Date : 20071127
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
L’ASSOCIATION CANADIENNE DU MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2007.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2007.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE SEXTON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE NOËL
LA JUGE TRUDEL
Dossier : A-97-07
Référence : 2007 CAF 375
CORAM : LE JUGE NOËL
LE JUGE SEXTON
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA SANTÉ et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelants
et
L’ASSOCIATION CANADIENNE DU MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il est interjeté appel de l’ordonnance du juge Harrington (le juge de première instance), qui a rejeté la requête des appelants en radiation de l’avis de demande de l’Association canadienne du médicament générique (l’intimée), sans préjudice du droit des appelants d’adopter la même position lorsque la demande de contrôle judiciaire sera instruite au fond.
[2] L’intimée veut qu’il soit statué sur la légalité d’une modification récemment apportée à l’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, par le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (nouveau Règlement sur la protection des données) (le nouveau Règlement sur la protection des données). Le présent appel a été instruit en même temps que l’appel formé contre la décision du juge Shore dans Apotex c. Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CF 232. S’agissant de la décision Apotex, la Cour a accueilli l’appel et jugé que la question de la qualité pour agir d’Apotex devrait pouvoir être examinée en même temps qu’il serait statué sur l’affaire au fond. Pour les motifs qui suivent, je rejetterais le présent appel.
[3] L’intimée est une association industrielle qui représente la plupart des fabricants canadiens de médicaments génériques. Ses médicaments sont approuvés par comparaison avec un médicament qui est déjà sur le marché, sous réserve des droits de brevet qui sont conférés par le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).
[4] La décision d’accorder ou de rejeter une requête en radiation est une décision discrétionnaire. Quand la juridiction de première instance a rendu une décision discrétionnaire, la juridiction d’appel refusera en général de la modifier. Cependant, la juridiction d’appel sera fondée à user de son propre pouvoir discrétionnaire si elle estime que la juridiction de première instance n’a pas accordé un poids suffisant à des facteurs pertinents ou s’est fondée sur un mauvais principe de droit : Elders Grain Co. c. Ralph Misener (Le), 2005 CAF 139, paragraphe 13. La Cour peut aussi infirmer la décision discrétionnaire d’une juridiction inférieure si elle est d’avis « que le juge a très mal apprécié les faits ou encore qu’une injustice évidente sera autrement causée » : arrêt Mayne Pharma (Canada) Inc. c. Aventis Pharma Inc., 2005 CAF 50, 38 C.P.R. (4th) 1, paragraphe 9.
[5] Le juge de première instance ne s’est pas fondé sur un mauvais principe de droit pour dire que la demande ne devrait pas être radiée, car il n’était pas évident et apparent que l’Association canadienne du médicament générique n’avait pas qualité pour agir dans l’intérêt public. Le critère de la qualité pour agir dans l’intérêt public, exposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236, au paragraphe 37, comporte trois éléments :
· il y a une question sérieuse à trancher;
· la partie a démontré un intérêt réel et constant dans l’affaire;
· il n’y a pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour.
Aucun argument sérieux n’a été avancé au regard des premier et deuxième volets de ce critère. Le juge de première instance a abordé comme il convient le troisième volet de ce critère, et il m’est impossible de déceler une erreur dominante et manifeste dans sa conclusion selon laquelle il n’était pas évident et apparent qu’il existait une autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour. La conclusion à laquelle j’arrive n’est en aucune façon amoindrie par l’issue de l’appel instruit en même temps que celui-ci, Apotex c. Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CAF 374, dans lequel la Cour a jugé qu’il n’était pas évident et apparent qu’Apotex n’avait pas qualité pour contester le nouveau Règlement sur la protection des données. Puisqu’il n’y a pas eu décision définitive sur la question de savoir si Apotex a qualité pour contester la légalité du nouveau Règlement sur la protection des données, on ne saurait dire pour l’heure qu’il est évident et apparent qu’il y a une autre manière de soumettre la question à la Cour.
[6] Vu ma conclusion sur la qualité pour agir dans l’intérêt public, il ne m’est pas nécessaire de m’exprimer sur la conclusion du juge de première instance selon laquelle il n’était pas évident et apparent que l’intimée n’était pas « directement touchée » au sens de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.
[7] Le juge de première instance n’a pas non plus commis d’erreur en rejetant la requête des appelants « sans préjudice » du droit des appelants de soulever à nouveau la question lorsque la demande de contrôle judiciaire sera jugée au fond. Bien que le juge de première instance n’en fasse pas état, on peut lire, dans un arrêt de la Cour suprême du Canada, Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607, 33 D.L.R. (4th) 321, au paragraphe 16, que le point de savoir s’il convient de rendre à titre préliminaire une décision définitive sur la question de la qualité pour agir, ou s’il faut suspendre cette décision jusqu’à l’examen de l’affaire au fond, relève du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance. En disant que la question de la qualité pour agir ne devrait pas être tranchée maintenant, le juge de première instance écrivait, au paragraphe 25 de sa décision, qu’« une demande de contrôle judiciaire est censée être décidée de façon sommaire. La Cour décourage les requêtes interlocutoires dans le cadre des demandes de contrôle judiciaire ». Il m’est impossible de déceler une erreur manifeste et dominante dans la décision discrétionnaire du juge de première instance de suspendre jusqu’à l’examen de l’affaire au fond la question de la qualité pour agir.
[8] Je suis également d’avis que le juge de première instance n’a pas commis d’erreur en autorisant à intervenir les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada. Je fais observer que le ministre de la Santé ne s’est pas opposé à cette intervention et que l’intimée ne l’a pas invoquée comme moyen justifiant son appel incident.
[9] Pour les motifs susmentionnés, je rejetterais l’appel, avec dépens.
« Je souscris aux présents motifs
Marc Noël, j.c.a. »
« Je souscris aux présents motifs
Johanne Trudel, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-97-07
APPEL INTERJETÉ D’UN JUGEMENT OU D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE EN DATE DU 9 FÉVRIER 2007, N° DU GREFFE T-1976-06
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA SANTÉ et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
c.
L’ASSOCIATION CANADIENNE DU
MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE
LIEU DE L’AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 14 NOVEMBRE 2007
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE SEXTON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE NOËL
DATE DES MOTIFS : LE 27 NOVEMBRE 2007
COMPARUTIONS :
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POUR LES APPELANTS
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POUR L’INTIMÉE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John H. Sims, c.r. Ottawa (Ontario)
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POUR LES APPELANTS
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Toronto (Ontario) |
POUR L’INTIMÉE
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