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Date : 20071119

Dossier : A-440-07

Référence : 2007 CAF 368

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LA JUGE SHARLOW         

                        LE JUGE RYER       

 

ENTRE :

ABBOTT LABORATORIES et

ABBOTT LABORATORIES LIMITÉE

appelantes

et

APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2007.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                           LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20071119

Dossier : A-440-07

Référence : 2007 CAF 368

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LA JUGE SHARLOW         

                        LE JUGE RYER       

 

ENTRE :

ABBOTT LABORATORIES et

ABBOTT LABORATORIES LIMITÉE

appelantes

et

APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE SHARLOW

[1]               L’intimée Apotex Inc. demande une ordonnance rejetant le présent appel en raison de son caractère théorique. Les appelantes (collectivement appelées Abbott) s’opposent à la requête et sollicitent la tenue d’une audience. La requête est présentée dans des circonstances habituelles eu égard au contexte dans lequel se déroulent les appels d’instances introduites aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement). Je ne suis pas convaincue que la tenue d’une audience se révélerait opportune en l’espèce. J’instruirai la présente requête en application de l’article 369 des Règles des Cours fédérales.

[2]               Les faits pertinents sont les suivants. Abbott, un fabricant de nouveaux médicaments, met en marché un médicament appelé Biaxin. Apotex, un fabricant de médicaments génériques, dépose une présentation abrégée de drogue nouvelle dans laquelle elle demande un avis de conformité à l’endroit de la version générique du Biaxin. Pour obtenir l’avis de conformité, Apotex est tenue de contester une liste de brevets, ce qu’elle fait en signifiant à Abbott un avis d’allégation soulevant des questions d’invalidité et d’absence de contrefaçon. Abbott demande, en vertu du Règlement, une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Apotex avant l’expiration des brevets en litige. Le juge O’Reilly rejette la demande d’Abbott le 17 juillet 2007 (2007 CF 753). Le rejet de la demande contraint le ministre à délivrer à Apotex un avis de conformité visant sa version générique du Biaxin une fois réunies toutes les conditions de sécurité et d’efficacité (Apotex Inc. c. Canada (Procureur général) (C.A.), [1994] 1 C.F. 742). Ces conditions sont apparemment réunies vu que le ministre a délivré l’avis de conformité le 27 juillet 2007. Le 1er octobre 2007, Abbott dépose un avis d’appel à l’encontre de la décision du juge O’Reilly.

[3]               La seule réparation qu’aurait pu obtenir Abbott en présentant sa demande à la Cour fédérale était une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Apotex un avis de conformité concernant sa version générique du Biaxin. Puisque la demande d’interdiction a été rejetée et que le ministre a délivré l’avis de conformité faisant l’objet de la procédure, l’appel formé par Abbott est théorique. Cette règle a été énoncée dans une jurisprudence abondante, dont l’arrêt très récent Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2007 CAF 359, au paragraphe 24. Il y a donc lieu d’accueillir la requête en rejet de l’appel à moins que la Cour n’exerce son pouvoir discrétionnaire d’instruire le présent appel malgré son caractère théorique : Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 542.

[4]               Dans la plupart des cas, la Cour n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire d’instruire l’appel théorique interjeté à l’encontre d’une demande d’interdiction présentée en application du Règlement. L’économie judiciaire est le principe qui prévaut habituellement en la matière. Peu importe son issue, une demande d’interdiction ne met pas fin à un litige entre les parties à propos de la validité ou de la contrefaçon du ou des brevets en litige. Dans la pratique, le rejet d’une demande d’interdiction a le même effet que le rejet d’une demande d’injonction interlocutoire, en ce sens que le demandeur conserve le droit d’intenter une poursuite pour contrefaçon.

[5]               Selon la jurisprudence, la Cour n’a exercé qu’une seule fois son pouvoir discrétionnaire d’instruire l’appel théorique interjeté à l’égard du refus d’une demande d’interdiction : Abbott Laboratories c. Apotex Inc., 2007 CAF 153 (ci-après Abbott Laboratories). Un grand nombre de questions étaient soulevées dans cet appel, y compris celle de savoir si le principe établi dans Hoffmann-La Roche & Co. Ltd. c. Commissioner of Patents, [1955] R.C.S. 414, reflétait toujours l’état du droit. On a débattu de la même question devant la Cour fédérale dans le cadre d’un certain nombre d’autres demandes d’interdiction mettant en cause des circonstances étonnamment semblables à celles de l’espèce. L’appel avait été jugé uniquement sur ce point, puis rejeté. 

[6]               En l’espèce, Abbott fait valoir essentiellement que la décision susceptible d’être frappée d’appel pourrait avoir des conséquences indirectes pour Abbott qui justifieraient la poursuite de l’appel. La conséquence indirecte découlerait d’une autre demande d’interdiction présentée par Abbott à l’endroit d’un fabricant de médicaments génériques, Sandoz, qui a sollicité, en application de l’alinéa 6(5)b) du Règlement, le rejet de ladite demande pour abus de procédure en se fondant sur la décision rendue par le juge O’Reilly dans Abbott Laboratories. Abbott soutient qu’elle subirait un préjudice indu dans cette affaire si la Cour rejette le présent appel parce qu’il se peut que sa demande présentée dans Abbott Laboratories soit rejetée même si on pourrait prétendre que la décision du juge O’Reilly n’est pas fondée en droit. À l’appui de cet argument, Abbott cite l’arrêt Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2007 CAF 163 (autorisation de pourvoi refusée le 25 octobre 2007, Cour suprême du Canada, no du greffe 32105). Apotex fait valoir que, comme elle n’a aucun intérêt dans l’instance concernant Sandoz, il serait injuste envers elle d’attribuer un poids quelconque à l’issue éventuelle de cette affaire au moment de trancher la question de savoir s’il y a lieu de juger le présent appel théorique. Je suis d’accord avec Apotex sur ce point.

[7]               Il y a cependant une autre raison pour laquelle la Cour ne devrait pas retenir l’argument d’Abbott. L’argument repose apparemment sur la prémisse que l’arrêt Sanofi-Aventis renverse l’équilibre établi entre les droits dans le Règlement. Abbott laisse entendre que, puisque Sanofi‑Aventis donne aux fabricants de médicaments génériques un avantage au dépens des fabricants de nouveaux médicaments à l’égard d’une requête présentée suivant l’alinéa 6(5)b) du Règlement en vue de faire rejeter une demande d’interdiction pour abus de procédure, les fabricants de nouveaux médicaments devraient bénéficier d’un avantage correspondant, qui consisterait en l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire d’instruire les appels théoriques de jugements portant rejet d’une demande d’interdiction.

[8]               Je ne me prononcerai pas sur le bien-fondé de la requête en rejet d’appel présentée par Sandoz. Je reconnais toutefois que la jurisprudence de la Cour fédérale et celle de la Cour, dont Sanofi-Aventis constitue la plus récente décision, ont peut-être fait en sorte que la réparation prévue à l’alinéa 6(5)b) du Règlement paraît plus musclée que ce à quoi les fabricants de nouveaux médicaments se seraient attendus. Même si c’était le cas, la possibilité qu’une requête soit présentée avec succès en vertu de l’alinéa 6(5)b) dans une autre instance ne devrait, en temps normal, n’avoir aucune incidence sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour de juger l’appel théorique d’un jugement rejetant une demande d’interdiction. Je suis d’accord sur ce point avec l’arrêt de la Cour Eli Lilly Canada Inc. (précité) (voir en particulier le paragraphe 42 des motifs du juge Sexton qui s’est exprimé au nom de la majorité de la Cour).

[9]               Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerais avec dépens la requête d’Apotex en rejet du présent appel et je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Karen Sharlow »

Juge

 

 

 

« Je souscris aux présents motifs.

J. Richard, juge en chef »

 

« Je souscris aux présents motifs.

C. Michael Ryer, juge »

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


 

 

 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-440-07

 

INTITULÉ :                                                                           ABBOTT LABORATORIES et ABBOTT LABORATORIES LTÉE c.

                                                                                                APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 19 NOVEMBRE 2007

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

William H. Richardson

Steven Tanner

POUR LES APPELANTES

 

 

Andrew Brodkin

John Simpson

POUR L’INTIMÉE APOTEX INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES APPELANTES

 

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE APOTEX INC.

 

 

POUR L’INTIMÉ LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

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