Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20071119

Dossier : A‑596‑06

Référence : 2007 CAF 367

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

ACCESSOIRES D’AUTOS NORDIQUES INC.

appelante

et

LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 31 octobre 2007

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                              LE JUGE EN CHEF RICHARD

Y ONT SOUSCRIT                                                                                              LE JUGE NADON

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER


Date : 20071119

Dossier : A‑596‑06

Référence : 2007 CAF 367

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

ACCESSOIRES D’AUTOS NORDIQUES INC.

appelante

et

LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF RICHARD

[1]               Les amateurs de hockey ne s’étonneront pas du fait que l’ancienne équipe de la Ligue nationale de hockey, les Nordiques de Québec, continue de susciter de la nostalgie au sein de la population de cette ville, comme l’indique un sondage présenté en preuve dans le litige portant sur des marques de commerce dont la Cour est saisie.

 

[2]               Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision du juge Pierre Blais de la Cour fédérale (La Société Canadian Tire Limitée c. Accessoires d’Autos Nordiques Inc., [2006] A.C.F. 1801, 2006 CF 1431) permettant à l’intimée, la Société Canadian Tire, d’interjeter un appel en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi).

 

[3]               Le jugement annulait une décision rendue par la Commission des oppositions des marques de commerce, agissant en vertu du pouvoir délégué du registraire des marques de commerce (le registraire), qui, le 12 avril 2005, avait refusé la demande de marque de commerce numéro 860710 de Canadian Tire visant l’enregistrement de la marque de commerce NORDIC & Snowflake Design.

 

[4]               L’appelante, Accessoires d’Autos Nordiques Inc. (Nordiques), interjette appel de la décision de la Cour fédérale selon laquelle la marque de commerce de l’intimée ne crée pas de « confusion » en vertu du paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce

 

[5]               Les marques de commerce en litige sont les suivantes :

a)      l’appelante Accessoires d’Autos Nordiques Inc. est titulaire de la marque de commerce déposée NORDIQUES, no d’enregistrement TMA367415, pour un emploi en liaison avec des pièces et des accessoires d’automobiles;

 

 

 

 

b)      l’intimée la Société Canadian Tire Limitée cherche à obtenir l’enregistrement de la marque de commerce NORDIC & Snowflake Design, demande no 860710, pour un emploi en liaison avec des pneus.

 

 

Faits pertinents

[6]               L’appelante, Accessoires d’Autos Nordiques Inc., est titulaire de la marque de commerce déposée NORDIQUES, no d’enregistrement TMA367415, pour un emploi en liaison avec des pièces et des accessoires d’automobiles, de la marque de commerce NORDIQUES et du dessin N et du nom commercial Accessoires d’Autos Nordiques Inc.

 

[7]               Le 6 novembre 1997, Canadian Tire a déposé une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce NORDIC, sur le fondement d’un emploi projeté en liaison avec des pneus.

 

[8]               Le 19 avril 2000, la marque NORDIC de Canadian Tire a été annoncée dans le journal des marques de commerce à des fins d’opposition. Nordiques s’est opposée à la demande en raison de son enregistrement antérieur et de son emploi antérieur des marques et du nom commercial NORDIQUES.

 

[9]               La principale question dont était saisi le registraire était celle de savoir s’il existait une probabilité de confusion entre la marque déposée NORDIQUES et la marque NORDIC, lorsque toutes deux étaient employées en liaison avec des pièces et des accessoires d’automobiles, ainsi que des pneus. Le registraire a accueilli la demande de l’appelante.

 

[10]           Le registraire a tiré les conclusions suivantes : a) Canadian Tire n’avait pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de probabilité de confusion entre les deux marques de commerce lorsqu’elles étaient employées en liaison avec des pièces et des accessoires d’automobiles; b) les deux marques de commerce évoquaient des idées communes parce que toutes deux indiquaient que les marchandises étaient destinées à être utilisées pendant l’hiver; c) phonétiquement, elles étaient identiques pour une personne unilingue francophone; d) il existait un chevauchement entre certaines marchandises visées par le certificat d’enregistrement de NORDIQUES et les marchandises énumérées dans la demande de NORDIC; e) la nature des activités commerciales des deux parties était semblable; f) la marque NORDIC n’était pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce.

 

[11]           L’élément central de la décision du registraire a été son refus d’accepter l’argument de Canadian Tire selon lequel la marque de commerce NORDIC évoquait le nom de la maintenant défunte équipe de la Ligue nationale de hockey, les Nordiques de Québec, et non la marque de commerce NORDIQUES du concessionnaire de pneus.

 

[12]           Le registraire a décidé que NORDIC, la marque de commerce de Canadian Tire, pouvait créer de la confusion avec NORDIQUES, la marque de commerce de Accessoires d’Autos Nordiques, au motif que NORDIC et NORDIQUES étaient deux mots phonétiquement identiques pour une personne unilingue francophone.

 

[13]           Canadian Tire a interjeté appel de cette décision devant la Cour fédérale et a déposé de nouveaux éléments de preuve consistant en 14 affidavits.

 

[14]           Selon le juge Blais, l’alinéa 6(5)e) de la Loi sur les marques de commerce, qui porte sur le degré de ressemblance entre des marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, est le « facteur le plus crucial » en l’espèce (La Société Canadian Tire Limitée c. Accessoires d’Autos Nordiques Inc., [2006] A.C.F. no 1801, 2006 CF 1431, paragraphes 32 à 35).

 

[15]           Dans son examen de la possibilité de confusion entre les marques de commerce selon le paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le juge Blais souscrit aux conclusions du registraire à l’égard de presque tous les critères du paragraphe 6(5), mais il ne souscrit pas aux conclusions du registraire concernant l’alinéa 6(5)e) de la Loi.

 

[16]           La décision du registraire était fondée sur la conclusion selon laquelle l’élément dominant de la marque de l’intimée était le mot NORDIC et le son entendu lorsqu’il était prononcé. Le juge Blais a toutefois conclu que lorsqu’on examine les risques de confusion entre deux marques de commerce, il faut examiner les marques de commerce comme un tout et éviter de les décomposer selon leurs éléments constitutifs dans le but d’en faire ressortir les différences.

 

[17]           Il s’est ensuite reporté aux affidavits de Messieurs Corbin, Laurendeau et Pierce dans le contexte de l’alinéa 6(5)e) de la Loi sur les marques de commerce et, s’appuyant sur ces nouveaux éléments de preuve, il a décidé que les marques de commerce étaient très différentes dans leur présentation, qu’elles évoquaient des idées différentes et qu’il n’y avait pas de confusion.

 

[18]           Le sondage et les affidavits de M. Corbin établissaient que dans la région de Québec où l’entreprise de l’appelante était située, la marque de commerce NORDIQUES évoquait avec force des images de l’équipe de hockey, les Nordiques de Québec, et non la marque de commerce de l’appelante.

 

[19]           Le juge Blais a conclu que les deux marques en question étaient non seulement dissemblables sur le plan de leur présentation, mais qu’elles évoquaient aussi des idées différentes, ce qui permettait de penser que les risques de confusion pour les consommateurs seraient limités. Il a conclu comme suit :

Lorsque j’apprécie tous ces éléments en tenant compte de la similitude qu’offre la prononciation des deux marques de commerce en français et de la similitude constatée en ce qui concerne la nature des commerces en cause, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’enregistrement de la marque de commerce projetée ne risque pas de créer de la confusion. (paragraphe 45)

 

[20]           En examinant la conclusion du registraire concernant cette question particulière selon la norme de la décision correcte, le juge Blais a statué que les conclusions du registraire étaient incorrectes.

 

Analyse

[21]           L’alinéa 12(1)d) de la Loi interdit l’enregistrement d’une marque de commerce si elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée existante. Le paragraphe 6(5) de la Loi énonce les éléments dont le registraire doit tenir compte pour décider si l’enregistrement peut créer de la confusion :

 

Loi sur les marques de commerce (L.R., 1985, ch. T‑13)

 

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

 

6.(1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

[…]

 

[Éléments d’appréciation

 

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[…]

 

Marque de commerce enregistrable

 

12.(1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) elle est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes;

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services;

c) elle est constituée du nom, dans une langue, de l’une des marchandises ou de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer;

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

 

Trade‑marks Act (R.S., 1985, c. T‑13)

 

 

When mark or name confusing

 

 

6. (1) For the purposes of this Act, a trade‑mark or trade‑name is confusing with another trade‑mark or trade‑name if the use of the first mentioned trade‑mark or trade‑name would cause confusion with the last mentioned trade‑mark or trade‑name in the manner and circumstances described in this section.

 

 

 

 

 

What to be considered

 

(5) In determining whether trade‑marks or trade‑names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade‑marks or trade‑names and the extent to which they have become known;

 

(b) the length of time the trade‑marks or trade‑names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade‑marks or trade‑names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 

When trade‑mark registrable

 

12. (1) Subject to section 13, a trade‑mark is registrable if it is not

(a) a word that is primarily merely the name or the surname of an individual who is living or has died within the preceding thirty years;

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the wares or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

 

 

 

(c) the name in any language of any of the wares or services in connection with which it is used or proposed to be used;

 

(d) confusing with a registered trade‑mark;

 

 

[22]           La norme de preuve applicable à l’égard d’une opposition à une de marque de commerce est la norme de la prépondérance des probabilités. Autrement dit, le registraire doit être raisonnablement convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, il est peu probable que l’enregistrement de la marque de commerce créera de la confusion. Dans l’arrêt Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd., [2002] 3 C.F. 405, (2002), 216 D.L.R. (4th) 451 (C.A.F.) (Christian Dior), la Cour d’appel fédérale a adopté la formulation du juge Marceau de la Cour fédérale dans le jugement Playboy Enterprises Inc. c. Germain (1978), 39 C.P.R. (2d) 32 (C.F. 1re inst.) au paragraphe 38, confirmé par (1979), 43 C.P.R. (2d) 271 (C.A.F.) :

[12]      J’estime que la formulation la plus exacte du critère est celle qu’a suggérée le juge Marceau […] dans le jugement Playboy Enterprise Inc. c. Germain […] :   

 

La question de savoir si une marque est susceptible de créer de la confusion avec une autre marque, dans l’esprit du public et au sens de la loi, est une question de fait, ou, plus précisément, une question d’opinion sur des probabilités, eu égard au contexte et aux faits particuliers de l’espèce.

(Christian Dior, paragraphe 12)

 

[23]           En examinant la possibilité de confusion, les marques de commerce en question doivent être examinées comme un tout. Ce principe est énoncé dans le jugement British Drug Houses Ltd. c. Battle Pharmaceuticals, [1944] Ex. C.R. 239, à la page 251, confirmé par [1946] R.C.S. 50 :

[traduction] À mon avis, il est bien établi que, lorsque des marques de commerce sont formées d’une combinaison d’éléments, il n’est pas approprié, pour décider si elles sont semblables, de les décomposer selon leurs éléments, de se concentrer sur les éléments qui sont différents et de conclure qu’en raison des différences dans ces éléments, les marques dans leur ensemble sont différentes. Des marques de commerce peuvent être semblables lorsqu’on les regarde comme un tout, même si des différences peuvent apparaître dans certains éléments lorsqu’ils sont examinés séparément. C’est la combinaison des éléments qui compose une marque de commerce et qui lui confère son caractère distinctif, et c’est l’effet de la marque de commerce dans son ensemble plutôt qu’un élément particulier de cette marque qu’il faut considérer. (Non souligné dans l’original)

(British Drug Houses, à la page 251).

 

[24]           Dans la décision United States Polo Assn. c. Polo Ralph Lauren Corp. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51, (2000), 215 F.T.R. 160, confirmée par [2000] A.C.F. no 1472 (C.A.) (United States Polo Assn.), la Cour d’appel fédérale a déclaré que « les marques de commerce en cause doivent être examinées comme un tout » (United States Polo Assn., au paragraphe 18, citant United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. [1998] 3 C.F. 534 (C.A.F.), au paragraphe 34) et que « les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) ne doivent pas nécessairement se voir attribuer le même poids. Chaque cas de confusion peut justifier qu’on accorde plus d’importance à l’un de ces critères » (United States Polo Assn., au paragraphe 18, citant Pink Panther, précité, au paragraphe 38.).

 

[25]           La Cour suprême du Canada a indiqué que pour l’application du critère de « toutes les circonstances de l’espèce », tous les éléments énumérés dans l’alinéa 6(5)e) doivent être pris en compte. Toutefois, la liste n’est pas exhaustive. (Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), aux paragraphes 51 et 54).

 

[26]           La norme de contrôle que doivent appliquer les cours d’appel aux conclusions de fait et aux inférences de fait est la norme de l’erreur manifeste et dominante. Au paragraphe 15 de l’arrêt Van de Perre c. Edwards, [2001] 2 R.C.S. 1014, le juge Bastarache a défini l’erreur manifeste et dominante comme une erreur qui « donne lieu à la conviction rationnelle que le juge de première instance doit avoir oublié, négligé d’examiner ou mal interprété la preuve de telle manière que sa conclusion en a été affectée ». La norme de la décision correcte s’applique aux pures questions de droit ou aux questions mixtes de fait et de droit lorsque l’erreur est liée à la qualification de la norme juridique à appliquer (Housen c. Nikolaisen (2002), 211 D.L.R., (4th) (C.S.C.), aux paragraphes 10, 25, 28, 32 et 33, Elders Grain Co. c. Ralph Misener (Le), [2005] A.C.F. no 612, 2005 CAF 139, aux paragraphes 11 et 12).

 

[27]           La question de savoir si le juge Blais a appliqué la norme de contrôle appropriée à la décision du registraire est une question de droit qui est assujettie au contrôle de la Cour selon la norme de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, [2002] A.C.S. no 31, aux paragraphes 19 à 23, 25).

 

[28]           Le juge Blais a énoncé les principes appropriés applicables à la révision en appel de la décision du registraire. Dans le cas d’un appel en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, la révision de la décision de la commission doit être effectuée selon la norme de la décision raisonnable, à moins que de nouveaux éléments de preuve ne soient présentés en appel et qu’ils aient pu influer sur cette décision.

 

[29]           Le droit est énoncé succinctement dans l’arrêt Brasseries Molson c. John Labatt Ltd., [2000] 3 C.F. 145. Il faut faire preuve de retenue à l’égard de la décision du registraire malgré l’existence d’un droit d’appel expressément prévu à l’article 56 de la Loi. Par conséquent, lorsque aucun nouvel élément de preuve n’est présenté devant la Cour fédérale, la norme de contrôle applicable aux décisions de fait, de droit ou discrétionnaires du registraire est la norme de la décision raisonnable. Cependant, lorsque de tels éléments de preuve sont produits, la norme de contrôle est différente comme l’a souligné le juge Rothstein :

Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire. (Brasseries Molson, au paragraphe 51).

 

 

[30]           Comme la Cour l’a jugé dans l’arrêt Maison Cousin (1980) Inc. c. Cousins Submarines Inc., 2006 CAF 409, [2006] A.C.F. no 1968, lorsque de nouveaux éléments de preuve sont déposés et qu’ils sont importants pour la décision finale, la Cour fédérale n’est pas limitée à trouver une erreur dans la décision faisant l’objet de la révision. La Cour peut tirer ses propres conclusions en fonction du dossier devant elle, qui comprend les éléments de preuve présentés au registraire de même que les nouveaux éléments de preuve. Dans ce contexte, la Cour est évidemment appelée à prendre la décision correcte, mais elle ne révise pas la décision du registraire selon la norme de la décision correcte.

 

[31]           En Cour fédérale, Canadian Tire a présenté de nouveaux éléments de preuve pertinents pour l’analyse effectuée en vertu de l’alinéa 6(5)e) de la Loi sous la forme de l’affidavit de M. Corbin. D’autres éléments de preuve ont été présentés sous forme des affidavits supplémentaires de Messieurs Laurendeau, Simard et Pierce.

 

[32]           Le registraire avait refusé d’accepter les conclusions de M. Laurendeau à l’égard des idées évoquées par les marques de commerce respectives, notamment l’idée que la marque de commerce NORDIQUES évoquait la maintenant défunte équipe de la Ligue nationale de hockey et non la marque de commerce d’Accessoires d’Autos Nordiques. Le registraire avait refusé d’accepter cet argument puisque [traduction] « la preuve n’appuie pas cette conclusion, y compris la preuve par sondage » (décision du registraire, Commission des oppositions des marques de commerce, datée d’avril 2005).

 

[33]           En réponse, l’intimée a commandé un sondage auprès de M. Corbin pour évaluer la mesure dans laquelle le mot NORDIQUES évoquait l’équipe de hockey les Nordiques. Ce sondage montrait le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce et les idées qu’elle évoquait. Les résultats de sondages ont indiqué ce qui suit : [traduction] « 80 % des acheteurs québécois de pièces ou d’outils d’automobiles songent au hockey comme première impression lorsqu’ils voient le mot NORDIQUES. […] En combinant les première et deuxième impressions, 96 % d’entre eux pensent au hockey ou à une référence au hockey » (sondage Corbin, à la page 490).

 

[34]           Selon le témoignage de M. Yves Simard, spécialiste des marques au Québec, un consommateur francophone comprendrait que le mot NORDIQUES désigne un groupe de personnes et, plus particulièrement, l’ancienne équipe de hockey de Québec du même nom.

 

[35]           L’affidavit de M. Pierce était pertinent pour la question de la ressemblance entre les marques de commerce sur le plan du son et le poids à accorder à ce facteur. Dans son témoignage, M. Pierce a déclaré que selon son expérience, [traduction] « les consommateurs ne commandent pas par téléphone et, dans la mesure où ils s’appuient sur une marque de commerce dans le contexte d’une décision d’achat, la représentation visuelle de la marque est l’élément important » (affidavit de M. Pierce, à la page 21). M. Pierce a également déclaré qu’aucun magasin Canadian Tire de la ville de Québec ne s’était fait demander si les pneus étaient vendus par l’entreprise de l’appelante et qu’aucun cas de confusion entre les marchandises de l’appelante ou de l’intimée n’avait été signalé.

 

[36]           Le premier affidavit de M. Laurendeau avait indiqué que le mot NORDIQUES évoquait, pour les Québécois, l’équipe de hockey. L’appelante a tenté de discréditer les conclusions de M. Laurendeau. L’autre affidavit de M. Laurendeau indique que l’équipe de hockey des Nordiques était devenue un stéréotype ethnoculturel et que [traduction] « tout observateur de la réalité ethnoculturelle et ethnolinguistique du Québec corroborerait l’observation faite […] à propos du lien étroit entre le mot “Nordiques” et l’ancienne équipe de hockey de la ville de Québec » (affidavit de M. Laurendeau, à la page 28).

 

[37]           Ce nouvel élément de preuve a jeté un nouvel éclairage sur l’analyse de l’élément de l’alinéa 6(5)e) de la Loi, qui porte sur le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux 1) dans la présentation, 2) le son ou 3) dans les idées qu’ils suggèrent.

 

[38]           Les nouveaux éléments de preuve appuyaient l’argument que Canadian Tire avait avancé devant le registraire selon lequel le mot NORDIQUES, lorsqu’il était prononcé, évoquait l’équipe de hockey des NORDIQUES plutôt que la marque de commerce NORDIQUES de l’appelante.

 

[39]           En examinant les nouveaux éléments de preuve dans les affidavits, le juge a conclu que l’élément du son des marques de commerce en question ne constituait pas l’unique facteur déterminant, et que l’idée évoquée par les marques de commerce de même que leur présentation étaient également des éléments dont il fallait tenir compte (La Société Canadian Tire Limitée c. Accessoires d’Autos Nordiques Inc., [2006] A.C.F. no 1801, 2006 CF 1431, aux paragraphes 32 à 40).

 

[40]           Même si le juge a souscrit à la majorité des conclusions tirées par le registraire concernant les éléments sur la confusion du paragraphe 6(5) de la Loi, les nouveaux éléments de preuve ont amené le juge à conclure que l’application de l’alinéa 6(5)e) par le registraire était incorrecte.

 

[41]           Par conséquent, le juge Blais a appliqué de bon droit la norme de la décision correcte à la révision de la décision du registraire en vertu du paragraphe 6(5) de la Loi.

 

[42]           Même si les sondages ont déjà été exclus d’une analyse fondée sur le paragraphe 6(5) de la Loi, « [l]a pratique observée plus récemment consiste à admettre la preuve par sondage d’opinion présentée par un expert compétent, dans la mesure où ses conclusions sont pertinentes quant aux questions en litige et où le sondage a été bien conçu et effectué avec impartialité » (arrêt Mattel, précité, au paragraphe 43).

 

[43]           L’appelante n’a pas contesté l’admissibilité de la preuve d’experts devant la Cour fédérale. Par conséquent, [traduction] « [l’]appel interjeté à l’encontre d’une erreur sur le plan de la preuve peut échouer si la partie appelante ne s’est pas opposée en temps opportun à l’admission de l’élément de preuve ou à une directive erronée au jury [et qu’il] est évident qu’une partie qui identifie une erreur sur le plan de la preuve devrait s’y opposer non seulement pour la bonne application des règles de preuve, mais pour obtenir un véritable droit d’appel » (Paciocco, D.M. & Stuesser, L., The Law of Evidence (4d) 2005, pages 21 et 22).

 

[44]           Le registraire avait fondé sa décision sur le fait que la marque de commerce de l’appelante était phonétiquement semblable à la marque de commerce de l’intimée et n’avait tenu compte d’aucun autre aspect de la marque de commerce (p. ex.  le dessin) dans son analyse. En recevant des éléments de preuve supplémentaires, le juge Blais a effectué une analyse appropriée de la question. Il a tenu compte de la marque de commerce dans son ensemble et de tous les critères du paragraphe 6(5). Ce faisant, il n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle.

 

[45]           Par conséquent, l’appel est rejeté avec dépens.

 

[46]            

« J. Richard »

Juge en chef

 

« Je souscris aux présents motifs

M. Nadon, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

J.D. Denis Pelletier, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A‑596‑06

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉ DU 27 NOVEMBRE 2006, DOSSIER NO T‑1003‑05

 

INTITULÉ :                                                   ACCESSOIRES D’AUTO NORDIQUES INC. c. LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 31 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE EN CHEF RICHARD

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NADON

                                                                        LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 19 NOVEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bayo Odutola
Céline Deschambeault

POUR L’APPELANTE

 

 

John S. McKeown

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Odutola Professional Corporation

POUR L’APPELANTE

 

Cassels Brock & Blackwell LLP

POUR L’INTIMÉE

 

 


Date : 20071119

Dossier : A‑596‑06

 

Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2007

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

ACCESSOIRES D’AUTOS NORDIQUES INC.

appelante

et

LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE

intimée

 

 

JUGEMENT

            L’appel est rejeté avec dépens.

 

 

« J. Richard »

Le juge en chef

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.

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