertis. Lorsque, comme en l'espèce, de nombreuses questions sont soulevées en appel et qu'elles comportent des faits complexes ainsi que des témoignages d'expert, la quantité de travail requis de la part des avocats des intimés justifie une augmentation des dépens. Pour ce qui est de l'argument selon lequel la complexité de l'affaire n'était pas supérieure à celle de la plupart des cas de propriété intellectuelle qui sont entendus par cette Cour, je dirai que ces affaires présentent souvent des faits complexes et qu'elles entraînent des questions difficiles.

 

[7]                Les dépens supplémentaires à être adjugés sont des dépens partie-partie. Ils ne dédommagent pas la partie qui a obtenu gain de cause de ses dépens avocat-client et ils ne visent pas à punir la partie déboutée pour son comportement non approprié.

 

[8]                Une adjudication de dépens partie-partie ne constitue pas un exercice exact. Il ne s'agit que d'une estimation du montant que la Cour juge approprié à titre de contribution aux dépens avocat-client de la partie qui a obtenu gain de cause (ou, de façon inhabituelle, à ceux de la partie déboutée). En vertu de la règle 407, lorsque les parties ne cherchent pas à obtenir des dépens supplémentaires, les dépens seront taxés conformément à la colonne III du tableau du tarif B. Même lorsque l'on demande des dépens supplémentaires, la Cour, à sa discrétion, peut conclure que les dépens adjugés selon la colonne III constituent un dédommagement suffisant quant aux dépens partie-partie.

 

[9]                Cependant, l'objectif consiste à contribuer d’une manière appropriée aux dépens avocat-client et non à observer strictement la colonne III du tableau du tarif B qui, en lui-même, est arbitraire. Le paragraphe 400(1) précise que, suivant le principe premier de l’adjudication des dépens, la Cour a « entière discrétion » quant au montant des dépens. En exerçant son pouvoir discrétionnaire, la Cour peut fixer les dépens en se fondant sur le tarif B ou en s'en éloignant. La colonne III du tarif B représente une disposition applicable par défaut. Ce n'est que lorsque la Cour ne rend pas une ordonnance précise que les dépens seront taxés conformément à la colonne III du tarif B.

 

[10]            Par conséquent, la Cour peut, à sa discrétion, ne pas tenir compte du tarif, particulièrement lorsqu'elle est d'avis qu'une adjudication des dépens conformément au tarif n’est pas satisfaisante. En outre, le montant des dépens avocat-client, bien qu'il ne détermine pas la contribution appropriée des dépens partie-partie, peut être considéré par la Cour si cette dernière le juge approprié. Le pouvoir discrétionnaire doit être exercé avec prudence. Toutefois, on doit garder à l'esprit que l'adjudication des dépens est une question de jugement en ce qui concerne les éléments appropriés, et non un exercice comptable.

 

[11]            Je crois que cette approche est conforme, dans un contexte contemporain, aux observations du juge Nadon (tel était alors son titre) dans l'arrêt Hamilton Marine and Engineering Ltd. c. CSC Group Inc. (1995), 99 F.T.R. 285 au paragraphe 22 :

 

J'ai indiqué aux avocats pendant l'audience qu'il ne faisait aucun doute que, dans la plupart des cas, les frais prévus au tarif B ne sont pas suffisants pour dédommager entièrement la partie qui a gain de cause. Je leur ai également indiqué qu'à mon avis le tarif doit nécessairement demeurer la règle et qu'une augmentation des frais prévus au tarif doit être l'exception. Je voulais dire que le pouvoir discrétionnaire conféré à la Cour d'augmenter les sommes prévues au tarif, aux termes des paragraphes 344(1) et (6) des Règles de la Cour fédérale, ne doit pas être exercé à la légère. Autrement dit, le fait que les frais juridiques de la partie qui obtient gain de cause soient de beaucoup supérieurs aux sommes auxquelles cette partie a droit en vertu du tarif n'est pas en soi un facteur justifiant la majoration des frais prévus.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

[13]           Wyeth fait remarquer, avec raison me semble‑t‑il, que Ratiopharm n'a produit aucun élément de preuve, ni en fait avancé aucun argument, à l'appui de la prétention voulant qu'elle ait droit à la taxation de ses dépens au maximum de la colonne IV du tableau du tarif B.

 

[14]           Après avoir cité un certain nombre de décisions par lesquelles la Cour fédérale a adjugé des dépens supplémentaires, Ratiopharm formule sa thèse dans les termes suivants au paragraphe 29 de ses conclusions écrites :

[traduction] Étant donné ce qui précède, ainsi que le nombre des témoins cités, la complexité de l'affaire et l'étape que la procédure avait atteinte avant le rejet de la demande en interdiction, Ratiopharm soutient avec toute la déférence requise que la Cour devrait donner à l'officier taxateur des directives relatives aux dépens de ladite demande sous le régime de l'article 403 des Règles [des] Cour[s] fédérales [...]

 

[15]           Ratiopharm invoque à l'appui de sa position le fait que Wyeth a produit les affidavits de 13 experts et qu'elle a elle-même présenté cinq affidavits d'experts. Elle rappelle également que tous les experts ont été contre-interrogés sur leurs affidavits, si bien que Wyeth a déposé le 2 mai 2007 un dossier de demande de 22 volumes en vue d'une audience qui devait commencer le 10 septembre 2007 et durer cinq jours. Cependant, les conclusions de Ratiopharm restent muettes sur la complexité de l'affaire et, en particulier, sur le point de savoir en quoi une dérogation à la règle générale se justifierait dans la présente espèce.

 

[16]           Dans les conclusions qu'elle oppose à la requête en dépens supplémentaires de Ratiopharm, Wyeth fait valoir, entre autres moyens, que Ratiopharm aurait pu et dû former plus tôt la requête qu'elle a déposée sous le régime de l'alinéa 6(5)a) du Règlement et que la longueur de la procédure résulte directement de son retard à cet égard. Il s'ensuit, conclut Wyeth, que la Cour ne devrait pas adjuger à Ratiopharm de dépens afférents à la demande en interdiction.

 

[17]           Wyeth soutient subsidiairement que, si la Cour adjuge des dépens à Ratiopharm, ceux‑ci devraient être taxés selon la colonne III du tableau du tarif B. Wyeth ajoute que, en tout état de cause, Ratiopharm n'a produit aucun élément de preuve à l'appui de la prétention selon laquelle elle aurait droit à la taxation de ses dépens au maximum de la colonne IV. Quant au caractère volumineux des actes de procédure, Wyeth fait valoir que la quantité de travail ne suffit pas à elle seule à justifier qu'on s'écarte de la colonne III.

 

[18]           L'examen attentif des conclusions des deux parties et des pièces présentées à leur appui ne me convainc pas qu'il y ait quelque raison que ce soit de s'écarter du principe formulé à l'article 407 des Règles, selon lequel les dépens sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B. Il me paraît notamment que ni l'importance ou la complexité des questions en litige ni la quantité du travail fourni ne sont telles qu'elles justifient l'adjudication de dépens supplémentaires. 

 

[19]           Vu l'ensemble des faits, je ne pense pas que l'adjudication de dépens à taxer conformément à la colonne III soit insatisfaisante.

 

[20]           En conséquence, je n'estime pas souhaitable de donner à l'officier taxateur les directives que Ratiopharm nous demande de lui adresser.

 

[21]           Vu les faits de la présente requête, je ne rendrais pas d'ordonnance sur les dépens y afférents.

 

 

« M. Nadon »

j.c.a.

 

« Je souscris aux présents motifs

            K. Sharlow, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

            C. Michael Ryer, juge »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A‑194‑07

 

INTITULÉ :                                                   RATIOPHARM INC.

                                                                        c.

                                                                        WYETH, WYETH CANADA et

                                                                        LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER, SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE NADON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE SHARLOW

                                                                        LE JUGE RYER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 9 NOVEMBRE 2007

 

 

CONCLUSIONS ÉCRITES :

 

Glen A. Bloom

Geoffrey J. North

 

POUR L'APPELANTE

 

Anthony G. Creber

Grant Lynds

Scott Robertson

POUR LES INTIMÉS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR L'APPELANTE

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉS

 

 

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